Nous ne croyons plus au progrès, quel progrès !
Nous ne croyons plus au Progrès,
Ce vieux fardeau nous embarrasse,
Mais nous sommes venus exprès
Pour qu’on nous aime et nous embrasse ;
Pour que nous donnions en retour
Notre flamme jamais éteinte
En haut de la plus blanche tour,
Au bout de la plus folle étreinte.
Nous ne voulons plus que les sous
Achètent seuls toutes les choses :
Les apparences, les dessous
Et les femmes comme les roses.
Sur nos litières de cumin
Gardons-nous le droit d’être bêtes,
Mais quand l’avenir tend sa main
Levons-nous, hissons au plus haut
Le drapeau de l’alternative,
Que dans l’usine ou le bureau
Chacun tendrement s’inactive ;
Et qu’au dehors, sous l’horizon
Où s’enfle la prochaine averse
Passent l’humour et la raison
Et la cendre qui nous disperse.
Nous croyons encore au progrès,
Du moins à ce besoin de croire :
Ce bonheur déjà loin, si près
Que nous n’en ferons pas l’Histoire,
- Et nous reviendrons tous exprès
Pour qu’on nous aime et nous embrasse.
2Nantes, le 30 juin 1998