CAIRN.INFO : Matières à réflexion
« Si le mot cure avait la possibilité de parler, nous pourrions nous attendre à ce qu’il nous raconte une histoire, les mots ont cette valeur-ci : ils ont des racines étymologiques, ils ont une histoire comme les êtres humains. Ils ont parfois un combat à mener pour établir et maintenir leur identité. Je crois que cure, en ses racines, signifie care. Vers 1700, il a commencé à dégénérer en devenant un terme remedy, dénommant un traitement médical. C’est ce passage de care à remedy qui m’occupe précisément ici. »
R. D. Winnicott, 1970

1Quand le management se fait toujours plus envahissant, quand le soin/traitement vise des chaînes toujours plus courtes et des tactiques toujours plus adaptatives, le renouveau de la catégorie du soin/souci (ou care), est un signe d’espoir et peut-être de ralliement.

2Si du moins il ne se réduit pas à désigner un espace d’assistance dévalorisé, caritatif ou domestique, auquel seraient assignés certains et surtout certaines.

3Pour rendre visibles les moindres gestes d’invention du quotidien qui font que les existences trouvent consistance tenable, pour exprimer la présence à soi et à l’autre qui seule permet de penser ce que nous faisons sur nos terrains respectifs, mais aussi en partie pour articuler le plus intime, les communications non-verbales ou pathiques, l’espace du dire vrai dans l’amitié et le rapport à soi, et le plus public, soit la reconstruction d’un espace commun vivant.

4Ce numéro accueille des expériences cliniques, artistiques, sociopolitiques, ainsi que des tentatives de conceptualisation, permettant de baliser un champ prospectif du soin-souci comme ouverture éthico-esthétique et éthico-politique.

5Champ initié par la rencontre de l’interpellation winnicottienne de la cure et des politiques de santé par un taking care issu des soins primaires materno-infantiles ; le prendre soin de la psychothérapie institutionnelle et la « fonction soignante diffuse qui engage la responsabilité collective ; la mise en avant des gestes d’étayage fondamentaux tant par l’économie politique féministe ou écologiste que par la philosophie des « arts de faire », qui les relie au point suivant ; les esthétiques de l’existence mises en avant par la philosophie contemporaine comme écart vis-à-vis de la volonté de savoir et de maîtrise du vivant ; les recherches scientifiques et cliniques sur les problématiques de l’attention, de l’empathie, de la communication sensorielle et affective, qui réhabilitent les données sensibles dans la pratique soignante et dans une écologie mentale globale.

6Entre ces différents fils, se tisse la trame d’un espace d’attention opposable à la négligence néolibérale, mais aussi peut être à ce que Bateson nomme des erreurs épistémologiques qui continuent d’entraver notre acheminement individuel et collectif vers le soin, c’est-à-dire en quelque sorte vers le « concret », le croître ensemble.

Oubli

7Curieusement, la question du soin peine à trouver en France une intégration digne de son enjeu au-delà des bons sentiments, malgré le succès de l’injonction quelque peu ambiguë à « prendre soin de soi ». Comme en réponse à ce surmoi sanitaire, des défenseurs ardents de la psychanalyse se dissocient de tout projet de soin [1]. Tandis que la « psychothérapie » semble prendre une place assez proche de la « physiothérapie » dans la hiérarchie périmédicale incluant également les « aidants » « naturels », « informels » ou professionnalisés comme « accompagnateurs » ou « auxiliaires de vie ». À ma grande surprise, une enquête de proximité fait apparaître que soulever la question du « soin/care » en milieu intellectuel, c’est soulever principalement des représentations de genre infirmier (« les pansements », etc.), domestique (les auxiliaires de vie, les femmes au foyer), voire prostitutionnels (les services sexuels étant réclamés au titre du care par certains groupes de handicapés). La question passe au fond pour triviale et le fait que plusieurs philosophes aient successivement soulevé la question du soin/souci et de son « oubli » semble vouée à retomber périodiquement dans l’oubli, ou ne pouvoir en être tirée qu’au prix d’une certaine désincarnation de son intention. Ainsi, récemment Bernard Stiegler, dont le propos sur le soin et les techniques de soi est très vif, se dissocie cependant vigoureusement des implications corporelles qu’y avait incluses Michel Foucault, clivant une « psychopolitique » de la « biopolitique » [2]. Quand bien même, en invoquant Winnicott, il ne peut totalement éviter l’enjeu vital : le care est ce qui porte à l’existence le petit d’homme, il est aussi ce qui lui permet de survivre biologiquement à sa prématurité.

8Tenir le soin pour trivial, c’est le considérer comme allant de soi, évidence que la psychose ou la précarité mettent en crise : le prendre soin est justement ce qui « ne va pas de soi », comme n’a cessé de le marteler Oury, tout comme l’existence n’a rien de « naturel ». Faute d’être soutenue par un désir suffisant, la fonction vitale même est menacée, comme l’écrivait Nietzsche à sa façon brutale : « toute vie qui peut être niée mérite aussi de l’être ». S’il doit y avoir, comme le rappelle ici J.-P. Martin, institutionnalisation du soin, c’est parce que le soin est d’emblée un acte ou un ensemble de gestes instituants, gestes d’accueil d’une vie dont le défaut n’est pas sans incidence morbide. En récuser la portée implique de situer sa propre pensée hors du champ du vivant concerné par cet acte n’allant pas de soi, ce qui pourrait d’ailleurs être le refoulement – ou du moins l’abstraction – d’où procède l’oubli philosophique et politique du soin.

9La notion de soin/souci, chez Winnicott, est en réalité totalement transversale au corps et au psychisme, le holding est un geste de soutenir à la fois somatique et psychique, sensoriel et affectif, vital et structurant symboliquement. Il se situe d’emblée dans la relation qui permet l’existence, il ne présuppose pas l’existence individuelle en amont de la fonction primordiale d’être porté. Il suppose que le primaire n’est pas le narcissisme, mais la relation, comme le formalisera ensuite Balint avec l’idée d’« amour primaire » [3]. Le care, donc, est à la fois le plus intime, pris dans des liens d’amour vitaux, et le plus politique, son exigence fonde clairement pour Winnicott l’étayage institutionnel. Qui relève aussi du vital, du « je veux que tu sois » émis par le collectif sans lequel la vie humaine n’est pas viable.

10Si l’institution n’institue pas les individus, si elle désigne certains corps comme « vie nue » en trop, elle est à son tour frappée de discrédit. C’est ce qui arrive d’ailleurs à l’institution médicale après-guerre, et qui motive la révolution psychiatrique et psychanalytique qui restaure les malades mentaux comme sujets. Mais aussi une épistémologie vitaliste qui refuse que soient déniées au vivant lui-même les qualités habituellement attribuées à la seule existence sociale ou au vécu subjectif, à savoir son « maniérisme originel ». « Vivre, même pour une amibe, c’est à la fois préférer et exclure », dira Canguilhem, le vivant est rayonnement et position de sens, il porte sa propre normativité qui ne saurait donc lui être imposée objectivement [4]. Il n’est sans doute pas indifférent que les deux approches, désenfermement de la déraison et refus de l’objectivation du vivant, se cristallisent en France dans le même lieu, dans l’hôpital de Saint Alban en Lozère où se croisent Canguilhem et Tosquelles. Et que les deux soient attaquées par la même conjonction de la logique comptable et d’une idéologie régressant vers l’objectivation la plus réductrice. Oscillant donc entre l’abandon et l’acharnement correctif, au détriment de la position de valeur et de sens inhérente à la vie, à ses agencements internes et externes.

11L’incurie néolibérale actuelle, si elle marque un recul de l’institution et de sa fonction d’accueil, signifie souvent un repli sur un cure complètement coupé de cette fonction, autrement dit de l’écologie sociale mais aussi corporelle et sensible du sujet, et de ses capacités de rayonnement, non seulement adaptatives mais « adoptives » d’un environnement. Stiegler en fait partir le diagnostic de l’abandon où sont jetées les jeunes générations des classes populaires, avec l’effacement de la notion de minorité pénale, qui abolit aussi, dit-il, celle de majorité, en charge du « prendre soin de la jeunesse ». Raisonnement assez winnicotien, une jeunesse insuffisamment portée et bordée devient à son tour incapable d’attention et une répression surdimensionnée aggrave le problème.

Images

12Je suivrai également Bernard Stiegler dans le constat que ce déficit du soin n’est pas sans rapport avec le régime des images médiatiques et les troubles de l’attention que leur prolifération favorise. Cependant, cette question elle-même croise celle du corps, de différentes manières. La discipline scolaire produisait sans doute une « âme » selon les mots de Foucault [5], un surmoi selon les mots de Stiegler. Mais la contention par les écrans est également surmoïque, la télé surveille les enfants, disait Serge Daney [6]. Et n’est-ce pas le surmoi qui ordonne : « jouis » ? La prolifération des visuels de communication inhibe d’autres images : ballades sensorielles-existentielles du cinéma, faire signe non verbal du corps en deçà de l’interprétation, accordages des regards, présences proches, lignes d’erres et images haptiques, microphysique des sensations – comme la prolifération des imageries corporelles fait régresser l’attention clinique qui elle-même tendait déjà à disqualifier la proprioception. C’est plutôt une forme de « sous-moi » ou de pré-moi – plus que de surmoi – qui semble faire ici défaut, être le plateau manquant de la négligence ambiante et de la bêtise communicante. Les jeunes qui « tiennent les murs » ne semblent pas tant atteints par un régime de consommation débridée que par celui de la déjection qui concerne aussi bien leur environnement que leur représentation d’eux-mêmes. Leur réduction à l’irreprésentable.

13Le mot mérite qu’on s’y arrête même s’il a aujourd’hui un peu moins de succès que dans d’autres périodes, l’idée de l’innommable, indicible, irreprésentable, continue de constituer le fond assez commode du monde de l’esprit, du psychisme en d’autres termes, au risque de la méconnaissance indiquée par l’Éthique spinozienne : on ne sait pas ce que peut le corps. C’est pourquoi le choix du soin est aussi logiquement le choix du corps, ou plutôt d’une nouvelle forme de monisme pouvant dépasser l’idée de « corps » elle-même, dont David Le Breton nous a montré qu’elle est une production culturelle des « civilisés » [7]. Si l’on trouve ici plusieurs articles remettant en chantier la notion d’image, cela peut impliquer une certaine réhabilitation de l’imaginaire, de la rêverie fondatrice d’univers de valeurs. Cependant, c’est plutôt dans un autre sens, celui d’une proto-symbolisation, pensée préexistant au langage, médiation entre le mot et la chose, le corps et l’idée du corps, que nous pensons ici. L’image comme représentation de la sensation interne ou externe, étayant souterrainement l’accès au langage. Le jeune Nietzsche l’avait avancé : toute la pensée se développe par métaphores et analogies successives, tout le langage n’est que traduction par degrés successifs d’impressions sensorielles. « L’X articulé de la chose en soi est pris une fois comme excitation nerveuse, ensuite comme image, enfin comme son articulé » [8]. Le langage humain n’est pas empire dans un empire, il émerge de ce continuum toujours déjà peuplé de signes. Les symboles de la conscience ne sont qu’une transposition appauvrie de la multitude des sensations, et même de l’expressivité du vivant. Ou, comme le dit Deleuze au sujet de Proust, il n’y a pas de Logos, il n’y a que des hiéroglyphes [9]. Les bavardages les plus savants ne contiendront jamais autant de vérité que l’impression matérielle, le goût de la madeleine ou le choc du pavé qui arrête mon pas. Les paroles ne renseignent « que d’être interprétées à la manière d’un afflux de sang au visage ». L’odeur de gaz hallucinée par l’analyste re-donne accès à la séquence refoulée, elle est le signe, senti par un autre nez, d’images enfouies dans les profondeurs du cortex de l’analysante [10]. Le soin ou attention opère ici plus par sensibilisation – awareness – que par prise de conscience au sens souverain. Le signe donnera lieu à une interprétation de ce que l’odeur enveloppe, mais la première traduction se fait à rebours, par remontée du flux représentatif jusqu’à la trouvaille du représentant le plus sensible, remontée qui est aussi celle du temps. En thérapie comme en art « il faut d’abord éprouver l’effet violent du signe, que la pensée soit comme forcée de chercher le sens du signe ». Il faut surtout d’abord sentir et affiner les manières de sentir, pour pouvoir espérer changer la manière de penser (Nietzsche). Et de soigner. Guattari parlait-il d’autre chose quand il appelait à un « paradigme esthétique » dans le domaine du soin ? Cette nouvelle « attention », sensibilisation, awareness, peut être la base sensible d’une nouvelle construction, individuation psychique et collective, sans laquelle aussi bien la psychanalyse que le constructivisme thérapeutique et institutionnel seraient désincarnés.

14En tout cas, la logique de la sensation et de l’affect chère à Deleuze creuse actuellement un espace entre disciplines du corps et du psychisme dont témoignent ici plusieurs articles [11], espace relativement apaisé à l’égard de la « volonté de faire science », mais aussi à l’égard de la volonté de produire de l’esprit contre le « réel du corps » : quand Damasio nous apprend que « par suite de la médiation du cerveau l’esprit a pour fondement le corps proprement dit », dont l’encartage cérébral est la base de toute vie psychique, il confirme pas mal d’intuitions spinoziennes, mais aussi nous épargne de faux combats. Il est important de ne pas laisser réduire la question corps-esprit à un causalisme génétique ou cérébral [12], ni celle de la vie psychique à l’observation (et à la correction) des comportements et des cognitions. Reste que je suis ce corps vivant et mortel, jouissant et souffrant, pensant par images et mouvements avant de parler, dont les postures expriment l’histoire et la façon d’être au monde. Et que le changement passe aussi par l’accès à ces sensations, images, postures et façons d’habiter l’espace, dont la consolidation et l’élaboration à travers les pratiques artistiques, l’expérience du mouvement avec l’autre [13], celle de l’image-temps alliant la sensation à la pensée, la soma-esthétique à l’œuvre dans les méthodes eutoniques de type Feldenkrais ou Alexander [14], ou encore la pensée silencieuse circulant entre les corps telle que la décrit François Roustang [15], sont autant de formulations riches en potentialités soignantes. Partout la subjectivité émergente, à l’état naissant, nous indique que multiples sont les sentiers du sens.

Affects

15Félix Guattari avait l’ambition de proposer une nouvelle métamodélisation croisant plusieurs régimes de signes dans le projet de soigner ou, pour reprendre son vocabulaire, de « relancer la production de subjectivité ». Quand je lançai l’appel à contributions pour ce numéro, Jeanne Favret Saada me demanda comment j’avais l’intention de produire une synthèse des différents « courants » évoqués, parcourus comme autant de versions possibles du soin-souci. La question m’étonna parce que je ressentais cette continuité sur un plan quasi corporel, liée à ma propre continuité de parcours entre médecine et travail invisible, psychanalyse et philosophie, arts de faire et pratiques corporelles [16]. Je ne doutais pas que le sous-bassement commun de ces différents terrains d’investissement fut de l’ordre des gestes dont participe le souci et qu’il fait émerger. Certitude assez rare pour qu’il soit justement possible de la rapporter au corps : « j’entends concevoir la certitude comme quelque chose qui se situe au-delà de l’opposition justifié/non justifié ; donc pour ainsi dire comme quelque chose d’animal » [17]. Le concept du soin a quelque chose d’immanent à la vie, et peut-être particulièrement à l’inquiétude inhérente à la vie humaine, dans sa précarité spécifique – bien que le soin existe dans le règne animal et que plus globalement les processus de réparation sont inclus dans le programme de la vie elle-même. En tant qu’attention à la composition de ses rapports, de son écologie, le soin n’est en somme que la vie en ce qu’elle est sensible à elle-même, aware. Une séance de awareness through movement (« prise de conscience par le mouvement », en méthode Feldenkrais) n’est qu’un processus de cartographie mentale de son organisation posturale qui du simple fait de devenir plus claire tend à s’améliorer. Le mouvement d’attention a une certaine efficace soignante, en tant qu’il redouble et clarifie les processus d’organisation du vivant lui-même. Ces observations peuvent-elles s’appliquer à tout processus de soin ? Au-delà de la distinction entre care et cure, introspection et médecine scientifique ? Le soin ne serait-il qu’une forme élaborée de l’effort de persévérer dans l’être, que le conatus en état d’urgence ou d’insatisfaction, affecté par la morbidité et se débattant contre elle ? S’efforçant donc de penser au-delà des solutions de la natura maedicatrix, pour les perfectionner ou du moins pour les relancer ? La volonté de savoir est dans le vivant tout comme la pensée [18]. Et cette volonté est au bout du compte souci, désir de vivre et de faire vivre. Refus de céder à l’entropie et au chaos.

16Il n’y a donc pas à opposer care et cure, pas plus que vie et concept, corps et esprit, individu et environnement. Aucun savoir du vivant ne se constitue dans l’indifférence. C’est cet « être affecté » explicité par Jeanne Favret Saada [19] qui exprime le mieux l’épistémologie du soin. Et si l’on tient la tentative de soin pour une prolongation du jeu de la vie, une métamodélisation n’est pensable que sur le mode d’une écologie des savoirs et des pratiques [20]. À la condition que ces différentes pratiques acceptent de se considérer comme engagées et affectées par leur terrain, donc ne détenant aucune vérité de surplomb. Aussi, le lecteur trouvera dans ce numéro des points de vue apparemment opposés, notamment des critiques et des défenses de la psychanalyse, des démarches qui en ignorent la perspective, d’autres qui s’efforcent de l’allier à d’autres approches, etc. Cette coexistence n’est pas le fruit du hasard ni d’une tolérance molle. La psychanalyse a besoin de changer assurément, mais elle a l’immense mérite de considérer le savoir qu’elle produit, qui est produit dans un processus analytique, comme un savoir impliqué, toujours lié à la relation transférentielle, n’exprimant pas d’autre vérité que celle du sujet, et questionnant sans relâche le désir – le courage aussi – de savoir et de soigner [21]. Savoir profane, Freud s’est tenu à cela et dans nos temps de normalisation aigue, relire ce texte sur l’analyse « profane » est une urgence [22] ! Ceci la rapproche plus du souci de soi que de la volonté de savoir, forçant du reste la reconnaissance de Michel Foucault. « Il faut reconnaître à Lacan qu’il pose la question spirituelle du rapport entre vérité et sujet, c’est-à-dire la question du prix à payer pour dire le vrai, et la question de l’effet sur le sujet du fait qu’il a dit, qu’il peut dire et qu’il a dit le vrai sur lui-même » [23]. L’article Cure de Winnicott pose de façon plus simple les mêmes enjeux, de ce qu’il en coûte de donner et de recevoir des soins, des dépendances qui s’y nouent et dénouent, de ce qui s’y apprend de façon rien moins qu’indifférente. Souvent dans une forme de lutte et toujours dans l’affect. Ce que Noelle Lasne rappelle ici admirablement, en parlant d’un sujet peu évoqué à savoir l’échec thérapeutique. C’est le souci du patient qui déclenche le processus de soin. D’autres comme Searles [24] vont plus loin dans l’analyse du contretransfert, et de la fonction thérapeutique du patient pour l’analyste, dont l’accueil est condition de la cure. Décidément : soigne non pas qui veut ou en a le rôle et le titre, mais soigne qui peut… la vie !

Notes

  • [*]
    Philosophe, psychanalyste, praticienne Feldenkrais.
  • [1]
    S. Aouillé, P. Bruno, F. Chaumon, M. Plon, E. Porge, Manifeste pour la psychanalyse, La Fabrique, 2010.
  • [2]
    B. Stiegler, Prendre soin de la jeunesse et des générations, Flammarion, 2008 ; Ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue, De la pharmacologie, Flammarion, 2010.
  • [3]
    M. Balint, Le défaut fondamental, Payot.
  • [4]
    G. Canguilhem, Le normal et le pathologique, PUF, 1966, Études d’histoire et de philosophie des sciences, Vrin, 1968, et La connaissance de la vie, Vrin, 2e éd. 1985.
  • [5]
    Le Livre du philosophe.
  • [6]
    S. Daney, Ciné journal, Cahiers du cinéma, 1998.
  • [7]
    D. Le Breton, Anthropologie du corps et modernité, PUF, 2005.
  • [8]
    Cf. S. Kofman, Nietzsche et la métaphore, Paris ,1972, Galilée, 1983.
  • [9]
    G. Deleuze, Proust et les signes, Paris, 1964, Quadrige PUF, p. 124.
  • [10]
    Cf. A. R. Damasio, « Les images du corps », in Spinoza avait raison, Odile Jacob, 2003.
  • [11]
    Notamment les articles de Marie-Jeanne Gendron, de Chantal Lheureux-Davidse et de Carla Bottiglieri.
  • [12]
    Causalisme unilatéral d’ailleurs abandonné par les scientifiques qui montrent que des messages « remontent » aussi des protéines aux gènes. Cf. M. Morange, La Part des gènes, Odile Jacob, 1998.
  • [13]
    Cf. notamment le film de Mathilde Monnier Bruit blanc, qui montre l’évolution d’une jeune autiste dans un travail chorégraphique.
  • [14]
    R., Shusterman, Conscience du corps, pour une soma-esthétique, trad. de l’anglais par Nicolas Vieillecazes, éd. de l’Éclat, 2008.
  • [15]
    F. Roustang, « Je suis un corps », in La fin de la plainte, Odile Jacob, 2001.
  • [16]
    V. Marange, Écologie mentale et nouveaux territoires de l’art, in Pratiques N° 35, nov. 2006.
  • [17]
    L. Wittgenstein, De la certitude, Gallimard, coll. Tel, 1987, p. 93.
  • [18]
    Cf. à ce sujet Canguilhem, « La nouvelle connaissance de la vie », in Études d’Histoire…, op. cit.
  • [19]
    J. Favret-Saada, Désorceler, Éd. De l’Olivier, 2009.
  • [20]
    Selon les termes de Bateson qui inspire Guattari puis Stengers.
  • [21]
    R. Zygouris, Le courage de résister, http://www.radmila-zygouris.com.
  • [22]
    S. Freud, « Psychanalyse et médecine » ou « La question de l’analyse profane », in Ma vie et la psychanalyse, (p. 93 à 184). Gallimard, 1950. Édition électronique http://classiques.uqac.ca/classiques/freud_sigmund
  • [23]
    L’Herméneutique du sujet, Cours au collège de France, 1981-82, p.30-31.
  • [24]
    H. Searles, Le contre-transfert, 1979, Folio essais, p. 91-92.
Valérie Marange [*]
  • [*]
    Philosophe, psychanalyste, praticienne Feldenkrais.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 22/02/2013
https://doi.org/10.3917/chime.078.0007
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