CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Les tombes [1]

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1

ci-gît l’épitaphe,
sur la pierre autrefois lisse, autrefois droite
Les herbes en témoins dressent aujourd’hui
ce qu’il restait à dire.
ils n’ont pas de dessus ni de devant, ses souvenirs
ils entourent
à la surface ?
dans le dur dessous ?
au-dessus de quoi ils sont ?
ils entourent le vide
dans lequel nous... nous sommes
avec nos souvenirs qui ne peuvent être là
nous, en attente de peu
mais en conjecture, il faut l’admettre
nous alors tendu vers ce qui semble seul possible
– l’espoir d’une ouverture ! –
ou sinon
l’inquiétude merveilleuse de rester
simplement rester
sans appui
dans cette chambre et ses possibles qui se tiennent,
mais,
tout en respirant l’air si nécessaire en apparence,
– où choisir se mettre ? –
pour se tenir
avec ce qui appelle, et devient au bord, plaisir,
au point qu’on peut le croire alors superflu, l’air
– La liberté est dehors –
nous faussaires regardant le ciel dégagé
au bord de l’autre vide là,
une chute toujours envisagée
il est vain de vouloir isoler le vide
seuls les corps peuvent le produire !

La chambre vide, un portrait de Marion Baruch

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2En 2009, l’artiste Marion Baruch vide totalement une chambre dans son petit deux-pièces parisien et invite le public à la découvrir. L’espace intime, privé de ses repères, est transformé en une œuvre intitulée Une chambre vide. La pièce devient ainsi un espace de possibles rencontres, manifestement à l’opposé du simple vide. C’est en résonance avec son œuvre que j’ai été invité par Marion à réaliser une pièce mêlant vidéo et photo qui s’apparente à son portrait. Un texte fait aussi écho à l’expérience vécue dans cette chambre vide.

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aux autistes, à nous tous...

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au-delà de la peau
un autour fondu juste
et voir surtout des dents
qui font barrière
ou
un ailleurs en dehors
l’à voir
loin de soi normal
dire
ou
un monde, dedans intriqué
revenu à l’être
et des lèvres abandonnées
et puis la conscience sur l’âme
ni d’un côté
ni d’un autre
elle se tient blessée
mais droite

Brûlés

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4

il y a chez certains êtres quelque chose qui ne répond pas
une sorte d’absence
acceptée belle
égoïsme ou bien
blessure ou croyance
simple
dans la blessure
comme si en elle réside LA possibilité
avec comme seule existence
une sérieuse raison de ne pas exister
seule posture face aux ridicules naïvetés
d’une foi
en la vie
foi qui n’est pas une vie
brûlés
sans attente
nous
sommes

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aux anomaux...

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sur lui une trace
rugueuse
par elle extirpé, il est dehors
il y a comme une sorte d’aire plate où le mouvement expose
tous, figés, observent
secrètement
en attente que sa souffrance fasse récit
lui au milieu à l’écart
lui dépossédé.

6il parle d’une île aux reliefs souples et d’un temps où tous se laissaient et revenaient, où chacun coulait des regards et les accompagnait. Silencieux, ils étaient au-delà des contes et du temps. Aucun n’était abandonné et tous s’abandonnaient. C’était nous, libres et présents, indénombrables et transcendants.

715 Mars 2007

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aux animaux…

8

les organes au vu et au su
la bête vient
aimante
éventrée
vers toi invulnérable
face à ça
ça qui est où ?
ça qui était où ?
Elle le sait
ça ne sera nulle part
même si les paroles le dénient
la bête a besoin de toi là mais guère plus
Elle blessée
par une ignorance
par toi occultée
ou voulue
tes mouvements prétendus sont démasqués Elle sait ce que tu penses
tu te tais
et tu penses
la bête traîne ses organes rougis
mais ses yeux te regardent

916 Mars 2006

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à Isaac, à Albert

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corps en mouvement dans un champ
d’une nature à jamais inconnue
mais inlassablement creusée par les esprits
corps doublement perdus
séparés de l’espace et du temps par la connaissance de l’espace et du temps
occultés par la quête sans fin qui les figent saisissables sans forme, décor!
Et puis s’éprendre pour se mouvoir
se prendre pour s’émouvoir
corps dans un champ
dans une chambre
flous dans le noir

115 Novembre 2004

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aux couples…

12

à la hauteur de ce qu’ils semblent, ils frémissent
seuls impuissants de cette hauteur qu’ils pressentent
pourtant
la répétition s’ancre en un tréfonds endolori
dont il est difficile de dire s’il est beau :
la transparence ment
la surface tortille
mais l’autre la dit quand même :
la beauté !
alors
ils se laissent choir là avec l’espoir de jouir
ils veulent juste esseuler demain
se glissant doucement vers
le haut autre

136 Janvier 2007

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14

un trouble soudain
soudain clair
trouble
su soudain
d’un savoir inopérant
pourtant il peut prendre
pouvoir sur
une personne autre ou
une foule
alors détournée en actions
nécessaires mais
non désirées
folles donc ?!
elle doit des réponses là
où il n’y avait rien :
un trouble ?
une main me prend
une main autre
et devient pensée
acmé
et s’interrompt
trouble su
mais

1518 Juin 2007

16et si là… en dessous

17Dans une pièce sombre, l’image est projetée d’en haut sur le sol. Dans cette installation vidéo, tout se passe comme si la scène avait lieu à l’étage du dessous et que nous la regardions à travers une ouverture pratiquée dans le sol. En dessous, il y a la propre image du spectateur avec laquelle un autre corps interagit, un autre corps dédoublé, corps nu et corps vêtu, qui à chaque fois est tiré au sort parmi dix personnages.

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18

Nous sommes avec nos corps qui ne peuvent pas ne pas être,
qui ne peuvent pas ne pas être IMAGES.
Même aimables, les images sont sans issue, il nous faut bien l’accepter.
C’est seulement alors que nous pouvons entrer dans la relation,
et cela devient même désirable. [2]

Notes

Fred Périé
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 22/02/2013
https://doi.org/10.3917/chime.078.0217
Pour citer cet article
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