CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 La bioéthique est une discipline inédite, elle-même née d’un contexte inédit. C’est dire que la bioéthique n’est pas, ne peut pas être une simple « éthique du vivant », au sens d’une éthique appliquée au vivant, comme on parle d’une « éthique des affaires ». Car l’éthique dont il est question dans la bioéthique ne préexistait pas à celle-ci ; il a fallu, pour une grande part, l’inventer. Ainsi par exemple, il n’y avait pas de notion de personne disponible en tant que telle aux fins d’un usage bioéthique ; c’est plutôt la bioéthique émergente puis en développement qui a contribué à façonner un nouveau concept de personne. Du coup, ce sont aussi les notions corollaires de dignité, d’autonomie, mais aussi les notions plus concrètes de mort ou de vie commençante qui s’en sont trouvées reformulées. L’inédit technologique ne se contente pas d’être inédit, il rétroagit sur le cadre même qui a permis de l’appréhender comme inédit, cette rétroaction permettant ainsi de réduire l’inédit, comme on dit « réduire l’incertitude ». C’est en raison de cet effet de rétroaction du contexte technologique sur les catégories de la réflexion éthique elle-même que la bioéthique est indissolublement, en même temps que bioéthique, une métaéthique. Qui n’appréhende pas d’emblée la bioéthique comme métaéthique ne fait pas de la bioéthique, mais de l’éthique du vivant.

2 C’est donc à la condition d’être simultanément une métaéthique que la bioéthique pourra être une discipline autonome, et non la simple vassale de la biologie, de la médecine ou du droit. Il s’agit certes d’une discipline inédite, mais qui doit conquérir son autonomie. Car la thèse du caractère inédit des biotechnologies et de la bioéthique est elle-même contestée. Je perçois trois fronts de contestation, c’est-à-dire trois types de stratégies visant à banaliser les biotechnologies en général, et les biotechnologies en particulier ; ces trois stratégies sont autant de formes de réductionnismes : un réductionnisme anthropo-technique, un réductionnisme reproductif, et un réductionnisme juridique. Je vais rapidement les passer en revue, et tout aussi rapidement les critiquer, avant de produire mon propre argument.

3 1. Peter Sloterdijk représente un exemple patent de ce que j’appelle le réductionnisme anthropo-technique. Pour l’auteur des Règles pour le parc humain, les biotechnologies poursuivent à leur manière le projet humaniste d’élevage de l’homme par l’homme ; pour lui, elles sont la continuation par d’autres moyens de l’entreprise de dressage qui, depuis l’Antiquité jusqu’en 1945, était dévolue au médium littéraire. De sorte que, replacées dans le long terme de l’histoire de l’« anthropotechnologie », les manipulations génétiques apparaissent non seulement bien plus inoffensives que ce qu’on dit, mais encore foncièrement humaines parce que participant au projet général d’humanisation de l’humain, présenté comme « un combat titanesque entre les impulsions qui apprivoisent et celles qui bestialisent » (Sloterdijk P., 2000. p. 43) ; la seule signature spécifique de notre ère technique par rapport à la défunte culture de l’écrit serait que les êtres humains se retrouvent de plus en plus, et sans qu’ils l’aient voulu, dans le rôle social du sélecteur (en tant que médecin qui doit décider d’un taux d’invalidité, en tant que chef des ressources humaines qui doit évaluer les aptitudes professionnelles, etc.) ; et maintenant, ils ont même en mains un outil de sélection biologique. Mais ce n’est qu’un outil anthropotechnologique de plus dans une boîte déjà bien fournie ; Sloterdijk ne considère pas, à cette échelle, qu’il s’agit d’un outil autre. Il n’est donc que cohérent que son souci normatif se limite à vouloir expliciter les règles qui sous-tendent les nouvelles anthropotechnologies, pour que celles-ci ne se déploient pas dans l’irréflexion : c’est pourquoi il formule l’hypothèse selon laquelle « on en viendra sans doute, à l’avenir, à entrer dans le jeu de manière active et à formuler un code des anthropotechniques » (ibidem p. 42). Mais rien, par principe, ne vient chez lui s’opposer au projet biotechnologique en tant que tel, puisque celui-ci n’est que le prolongement d’une aventure humaine commencée bien en deçà de nous, et qui selon sa logique même pourrait tout naturellement aboutir à ce que l’on passe « du fatalisme des naissances à la naissance optionnelle et à la sélection naturelle » (ibidem p. 43). L’inédit anthropotechnologique est comme absorbé, émoussé par le long tapis de l’histoire de l’élevage humain.

4 On notera en passant, par curiosité, que dans cet appel à la réflexivité sensé nous livrer un code de bonne conduite anthropotechnologique, Sloterdijk a été précédé par Teilhard de Chardin, qui dans son grand texte de 1955, Le phénomène humain, réclamait avec force l’avènement d’un eugénisme authentique, à la fois individuel et social : « Nous avons certainement laissé pousser jusqu’ici notre race à l’aventure, et insuffisamment réfléchi au problème de savoir par quels facteurs médicaux et moraux il est nécessaire, si nous les supprimons, de remplacer les forces brutales de la sélection naturelle. Au cours des siècles qui viennent il est indispensable que se découvre et se développe, à la mesure de nos personnes, une forme d’eugénisme noblement humaine. Eugénisme des individus, – et par suite eugénisme aussi de la société ». Et plus loin, cet appel à la réflexivité : « Mais n’est-ce pas le Monde tout justement qui, aboutissant à la Pensée, attend que nous repensions, pour les perfectionner, les démarches instinctives de la Nature ? À substance réfléchie, arrangements réfléchis » (Teilhard de Chardin P., 1955, pp. 284-285). Chez Teilhard de Chardin, Hottois (dont je n’ai pas parlé) et Sloterdijk, on retrouve le même modèle d’une auto-transcendance de l’humain qui doit devenir consciente d’elle-même.

5 2. Cette contestation de l’inédit, on la retrouve, dans un registre il est vrai bien plus prosaïque, chez un philosophe comme John Harris, qui a selon ses propres dires consacré quelque vingt années à réfléchir sur le clonage humain  [2]. Il représente bien ce que j’appelle le réductionnisme reproductif. Comme l’extrême majorité de ses collègues utilitaristes, il défend la position simple que le clonage reproductif humain n’est qu’un moyen de reproduction comme un autre, un de plus sur la palette déjà riche des outils de reproduction artificielle. Ici, la stratégie de négation de l’inédit ne consiste pas à dédramatiser en adoptant une perspective de long terme, mais à banaliser une technique en ne considérant que le résultat obtenu : avoir un enfant, ce qui rend de fait la technique comparable à toutes celles qui poursuivent le même but. Toute différentes qu’elles soient, ces deux stratégies argumentatives se rejoignent en ceci qu’en estompant délibérément le caractère inédit des techniques considérées, elles concourent à les rendre acceptables, donc moralement non problématiques. Dans un cas comme dans l’autre, la bioéthique est dédramatisée en biotechnique. Et si ces auteurs ont raison de le faire, alors rien n’oblige plus la bioéthique à être une métaéthique, ni à être autonome, il suffit qu’elle exhibe quelques principes de régulation de la technique.

6 3. Troisième forme de réductionnisme, le réductionnisme juridique, qu’on retrouve dans une forme particulièrement épurée chez Ruwen Ogien dans son livre La panique morale. Il repose en dernière instance sur le principe à la fois libéral et utilitariste du tort : à qui la technique du clonage fait-elle du tort, demande-t-on alors, et la réponse se retourne généralement en réquisitoire : loin qu’elle fasse du tort à qui que ce soit, c’est bien plutôt de ne pas y recourir qui constituerait une faute morale injustifiable. Ce qui est alors mis en avant, c’est la liberté de reproduction : une fois admise l’innocuité médicale du clonage, il n’y aurait selon cette thèse aucune raison de porter atteinte à cette liberté fondamentale qu’est la liberté de se reproduire. Sur la base d’arguments qui ont leur source chez le philosophe du droit Ronald Dworkin, qui défend ce qu’il appelle « le droit à l’autonomie procréative », les cloneurs comme John Harris, Ruwen Ogien ou Bernard Baertschi montrent que ce sont en réalité les procréateurs qui se trouveraient dangereusement lésés – principe du tort– par une restriction anti-libérale du droit de se reproduire par clonage. Ruwen Ogien pousse même le paradoxe jusqu’à prétendre –certes au conditionnel– que « l’interdiction du clonage pourrait être considérée comme une forme d’eugénisme ou de stérilisation forcée » (Ogien R., p. 87). Quant au clone lui-même, il suffirait de l’assurer de l’intégralité de ses droits fondamentaux pour garantir qu’il ne subisse aucun tort sur la base d’une discrimination arbitraire, fondée sur la manière dont il a été procréé.

7 On ne peut certes pas prouver que les biotechnologies soient quelque chose d’inédit, et qu’elles obligent à une recomposition de certains traits importants de nos grammaires fondamentales. On n’est pas là évidemment dans le registre de la preuve, mais dans le domaine plus conflictuel des interprétations. Toutefois, à trop vouloir créer des similitudes –exercice somme toute trivial, car il n’y a rien qui ne puisse se comparer à quelque chose d’autre sous un certain rapport–, on perd les différences pertinentes. Pour le clonage par exemple, affirmer qu’il n’est qu’un moyen reproductif de plus, c’est simplement ignorer qu’il s’agit de la première technique de reproduction où l’aléatoire génétique n’est pas respecté ; ce qui a entre autres choses pour conséquence directe que les parents désireux d’un enfant ne vont plus vouloir un enfant, précisément, mais seront en position de vouloir tel enfant : l’aléatoire ne garantit plus l’altérité. J’y reviendrai encore. On pourrait certes contester qu’il s’agisse là d’une différence moralement pertinente, mais si cela, ce n’est pas une différence qui fait une différence, alors on ne voit pas vraiment ce qui pourrait en faire une. De même, parler des manipulations génétiques comme d’une anthropotechnologie comme une autre, c’est ignorer entre autres choses qu’il s’agit de la première technique qui déplace, au sein du corps humain lui-même, la limite entre le donné et le fabriqué, entre le naturel et l’artificiel ou, comme je le dirai encore, entre le corps-sujet et le corps-objet. Une fois encore, si ce n’est pas là une différence qui mérite d’être pensée, alors on ne sait plus ce qui mérite de l’être. Nier l’inédit des biotechnologies – indépendamment de la manière dont on les évalue !– ne peut se faire qu’au mépris de certaines des caractéristiques qui ont nécessité l’émergence de cette discipline nouvelle qu’est, précisément, la bioéthique.

8 La faiblesse normative du réductionnisme anthropo-technique réside dans la hauteur même de son point de vue, qui prend les choses avec une telle généralité que toute prise de position substantielle devient impossible. De ce point de vue, les différents modèles anthropo-techniques nous réservent la même déception : à force de dédramatiser la bioéthique à une biotechnique, elles ne peuvent normativement que se contenter de nous exhorter à une raisonnable prudence. En ce qui concerne le réductionnisme reproductif, sa principale faiblesse est, je l’ai dit, d’ignorer, de manière à vrai dire incompréhensible, des différences qui font vraiment une différence. Quant au réductionnisme juridique, il me semble tout à fait contre-intuitif. Après tout, lorsque les Raéliens ont proclamé de manière fantaisiste la naissance du premier bébé cloné, la réaction de sens commun n’a pas été de dire « C’est injuste ! », ce qui justifierait qu’on l’aborde sur le terrain juridique ; elle a été de dire « Quelle horreur ! », ce qui indique suffisamment que ce qu’il met fondamentalement en jeu, c’est la compréhension éthique que nous avons de nous-mêmes. Seule une certaine myopie morale peut se permettre de simplement déclasser cette réaction au rang d’une panique morale injustifiée, due à quelque fétichisme obscurantiste. Seule cette même myopie peut, symétriquement, faire penser que le droit résoudra suffisamment les problèmes du futur cloné, en lui distribuant équitablement les mêmes droits qu’à tout autre individu, par exemple. C’est là une courte vue qui ignore obstinément le niveau de profondeur auquel atteint cette modification des « paramètres de l’humain », comme dit Hottois, ou de la « façon dont nous nous comprenons nous-mêmes en tant qu’êtres porteurs de l’espèce », comme le dit Habermas (Habermas J, 2002, p. 102).

9 Certes, ces réactions de rejet ne valent pas jugement moral, et elles doivent explicitées, le cas échéant critiquées, car il leur manque la réflexivité nécessaire à toute démarche éthique. Mais elles doivent être analysées, non méprisées ; car elles disent bien quelque chose de nous-mêmes, et peut-être quelque chose de fondamental. En tous les cas, elles sont aussi un phénomène moral qu’on ne peut pas hautainement décider d’ignorer. Les biotechnologies touchent bel et bien à la grammaire fondamentale de l’humain, et c’est à ce niveau que la bioéthique, ainsi muée en métaéthique, se doit de les traiter, si elle ne veut pas être la simple chambre d’enregistrement des progrès techniques, ce qu’elle est trop souvent. Mais une fois que nous sommes en toute clairvoyance confrontés à cette grammaire fondamentale de l’humain, la question philosophique cruciale est de savoir comment l’on argumente en contexte pareillement labile. La simple réflexivité ne suffit pas à délivrer des critères normatifs substantiels. De même, les critères de rationalité et de raisonnabilité rawlsiens, tout entiers taillés à la mesure d’une théorie du contrat social et donc d’une pensée de la réciprocité entre contractants, sont inadéquats pour une réflexion substantielle sur les biotechnologies, qui la plupart du temps concernent des individus à venir ; non seulement les enjeux de justice distributive autour de laquelle gravite l’œuvre de Rawls restent très en deçà des enjeux « anthropologiques » du génie génétique, mais ceux-ci mettent en question les termes mêmes sur lesquels repose l’anthropologie rawlsienne elle-même. Son concept central d’autonomie, par exemple, qui se déploie dans la double direction d’un choix prudentiel (la capacité de viser un bien) et d’un choix moral (la capacité de viser le juste dans un contexte sociétal), est précisément ce qui est en question dans l’usage de certaines biotechnologies : dans l’eugénisme mélioriste ou perfectionniste, où l’on veut ajouter au génome des capacités qu’il n’a pas au départ (contrairement à l’eugénisme négatif, où l’on élimine une caractéristique indésirable), dira-t-on que l’on renforce l’autonomie du futur individu, puisque l’on augmente ses capacités, ou dira-t-on au contraire qu’on la nie, en lui imposant de manière paternaliste des capacités qu’il n’a pas choisies ? Si on limite la notion d’autonomie aux deux dimensions citées, on manque sur ce point l’enjeu même de ce type de manipulations génétiques, qui nous imposent de concevoir l’autonomie dans un sens élargi. C’est là un exemple typique où la bioéthique doit se concevoir comme une métaéthique.

10 L’autonomie est donc un concept central de notre grammaire morale, et j’aimerais montrer en quoi le surgissement d’une technique inédite comme le clonage permet d’en renouveler la compréhension. Au passage, j’indiquerai en quoi les stratégies réductionnistes que je viens de mentionner ne peuvent qu’ignorer cette transformation, de l’intérieur, si l’on peut dire, de ce concept.

11 Mais j’aimerais d’abord faire un premier pas en direction des cloneurs et de leur quiétude en ce qui concerne l’autonomie du futur clone. Car effectivement, il y a bien un certain sens dans lequel l’autonomie du clone n’est pas affectée ni atteinte : c’est le sens formel où il a, en tant que clone, comme tout autre individu, la capacité d’exercer sa liberté sur le fond d’un patrimoine génétique qui ne le détermine pas mais le conditionne comme la base matérielle de son existence. Comme le montre à l’évidence l’exemple des jumeaux monozygotes – l’exemple favori des cloneurs–, être un clone ne contredit en rien la libre disposition de soi. S’il y a en quelque manière entrave à l’autonomie par le clonage, elle ne saurait donc advenir du simple fait biologique d’être cloné ; car du point de vue strictement biologique précisément, le clone est comme tout autre dépendant d’un patrimoine génétique qu’il n’a pas choisi et qui le conditionne – pas plus, pas moins que tout autre– dans l’exercice de son autonomie. Cela nous donne à tout le moins cette indication précieuse qu’au niveau purement biologique des conditions d’exercice de la liberté, l’aléatoire de la loterie génétique naturelle telle qu’elle est assurée par la procréation naturelle n’est en réalité une condition ni suffisante ni surtout nécessaire à l’exercice de la liberté individuelle, puisque le clonage l’assure tout aussi bien. Elle n’est pas suffisante, parce que même lorsque les conditions de cet aléatoire sont assurées par la procréation naturelle, il y a évidemment bien d’autres facteurs de coercition tant externes (toutes les formes de répression) qu’internes (les névroses par exemple) qui peuvent entraver la libre disposition de soi ; mais surtout, elle n’est pas nécessaire, parce que même dans le cas d’une reproduction d’ensemble du patrimoine génétique nucléaire, l’autonomie telle qu’elle s’exerce relativement au patrimoine génétique reste entière. Le clonage ne saurait entamer par lui-même l’exercice de l’autonomie au sens qui vient d’être dit. Les cloneurs ont alors beau jeu de prendre prétexte de cette innocuité de principe pour demander ensuite aux juristes de distribuer au clone tous les droits fondamentaux qu’il faudra, et de déclarer au total que le clonage est non seulement inoffensif et moralement non problématique, mais, toutes choses considérées, bénéfique.

12 Mais ces considérations de « biologie formelle », pourrait-on dire, ne sont assurément pas le dernier mot de l’affaire. Si nous sommes tous effectivement dépendants d’un patrimoine génétique que nous n’avons pas choisi, le clone se trouve cependant dans cette situation inédite que quelqu’un d’autre l’a choisi pour lui. Si, comme nous venons de le voir, cela n’entame pas la capacité formelle d’exercer son autonomie, cela le met néanmoins dans cette position ontologique inédite d’être en tant qu’être humain biologique l’expression du désir déterminé de quelqu’un d’autre. Le point saillant est ici précisément que ce désir soit déterminé : ce n’est pas alors un enfant que l’on attend, mais tel enfant, un enfant que l’on veut voir reproduit au maximum de similarité de quelqu’un d’autre– le plus souvent, sans doute, de soi-même.

13 Si donc, formellement, en tant qu’il est capable de libre disposition de soi, la situation biologique du clone est identique à celle de tout autre être humain, elle est tant ontologiquement que psychologiquement radicalement différente, puisque la base matérielle qui le constitue, il sait qu’elle n’est pas le fruit aléatoire de deux gamètes, mais l’expression du désir déterminé de ses concepteurs d’être copié à l’identique de quelqu’un d’autre. Il sait qu’il n’était pas un enfant désiré, mais tel enfant projeté – au double sens de la projection du désir et de la planification dans le temps. Cette situation ontologique et l’inévitable conscience qu’il en a (car elle se lira irrécusablement sur son visage même) ne peut pas laisser indemne, quand bien même toutes les conditions juridiques d’égale dignité lui seraient assurées. Ce n’est plus là précisément une question de dignité –car on pourra bien accorder au clone toute la dignité que l’on voudra– ni, pour les même raisons, une question de droits fondamentaux, mais une question de fardeau ontologique vécu à la première personne. Ce basculement de perspective de la troisième à la première personne est le pivot de tout mon argument. Car le droit, qui par nature se dit en troisième personne, est par contrainte épistémologique incapable d’appréhender le vécu ontologique du cloné. S’il autorisait le clonage, le droit ne pourrait faire effectivement plus que de reconnaître le clone comme une personne à part entière, et réprimer toute attitude discriminatoire à son égard, protégeant ses droits fondamentaux comme ceux de toute autre personne. Ce faisant, il agirait certes de façon juste et cohérente, mais manquerait néanmoins l’essentiel : car le clonage, créant des personnes dont la création même fait problème, oblige pour cette raison même à un exercice réflexif inédit de décentration, inaccessible à la position juridique, décentration qui consiste à adopter la perspective de la première personne, celle du cloné. Ce n’est que cette position qui, me semble-t-il, sera capable de fournir, le cas échéant, un argument de poids contre le clonage. Tant qu’on reste confiné à la position de la troisième personne, comme le font toutes les stratégies réductionnistes, les arguments manquent de la base ontologique nécessaire pour évaluer la situation ontologique, précisément, et, comme on le verra, phénoménologique, que crée le possible clonage humain. C’est à la première personne seule qu’apparaît en effet un fardeau ontologique spécifique, celui de se savoir désiré à l’identique de quelqu’un d’autre par quelqu’un d’autre.

14 L’argument qui consisterait à minimiser les effets du clonage au motif que de toute façon, il ne crée pas de l’identique, manque donc l’essentiel, parce qu’il reste tributaire de la position extérieure de la troisième personne. De cette position, il n’est que cohérent, effectivement, de s’en référer à l’argument des jumeaux (qui sont bel et bien des clones, et même davantage, si l’on peut dire, que les clones fabriqués, puisqu’ils partagent le même patrimoine génétique extra-nucléaire mitochondrial, ce que ne font pas les clones d’ingénierie) ; car cet exemple des jumeaux montre effectivement, à l’évidence, l’importance des facteurs épigénétiques dans la constitution biologique de soi, puisque deux jumeaux ne sont effectivement pas les mêmes. Sur l’importance de ces facteurs extra-génétiques, un consensus puissant semble donc s’établir parmi les scientifiques eux-mêmes, rejoignant par là, soit dit en passant, l’intuition bouddhiste d’un univers non répétable, l’original et le clone ayant en l’occurrence deux karmas différents  [3]. Mais encore une fois, là n’est pas l’essentiel. L’assurance donnée par l’ingénieur ou le bouddhiste qu’en réalité, l’univers n’est pas répétable, et qu’en conséquence des divers conditionnements extérieurs, jamais de l’identique n’est créé, cette assurance que l’on brandit pour justifier le clonage porte à faux, car elle méconnaît le fardeau ontologique de la première personne, tel qu’il est supporté par la première personne. Or, dès lors que l’on adopte ce point de vue, le problème n’est plus tant de comparer la personnalité de deux individus génétiquement identiques – comparaison qui se fait du point de vue d’un tiers–, que de se savoir avoir été voulu être copié à l’identique par un tiers[4], ce qui ne peut se vivre qu’en première personne. C’est ce savoir qui constitue le fardeau ontologique de la première personne, et il est bien étranger à la question de l’évaluation de l’identité entre l’original et la copie. C’est cette intrusion entre soi et soi de la volonté d’un tiers qui fait fondamentalement problème, en brisant à la racine la familiaritéque chacun entretient naturellement avec soi-même.

15 En effet, imagine-t-on la charge résultant du fait de devoir sa constitution génétique même au désir déterminé de ses parents ? Au cours de son existence, le ressentiment en cas d’échecs, et à l’inverse le sentiment de déficience ontologique de ne pas devoir ses succès à soi-même, ce sentiment fondamental d’être dépossédé de soi, biologiquement dépossédé de soi parce que se sachant une copie sur demande, tout cela ne constitue-t-il pas un poids humainement trop lourd pour les humains que nous sommes ? « Je est un autre » a désormais sa vérité biologique, le clonage humain la lui a conférée. Mais dans ces conditions, l’exercice de l’autonomie, dont nous avons accordé qu’elle était formellement présente, se révèle comme fondamentalement factice, parce que fondée sur une constitution originaire hétéronome de soi. L’exercice formel de l’autonomie du clone fait fond sur un déficit de soi (ou, d’un point de vue psychologique, sur un sentiment de déficit de soi) qui la vide de sens. Une autonomie factice sur fond de déficit ontologique, voilà ce qu’apporte le clonage, voilà ce qui est désormais à portée de main.

16 Cet argument pourrait trouver une formulation adéquate sur le sol de la phénoménologie. À la question de savoir si les éléments génétiques relevaient du corps subjectif ou du corps objectif, Michel Henry répondait avec fermeté et résolution qu’ils se trouvaient du côté du corps objectif (Henry M., posth. P. 82), rejetant les gènes, finalement, dans l’extériorité du monde objectivé galiléen, totalement étranger à la vie transcendantale. Mais peut-être notre réflexion sur le clonage peut-elle faire apparaître cette ferme résolution comme de la précipitation. Ne peut-on en effet considérer que le clonage reproductif vient précisément perturber cette hétérogénéité censément radicale entre le corps subjectif et le corps objectif, et plus généralement entre la vie transcendantale, immanente à elle-même, et la vie mondaine, simplement transcendante ? C’est cette hétérogénéité qu’affirme Henry, lorsqu’il déclare que « ce Je, immanent au corps originaire, est étranger à l’expérience du monde, expérience à laquelle cependant se réfèrent les approches idéologiques du corps, puisque, depuis toujours, elles considèrent le corps comme un objet qui se montre à nous dans le monde » (Henry M., posth. P. 123). Qui se montre à nous, et qui se laisse manipuler, faudrait-il ajouter ici. Or, le clonage reproductif n’est-il pas, précisément, une formidable intrusion du corps objectivé, et objectivé par autrui, dans le corps originaire auquel le Je est immanent ? La constitution originaire hétéronome de soi dont je parlais à l’instant ne vient-elle pas perturber cette immanence même ? Certes, on pourra toujours dire que si perturbation il y a, elle sera toujours et encore vécue sur le mode non-intentionnel de l’épreuve immédiate de soi telle qu’elle se vit dans le corps-sujet, précisément, et qu’à travers cette épreuve, le cloné reste aussi immanent à lui-même que vous et moi. Sa souffrance présumée lui reste immanente, c’est certain. On conviendra toutefois que ce n’est pas une raison pour la lui infliger. Mais plus profondément, l’hypothèse que je défends revient à dire que si la vie transcendantale, en tant qu’elle est transcendantale précisément, n’est certes pas affectée dans sa « transcendantalité » par le clonage, ce qui pourrait bien l’être, c’est le « Je peux » fondamental et muet dont Henry dit que nous le mettons en œuvre dans chacune de nos actions (Henry M., posth. P. 123), ce « Je peux » dont on pourrait dire qu’il est la signature originaire de notre autonomie corporelle d’êtres sentants. En mettant au cœur de moi-même un corps objectivé, est-il extravagant de penser que le clonage affecte ce « Je peux », marque de l’immanence du Soi à la Vie, de la présence d’un tiers qui dès lors parasite son ipséité ? Ce qu’entre autres choses, le clonage met en question, me semble-t-il, c’est ce qu’Henry exprime sous le vocable du « vivre » comme le « s’éprouver soi-même dans l’immanence d’une auto-affection pathétique sans écart ni distance vis-à-vis de soi » (Henry M., posth. P. 109). Ce qui est affecté par le clonage, ce n’est pas tant le corps transcendantal (pour la raison que j’ai dite), mais le corps qui peut, le corps capable qui se verrait ainsi flanqué d’un tiers continué, qui saperait ainsi l’immanence de son ipséité.

17 Personnellement, je ne pense sincèrement et résolument pas que nous devions vouloir un monde de tels clones phénoménologiquement déficients. Mais ce qui me retient ici, c’est non le jugement évaluatif que nous pouvons émettre à propos du clonage, mais bien plutôt, comme je viens de le montrer, la manière dont l’émergence d’un problème nouveau se répercute sur les termes mêmes dans lesquels ce problème se pose, en l’occurrence ici celui de l’autonomie. Le clonage fait subir à l’éthique une refonte de ses propres concepts. Car c’est bien le clonage qui nous oblige à cette conversion de la perspective en première personne, conversion qui nous découvre une strate ontologique de l’autonomie qui ne pouvait pas se découvrir à la réflexion morale tant que la possibilité même de création d’un individu à l’identique n’était pas même envisagée ; et au niveau phénoménologique, il nous oblige à repenser l’opposition pourtant fondatrice du corps-objet et du corps-sujet. L’inédit nous oblige en conséquence à une recomposition des catégories héritées de ce que j’appelle notre contexte moral objectif, qui s’en trouvent donc ainsi renouvelées.

18 Et pour appuyer ma thèse, je ferais un pas de plus dans cette direction. Car si la grammaire de l’autonomie est ainsi affectée par la problématique du clonage, la grammaire de l’altérité l’est aussi. Nous venons en effet de distinguer deux niveaux d’autonomie, l’autonomie formelle (la simple capacité d’autodétermination telle qu’elle peut se concevoir du point de vue d’une troisième personne), et l’autonomie « ontologique » révélée par celui qui, se découvrant lui-même avoir été voulu copié à l’identique, vit, par ce parasitage de son corps-sujet, un déficit d’être tel que l’exercice effectif de son autonomie réelle, telle qu’il la vit, s’en trouve radicalement entravé.

19 Or, cette distinction entre deux strates de l’autonomie rejaillit directement sur la grammaire de l’altérité qu’elle concourt de ce fait à scinder en deux, elle aussi. Car là aussi, l’adoption de deux points de vue distincts nous oblige à distinguer deux types d’altérité. Du point de vue de la troisième personne –à l’exemple de parents qui observent leurs deux jumeaux–, deux êtres numériquement distincts sont dits autres si une troisième personne, précisément, parvient à trouver entre les deux une différence individuelle qui les distingue. C’est ainsi que les parents distinguent sans hésitation leurs deux jumeaux, parce qu’au-delà des similitudes de surface (l’idem), quelques traits pertinents qui leur apparaissent immédiatement les font émerger sans doute possible de l’indistinction du même. Appelons cette altérité-là, mesurée à l’aune de l’idem par un tiers, l’altérité de l’autre, parce qu’elle compare entre eux selon une même mesure l’altérité de deux individus que l’on observe. On pourrait aussi l’appeler l’altérité leibnizienne, tant il est vrai que de nombreux auteurs prennent aujourd’hui appui sur le principe de l’indiscernabilité des identiques et de l’identité des indiscernables pour justifier le clonage, au prétexte que le clonage ne saurait produire des identiques au sens de la Loi de Leibniz  [5]. Sur cette base, ils nous assurent en effet qu’en réalité l’altérité du clone est préservée, parce que malgré l’identité génétique nucléaire entre le cloné et son modèle, une foule d’autres facteurs vont le faire autre que son modèle, si bien qu’il s’agira en fait de deux personnalités bien différentes. Au point de vue de la troisième personne auquel se situe la Loi de Leibniz, l’altérité du clone est en fait préservée, au même titre que l’était son autonomie.

20 Mais déplaçons-nous maintenant au point de vue de la première personne, au point de vue du cloné. Quelles menaces le clonage ne fait-il pas peser non sur l’altérité biologique, sur l’altérité telle qu’elle peut s’observer à la troisième personne, mais sur le sentiment d’altérité, qui est ce sentiment d’être autre que tout autre ? Comment le fait de se savoir avoir été voulu à l’identique de quelqu’un d’autre n’ébranlerait-il pas dans ses fondements même ce sentiment d’être un soi autre que tous les soi ? C’est pourquoi je parlerais ici de l’altérité de soi comme cette nouvelle dimension de l’altérité qui se découvre à la première personne et qui ne peut se dévoiler qu’au moment où les biotechnologies menacent l’altérité en quelque sorte de l’intérieur. Dans un monde sans clonage, l’altérité de soi était si spontanément garantie par l’aléatoire génétique qu’on n’avait aucune raison de la thématiser ; elle n’avait aucune raison de se révéler à notre regard. C’est parce que nous autres non clonés nous nous savons le fruit aléatoire de ce qu’on appelle la loterie génétique –ce qui est l’un des traits saillants de notre ontologie biologique– que nous sommes, au moins de ce point de vue-là, en capacité psychologique d’exercer une autonomie, le désir déterminé de personne ne venant ici s’immiscer entre soi et soi. Nous avons l’assurance psychologique d’être autre, notre soi est garanti dans son altérité –c’est l’altérité de soi. C’est donc en ce sens radical que l’on peut dire que l’aléatoire préserve l’altérité.

21 À nouveau, le clonage nous oblige donc à recomposer la grammaire même de l’altérité, en nous découvrant cette altérité à la première personne qu’est l’altérité de soi. L’apparition de problèmes nouveaux permet de dégager de nouvelles strates, de nouveaux enchaînements, de nouvelles dépendances conceptuels qui seraient restés invisibles sans la pression des faits objectifs. Seule la possibilité inédite de créer deux êtres à l’identité génétique commune nous a poussé à élaborer les notions d’autonomie ontologique, puis d’altérité de soi. Il est essentiel à cet égard de comprendre la dialectique qui relie l’émergence objective des problèmes nouveaux et leur reprise réflexive dans une grammaire éthique. Ces problèmes sollicitent une grammaire morale spécifique – comme ici celle de l’autonomie– qu’en retour ils contribuent à modifier au moment même où ils la mobilisent. Cette structure en boucle me semble l’essentiel du raisonnement moral en général.

22 Nous avons donc aujourd’hui, me semble-t-il, de bonnes raisons, sinon de nous opposer au clonage, du moins de s’en méfier. Et il en va de même, me semble-t-il, et pour des raisons analogues, avec toutes les tentatives d’eugénisme dit « positif ». L’eugénisme est dit positif lorsqu’il ne vise pas à éliminer un gène déficient, générateur d’un lourd handicap futur, mais à améliorer telle ou telle caractéristique du futur individu dans le but d’accroître ses performances. Dans le cas de cet eugénisme dit positif, en effet, les arguments conjoints de l’autonomie ontologique et de l’altérité de soi sont, pour ainsi dire, à leur place ; car quand bien même il ne s’agit pas de reproduire le patrimoine génétique nucléaire dans sa totalité, mais de modifier un patrimoine existant, il y a bel et bien immixtion d’autrui dans les fondements matériels les plus élémentaires d’un individu. Cette technique génétique étant orientée vers la modification d’un individu à venir, l’adoption de la perspective de la première personne est également requise ; et mutatis mutandis, les arguments précédents sont répétables, car l’intrusion entre soi et soi du désir d’un tiers qui caractérise l’eugénisme positif est précisément ce qui est à la source du sentiment ontologique de dépossession de soi que nous avons mis en évidence à propos du clonage. Devoir ses talents à la planification génétique d’un tiers est une situation qui se heurte aux deux mêmes objections de fond que le clonage : en particulier à l’objection indissolublement ontologique, psychologique et phénoménologique du sentiment de déficit d’être que produit le fait d’avoir été intentionné et manipulé en fonction du désir d’un autre. Comme dans le cas du clonage, ce sentiment pourrait bien saper à la racine la possibilité de l’exercice effectif de l’autonomie, car celui-ci doit aussi pouvoir fondamentalement se nourrir du sentiment de ne devoir ses capacités qu’au libre développement de ce que le hasard génétique a mis entre nos mains ; or, être génétiquement programmé par autrui pour développer une capacité particulière étouffe dans l’œuf la simple possibilité de ce sentiment. Le surgissement au cœur de soi d’une telle hétéronomie génétique ébranle dans ses fondements même la possibilité d’une autonomie réelle.

23 Pour conclure, j’aimerais resituer le statut argumentatif des réflexions que je viens d’exposer. J’ai essayé de montrer à l’exemple du clonage en quoi la bioéthique devait être une métaéthique, sous peine de n’être qu’une simple éthique du vivant. J’ai choisi la notion d’autonomie, parce que l’autonomie est quelque chose qui nous importe dans notre Contexte moral Objectif. J’appelle ce contexte moral « objectif » non au sens platonicien de ce qui vaudrait absolument, mais au sens pratique où quelque chose s’impose indépendamment de la volonté et de la préférence des acteurs, à l’instar des règles du langage. Cela ne fait évidemment pas du CMO quelque chose d’immuable, mais quelque chose d’indisponible à de simples préférences : personne n’a par exemple la simple possibilité de rétablir l’esclavage dans nos sociétés ; ce n’est pas une question de libre préférence. Le contexte exerce là une force objective. C’est en ce sens que la défense de l’autonomie fait partie de notre CMO ; s’il fallait en restreindre l’importance, cela nécessiterait à tout le moins justification. Mais cela veut dire entre autre choses que la forme ultime de mon argument contre le clonage est hypothétique, et elle s’énonce ainsi : « Si nous tenons à l’autonomie des personnes, alors nous avons de bonnes raisons de nous méfier du clonage ». Maintenant, il se peut que par une sorte d’érosion axiologique, l’autonomie perde de son importance dans notre contexte, au profit par exemple, comme on le voit déjà nettement poindre en Amérique du Nord, de la performance –raison pour laquelle on envisage là-bas les manipulations génétiques et le clonage avec globalement moins de circonspection que chez nous. Mais cela même est porteur d’une leçon métaéthique que je crois essentielle : c’est que la raison ultime de nos choix moraux est la compréhension morale que nous avons de nous-mêmes, à la fois de ce que nous sommes et de ce que nous souhaitons être. Le socle ultime de la morale est une herméneutique de soi. Voulons-nous un monde où le clonage soit possible, voulons-nous un monde où l’on puisse génétiquement configurer les générations futures à l’image de nos désirs actuels, telles sont les questions ultimes qui se posent, bien différentes de savoir si le clonage et les manipulations génétiques sont un bien ou un mal. La bioéthique doit être une métaéthique, mais la métaéthique elle-même ne peut ultimement que prendre la forme d’une explicitation herméneutique de nous-mêmes.

Notes

  • [2]
    Voir par exemple son livre On cloning, Routledge, London, New York, 2004.
  • [3]
    Voir par exemple Glenn MCGEE (ed.), The Human Cloning Debate, Berkeley, Berkeley Hill Books, 2000, p. 287.
  • [4]
    À quelles contorsions non naturelles de nos langues naturelles nous oblige la perspective du clonage !
  • [5]
    Voir par exemple : Kathinka Evers, « The Identity of Clones » in Journal of Medecine and Philosophy, 1999, Vol. 24, n°1, pp. 67-76.
Français

Face à toutes les stratégies réductionnistes qui banalisent le clonage, et qui toutes s’alimentent d’une perspective en troisième personne, il faut tenter de prendre le point de vue de la première, c’est-à-dire le point de vue du cloné lui-même : que signifiera pour lui de se savoir avoir été copié à l’identique de quelqu’un par quelqu’un ? C’est en déplaçant ainsi le questionnement du plan biologique au plan d’une herméneutique de soi qu’on pourra apprécier les modifications que fait subir la perspective du clonage aux rapports complexes entre autonomie et altérité.

Mots-clés

  • Clonage
  • Réductionnisme
  • Métaéthique
  • Contexte moral objectif
  • Première et troisième personne
  • Autonomie
  • Altérité
English

The Unpredictable as a Preservation of Otherness. Reflections on Cloning.


In the light of reductionist arguments which seek to trivialize cloning and which result from a third person perspective on the matter, this article will resolutely adopt a first person stance, in other words, the viewpoint of the cloned person. For what will it mean for that person to know that they are an identical copy of someone else produced by someone else ? Only by shifting our perspective from the biological stance to that of the hermeneutics of self will we be able to fully appreciate the modifications that cloning brings to the complex relations between autonomy and otherness.

Key-words

  • Cloning
  • Reductionism
  • Meta-ethics
  • Objective Moral Context
  • First and Third Person
  • Autonomy
  • Otherness

BIBLIOGRAPHIE

  • HABERMAS J., L’avenir de la nature humaine. Vers un eugénisme libéral ? Trad. de Christian Bouchindhomme, Paris, Gallimard, 2002.
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  • TEILHARD DE CHARDIN P., Le phénomène humain, Paris, Seuil, 1955.
Mark Hunyadi
Philosophe, professeur à l’université catholique de Louvain.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 12/04/2010
https://doi.org/10.3917/cpsy.055.0163
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