CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Suite à l’examen par le Conseil de sécurité des Nations Unies, le 18 janvier 2018, de la question du maintien de la paix et de la sécurité internationales, son Président a fait en son nom une déclaration dans laquelle il affirme que « le Conseil de sécurité a conscience que le développement, la paix et la sécurité et les droits de l’homme sont interdépendants et se renforcent mutuellement » [1]. Un mois plus tard, rappelant que l’année 2018 marque le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU), M. António Guterres, souligne, d’une part, que « ce texte établit que le respect des droits de l’homme est la meilleure stratégie de prévention » et, d’autre part, que « toutes les situations de crise qu’examine actuellement le Conseil de sécurité s’accompagnent invariablement de violations des droits humains et d’atteintes à ces droits » [2]. La DUDH a été adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (AGONU) le 10 décembre 1948 par le biais de sa Résolution 217 A (III). Cette résolution intitulée « Charte internationale des droits de l’homme » a été adoptée par quarante-huit États, sans aucun vote contre mais avec huit abstentions [3]. Avec ce vote et selon les termes du préambule de la résolution, « l’Assemblée générale proclame la présente Déclaration universelle des droits de l’homme comme l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations ».

2Soixante-dix ans après l’adoption de la DUDH, l’interminable drame vécu par la population syrienne souligne l’actualité des problématiques relatives à l’action – au-delà des déclarations – du Conseil de sécurité des Nations Unies en cas de violation des droits de l’homme. C’est ainsi que le 28 février 2018, lors de l’ouverture de la 37e session du Conseil des droits de l’homme, le Secrétaire général de l’ONU peut signaler que comme il a eu « l’occasion de le dire au Conseil de sécurité il y a quelques jours, la Ghouta orientale en particulier ne peut pas attendre. Il est grand temps d’arrêter cet enfer sur Terre » [4]. Cette exhortation fait écho à la formule de Dag Hammarskjöld, ancien secrétaire général de l’ONU qui, paraphrasant le diplomate américain Henry Cabot Lodge Jr., affirmait avec un pragmatisme qui faisait la part belle à une certaine résignation : « On a dit que l’Organisation des Nations Unies n’a pas été créée pour nous emmener au paradis, mais pour nous sauver de l’enfer » [5]. A côté du maintien de la paix et de la sécurité internationales, inscrit au paragraphe 1 de l’article 1er de la Charte des Nations Unies relatifs aux buts de l’organisation, figure au paragraphe 3 celui de

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« réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion » [6].

4Les différents buts de l’organisation entretiennent des liens étroits entre eux. C’est ainsi notamment que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales est l’une des conditions de la « paix durable » [7]. Or, les membres de l’ONU ont conféré « au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales » [8].

5Si pendant la guerre froide le Conseil de sécurité des Nations Unies a évité de se positionner sur les questions relatives aux droits de l’homme, il a abandonné cette attitude dans les années 1990. Il a alors interprété

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« plus largement le concept de « menace contre la paix » en considérant dans un nombre croissant d’occurrences que les violations graves et systématiques des droits de l’homme pouvaient constituer de telles menaces et dès lors justifier la mise en œuvre du régime du Chapitre VI ou encore l’adoption de mesures dans le cadre du Chapitre VII de la Charte » [9].

7Cette nouvelle stratégie a ainsi été appliquée à la situation des droits de l’homme en Irak, Haïti, Rwanda ou République démocratique du Congo et il semblerait même que « dans la pratique du Conseil à partir des années 2000, la composante « droits de l’homme/droit humanitaire » tend à s’institutionnaliser » [10]. Cependant, la composition du Conseil de sécurité couplée au veto dont disposent les cinq membres permanents [11] – à savoir la Chine, les États-Unis d’Amérique, la Fédération de Russie, la France et le Royaume-Uni – expliquent sa paralysie, y compris, voire notamment, lorsqu’il est question d’adopter une résolution en cas de violation des droits de l’homme. L’affaire syrienne le démontre à l’envi.

8En amont de la question de la méconnaissance des droits de l’homme comme « mobile » d’intervention du Conseil de sécurité des Nations Unies, se pose la question des moyens d’alerte de ce dernier en cas de violation de ces droits. La question revêt aussi une importance cruciale dans la perspective de l’examen de l’action de la France dans le monde. En effet, la France fait de la promotion de la démocratie et du respect des droits de l’homme une priorité de son action extérieure et, selon les propos de son représentant permanent auprès des Nations Unies

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« la France est donc à l’initiative au Conseil de sécurité pour agir par deux voies complémentaires notamment : l’une dédiée à l’information et à l’alerte sur la situation des droits de l’homme, l’autre à l’action, et en particulier à l’action préventive » [12].

10Il faut alors tenter de définir l’alerte dont il est question mais la notion apparaît rapidement comme étant fuyante en ce qu’elle recouvre des réalités variées. La notion d’alerte a été portée sur le devant de la scène médiatique et juridique nationale et internationale ces dernières années en lien avec l’activité de ceux qu’il est convenu d’appeler les lanceurs d’alerte. Si la question des lanceurs d’alerte ne concerne pas directement le sujet sous examen, il est cependant nécessaire de rappeler que l’organisation onusienne a elle aussi été confrontée à ce phénomène. En effet, des personnels des Nations Unies « ont été amenés à endosser le rôle de lanceurs d’alerte face aux pratiques dont ils étaient témoins au sein de cette organisation » [13] et ont dénoncé des cas de corruption mais aussi de viols ou de participation à un réseau de prostitution. En 2017, la politique des Nations Unies concernant les lanceurs d’alerte a d’ailleurs été mise à jour afin de renforcer la protection de ces derniers. Pour revenir au terme alerte, il peut être compris dans le sens de donner l’alerte, c’est-à-dire de l’alerte définie alors comme un « avertissement d’être sur ses gardes » [14]. L’alerte implique une réaction. C’est ainsi que le rapport Carlsson de 1999 sur les actions de l’Organisation des Nations Unies lors du génocide au Rwanda appelait à « améliorer la capacité d’alerte précoce de l’ONU, et notamment sa capacité d’analyser l’information et d’y réagir » [15]. L’alerte du Conseil de sécurité en cas de violation des droits de l’homme s’inscrira alors dans une démarche cherchant à éviter les violations des droits de l’homme, soit leur commission initiale, soit leur poursuite et réitération. Il sera alors attendu du Conseil de sécurité notamment qu’il prévienne les violations des droits de l’homme [16]. Si l’on tente de poursuivre cette tentative de systématisation de l’alerte, il semble possible de considérer que cette « alerte-prévention » coexiste avec une « alerte-information » qui cherche à documenter les violations des droits de l’homme même s’il est particulièrement délicat en pratique de distinguer les deux démarches. Par ailleurs, la réponse du Conseil de sécurité à la suite du signalement de violations des droits de l’homme pourrait elle-même être éventuellement qualifiée d’« alerte-réaction » et prendre la forme notamment d’une condamnation de la situation et d’une demande de suivi de la situation, c’est-à-dire de la mise en œuvre ou de la poursuite d’un mécanisme d’alerte sur le sujet à travers les différents outils à la disposition du Conseil de sécurité. En effet, sur la base de l’article 29 de la Charte des Nations Unies, le Conseil « peut créer des « groupes d’experts », des « groupes d’étude et instance de surveillance », des comités des sanctions, des missions sur le terrain et des opérations de maintien de la paix, des commissions d’indemnisation et des juridictions pénales » [17]. C’est ainsi que dans sa résolution 1975 du 30 mars 2011 sur la situation en Côte d’Ivoire, le Conseil de sécurité a condamné « les graves exactions et autres violations du droit international, notamment le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme et le droit international des réfugiés, perpétrées en Côte d’Ivoire » et considéré que la situation dans cet État continue de menacer la paix et la sécurité internationales [18]. Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité décide alors d’adopter des sanctions ciblées à l’encontre des personnes « qui font obstacle à la paix et à la réconciliation en Côte d’Ivoire et aux activités de l’ONUCI [Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire] et des autres acteurs internationaux en Côte d’Ivoire et qui commettent de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire » tout en engageant

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« toutes les parties à coopérer pleinement avec la commission d’enquête internationale indépendante chargée par le Conseil des droits de l’homme le 25 mars 2011 d’enquêter sur les faits et circonstances entourant les allégations de graves violations des droits de l’homme perpétrées en Côte d’Ivoire à la suite de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010, et prie le Secrétaire général de lui communiquer ce rapport, ainsi qu’à d’autres organismes internationaux compétents » [19].

12Puisque l’alerte est polymorphe, nombreux sont les mécanismes qui pourraient être inclus dans les « moyens d’alerte du Conseil de sécurité des Nations Unies en cas de violation des droits de l’homme ». Ainsi il faut classer parmi ces moyens d’alerte du Conseil de sécurité, la saisine de ce dernier. A côté des États membres – qui peuvent attirer l’attention du Conseil sur un différend ou une situation – et des États non membres qui peuvent attirer l’attention du Conseil sur tout différend auquel ils sont parties (sous réserve des conditions fixées à l’article 35 de la Charte des Nations Unies), l’Assemblée générale peut attirer l’attention du Conseil sur « les situations qui semblent devoir mettre en danger la paix et la sécurité internationales » (article 11, paragraphe 3, de la Charte) et le Secrétaire général de l’ONU « peut attirer l’attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales » (article 99 de la Charte). Ainsi, le Secrétaire général, soulignant en 2018 qu’ « il reste à l’ONU beaucoup à faire pour relier ses propres capacités d’alerte rapide et d’évaluation aux mécanismes d’intervention rapide », précise qu’il continuera « de porter à l’attention de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme les situations qui [lui] semblent comporter un risque imminent d’atrocités criminelles » [20]. Le Secrétaire général est d’ailleurs informé des situations à risque notamment par son Conseiller spécial pour la prévention du génocide et son Conseiller spécial pour la responsabilité de protéger. Cette situation est conforme au mandat du Conseiller spécial pour la prévention du génocide tel que défini en 2004 par le Secrétaire général des Nations Unies qui lui a fixé pour mandat de

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« faire office de mécanisme d’alerte rapide pour le Secrétaire général, et par son intermédiaire, pour le Conseil de sécurité, en portant à leur attention toute situation présentant un risque de génocide [et de] formuler des recommandations au Conseil de sécurité, par l’intermédiaire du Secrétaire général, sur les mesures visant à prévenir ou à faire cesser tout génocide » [21].

14Cependant, les échanges entre le Conseiller spécial et le Conseil de sécurité sont restés modestes [22]. Le Secrétaire général des Nations Unies peut aussi servir de rouage de transmission de l’information et de l’alerte entre d’une part, le Conseil de sécurité des Nations Unies et, d’autre part, le Conseil économique et social [23] ainsi que les rapporteurs spéciaux et groupes de travail établis par la Commission puis par le Conseil des droits de l’homme [24].

15Dans le cadre limité de cette contribution, l’analyse sera recentrée sur la façon dont les mécanismes d’alerte en cas de violation des droits de l’homme – leur existence, leur éventuelle spécificité, leur utilisation et leur efficacité – illustrent le rôle du Conseil de sécurité en cas de violation des droits de l’homme. La question centrale demeure en effet celle de la capacité du Conseil de sécurité de bloquer l’efficacité de ces moyens d’alerte ou de les encourager et de leur donner effet. Par conséquent, la diversité des moyens d’alerte du Conseil de sécurité des Nations Unies en cas de violation des droits de l’homme (I), ne doit pas éluder la question de l’effectivité et l’efficacité de ces moyens d’alerte (II).

I – La diversité des moyens d’alerte du Conseil de sécurité en cas de violation des droits de l’homme

16Au sein des moyens d’alerte du Conseil de sécurité en cas de violation des droits de l’homme, il faut accorder une place particulière aux rapports des commissions d’enquête et missions d’établissement des faits sur le droit international des droits de l’homme (A) ainsi qu’aux interventions devant le Conseil de sécurité des Nations Unies (B).

A – Les rapports des commissions d’enquête et missions d’établissement des faits sur le droit international des droits de l’homme

17Les commissions d’enquête et les missions d’établissement des faits sur le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire

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« collectent et vérifient les informations, créent une chronique des événements historiques et servent de base à des enquêtes plus approfondies. Elles recommandent également des mesures visant à remédier aux violations, rendent justice aux victimes et leur accordent une réparation et veillent à ce que les auteurs soient tenus responsables » [25].

19Ces commissions peuvent être créées par différents organes onusiens, à savoir le Conseil de sécurité, le Secrétaire général, l’Assemblée générale, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme et le Conseil des droits de l’homme tout comme le faisait la Commission des droits de l’homme.

20C’est ainsi que sur la base de l’interprétation de son mandat établi par l’Assemblée générale de l’ONU, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme souligne qu’il « a la responsabilité spécifique de soumettre des rapports sur des violations graves présumées des droits de l’homme de sa propre initiative ou à la demande des organes compétents » [26]. Le principal intéressé explique d’ailleurs que « c’est un élément irremplaçable, à la fois pour fournir des informations appropriées et actualisées aux organes des Nations Unies et demander aux organes compétents de prendre des mesures correctives adéquates et urgentes lorsque les circonstances l’exigent » [27]. C’est ainsi que le 7 mai 2004 le rapport présenté d’urgence sur la situation des droits de l’homme dans la région du Darfour au Soudan par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme faisait état de violations graves des droits de l’homme [28]. Ce rapport a été déterminant auprès du Conseil de sécurité. En effet, moins de quinze jours plus tard, faisant expressément référence à ce rapport et aux recommandations qu’il contient, le Conseil de sécurité se déclare – selon son président – « profondément préoccupé par les informations selon lesquelles des violations massives des droits de l’homme et du droit international humanitaire continuent d’être perpétrées au Darfour », condamne fermement ces actes et « demande instamment à toutes les parties de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme aux violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire » [29]. En septembre 2004, constatant l’absence d’évolution de la situation, le Conseil de sécurité, affirmant que la situation au Soudan constitue une menace à la paix et à la sécurité internationales et à la stabilité de la région et agissant alors en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, prie le Secrétaire général de créer rapidement « une commission internationale d’enquête pour enquêter immédiatement sur les informations faisant état de violations du droit international humanitaire et des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme par toutes les parties dans le Darfour » [30]. Après avoir mené son travail d’investigation, la commission a notamment recommandé au Conseil de sécurité de déférer la situation au Darfour à la cour pénale internationale (CPI) [31]. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a alors instauré la Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS) et déféré à la CPI la situation au Darfour [32], même si en juin 2018, s’exprimant dix-sept ans plus tard devant le Conseil de sécurité, la Procureure de la CPI, Fatou Bensouda, n’a pu que déplorer que les victimes de crimes commis au Darfour attendent toujours que leurs auteurs comparaissent en justice [33]. En 2006, c’est le Conseil des droits de l’homme qui a chargé la Mission de haut niveau sur la situation des droits de l’homme au Darfour d’évaluer la situation. Ce rapport s’est ajouté aux nombreuses préoccupations exprimées et constatations réalisées par des rapporteurs spéciaux et experts de la Commission des droits de l’homme puis du Conseil des droits de l’homme ainsi que par le Comité des droits de l’homme de l’ONU ou le Comité des droits de l’enfant [34]. En juillet 2018, lors de la prolongation du mandat de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD), le Conseil de sécurité a alors précisé que parmi les priorités stratégiques redéfinies de la MINUAD figure « la protection des civils, la surveillance des droits de l’homme et le signalement de toute atteinte à ces droits, notamment du fait de violence sexuelle et sexiste et de violations graves commises sur la personne d’enfants » [35]. Le Conseil de sécurité prie le Secrétaire général de lui faire rapport tous les quatre-vingt-dix jours à compter de l’adoption de la résolution, en lui communiquant des informations notamment sur « les violations des droits de l’homme et les atteintes à ces droits, commises notamment contre des femmes et des enfants, et les violations du droit international humanitaire, de manière plus étoffée, détaillée et complète » [36].

B – Les interventions devant le Conseil de sécurité des Nations Unies

21Le Conseil de sécurité des Nations Unies peut être informé de violations des droits de l’homme par le biais de différentes interventions. Ces dernières peuvent en effet le sensibiliser à des situations de violations des droits de l’homme et lui demander de prendre les mesures adéquates. Parmi ces interventions il faut notamment faire une place particulière à celles du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.

22Le poste de Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a été créé par l’Assemblée générale de l’ONU qui donnait ainsi effet à l’une des recommandations inscrites dans le texte de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne adopté par consensus par les représentants de 171 États le 25 mai 1993 en clôture de la 2e Conférence mondiale sur les droits de l’homme [37]. Selon les termes de la Résolution 48/141 de l’Assemblée générale créant le poste, ce Haut-Commissaire aux droits de l’homme doit notamment

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« contribuer activement à écarter les obstacles et à régler les problèmes qui entravent actuellement la réalisation intégrale de tous les droits de l’homme ainsi qu’à empêcher que les violations des droits de l’homme ne persistent, où que ce soit dans le monde » [38].

24Pour remplir cette fonction, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme peut éventuellement intervenir devant le Conseil de sécurité des Nations Unies. C’est ainsi qu’en 1999, Mme. Mary Robinson, alors Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, est intervenue, suite à l’invitation du Secrétaire général de l’ONU, devant le Conseil de sécurité à l’occasion d’un débat portant sur la protection des civils touchés par les conflits armés. Elle a saisi cette occasion pour évoquer la question des droits de l’homme de façon générale mais aussi pour signaler des situations particulières de violation des droits de l’homme. En effet, lors de son intervention,

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« notant que les conflits éclatent le plus souvent dans des zones où les droits de l’homme sont bafoués, elle a évoqué plus particulièrement la situation au Timor oriental, qui, selon elle, justifie la mise en place d’une Commission internationale d’enquête pour faire la lumière sur les événements survenus dans cette région » [39].

26Par la suite, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme a eu l’occasion d’intervenir à plusieurs occasions, à tel point que le Secrétaire général de l’ONU a pu relever en 2005 que

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« le fait que le Conseil de sécurité des Nations Unies invite de plus en plus souvent le Haut-Commissaire à le tenir informé de l’évolution de certaines situations montre que l’on a désormais davantage conscience de la nécessité de tenir compte des droits de l’homme dans les résolutions relatives à la paix et à la sécurité » [40].

28En parallèle, la « formule Arria » a permis la mise en place de réunions informelles auxquelles peuvent être conviés des États non membres du Conseil de sécurité ainsi que des représentants d’organisations non gouvernementales (ONG) [41]. La « formule Arria » tire son nom de celui de l’ancien Représentant permanent du Venezuela auprès de l’ONU, Diego Arria, alors président du Conseil de sécurité, qui a été à l’origine de cette pratique en 1992 lors de la crise de l’ex-Yougoslavie [42]. La souplesse de cette solution est soulignée par le Manuel de travail de l’ONU en ces termes :

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« les réunions en formule Arria sont des rencontres confidentielles et très informelles qui permettent aux membres du Conseil d’avoir, à huis clos et selon une procédure offrant toute la souplesse voulue, de francs échanges de vues avec des personnes dont le ou les membres du Conseil qui les ont invitées et qui sont chargés d’organiser et d’animer la réunion considèrent que le Conseil aurait intérêt à les entendre ou à qui ils souhaitent faire passer un message » [43].

30Cette souplesse est un élément fondamental même si des lignes directrices ont pu être proposées pour encadrer la tenue de ces réunions [44]. Le succès de la « formule Arria » ne s’est pas démenti depuis 1992. En effet, c’est une montée en puissance du recours à cette formule qu’il faut constater, tant de façon générale qu’en lien avec la question particulière des situations de violation des droits de l’homme [45]. C’est ainsi notamment qu’en ce qui concerne la Syrie ce sont une quinzaine de « réunions Arria » qui se sont tenues depuis 2012, certaines étant exclusivement consacrées aux violations des droits de l’homme. Il faut ainsi citer plusieurs réunions auxquelles ont participé des membres de la Commission d’enquête sur la Syrie établie par le Conseil des droits de l’homme, la réunion du 14 avril 2014 initiée par la France sur la question des conditions de détention en Syrie à partir du « rapport César » à laquelle deux auteurs du rapport ont alors été invités à participer ainsi que la réunion du 19 mars 2018 au cours de laquelle a pu s’exprimer le Haut-Commissaire aux droits de l’homme [46]. La « formule Arria » peut d’ailleurs être présentée comme le principal moyen de contact entre le Conseil de sécurité des Nations Unies et les mécanismes instaurés par la Commission des droits de l’homme puis par le Conseil des droits de l’homme [47].

31S’il existe divers moyens d’alerte du Conseil de sécurité en cas de violation des droits de l’homme, la question de leur effectivité et efficacité doit être posée.

II – L’effectivité et l’efficacité des moyens d’alerte tributaires du résultat de la procédure de vote au sein du Conseil de sécurité

32En vertu de l’article 27, paragraphe 1, de la Charte des Nations Unies, « chaque membre du Conseil de sécurité dispose d’une voix ». Or, la procédure de vote au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies peut constituer un obstacle à la mise en œuvre des moyens d’alerte du Conseil en cas de violation des droits de l’homme et ceci qu’il s’agisse du vote sur une question de procédure ou du vote sur une autre question. Ainsi l’intervention du Haut-Commissaire aux droits de l’homme devant le Conseil de sécurité des Nations Unies peut être soumise au vote de procédure (A) et les moyens d’alerte du Conseil de sécurité en cas de violation des droits de l’homme peuvent se heurter à l’obstacle que représente le droit de veto (B).

A – L’intervention du Haut-Commissaire aux droits de l’homme devant le Conseil de sécurité soumise au vote de procédure

33Comme le souligne le Secrétaire général de l’ONU,

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« dans le système des Nations Unies, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme joue un rôle indispensable pour ce qui est d’alerter sur des situations où de graves violations des droits de l’homme sont commises et de déceler des indicateurs avant-coureurs tels que les violations récurrentes liées à une discrimination systématique envers des personnes ou des groupes » [48].

35Dans l’exercice de sa mission les développements précédents pourraient à tort laisser penser que le Haut-Commissaire aux droits de l’homme est en phase de devenir l’interlocuteur privilégié du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette conclusion serait trop hâtive car il ne dispose pas d’un droit d’intervention devant le Conseil de sécurité. Or, la perspective d’un exposé du Haut-Commissaire peut cristalliser les oppositions des États, d’une part, sur le rôle du Conseil de sécurité en matière de droits de l’homme et, d’autre part, sur la pertinence de l’évocation de la situation des droits de l’homme dans un État donné. L’examen par le Conseil de sécurité de la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC) depuis 2014 et l’intervention du Haut-Commissaire aux droits de l’homme à cette occasion illustrent ces difficultés. En effet,

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« le rapport de la commission d’enquête relatant les violations des droits de l’homme extrêmement graves en Corée du Nord et proposant que le Conseil de sécurité défère la situation de ce pays à la Cour pénale internationale (CPI) a d’abord été discuté avec certains membres de la commission en réunion Arria, en avril 2014, soit deux mois après sa parution » [49].

37L’Assemblée générale de l’ONU a ensuite encouragé le Conseil de sécurité « à examiner les conclusions et recommandations pertinentes de la commission et à prendre les mesures voulues pour établir les responsabilités » [50]. Le Conseil des droits de l’homme a formulé la même demande, reprise ensuite par neuf États qui ont demandé la tenue d’une réunion du Conseil de sécurité sur la situation des droits de l’homme en RPDC à laquelle participerait

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« un haut responsable du Secrétariat ainsi qu’un haut responsable du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme […] afin que les membres du Conseil soient mieux informés par le Secrétariat de cette situation et de ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales » [51].

39Un vote de procédure a été nécessaire pour inscrire la question à l’ordre du jour du Conseil de sécurité le 22 décembre 2014 [52]. Aucune résolution n’a été adoptée à l’issue de cette séance néanmoins historique. Les réunions annuelles ultérieures du Conseil de sécurité sur la question et interventions du Haut-Commissaire aux droits de l’homme ont elles aussi été tributaires d’un vote de procédure. C’est ainsi qu’en 2017, le Conseil de sécurité a tenu une séance publique, sur la situation des droits de l’homme en Corée du Nord au cours de laquelle le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et le Sous-Secrétaire général aux affaires politiques ont dressé, « un tableau alarmant de la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC), marquée notamment par des enlèvements, des actes de torture généralisés et des emprisonnements dans des camps de travail forcé » [53]. Cette réunion n’a pu se tenir qu’à l’issue d’un vote de procédure favorable. En vertu de l’article 27, paragraphe 2, de la Charte des Nations Unies « les décisions du Conseil de sécurité sur des questions de procédure sont prises par un vote affirmatif de neuf membres » sur les quinze que compte le Conseil. Le vote de 2017 a recueilli 10 voix pour, 3 contre (Chine, Fédération de Russie et Bolivie) et 2 abstentions (Égypte et Éthiopie). Parmi les dix États ayant voté pour la tenue de cette réunion se trouvent le Kazakhstan qui a rejoint les neuf États qui étaient à l’origine de la lettre adressée au Président du Conseil de sécurité demandant que le Haut-Commissaire aux droits de l’homme soit officiellement entendu par le Conseil sur la situation des droits de l’homme en Corée du Nord [54]. Les neuf États concernés étant la France, les États-Unis, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni, le Sénégal, la Suède, l’Ukraine et l’Uruguay.

40Le résultat d’un vote de procédure peut être un obstacle à l’intervention du Haut-Commissaire aux droits de l’homme devant le Conseil de sécurité des Nations Unies. C’est suite à un tel vote de procédure que M. Zeid Ra’ad Zeid Al Hussein n’a pas pu intervenir le 18 mars 2018 devant le Conseil de sécurité. Il s’agissait pour le Haut-Commissaire aux droits de l’homme de réaliser un exposé à l’occasion d’une séance publique sur la situation en Syrie. Les représentants de la Chine et de la Russie ont protesté à la tenue d’une telle séance en affirmant notamment que « les droits de l’homme ne relèvent pas du mandat du Conseil de sécurité […] C’est pour ça qu’il y a le Conseil des droits de l’homme » [55]. À la demande du représentant de la Russie, l’ordre du jour provisoire a été mis au vote. Cet ordre du jour n’a obtenu que huit voix en sa faveur à savoir les voix de la France, des États-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni, du Koweït, du Pérou, de la Suède, des Pays-Bas et la Pologne puisque « outre la Fédération de Russie, la Chine, la Bolivie et le Kazakhstan ont voté contre, alors que la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie et la Guinée équatoriale se sont abstenues » [56]. Le compte rendu de cette séance souligne que « c’est la première fois depuis le 27 février 1962 que l’ordre du jour d’une séance du Conseil ne peut être adopté, suite à un vote » [57]. Si le Haut-Commissaire aux droits de l’homme n’a pas pu prendre la parole devant le Conseil de sécurité sur le sujet syrien en séance publique, il a cependant pu intervenir sur le sujet dans le cadre de la « formule Arria » le 19 mars 2018. Ainsi le recours à la « formule Arria » apparaît comme un pis-aller dévalorisant le rôle du Haut-Commissaire aux droits de l’homme. Voici par conséquent l’un des défis qui attend la nouvelle Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme. Michelle Bachelet, qui a pris ses fonctions le 1er septembre 2018.

B – L’obstacle du droit de veto

41La réaction du Conseil de sécurité en cas de violation des droits de l’homme peut expressément faire référence à l’alerte qui a été réalisée. C’est ainsi que dans sa résolution 955 (1994), le Conseil de sécurité précise qu’ayant examiné les rapports que le Secrétaire général lui a présentés et ayant pris acte des rapports du Rapporteur spécial pour le Rwanda de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies et agissant en vertu du Chapitre VII, il crée le Tribunal pénal international pour le Rwanda [58]. Cependant, selon l’article 27 § 3, de la Charte des Nations Unies, les décisions du Conseil de sécurité sur les questions autres que les questions de procédure « sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents ». Cette disposition instaure ainsi le droit de veto des cinq membres permanents. Ainsi l’action du Conseil de sécurité, en général, et en lien avec les cas de violation des droits de l’homme, en particulier, dépend de l’usage de ce droit de veto.

42Afin de limiter l’éventuelle paralysie du Conseil de sécurité, la pratique a admis que si un membre permanent s’abstient, cette abstention n’empêche pas l’adoption de la résolution. C’est ainsi que le Conseil de sécurité a pu adopter en 2011 la résolution 1973 sur la Libye dans laquelle, rappelant « la responsabilité qui incombe aux autorités libyennes de protéger la population libyenne », il condamne « la violation flagrante et systématique des droits de l’homme, y compris les détentions arbitraires, disparitions forcées, tortures et exécutions sommaires » [59]. Agissant alors en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil « exige des autorités libyennes qu’elles respectent les obligations qui leur incombent en vertu du droit international, y compris le droit international humanitaire, du droit des droits de l’homme et du droit des réfugiés » et « décide d’interdire tous vols dans l’espace aérien de la Jamahiriya arabe libyenne afin d’aider à protéger les civils » [60]. Cette résolution a pu être adoptée malgré l’abstention de deux membres du Conseil de sécurité par dix voix pour et cinq abstentions (Allemagne, Brésil, Chine, Fédération de Russie et Inde).

43Cependant, cette atténuation admise par la pratique n’est pas suffisante. Par conséquent, de nombreuses propositions ont été formulées pour supprimer ou encadrer le droit de veto [61]. Parmi les dernières initiatives en la matière, celle de la France intéresse la question de l’alerte en cas de violation des droits de l’homme. En effet, alors que la communauté internationale assistait impuissante au drame syrien depuis 2011, la France a pris une initiative en 2013 en faveur de l’encadrement du recours au veto par les membres permanents du Conseil de sécurité. En effet, le 24 septembre 2013, lors de la 68e Assemblée générale de l’ONU, le président de la République française, François Hollande, soulignant l’urgence de l’intervention en Syrie et l’inaction de l’ONU du fait de la paralysie du Conseil de sécurité propose « qu’un code de bonne conduite puisse être défini entre les membres permanents du Conseil de sécurité et qu’en cas de crime de masse, ils puissent décider de renoncer collectivement à leur droit de veto » [62]. La France insiste sur le fait que « le veto n’est pas un privilège, ni même un droit. Il correspond au compromis trouvé pour que les membres permanents entrent dans le jeu de la sécurité collective. Cette prérogative implique des devoirs et une responsabilité particulière » [63]. Dans la proposition française, c’est le Secrétaire général des Nations Unies qui identifierait la situation d’atrocité de masse conduisant à l’abstention de l’usage du droit de veto et qui déciderait de saisir le Conseil de sécurité, soit de sa propre initiative, soit sur proposition du Haut-commissaire aux droits de l’Homme ou de cinquante États membres. Dans cette proposition, l’absence de recours au veto s’appliquerait en cas de génocide, de crime contre l’humanité ou de crime de guerre à grande échelle [64]. C’est donc une approche plus limitée que le contenu de la responsabilité de protéger telle qu’elle ressort du document final du Sommet mondial des Nations Unies de 2005 qui fait référence au génocide, aux crimes de guerre, au nettoyage ethnique et aux crimes contre l’humanité [65]. Cependant, même si pour montrer l’exemple, le Président français a annoncé en 2015 lors de la 70e Assemblée générale de l’ONU que la France renonçait désormais à utiliser le veto en cas d’atrocités de masse et souhaitait que cette volonté soit communicative [66], l’initiative française a rencontré un succès limité notamment parce qu’aucun des quatre autres membres permanents du Conseil de sécurité ne l’a suivie.

Conclusion

44Plusieurs modalités d’alerte du Conseil de sécurité des Nations Unies en cas de violation des droits de l’homme existent mais elles demeurent fragiles car soumises aux contingences politiques et institutionnelles. Or, pour que, selon les termes de l’ancien Secrétaire général de l’ONU, Boutros Boutros-Ghali, « les droits de l’homme constituent le langage commun de l’humanité » [67], encore faut-il que le Conseil de sécurité des Nations Unies soit prêt à entendre et à écouter les alertes qui lui sont transmises en cas de violation des droits de l’homme.

Notes

  • [1]
    Conseil de sécurité, Déclaration du Président du Conseil de sécurité, Maintien de la paix et de la sécurité internationales, 18 janvier 2018, S/PRST/2018/1.
  • [2]
    Conseil des droits de l’homme, « Le Conseil des droits de l’homme ouvre les travaux de sa trente-septième session », Document d’information du 26 février 2018 (https://www.ohchr.org consulté le 1/9/2018).
  • [3]
    Concernant les travaux préparatoires de la DUDH et la cristallisation des oppositions politiques sur ce projet : R. CASSIN, « La déclaration universelle et la mise en œuvre des droits de l’homme », RCADI, 1951/1, tome 79, pp. 237-367 ; W. A. SCHABAS (éd.), The Universal Declaration of Human Rights, The Travaux Préparatoires, Cambridge, Cambridge University Press, 2013, 3 volumes, 3376 pages.
  • [4]
    ONU Info, « Ghouta orientale : le chef de l’ONU appelle à arrêter cet enfer sur Terre », 26 février 2018, (https://news.un.org/fr/story/2018/02/1006772 ; consulté le 1/9/2018).
  • [5]
    D. HAMMARSKJOLD, “Address at University of California Convocation, Berkeley, California, may 13, 1954”, Public Papers of the Secretaries-General of the United Nations, vol. II : Dag Hammarskjöld 1953-1956, A. W. CORDIER et W. FOOTE (dir.), Columbia University Press, New York/Londres, 1972, p. 301.
  • [6]
    Article 1, paragraphe 3, de la Charte des Nations Unies.
  • [7]
    O. de FROUVILLE, « Article 1 paragraphe 3 », in La Charte des Nations Unies, commentaire article par article, J.-P. COT, A. PELLET, M. FORTEAU, (dir.), Economica-Bruylant, Paris-Bruxelles, 2005, 3e éd., p. 357.
  • [8]
    Article 24, paragraphe 1, de la Charte des Nations Unies.
  • [9]
    L. HENNEBEL et H. TIGROUDJA, Traité de droit international des droits de l’homme, 2016, Pedone, Paris, pp. 251-252.
  • [10]
    Ibid.
  • [11]
    Article 27, paragraphe 3, de la Charte des Nations Unies.
  • [12]
    Représentation permanente de la France auprès des Nations Unies à New York, Intervention de F. DELATTRE, représentant permanent de la France auprès des Nations unies à l’occasion de l’événement co-organisé par la France « les droits de l’Homme au Conseil de sécurité : un rôle en évolution », 28 janvier 2016 (https://onu.delegfrance.org/Les-violations-massives-des-droits-de-l-Homme-indicateur-d-une-destabilisation ; consulté le 1/9/2018).
  • [13]
    M. BEULAY, « Lanceurs d’alerte : la nécessité de l’établissement d’un statut en droit international ? », La Revue des droits de l’homme, 10/2016 (http://journals.openedition.org/revdh/2489 ; consulté le 1/9/2018).
  • [14]
    Selon la définition de l’Académie française.
  • [15]
    Lettre datée du 15 décembre 1999, adressée au Secrétaire général par les membres de la Commission indépendante d’enquête sur les actions de l’Organisation des Nations Unies lors du génocide de 1994 au Rwanda, S/1999/1257, 16 décembre 1999.
  • [16]
    S. SZUREK, « Prévention des violations des droits de l’homme et maintien de la paix », in La prévention des violations des droits de l’homme, E. DECAUX et S. TOUZÉ (dir.), Pedone, Paris, 2015, p. 14.
  • [17]
    E. DECAUX, « Article 29 », in La Charte des Nations Unies, commentaire article par article, op. cit., p. 991.
  • [18]
    Conseil de sécurité de l’ONU, S/RES/1975 (2011), La situation en Côte d’Ivoire, 30 mars 2011.
  • [19]
    Ibid.
  • [20]
    Rapport du Secrétaire général, Responsabilité de protéger : de l’alerte rapide à l’intervention rapide, A/72/884–S/2018/525, 1er juin 2018, § 17.
  • [21]
    Rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre du Plan d’action en cinq points et les activités du Conseiller spécial pour la prévention du génocide, 9 mars 2006, E/CN.4/2006/84, § 8.
  • [22]
    SECURITY COUNCIL REPORT, Human Rights and the Security Council - An Evolving Role, 2016, p. 15 (https://www.securitycouncilreport.org ; consulté le 1/9/2018).
  • [23]
    En vertu de l’article 65 de la Charte des Nations Unies, « le Conseil économique et social peut fournir des informations au Conseil de sécurité et l’assister si celui-ci le demande ».
  • [24]
    E. DOMINGUEZ-REDONDO, “Making the Connection : Security and Human Rights”, in New Challenges for the UN Human Rights Machinery, What Future for the UN Treaty Body System and the Human Rights Council Procedures ?, M. C. BASSIOUNI et W. A. SCHABAS (éd.), Intersentia, Cambridge-Antwerp-Portland, 2011, pp. 278-281.
  • [25]
    Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Les commissions d’enquête et missions d’établissement des faits sur le droit international des droits de l’homme et le droit humanitaire international, Orientations et pratique, New York et Genève, 2015, p. V.
  • [26]
    Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, A/59/36, 2004, §§ 2 et 3.
  • [27]
    Ibid.
  • [28]
    Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Situation des droits de l’homme dans la région du Darfour, au Soudan, E/CN.4/2005/3, 7 mai 2004.
  • [29]
    Déclaration du Président du Conseil de sécurité, S/PRST/2004/18, 25 mai 2004.
  • [30]
    Conseil de sécurité, Résolution 1564 (2004), 18 septembre 2004.
  • [31]
    Rapport de la Commission internationale d’enquête sur le Darfour au Secrétaire général, 31 janvier 2005, S/2005/60.
  • [32]
    Respectivement par le biais de sa résolution 1590 (2005), en date du 24 mars 2005 et de sa résolution 1593 (2005) adoptée le 31 mars 2005.
  • [33]
    ONU Info, « Darfour : la Procureure de la CPI dénonce le refus du gouvernement du Soudan de coopérer » (https://news.un.org/fr/story/2018/06/1017052 consulté le 1/9/2018).
  • [34]
    Rapport de la Mission de haut niveau sur la situation des droits de l’homme au Darfour présenté en application de la résolution S-4/101 du Conseil des droits de l’homme, A/HRC/4/80, 9 mars 2007, § 63.
  • [35]
    Conseil de sécurité, Résolution 2429 (2018), 13 juillet 2018, § 11.
  • [36]
    Conseil de sécurité, Résolution 2429 (2018), précitée, § 56.
  • [37]
    Ce texte adopté par consensus par les représentants de 171 États le 25 mai 1993 a ensuite été approuvé par l’Assemblée générale : AGONU, Résolution 48/121, Conférence mondiale sur les droits de l’homme, 20 décembre 1993.
  • [38]
    AGONU, Résolution 48/141, Haut-Commissaire chargé de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme, 7 janvier 1994, § 4 alinéa f).
  • [39]
    Nations Unies, Couverture des réunions et communiqués de presse, « Au Conseil de sécurité, large soutien en faveur des recommandations du Secrétaire général sur la protection des civils victimes des conflits », CS/1093, 16 septembre 1999 (https://www.un.org/press/fr/1999/19990916.cs1093.doc.html ; consulté le 1/9/2018).
  • [40]
    K. ANNAN, Dans une liberté plus grande : développement, sécurité et respect des droits de l’homme pour tous, Rapport du Secrétaire général, 24 mars 2005, A/59/2005, p. 44.
  • [41]
    M. BACCARINI, “Informal Reform of the United Nations Security Council”, Contexto internacional, vol. 40 n°1, 2018, p. 109.
  • [42]
    Il s’agissait de permettre alors aux membres du Conseil de sécurité d’entendre le témoignage d’un prêtre bosniaque. « Note d’information sur les réunions des membres du Conseil de sécurité en « formule Arria » », Manuel des méthodes de travail du Conseil de sécurité de l’ONU, Document de travail officieux du 25 octobre 2002 établi par le Secrétariat de l’ONU (http://www.un.org/fr/sc/about/methods/bgarriaformula.shtml ; consulté le 1/9/2018).
  • [43]
    Ibid.
  • [44]
    Procès-verbal de la 5601e séance du Conseil de sécurité, 20 décembre 2006, [S/PV.5601], p. 14.
  • [45]
    Pour une compilation du recours à la « formule Arria », consulter : L. SIEVERS et S. DAWS, The Procedure of the UN Security Council, Oxford University Press, Oxford, 4e éd., 2014, pp. 82-87 et SECURITY COUNCIL REPORT, Arria-Formula Meetings, 1992-2018 (https://www.securitycouncilreport.org ; consulté le 1/9/2018).
  • [46]
    Ibid.
  • [47]
    C. BREEN, « Revitalising the United Nations Human Rights Special Procedures Mechanisms as a Means of Achieving and Maintaining International Peace and Security », Max Planck Yearbook of United Nations Law, vol. 12, 2008, p. 200.
  • [48]
    Rapport du Secrétaire général, Responsabilité de protéger : de l’alerte rapide à l’intervention rapide, A/72/884–S/2018/525, 1er juin 2018, § 15.
  • [49]
    J.-M. de LA SABLIÈRE, Le Conseil de sécurité des Nations Unies : Ambitions et limites, Larcier, Paris, 2015, p. 67.
  • [50]
    AGONU, Résolution 69/188, Situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée, 18 décembre 2014, § 8.
  • [51]
    Lettre datée du 5 décembre 2014, adressée au Président du Conseil de sécurité par les représentants de l’Australie, du Chili, des États-Unis d’Amérique, de la France, de la Jordanie, de la Lituanie, du Luxembourg, de la République de Corée, du Royaume-Uni et du Rwanda auprès de l’Organisation des Nations Unies, S/2014/872.
  • [52]
    Conseil de sécurité, La situation en République populaire démocratique de Corée, S/PV.7353, 22 décembre 2014.
  • [53]
    Nations Unies, Couverture des réunions et communiqués de presse, « RPDC : deux responsables de l’ONU dénoncent, devant un Conseil de sécurité divisé, les violations des droits commises dans ce pays », CS/13115, 11 décembre 2017 (https://www.un.org/press/fr/2017/cs13115.doc.htm ; consulté le 1/9/2018).
  • [54]
    Lettre datée adressée au Président du Conseil de sécurité par les représentants des États-Unis d’Amérique, de la France, de l’Italie, du Japon, du Royaume-Uni, du Sénégal, de la Suède, de l’Ukraine et de l’Uruguay, S/2017/1006.
  • [55]
    Nations Unies, Couverture des réunions et communiqués de presse, « Conseil de sécurité : la Russie fait avorter par un vote de procédure la tenue d’une séance publique sur la situation des droits de l’homme en Syrie », CS/13255, 19 mars 2018 (https://www.un.org/press/fr/2018/cs13255.doc.htm ; consulté le 1/9/2018).
  • [56]
    Ibid.
  • [57]
    Ibid. Cuba demandait alors la tenue d’une réunion qui avait été mise aux voix suite à l’opposition du Royaume-Uni.
  • [58]
    Conseil de sécurité, Résolution 955 (1994), Situation concernant le Rwanda (création d’un tribunal international), 8 novembre 1994.
  • [59]
    Conseil de sécurité, S/RES/1973 (2011), La situation en Jamahiriya arabe libyenne, 17 mars 2011.
  • [60]
    Ibid.
  • [61]
    P. TAVERNIER, « Article 27 », in La Charte des Nations Unies, commentaire article par article, op. cit., p. 948.
  • [62]
    Déclaration de F. HOLLANDE, Président de la République française, sur les défis et priorités de la communauté internationale notamment de l’ONU, à New York le 24 septembre 2013.
  • [63]
    Évolution du droit de veto au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, Réponse du Ministère des affaires étrangères et du développement international publiée dans le JO Sénat du 16/10/2014, p. 2339.
  • [64]
    Déclaration politique sur la suspension du veto en cas d’atrocités de masse, Présentée par la France et le Mexique, Ouverte à la signature des membres des Nations Unies, 70e Assemblée générale des Nations Unies.
  • [65]
    Document final du Sommet mondial de 2005, Résolution 60/1 adoptée par l’Assemblée générale le 16 septembre 2005, § 138.
  • [66]
    L. BALMOND, « Assemblée générale, 70e session : question du veto au Conseil de sécurité, septembre 2015 », RGDIP, 2015, n°4, pp. 810-811.
  • [67]
    B. BOUTROS-GHALI, « Démocratie et droits de l’homme », Le Monde diplomatique, octobre 1993, p. 32.
Français

Si pendant la guerre froide le Conseil de sécurité des Nations Unies a évité de se positionner sur les questions relatives aux droits de l’homme, il a abandonné cette attitude dans les années 1990. En amont de la question de la méconnaissance des droits de l’homme comme « mobile » d’intervention du Conseil de sécurité des Nations Unies, se pose la question des moyens d’alerte de ce dernier en cas de violation de ces droits. Du point de vue de la notion, l’alerte, apparaît rapidement comme étant fuyante en ce qu’elle recouvre des réalités variées. Ainsi à côté de l’« alerte-prévention » coexiste une « alerte-information » qui cherche à documenter les violations des droits de l’homme même s’il est particulièrement délicat en pratique de distinguer les deux démarches. Par ailleurs, la réponse du Conseil de sécurité à la suite du signalement de violations des droits de l’homme pourrait elle-même être éventuellement qualifiée d’« alerte-réaction ». Cependant, du point de vue de sa justification, il est clair que l’alerte du Conseil de sécurité en cas de violation des droits de l’homme s’inscrit dans une démarche cherchant à éviter les violations des droits de l’homme, soit leur commission initiale, soit leur poursuite et réitération. Il sera alors attendu du Conseil de sécurité notamment qu’il prévienne les violations des droits de l’homme. Puisque l’alerte est polymorphe, nombreux sont les mécanismes qui pourraient être inclus dans les « moyens d’alerte du Conseil de sécurité des Nations Unies en cas de violation des droits de l’homme ». Ainsi il faut classer parmi ces moyens d’alerte du Conseil de sécurité, la saisine de ce dernier. Par ailleurs, en raison de leur spécificité les rapports des commissions d’enquête et missions d’établissement des faits sur le droit international des droits de l’homme ainsi que les interventions devant le Conseil de sécurité doivent retenir l’attention en tant que moyens d’alerte. Cependant, s’il existe divers moyens d’alerte du Conseil de sécurité en cas de violation des droits de l’homme, la question de leur effectivité et efficacité doit être posée. Or, ils sont tributaires du résultat de la procédure de vote au sein du Conseil de sécurité. En effet, l’intervention du Haut-Commissaire aux droits de l’homme devant le Conseil de sécurité des Nations Unies peut être soumise au vote de procédure. C’est suite à un tel vote de procédure que M. Zeid Ra’ad Zeid Al Hussein n’a pas pu intervenir le 18 mars 2018 devant le Conseil de sécurité sur la situation en Syrie. Son exposé a au final été réalisé dans le cadre informel de la « formule Arria ». De plus, les moyens d’alerte du Conseil de sécurité en cas de violation des droits de l’homme peuvent se heurter à l’obstacle que représente le droit de veto qui peut paralyser l’action du Conseil de sécurité notamment en cas de violation des droits de l’homme. Ainsi plusieurs modalités d’alerte du Conseil de sécurité des Nations Unies en cas de violation des droits de l’homme existent mais elles demeurent fragiles car soumises aux contingences politiques et institutionnelles.

English

If during the cold war the United Nations Security Council avoided positioning on questions relative to human rights, the Council changed its attitude in the 1990s. Upstream to the question of human rights as “mobile” of intervention of the United Nations Security Council, the question of the ways of alert of this organ in case of violation of these rights should be asked. From the point of view of the notion, the alert, quickly appears as being elusive because it encompasses a wide range of realities. Indeed next to the “alert-prevention” coexists an “alert-information” which tries to document the violations of human rights even if it is particularly difficult, in practice, to distinguish both steps. Besides, the answer of the Security Council following the description of violations of human rights could itself be possibly qualified as “alert-reaction”. However, from the point of view of its justification, it is clear that the alert of the Security Council in case of violation of human rights tries to avoid these violations, either their initial commission, or their continuation and repetition. It will then be expected of the Security Council that it prevents the violations of human rights. Because the alert is polymorphic, there are many mechanisms which could be included in the “ways of alert of the United Nations Security Council in case of violation of human rights “. So it is necessary to classify among these ways of alert of the Security Council, the referral to this one. Besides, because of their specificity the reports of Commissions of Inquiry, Commissions on human rights and Fact-Finding missions and formal briefings have to hold attention. However, if there are diverse ways of alert of the Security Council in case of violation of human rights, the question of their effectiveness and efficiency must be raised. Yet, they are dependent on the result of the procedure of vote within the Security Council. Indeed, the briefing by UN High Commissioner for Human rights can be submitted to a procedural vote. Therefore, in 2018, because of a procedural vote, the Security Council failed to hold a meeting on the human rights situation on Syria whose aim would have been to feature a briefing by High Commissioner. The High Commissioner for Human Rights spoke at an informal meeting at the United Nations (« Arria formula ») shortly after. Furthermore, the right of veto can paralyze the action of the Security Council particularly in case of violation of human rights. So several modalities of alert of the United Nations Security Council in case of violation of Human rights exist but they remain fragile because subjected to the political and institutional contingencies.

Sandrine Turgis
Maître de conférences en droit public
Université de Rennes
CNRS, IODE (Institut de l’Ouest : Droit et Europe) – UMR 6262
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 14/02/2019
https://doi.org/10.3917/civit.041.0033
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour IRENEE / Université de Lorraine © IRENEE / Université de Lorraine. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
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