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JE m’apprêtais, pour ce colloque-fantôme, à évoquer ces adolescents qui ont la rage, la rage de vivre, et qui s’éclatent sur fond de « no limits, no future » comme y invitait le slogan des années punk. Comment les aider à transcrire leur radicalité adolescente pour faire œuvre commune et dépasser la version nihiliste de ce monde désenchanté ?
Entre le colloque et sa réécriture, la pandémie a surgi, symptôme d’une civilisation malade. Là où, pris dans un tourbillon d’activités, nous étions dispensés de penser, ce qui était forclos du discours dominant nous est revenu en boomerang et a relancé la pensée. Un virus invisible et irreprésentable a réussi à mettre à terre un ordre mondial grisé dans sa fuite en avant, et à rappeler l’humanité à l’ordre de son humilité.
L’homme, dans sa toute-puissance cannibalique et maniaque, s’est trouvé sidéré, rattrapé par le Réel, un réel qui « nous écrase, nous empêche de respirer, nous étrangle ». Le Covid 19 est devenu un des noms du Réel qui surgit de la boîte de Pandore, hôte égaré d’un habitat sauvage que nous avons colonisé, et qui à son tour nous a colonisés.
« Qu’est-ce que le contemporain ? », se demande Giorgio Agamben : Seul peut se dire contemporain celui qui ne se laisse pas aveugler par les lumières du siècle et parvient à saisir en elles la part de l’ombre, leur sombre intimité, et encore : Contemporain est celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps. Le Covid 19 a fait trou dans l’image et a révélé au grand jour la face cachée d’un monde de paillettes…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 03/03/2022
- https://doi.org/10.3917/chev2.006.0269
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