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Les figures de l’étranger évoquent généralement des images immédiatement négatives de souffrance, qu’il s’agisse de ceux qu’on désigne comme des émigrés politiques, économiques ou des réfugiés climatiques. La représentation de femmes obligées pour travailler de quitter pays, famille, enfants est de loin celle qui suscite le plus de commisération et d’empathie : exil volontaire et séparation des proches ne sont pas associés à la liberté et à la découverte mais à une immense solitude et une désolation. Les recherches de Sciences sociales ont tendance à accentuer ces visions malheureuses de la condition d’étranger et d’étrangère et ce, à juste titre, tant dans le même moment, dans le monde global, de l’Afrique à l’Asie en passant par l’Europe, l’étranger paraît de plus en plus édifié en menace destructrice des identités nationales, individuelles et est donc pourchassé. Les thèses du Grand remplacement comme celles des écofascistes qui associent immigration et dégradation de l’environnement se banalisent, montrant l’intensification des regards allophobiques et leur audience grandissante dans de larges parties des populations. Cette configuration pousse – et légitime – ceux qui sont produits en étrangers et sont l’objet de stigmatisations continuelles, à surenchérir sur ces processus de négativation. À partir de la figure du musulman cumulant dans l’imaginaire actuel tous les traits de l’étranger à bannir, on peut faire l’hypothèse qu’une partie des conversions à l’islam assument ce rôle hégélien de négation de la négation, permettant l’affirmation désespérée de soi, jusqu’au pire, à l’instar de ce policier français qui, frustré de son absence de promotion, tue au couteau en octobre 2019 quatre de ses collègues…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 28/05/2020
- https://doi.org/10.3917/chime.096.0013
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