CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 De nos jours, la plupart des démocraties affranchissent leur diaspora et autorisent une forme de vote extraterritorial (Collyer et Vathi, 2007 ; Turcu et Urbatsch, 2015). Une quinzaine de pays, dont la France, l’Italie, la Tunisie ou l’Équateur, permet même l’élection directe de parlementaires par leur communauté résidant à l’étranger (Collyer, 2014b ; Gamlen, 2019). Il existe une littérature en plein essor sur la citoyenneté et les élections à distance, qui a abordé de nombreuses dimensions de ce phénomène, y compris les raisons et les modalités de la mise en œuvre de cette « citoyenneté expansive » (Bauböck, 2007 ; Lafleur, 2013a ; Turcu et Urbatsch, 2015 ; Hutcheson et Arrighi, 2015 ; Caramani et Grotz, 2015 ; Hartmann, 2015), la sociologie et les déterminants de la participation électorale à distance (Jaulin et Smith, 2015 ; Collyer 2014a ; Belchior et al., 2018 ; Ciornei et Østergaard-Nielsen, 2020 ; Burgess et Tyburski, 2020 ; Goldberg et Lanz, 2019 ; Lafleur, 2013b ; Jaulin et Nilsson, 2015) ou encore les acteurs de la vie politique à distance, et notamment les partis politiques à l’étranger (Burgess, 2018 ; Østergaard-Nielsen et Ciornei, 2019 ; Kernalegenn et van Haute, 2020).

2 Cependant, cette littérature présente encore de nombreux angles morts et lacunes. Elle se concentre notamment essentiellement sur les élections nationales au premier degré (législatives, présidentielles), même si l’on peut citer quelques exceptions, comme l’étude d’Arrighi et Lafleur (2019) sur le vote des émigrés aux élections régionales dans plusieurs pays d’Europe et d’Amérique du Nord. Il est donc important de renforcer nos connaissances sur la participation électorale des émigrés à d’autres types d’élections que les élections nationales.

3 Un deuxième angle mort relatif de la recherche est l’impact des élections à distance sur la territorialité du vote, c’est-à-dire le lien entre territoire de résidence et territoire de citoyenneté (Collyer, 2014a). Certes, les chercheurs ont déjà suggéré l’importance du vote par correspondance et par Internet dans les élections à distance, notamment pour augmenter la participation électorale car il faciliterait l’acte de vote (Belchior et al., 2018 ; Hutcheson et Arrighi, 2015 ; Ciornei et Østergaard-Nielsen, 2020). Cependant, encore une fois à quelques exceptions près (Collard et Fabre, 2014 ; Fowler, 2020 ; Germann, 2021 ; Dandoy et Umpierrez de Reguero, 2021), cela n’a pas fait l’objet de nombreuses recherches. Ceci n’est pas seulement intéressant en soi mais analyser l’utilisation du vote par Internet dans un contexte longue distance peut également être utile pour évaluer plus généralement les nouvelles évolutions techniques impliquées.

4 Les premières élections consulaires françaises, en 2014, sont une étude de cas très pertinente. D’une part, la littérature sur la vie politique des émigrés des pays développés est relativement marginale, la littérature sur les migrations et le transnationalisme politique se concentrant essentiellement sur les émigrés des pays moins développés vers les pays développés. Deuxièmement, la France a un système politique très riche pour représenter ses émigrés (Pellen, 2013 ; Kernalegenn et Pellen, 2019 ; Collard, 2013), et mieux le comprendre est essentiel, y compris à l’échelon local. Troisièmement, s’il y a une littérature émergente sur la représentation nationale des émigrés (Collyer, 2014b), il n’y a pour le moment quasiment pas de recherche sur la représentation locale des émigrés, alors même que les « institutions diasporiques » sont de plus en plus répandues (Gamlen, Cummings et Vaaler, 2019 ; Gamlen, 2019). Notamment, les élections des conseillers consulaires n’ont jamais été étudiées pour elles-mêmes, et même quasiment jamais mentionnées dans la littérature. Quatrièmement, cet article étudie un nouveau système de représentation et une élection réalisée en partie à l’aide du vote par Internet dans un pays relativement hostile à un tel dispositif (Collard et Fabre, 2014).

5 Les conseils consulaires et les élections consulaires sont dès lors des institutions de la diaspora et des élections auxquelles aucune recherche n’a été consacrée jusqu’à présent à notre connaissance. Pourtant, si cette famille d’institutions est relativement rare pour le moment, elle n’est pas spécifique à la France. On peut par exemple citer également les Consejos de Residentes Españoles en el Extranjero (Conseils des résidents espagnols à l’étranger, depuis 1987), les Comitati degli Italiani all’estero (Comités des Italiens à l’étranger, depuis 1989) ou les Conselhos consultivos da área consular (Conseils consultatifs de la circonscription consulaire, pour les émigrés portugais, depuis 2009). Cet article est donc aussi une première contribution à l’étude du système de représentation consulaire dans le monde.

6 Si les élections consulaires ont été ignorées, il en va de même pour le vote par Internet, notamment dans un contexte français et dans le contexte du vote extraterritorial. Une dizaine de pays utilisent actuellement le vote par Internet pour (certaines de) leurs élections politiques. Bien que nous ayons des connaissances scientifiques sur les électeurs par Internet et leur comportement de vote (voir par exemple Serdült et al., 2015), très peu de pays ont utilisé le vote par Internet pour leurs citoyens vivant à l’étranger (mentionnons néanmoins l’Arménie, les Pays-Bas, l’Estonie, le Panama, le Portugal ou certaines entités infranationales australiennes, étasuniennes et suisses). La littérature sur le vote par Internet pour les émigrés n’en est qu’à ses balbutiements (à deux exceptions près : Germann et Serdült, 2014 ; Collard et Fabre, 2014).

7 Cet article est structuré comme suit. Une première partie aborde le vote extraterritorial et la représentation politique des Français résidant à l’étranger et présente les élections consulaires de 2014 dans leur contexte institutionnel et politique. Une deuxième et une troisième section explorent respectivement l’offre et la demande aux niveaux des listes et des circonscriptions. La quatrième section enfin se concentre plus spécifiquement sur le phénomène du vote par Internet lors des élections consulaires de 2014 et sur le comportement de vote des électeurs par Internet. Une conclusion résume les principaux résultats de cet article et ouvre la voie à d’autres études et comparaisons.

1. Représentation des français à l’étranger et élections consulaires

8 La France n’est pas un pays d’émigration, avec seulement 1 680 594 Français inscrits à l’étranger en 2014 (soit 2,5% de la population française) et environ deux millions de Français vivant à l’étranger. [1] La France fait même partie des pays européens avec la plus faible proportion d’émigrés. Cependant, les émigrés français représentent une communauté dotée d’un nombre particulièrement important de droits politiques dans leur pays d’origine (Garriaud-Maylam, 2010 ; Collard, 2013 ; Kernalegenn et Pellen, 2020). Ils conservent le droit de vote aux élections et sont autorisés depuis 1976-1977 à voter depuis leur pays de résidence pour les référendums nationaux, les élections présidentielles et européennes, et depuis 2008 pour les élections législatives. L’inscription électorale est très simple, car le registre électoral est automatiquement tiré du registre de la population consulaire (Arrighi, 2018). [2]

9 Les Français résidant à l’étranger bénéficient également d’une représentation politique importante dans leur pays d’origine, l’une des plus importantes au monde (Collyer, 2014b). Premièrement, ils sont représentés depuis 1946 au Sénat, avec aujourd’hui douze sénateurs (sur 348). Deuxièmement, un organe politique spécial a été créé en 1948 pour conseiller le gouvernement sur toutes les questions concernant les ressortissants français résidant hors de France. Les membres de ce Conseil supérieur des Français de l’étranger (CSFE), rebaptisé Assemblée des Français de l’étranger (AFE) en 2004, se réunissent deux fois par an en séances plénières à Paris. Son rôle est de conseiller le gouvernement sur les problèmes et projets concernant les Français résidant à l’étranger et sur le renforcement de la présence française à l’étranger. Troisièmement, les citoyens français résidant hors de France ont également obtenu une représentation directe à l’Assemblée nationale en 2008. Lors des élections législatives de 2012, les émigrés français ont été appelés pour la première fois à élire onze députés, dans le cadre de onze circonscriptions. Enfin, 130 conseils consulaires ont été créés en 2014. Ce sont des organes consultatifs chargés de conseiller le consul local. Les 443 conseillers consulaires, représentants « locaux » des Français de l’étranger, sont élus directement, à la proportionnelle, dans 130 circonscriptions extraterritoriales. Après avoir été élus directement par les Français de l’étranger de 1982 à 2014, les quatre-vingt-dix membres de l’AFE sont désormais choisis par et parmi les conseillers consulaires (Kernalegenn et Pellen, 2020). Il est intéressant de noter qu’en mettant en œuvre ces deux réformes, la France a divisé le monde en onze circonscriptions législatives et 130 circonscriptions consulaires, territorialisant donc le monde à deux niveaux. Chaque Français.e résidant à l’étranger est donc représenté.e par un.e député.e et un.e ou plusieurs conseiller/ère.s consulaire.s, qu’il/elle élit directement, et indirectement par des sénateurs et des conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger. Ce qui constitue une représentation dense et territorialisée. Dans ce schéma, les conseillers consulaires font office de représentants locaux des Français de l’étranger.

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Le système de représentation politique des Français à l’étranger

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Le système de représentation politique des Français à l’étranger

10 Les conseils consulaires ont été institués par la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 [3], portant sur la représentation des citoyens français établis hors de France. Cette loi établit que le conseil consulaire est « chargé de formuler des avis sur les questions consulaires ou d’intérêt général, notamment culturel, éducatif, économique et social, concernant les Français établis dans la circonscription » (art. 3). Leurs missions les plus concrètes sont l’attribution de bourses aux étudiants français du réseau des écoles françaises à l’étranger, l’assistance sociale aux Français dans le besoin, le soutien au secteur bénévole et les problèmes de sécurité (Lequesne, 2020).

11 Le mandat des conseillers consulaires [4] est de six ans. [5] Trois modes de vote sont possibles pour leur élection : à l’urne, par procuration ou par Internet. [6] Le vote par Internet a eu lieu du 14 au 20 mai 2014. Le vote à l’urne a eu lieu dans les bureaux ouverts à l’étranger par les ambassades et consulats français le 24 (Amériques) et le 25 mai 2014 (reste du monde), soit le même jour que les élections européennes (pour lesquelles il était également possible de voter depuis l’étranger mais pour lesquelles il n’était cependant pas possible de voter par internet). Avec 480 bureaux de votes en tout, c’est-à-dire 3,7 bureaux de vote par circonscription électorale ou un bureau de vote pour 2 325 électeurs, le nombre de bureaux est élevé. D’autant plus qu’en moyenne chaque bureau de vote n’a vu passer que 219,4 électeurs. Ces bureaux de vote ne sont en outre pas répartis uniquement en fonction de la population (même si avec respectivement 36 et 26 bureaux, les circonscriptions de Genève et Bruxelles ont le plus de bureaux de vote), mais aussi en fonction de la géographie, pour aller au plus près des électeurs : il y a au moins un bureau de vote par circonscription consulaire, ce qui fait que les circonscriptions électorales [7] les plus grandes, même peu peuplées, comportent plusieurs bureaux de vote. Ainsi, la circonscription électorale consulaire d’Australie – Fidji – Papouasie – Nouvelle-Guinée, avec 12 821 électeurs, comporte 9 bureaux, dans 8 villes différentes : Adélaïde, Brisbane, Canberra, Melbourne, Perth, Sydney (2), Suva et Port-Moresby. De même, la circonscription électorale d’Iran – Pakistan – Afghanistan – Azerbaïdjan – Turkménistan – Kazakhstan – Tadjikistan – Ouzbékistan – Kirghizstan compte 10 bureaux de vote dans 8 pays et 10 villes différentes pour 1778 inscrits. Même s’il n’existe pas d’étude solide sur la sociologie et la géographie des Français de l’étranger (voir toutefois, bien que daté, Vivien et Raunet, 1997), on sait qu’ils se trouvent majoritairement dans un nombre restreint de pays, et on peut globalement estimer que ceux inscrits sur la liste électorale consulaire résident majoritairement dans ou proches des grandes villes. Les Français de l’étranger sont donc, dans leur majorité, (relativement) proches d’un bureau de vote.

12 Le nombre de conseillers consulaires dans un conseil consulaire varie d’un à neuf [8]. Vingt-deux conseils consulaires comprennent un.e seul.e conseiller.ère consulaire élu.e. Trois conseils consulaires sont constitués de neuf conseillers élus : la 2e circonscription du Royaume-Uni (qui inclut Londres), la circonscription belge et la 2e circonscription de Suisse (globalement la Suisse romande). Dans les circonscriptions où un siège unique doit être pourvu, l’élection a lieu selon le système uninominal à un tour. Dans les circonscriptions où plusieurs sièges doivent être pourvus, l’élection repose sur un scrutin de liste, avec une représentation proportionnelle basée sur la règle de la plus forte moyenne. Dans les circonscriptions les plus peuplées, des délégués consulaires sont élus en même temps que les conseillers consulaires pour corriger les différences de population entre les circonscriptions. Ils visent à compléter le corps électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France. C’est d’ailleurs leur seule fonction. Par exemple, la deuxième circonscription suisse, la plus peuplée, est composée de neuf conseillers consulaires et de douze délégués consulaires.

13 Un système de vote par Internet avait été mis en place pour la première fois en 2006 pour l’élection des membres de l’AFE [9], qui étaient alors élus directement par tous les Français inscrits à l’étranger. Seuls 10 201 électeurs avaient décidé de voter en utilisant cette modalité (Collard et Fabre, 2014). Par la suite, des rapports de l’ADFE (Association démocratique des Français de l’étranger – le rapport dit Pellegrini) et de l’UFE (Union des Français de l’Étranger – le rapport dit Lang) avaient tous deux exprimé de sérieux doutes quant à la vérifiabilité, transparence et sincérité du vote par Internet.

14 Néanmoins, un décret du 12 mai 2009 a autorisé son utilisation plus générale. Le vote par Internet a de nouveau été utilisé lors des élections AFE de 2009 et 2010 (élections partielles). Plus important encore, le vote par internet a également été mis en place pour l’élection législative de 2012 dans les onze circonscriptions nouvellement créées pour les Français résidant à l’étranger, aux côtés du vote en personne, par procuration et par correspondance. À ce moment-là, le vote par Internet est devenu plutôt populaire parmi les électeurs, puisque 57% d’entre eux ont choisi de voter en ligne pour le premier tour (53,6% pour le deuxième tour) (Collard et Fabre, 2014). [10]

15 Le vote par Internet a été confirmé pour l’élection consulaire de 2014. Parallèlement aux bureaux de vote traditionnels, un bureau de vote électronique a été mis en place afin de superviser le processus de vote par internet et de l’arrêter en cas de menace sécuritaire ou d’attaque de pirates. Les internautes ont été invités à exprimer leur vote quelques jours avant le jour du scrutin, afin de les identifier et de les lister, et ainsi empêcher les internautes d’émettre un second vote physiquement ou par procuration le jour du scrutin.

16 Pour pouvoir voter par internet aux élections consulaires, les électeurs français devaient être inscrits sur la liste électorale consulaire. Cette inscription se fait automatiquement sur la base du Registre des Français établis hors de France qui peut se faire en ligne ou physiquement dans les consulats et ambassades de France. Plus important encore, les électeurs sont censés avoir communiqué leur adresse postale, une adresse électronique valide et un numéro de téléphone lors de leur inscription. Ces trois éléments sont importants car les identifiants et mots de passe sont communiqués aux électeurs par courrier, courriel et SMS.

17 De nombreuses critiques ont été exprimées sur le vote par Internet pour les élections consulaires de 2014, notamment dans deux rapports du Sénat (Frassa et Leconte, 2015 ; Deromedi et Détraigne, 2018). Premièrement, il s’est avéré difficile de communiquer les identifiants et les mots de passe aux électeurs, car environ 25% des électeurs inscrits n’ont pas fourni d’adresse électronique valide alors que la réception de courriers et de SMS a rencontré des difficultés dans plusieurs pays. Deuxièmement, 6% des internautes (soit environ 4 630 citoyens) ont contacté les services de soutien car ils ont rencontré des problèmes de connexion. Enfin, l’augmentation du nombre de connexions quelques heures avant la fin du vote par Internet a saturé la plateforme de vote et l’a rendue inaccessible pendant environ deux heures. Les conséquences de ces trois phénomènes sur le comportement électoral et sur les résultats des élections restent inconnues, bien qu’elles aient probablement contribué au faible taux de participation.

2. L’offre aux élections consulaires : des élections concurrentielles

18 Afin d’explorer les résultats des élections consulaires de 2014, nous avons analysé l’offre et la demande électorales au niveau des 130 circonscriptions électorales. Les données collectées s’appuient sur les registres électoraux officiels du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. [11] Pour nos analyses, nous avons considéré le nombre de listes participant aux élections consulaires dans chacune des 130 circonscriptions comme une approximation pour mesurer l’offre électorale.

19 Pas moins de 395 listes ont été présentées dans les 130 circonscriptions, ce qui signifie qu’en moyenne il y avait un peu plus de trois listes par circonscription. Cette offre électorale varie de aucune liste dans la circonscription d’Ukraine à neuf dans la quatrième circonscription canadienne (Montréal). Dans sept autres circonscriptions, une seule liste a été présentée aux électeurs, ce qui signifie que, dans une grande majorité des circonscriptions (93,89%), ces élections concernaient au moins deux listes. De plus, aucune liste n’a réussi à obtenir la totalité des sièges en jeu dans ces circonscriptions comprenant au moins deux listes. Par exemple, la liste « Union des Français en Algérie » a obtenu pas moins de 71,49% des voix dans la 1ère circonscription algérienne, mais n’a remporté que deux sièges de conseillers sur trois. On peut donc affirmer que les élections consulaires de 2014 ont bien été concurrentielles. Globalement, un plus grand nombre de listes électorales sont observées dans les circonscriptions rattachées aux pays européens et américains tandis que ce nombre est plus réduit dans de nombreuses circonscriptions africaines et asiatiques (voir Tableau 2).

20 En parallèle, nous avons mené un ensemble d’analyses multivariées (voir Tableau A1, Modèle 1 en Annexe) [12]. Ces analyses indiquent que l’offre électorale est positivement liée au nombre d’électeurs inscrits dans la circonscription, à la taille de la population du pays d’accueil, et à son appartenance à l’ancien empire colonial français. Il semble également y avoir un effet positif et significatif du pourcentage de la population utilisant internet sur le nombre de listes. Étant donné que le vote par Internet était disponible pour l’ensemble de l’électorat, il est vraisemblable que certains candidats potentiels aient décidé de déposer une liste dans l’espoir que cette modalité de vote leur procure un résultat électoral plus important. À l’inverse, le nombre de listes en lice semble indépendant de la qualité de la démocratie dans le pays, son utilisation du français comme langue officielle ou sa distance avec Paris.

21 On observe une très grande variété de noms de listes, des listes qui utilisent le nom d’un parti politique existant au niveau national à des listes qui se limitent au nom du/de la candidat.e en lice ou des listes qui s’adressent uniquement aux électeurs français d’un pays spécifique (par exemple la liste « Français de Colombie » dans la circonscription de Colombie). Dans certains cas, le nom de la liste ne fait pas référence à la politique ou aux élections mais fait référence à la culture et aux spécificités françaises en générale, comme la liste « Kimchi et saucisson » dans la circonscription sud-coréenne ou « La France qu’on aime » dans la circonscription polonaise. Cette grande variation dans les noms de liste complique toute analyse du comportement électoral car elle repose sur un recodage préliminaire des noms de liste afin de les lier, quand c’est possible et pertinent, à des partis politiques ou à des idéologies politiques spécifiques. Dans le tableau 1, nous présentons une typologie des noms de listes qui ont concouru aux élections consulaires de 2014.

Tableau 1

Typologies des noms de listes

Nom de liste s’appuyant sur…N%
Nom du/de la candidat.e5012.7
Parti politique national (UMP, PS, UDI…)7819.7
Parti politique émigré (ASFE, RFE)164.1
Association politique (ADFE, UFE)13032.9
Autre liste politique4711.9
Liste locale7218.2
Autre4611.6

Typologies des noms de listes

Note : Le total est supérieur à 100% dès lors que 44 noms de listes contenaient à la fois la référence à un parti politique et à une association.

22 Un premier groupe de soixante-dix-huit listes (23,8%) concerne des noms de listes pouvant être liés directement à un parti politique français. Le nom de parti qui apparaît le plus fréquemment est le parti de droite Union pour un mouvement populaire (UMP), avec cinquante-sept occurrences (14,4% de toutes les listes). Les autres partis sont moins mentionnés dans les noms des listes. Deux partis de centre-droit sont présents : Union des démocrates et indépendants (UDI, douze listes) et Mouvement démocrate (Modem, trois listes) tandis qu’à gauche, le Front de gauche est mentionné dans sept noms de listes. Les autres partis sont quasiment absents des noms des listes, car une seule liste fait référence respectivement au nom du Parti socialiste (PS), d’Europe écologie Les Verts (EELV) et du Front national (FN). Deux partis d’émigrés (Kernalegenn et van Haute, 2019) sont également présents dans les noms des listes : l’Alliance solidaire des Français de l’étranger de Jean-Pierre Bansard (ASFE, quatre listes) et le Rassemblement des Français de l’étranger de Robert del Picchia (RFE, douze listes). Au total, ce groupe de listes représente pas moins de seize listes (4,1%).

23 Un deuxième groupe de listes concerne les 130 listes (32,9%) qui représentent les intérêts d’une association politique mondiale de migrants. Les Français à l’étranger sont représentés par deux organisations principales : l’Union des Français de l’Étranger (UFE), historiquement liée aux partis de droite, notamment l’UMP, et Français du monde – Association démocratique des Français de l’étranger (FdM-ADFE), historiquement proche du PS. Trente-huit noms de listes incluent explicitement une référence à l’UFE (généralement, mais pas toujours, avec également le soutien de l’UMP) et vingt-neuf listes mentionnent FdM-ADFE dans leur nom. De nombreuses listes UFE sont déclinées avec le nom du pays : « Union des Français d’Asie du Sud », « Union des Français du Bénin » », etc. De même, de nombreuses listes FdM-ADFE contiennent le nom du pays, suivant « Français de… », et généralement une sélection des mots « citoyens », « du monde », « unis », « ensemble » : « Français d’Allemagne, citoyens et solidaires » ; « Français de Côte d’Ivoire, citoyens du monde » ; « Français du Monde-Ensemble à Djibouti », etc. À ce groupe de listes rattachées à une association politique mondiale de migrants, nous pouvons ajouter les listes « L’Humain d’abord » (neuf listes), qui sont liées à la coalition de gauche radicale du Front de gauche.

24 De nombreuses listes ne mentionnent pas une organisation, mais indiquent simplement leur position sur l’axe gauche-droite, même si elles mentionnent généralement explicitement dans leur matériel électoral les partis et / ou associations qui les soutiennent. La plupart de ces listes sont en effet des listes d’unions. Elles regroupent quarante-sept listes (11,9%). Plus précisément, on observe 28 listes qui déclarent explicitement qu’elles sont de gauche (par exemple la liste « Citoyens de gauche-Proches et solidaires » dans la troisième circonscription algérienne) tandis que trente-cinq listes se décrivent comme de droite (par exemple « Union de la droite et du centre au Luxembourg »). [13]

25 De nombreuses listes (12,7%) sont réduites au nom de son/sa candidat.e. En effet, 22 circonscriptions élisent un seul conseiller consulaire, et les noms des listes (constituées d’un.e titulaire et d’un.e suppléant.e) apparaissent automatiquement comme le nom du/de la candidat.e titulaire, indépendamment de l’appartenance de ce.tte candidat.e à un parti ou à une association existante. Cela n’empêche pas les candidats individuels d’appartenir ou d’être proches d’un parti existant. Dans la section quatre de cet article, ces candidats seront recodés en fonction de leur affiliation politique, lorsque celle-ci est connue.

26 Les deux dernières catégories (29,8%) concernent des listes qui ne fournissent pas d’informations explicites sur leur affiliation potentielle à un parti ou une association existant en leur nom. Dix listes se disent explicitement « indépendantes » et deux « apolitiques », comme la liste « Alliance apolitique et associative » dans la quatrième circonscription chinoise ou la liste « AVENIR France Allemagne EUROPE, Agir pour vous, loin des querelles partisanes » dans la troisième circonscription allemande. Dans le groupe des listes locales, on retrouve par exemple les listes « Français d’Australie » ou « Solidaires au Japon », tandis que des exemples de listes au nom peu explicite sont « Pour une proximité solidaire » dans la circonscription autrichienne ou « Générations » en Argentine.

27 Comme de nombreuses listes ne font pas explicitement référence à leur affiliation ou orientation politique dans leur nom, l’identification de celle-ci repose sur d’autres types de sources. Premièrement, les bulletins de vote peuvent être plus explicites que le nom officiel de la liste. Par exemple, pour la liste « Citoyenneté, Diversité et Écologie – Français du Luxembourg », le bulletin de vote contient le nom et le logo d’EELV, rappelant qu’il s’agit de la liste officielle du parti écologiste. De plus, lors de la campagne électorale de 2014, les électeurs français résidant à l’étranger ont reçu une copie des programmes électoraux et des affiches des listes concurrentes dans leur circonscription via la liste électorale consulaire (LEC) [14]. Par ce biais, souvent, des informations supplémentaires sur les organisations soutenant les différentes listes, ainsi que leur idéologie, ont été fournies aux électeurs. Par exemple, l’affiche de la liste « Citoyenneté, Diversité et Écologie – Français du Luxembourg » indique que la liste a non seulement le soutien d’EELV, mais aussi celui du Parti Pirate et même de Déi Gréng, le Parti Vert luxembourgeois. De même, le manifeste de la liste « Français du Luxembourg – Progressistes et Solidaires » nous permet de savoir que la liste a le soutien du PS, du PRG et de FdM-ADFE. Les images 2 à 4 illustrent des exemples de bulletins de vote appartenant à différents types de listes : un lié à un parti politique existant, un lié à une association politique de migrants et un appartenant à une association de migrants indépendante.

Images 2, 3 et 4

Exemples de bulletins de vote

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Exemples de bulletins de vote

Note : Image 2 : Bulletin de la circonscription du Pérou (avec le soutien d’EELV et du Front de gauche) ; Image 3 : Bulletin de la circonscription de Roumanie (avec le soutien de FdM-ADFE) ; Image 4 : Bulletin de la 2nde circonscription de l’Inde (organisation émigrée indépendante).
Source : base de données des auteurs.

28 Enfin, de nombreuses listes ont mené une campagne en ligne via des pages ou sites Web spécifiques ou des comptes dans divers médias sociaux (Facebook, Twitter, etc.). Avec l’aide de notre réseau personnel d’émigrés français, nous avons rassemblé une grande quantité de matériel de campagne, notamment des programmes électoraux, des tracts de campagne et des informations en ligne. Nous avons complété ce matériel par une recherche dans les médias en ligne, puisque de nombreux médias communautaires français ont couvert la campagne consulaire de 2014. Au final, nous avons réussi à rassembler des informations pertinentes concernant pas moins de 365 listes, soit 92,4% des listes. Sur les 7,6% restants, dix-neuf concernent des candidats individuels et onze concernent des listes (probablement indépendantes). Cette recherche nous a permis d’avoir une vue d’ensemble précise et statistiquement significative d’une grande majorité des listes en lice aux élections consulaires.

3. La demande aux élections consulaires

29 Parallèlement à l’offre électorale, nous avons également exploré la demande électorale. La mesure de la demande électorale repose sur les chiffres du taux de participation au niveau de chaque circonscription ainsi que sur les votes invalides, mesurés comme la part des votes blancs et nuls pour chaque circonscription. Il y a 130 circonscriptions mais comme il n’y avait pas de candidats – et donc pas d’élection – dans la circonscription ukrainienne [15], nos analyses du taux de participation et du taux de votes invalides concernent les 129 circonscriptions restantes.

30 Premièrement, nous avons examiné les chiffres de participation pour les 129 circonscriptions où des élections ont eu lieu. Globalement, le taux de participation a été plutôt faible aux élections consulaires de 2014, seuls 16,61% des inscrits ayant voté, ce qui représente une moyenne de 20,61% par circonscription électorale. Cette différence s’explique par le fait que le taux de participation est plus élevé dans les petites circonscriptions. Le taux de participation varie toutefois grandement selon les circonscriptions, de 6,79% dans la deuxième circonscription israélienne (Tel Aviv) [16] à 51,75% dans la deuxième circonscription indienne (Pondichéry) [17]. Il est également intéressant de constater que des taux de participation électorale plus élevés s’observent dans de nombreuses circonscriptions d’Afrique et d’Asie contrairement aux circonscriptions situées dans les Amériques (voir Tableau 2).

31 La participation électorale peut en partie être expliquée par trois phénomènes (voir Tableau A1, Modèle 2 en Annexe). [18] Le taux de participation aux élections consulaires est plus basse dans les circonscriptions caractérisées par un grand nombre d’électeurs inscrits, ce qui confirme des études précédentes selon lesquelles plus une circonscription est grande et peuplée, plus le taux de participation est faible (Dahl et Tufte, 1973), mais contredit par contre des études sur l’engagement politique des migrants, selon lesquelles plus la densité de migrants est forte, plus ceux-ci sont susceptibles de s’engager dans la politique de leur pays d’origine (Levitt, 2001 ; Ahmadov et Sasse, 2015). Si à la suite de Ciornei et Østergaard-Nielsen (2020), nous trouvons un impact positif des liens culturels entre pays d’origine et pays d’accueil, celui-ci est plus historico-politique que linguistique : les pays appartenant à l’ancien Empire colonial français [19] affichent une participation plus élevée aux élections consulaires, en revanche nous ne trouvons pas d’effet substantiel de l’appartenance à la francophonie [20]. La concurrence entre listes a également un impact légèrement positif sur le taux de participation puisque chaque liste supplémentaire est associée à une augmentation du taux de participation d’environ 1,4%. En revanche, alors que Ciornei et Østergaard-Nielsen (2020) ont observé que la qualité de la démocratie dans le pays de résidence a un effet (certes faible) sur la participation des émigrés issus des démocraties en développement, dans le cas des élections consulaires françaises de 2014 nous n’observons pas un tel effet [21].

32 Deuxièmement, notre analyse de la demande électorale dans les élections consulaires est complétée par une exploration de la part des votes invalides (voir Tableau A1, Modèle 3 en Annexe). [22] Globalement, la part des votes nuls et blancs était de 3,70% dans les 130 circonscriptions, représentant une moyenne de 4,73% par circonscription. La part la plus faible de votes invalides (1,32%) a été observée dans la deuxième circonscription américaine (Boston) tandis que la part des votes invalides a atteint 31,31% dans la circonscription du Guatemala (61 votes blancs et 6 votes nuls). Les circonscriptions électorales situées en Europe démontrent en moyenne un pourcentage de votes invalides plus réduit que dans les autres circonscriptions (voir Tableau 2). Sur les 6 867 votes nuls exprimés lors des élections consulaires de 2014, 70,26% d’entre eux concernaient des votes blancs.

33 Il est également intéressant de remarquer que la part des votes invalides est plus élevée dans les circonscriptions où il y a moins de listes en compétition. C’est le cas du Guatemala justement, où il n’y avait qu’un seul candidat. Étant donné que la majorité des votes nuls sont des votes blancs, cela signifie probablement que les électeurs peuvent plus facilement exprimer un vote valide (c’est-à-dire trouver une liste plus proche de leur position personnelle) lorsqu’il y a plus de listes participant aux élections. En ce sens, une part élevée de votes blancs pourrait témoigner que les électeurs sont mécontents de l’offre politique (Moualek, 2017). Cet élément renforce notre constatation du caractère politique de ces élections consulaires.

Tableau 2

Offre et demande électorale lors des élections consulaires de 2014 (moyenne par continent et mondiale)

Offre électoraleDemande électorale
ContinentNombre de listesTaux de participationVotes invalides
Afrique2,8622,34%5,25%
Amériques3,2117,71%5,07%
Asie-Océanie2,8921,58%4,89%
Europe3,1820,83%3,72%
Total3,0420,61%4,73%

Offre et demande électorale lors des élections consulaires de 2014 (moyenne par continent et mondiale)

4. Le vote à l’urne et par internet aux élections consulaires de 2014

34 Dans cette dernière section, nous présentons les résultats des élections consulaires de 2014 pour les 395 listes en présence dans les 129 circonscriptions électorales. Sur base des registres électoraux officiels du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, nous avons encodé les votes obtenus par chaque liste individuelle en fonction de la modalité de vote (à l’urne ou par internet), ce qui nous a permis de distinguer différentes catégories d’électeurs. Nous avons également rassemblé une grande quantité d’informations concernant l’idéologie de chaque liste, sa position sur l’axe gauche-droite, son nom ou son rattachement à un parti politique ou une association d’émigrés. En fin de compte, ces informations nous permettront d’explorer si les électeurs utilisant Internet expriment un comportement différent de celui des électeurs votant à l’urne. La question sous-jacente est de savoir si l’utilisation du vote par Internet tend à favoriser certains types de partis.

4.2. Une comparaison entre électeurs à l’urne et par Internet

35 Lors des élections consulaires de 2014, les électeurs pouvaient choisir d’exprimer leur vote en personne dans les locaux du consulat ou de l’ambassade de France (ou tout autre bâtiment loué ou mis à disposition par les services consulaires, notamment dans les grandes circonscriptions) [23] de leur pays d’accueil, par procuration, ou via internet. Nous faisons ainsi la distinction entre les deux premières catégories d’électeurs (les « électeurs à l’urne ») et la troisième (les « électeurs Internet »). Sur les 185 422 citoyens français qui ont voté aux élections consulaires, une petite majorité d’entre eux ont voté en personne à l’urne, directement ou par procuration. 80 115 citoyens (43,21%) ont quant à eux voté via Internet du 14 au 20 mai 2014. Ce chiffre est comparativement plus bas que ceux observés lors des élections législatives de 2012 puisque 57,39% (1er tour) et 53.54% (2nd tour) des électeurs français résidant à l’étranger ont alors utilisé Internet pour exprimer leur vote. [24]

36 Avant d’approfondir l’explication du comportement électoral lors des élections consulaires de 2014, nous explorons brièvement la variation de la part des électeurs Internet par circonscription. Si plus de quatre électeurs sur dix ont utilisé Internet pour remplir leurs bulletins de vote, il existe en effet une énorme variation de cette variable entre les circonscriptions électorales. La plus faible proportion d’électeurs sur Internet est observée dans la circonscription des Comores (1,68%), alors qu’ils représentaient 73,54% du nombre total d’électeurs dans la deuxième circonscription étasunienne (Boston). Les votants par Internet représentaient la majorité des votants dans 29 circonscriptions, pour la plupart situées en Europe occidentale et en Amérique du Nord.

37 Nos analyses (voir Tableau A1, Modèle 4 en Annexe) indiquent en outre que les électeurs par Internet sont également plus nombreux dans les pays présentant une population plus importante et une qualité de démocratie plus élevée. Sans surprise, enfin, nous constatons que la part des électeurs sur Internet est nettement plus importante dans les pays où l’utilisation d’Internet est plus élevée [25].

38 Dans cet article, nous souhaitons également explorer si les électeurs à l’urne et les électeurs Internet affichent un comportement de vote différent. Notre première étape consiste à examiner les chiffres concernant le taux de participation et les votes invalides parmi les différents types d’électeurs (voir Tableau 3). En moyenne, le taux de participation global (16,61%) peut être subdivisé en électeurs à l’urne (9,44%) et électeurs Internet (7,18%). Le taux de participation le plus faible parmi les électeurs à l’urne se trouve en Nouvelle-Zélande (3,06%), tandis que le plus élevé est observé dans la deuxième circonscription indienne (49,74%). Le taux de participation par Internet est le plus bas dans la circonscription des Comores (0,34%) alors qu’il atteint 14,56% au Danemark.

39 Même si le lien entre la part des votants par Internet dans une circonscription et le taux de participation par Internet est important, des dynamiques différentes peuvent être en jeu. Une part importante de votants par Internet n’entraîne pas automatiquement un taux de participation Internet plus élevé. Par exemple, 45,14% des électeurs français en République tchèque ont décidé d’utiliser Internet pour exprimer leur vote et le taux de participation à Internet a atteint 14,47%. Dans la septième circonscription américaine (Los Angeles), la part des électeurs par Internet était encore plus importante (57,19%) mais la participation par Internet était presque trois fois plus faible (5,03%).

40 En ce qui concerne les électeurs à l’urne, le taux de participation est plus important dans les circonscriptions africaines et asiatiques, et en particulier celles localisées dans les pays appartenant au passé colonial français. Mais les chiffres de participation des électeurs par Internet raconte une autre histoire. On observe que le taux de participation par Internet est nettement plus élevé dans les pays européens, peut-être à cause de l’impact indirect de la campagne environnante pour les élections européennes qui a eu lieu quelques jours après le vote en ligne pour les élections consulaires. Le taux de participation par Internet est également plus élevé dans les pays où Internet est largement utilisé, comme les États-Unis ou le Japon. L’utilisation d’Internet permet aux électeurs émigrés de suivre l’actualité politique de leur pays d’origine et de prendre le pouls de la dynamique électorale chez eux (Metykova, 2010 ; Oiarzabal et Reips, 2012).

41 En ce qui concerne les votes invalides, nous observons peu de différence entre les électeurs à l’urne et par Internet. Les électeurs à l’urne ont exprimé en moyenne 4,53% de votes invalides alors qu’ils représentaient 5,58% du nombre total de votes pour les électeurs Internet. Parmi les électeurs à l’urne, les votes blancs représentent un peu moins de la moitié des votes invalides (49,12%), le reste étant des votes nuls. Comme évoqué plus haut, le nombre de listes en lice aux élections consulaires a un impact négatif sur les votes invalides pour les électeurs Internet, ce qui signifie que les électeurs ont tendance à exprimer moins de votes invalides (dans ce cas, des votes blancs) lorsque l’offre électorale est plus importante. Nous n’observons néanmoins pas de tendance similaire en ce qui concerne les électeurs à l’urne. Fait intéressant, la part des votes invalides est plus faible dans les pays où Internet est largement utilisé.

Tableau 3

Demande électorale par type d’électeurs lors des élections consulaires de 2014 (moyenne par continent)

Électeurs à l’urneÉlecteurs par Internet
ContinentTaux de participationVotes invalidesTaux de participationVotes invalides
Afrique17,58%4,93%4,76%6,82%
Amériques10,74%5,49%6,97%5,49%
Asie-Océanie14,31%4,63%7,28%5,49%
Europe11,64%3,06%9,19%4,44%
Total9,44%4,53%7,18%5,58%

Demande électorale par type d’électeurs lors des élections consulaires de 2014 (moyenne par continent)

4.1. Le comportement de vote des électeurs par Internet

42 La deuxième étape de l’exploration des différences de comportement électoral des électeurs à l’urne et par Internet concerne les votes pour les partis et candidats. Les électeurs à l’urne et par Internet expriment-ils leurs préférences pour le même ensemble de partis ou de candidats ? Observons-nous une variation significative du succès des partis en fonction de leur position sur l’axe gauche-droite ? En d’autres termes, cette section vise à vérifier s’il existe un biais de sélection lorsque les électeurs optent pour certains types de modalités de vote.

43 Étant donné qu’un nombre important de listes et de candidats en lice aux élections consulaires de 2014 ne peuvent être liés à des partis politiques spécifiques, nous les avons recodés en fonction de leur position sur l’axe traditionnel gauche-droite. Dans l’ensemble, nous avons réussi à identifier la position gauche-droite de pas moins de 322 listes (soit 81,52% du nombre total de listes). Dans le tableau 4, nous observons que pas moins de 183 listes (46,33%) peuvent être positionnées à droite. 120 listes (30,38%) appartiennent à la gauche, ce qui signifie qu’il y avait presque un.e candidat.e de gauche par circonscription. Peu de listes sont positionnées à l’extrême gauche et à l’extrême droite de l’axe (3,04% et 1,77% respectivement). Il y avait deux listes explicitement vertes, mais elles ont été codées comme de gauche : à ces deux exceptions près, EELV était présente sur ou soutenait 33 listes de gauche « plurielles ». De même, quinze listes pourraient être liées au centre-droit, principalement des listes liées au MoDem et / ou à l’UDI. Le système des partis français étant très bipolaire, ces deux partis appartenaient ou soutenaient la plupart du temps des listes plurielles de droite. Nous les avons donc codées comme des listes de droite. Enfin, une catégorie composée de 73 listes regroupe les listes indépendantes et les listes que nous n’avons pas pu positionner sur l’axe gauche-droite pour les élections consulaires de 2014.

44 L’analyse des résultats des élections fournit des informations intéressantes. Les listes et candidats situés à droite de l’axe sont les plus performants parmi les Français résidant à l’étranger. Au total, ils ont recueilli pas moins de 52% des voix et plus de la moitié des sièges de conseillers. Ce groupe de listes est suivi des listes de gauche qui ont obtenu un peu plus d’un tiers des voix et des sièges. Mais le nombre moyen de votes par liste indique que les listes de gauche réussissent relativement mieux puisqu’elles attirent en moyenne 517 voix tandis que les listes de droite obtiennent 509 votes en moyenne.

45 Les résultats des autres types de listes semblent – en comparaison – plus anecdotiques. Les listes d’extrême gauche ont obtenu 2,63% des voix et seulement cinq sièges de conseillers et un délégué, confirmant la faible appétence des émigrés européens pour les partis d’extrême gauche (Turcu et Urbatsch, 2020), tandis que les listes d’extrême droite ont obtenu des résultats encore plus faibles (1,07% des voix) mais ont réussi à obtenir quatre conseillers et un délégué. Le nombre absolu de listes pour chaque tendance politique n’explique pas ces variations. Lorsqu’on regarde le nombre moyen de votes obtenus par chaque liste, les listes de gauche et de droite obtiennent plus de voix que la moyenne, tandis que les listes d’extrême droite semblent les moins appréciées, ce qui est conforme aux tendances électorales traditionnelles des émigrés français (Collard, 2013).

Tableau 4

Résultats de l’élection en fonction de l’axe gauche-droite (élections consulaires de 2014)

Nombre de listesVotes (total)Votes (moyenne)Élus
Extrême-gauche124699 (3,04%)391,585 (1,13%)
Gauche12062010 (30,38%)516,75153 (34,62%)
Droite18392746 (46,33%)508,81238 (53,84%)
Extrême-droite71906 (1,77%)272,293 (0,68%)
Indépendent / Inconnu7317022 (18,48%)233,1843 (9,73%)
Total395178383 (100,00%)451,60442 (100,00%)

Résultats de l’élection en fonction de l’axe gauche-droite (élections consulaires de 2014)

46 À l’occasion des élections consulaires de 2014, 101 210 votes valables ont été exprimés en personne dans les locaux du consulat ou de l’ambassade de France (les électeurs à l’urne) tandis que pas moins de 77 173 votes valides ont été enregistrés via la plateforme en ligne avant le jour de l’élection (les électeurs Internet). Dans le tableau 5, nous présentons un aperçu des résultats des élections consulaires en fonction de la position gauche-droite des listes et du type de mode de vote choisi par les électeurs français.

47 Les différences observées entre les électeurs à l’urne et ceux par Internet ne sont pas très importantes mais restent significatives. Globalement, les deux types d’électeurs affichent le même comportement de vote et ont tendance à favoriser les mêmes types de listes. Mais il existe quelques différences importantes pour tous les types de listes et de candidats, à l’exception des listes centristes. Les listes d’extrême gauche semblent mieux réussir parmi les électeurs par Internet tandis que les listes d’extrême droite ont plus de succès parmi les électeurs à l’urne. Mais les deux principaux groupes de listes présentent les plus grandes différences. Les listes et les candidats qui se trouvent à gauche de l’axe réussissent moins bien parmi les électeurs Internet (-1,99%) tandis que les listes de droite reçoivent plus de voix des électeurs qui ont voté en ligne (+2,14%). Enfin, les listes indépendantes et à la coloration politique inconnue sont plus populaires parmi les électeurs à l’urne.

Tableau 5

Résultats de l’élection par type d’électeur et par positionnement gauche-droite (élections consulaires de 2014)

Nombre de listesÉlecteurs à l’urneÉlecteurs par InternetDifférence
Extrême-gauche122,52 %2,78 %+ 0,26 %
Gauche12035,62 %33,63 %- 1,99 %
Droite18351,07 %53,21 %+ 2,14 %
Extrême-droite71,11 %1,01 %- 0,10 %
Indépendent / Inconnu739,68 %9,36 %- 0,31 %
Total395100,00 %100,00 %

Résultats de l’élection par type d’électeur et par positionnement gauche-droite (élections consulaires de 2014)

Conclusion

48 Cet article visait à explorer une catégorie d’élections jusqu’à présent pas étudiée : les élections consulaires qui concernent, en France, l’élection directe de 443 conseillers consulaires dans 130 circonscriptions extraterritoriales par un corps électoral d’1,13 millions d’émigrés français (en 2014). En mai 2014, les premières élections consulaires étaient organisées et les électeurs avaient le choix entre voter à l’urne, dans les consulats ou des bureaux de vote mis à disposition par les consulats, par procuration ou par internet.

49 Notre dispositif de recherche repose sur une analyse qualitative et quantitative des élections consulaires de 2014. Premièrement, nous avons enquêté sur l’offre électorale en explorant les 395 listes en lice à ces élections en analysant les noms des listes, leurs liens avec les partis existants et les associations de migrants ainsi que leur position sur l’échelle gauche-droite. Nous avons compilé un grand nombre de bulletins de vote, de matériel de campagne et d’informations médiatiques. Deuxièmement, nous avons utilisé les résultats officiels des élections au niveau de chaque circonscription afin d’observer différents phénomènes liés à la demande électorale : taux de participation, proportion de votes blancs et nuls et votes attribués aux listes et aux candidats.

50 Concernant l’offre électorale, notre analyse confirme que les élections consulaires de 2014 étaient compétitives. Une grande majorité des circonscriptions a vu au moins deux listes concurrentes et il y avait – en moyenne – plus de trois listes par circonscription. Sur la base de leurs noms, seuls 23,8% des listes peuvent être explicitement liées aux partis politiques nationaux existants, ce qui pourrait indiquer une politisation atténuée. Une grande partie des listes présentait une proximité avec les partis d’émigrés ou des associations communautaires de Français à l’étranger, tandis que plusieurs listes se revendiquaient explicitement « indépendantes » ou « apolitiques ».

51 Le matériel électoral (bulletins de vote, affiches, professions de foi…) était néanmoins plus explicite. Nous avons ainsi réussi à positionner une grande majorité des listes sur l’axe gauche-droite : 183 listes étaient ancrées à droite tandis que 120 listes pouvaient être rattachées à la gauche. Les listes de droite ont le mieux réussi, réunissant plus de 46,33% des voix et gagnant plus de la moitié des sièges de conseillers. Les partis de gauche ont obtenu 30,38% des voix, tandis que les listes d’extrême gauche et d’extrême droite ont enregistré des résultats électoraux marginaux.

52 Concernant la demande électorale, seulement 185 422 Français ont participé aux élections consulaires de 2014. Le taux de participation a été plutôt faible (16,61%) tandis que la part des votes nuls et blancs a atteint 3,7%. Des tendances différentes s’observent selon la localisation géographique des circonscriptions électorales tandis que nos analyses du taux de participation démontrent l’importance de la taille de la circonscription ainsi que de l’héritage historico-politique du pays d’accueil des émigrés français. L’offre et la demande électorales sont également liées entre-elles puisque la part des votes invalides est plus élevée dans les circonscriptions où il y a moins de listes en compétition.

53 Cette élection a été caractérisée par la possibilité de voter par Internet. Internet permet aux électeurs émigrés de suivre l’actualité politique de leur pays d’origine et de prendre le pouls de la dynamique électorale chez eux. Nos analyses ont révélé que l’environnement des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans le pays hôte a un effet sur le processus électoral. Outre le fait qu’il mène à une augmentation du nombre de listes (offre électorale), il conduit également à une plus grande part des électeurs Internet (par rapport aux électeurs à l’urne). 43,21% des Français ayant participé aux élections consulaires de 2014 ont voté via Internet.

54 Les résultats officiels nous ainsi ont permis de faire la différence entre les électeurs à l’urne et les électeurs Internet. Nos analyses ont démontré que, même si la part des votes invalides (blancs et nuls) est plus élevée pour les électeurs Internet par rapport aux électeurs à l’urne, les deux types d’électeurs affichent le même comportement de vote et ont tendance à favoriser les mêmes types de listes. Les seules différences significatives que nous avons constatées concernent le succès électoral des partis en fonction de leur position sur l’axe gauche-droite : les partis de gauche semblent moins bien réussir parmi les électeurs Internet (-1,99%) tandis que les listes de droite reçoivent plus de soutiens des électeurs qui ont voté en ligne (+ 2,14%).

55 Cette contribution appelle des analyses complémentaires. Compte tenu de l’absence de variables sociodémographiques sur les citoyens français résidant à l’étranger, nous ne savons rien de l’impact des caractéristiques personnelles des migrants français sur leurs comportements électoraux. De futurs travaux pourraient enquêter sur le comportement électoral des émigrés au niveau individuel : les enquêtes académiques devraient à l’avenir inclure les électeurs français résidant à l’étranger dans leurs analyses. Cela nous permettra de tester si des variables telles que l’âge, l’éducation ou la trajectoire de migration pourraient jouer un rôle dans la décision de voter aux élections consulaires, d’utiliser le vote par Internet et / ou de voter pour certains partis ou candidats. De plus, il serait utile de collecter des informations supplémentaires sur ces partis ou candidats lors des prochaines élections afin d’affiner nos résultats. Enfin, si les politiques de vote extraterritorial redéfinissent les frontières géographiques de la communauté politique et le lien entre territoire étatique et souveraineté (Lafleur, 2013a : 30 ; Collyer, 2014a), les élections consulaires redéfinissent également le sens des élections locales et devraient être étudiées plus systématiquement comme telles. En effet, élections de proximité, les élections consulaires sont des élections territoriales dès lors que l’ensemble du monde a été subdivisé en 130 circonscriptions consulaires et qu’elles produisent des conseils consulaires, institutions représentatives consultatives des Français de l’étranger.

56 Une autre piste prometteuse pour les recherches futures se situe sans aucun doute dans l’élargissement des études de cas et la comparaison avec des élections similaires dans d’autres contextes. On pourrait penser par exemple à une comparaison avec les élections consulaires dans des pays comme l’Italie, le Portugal et l’Espagne, qui ont des systèmes très similaires à celui de la France. Mais les comparaisons les plus pertinentes se situent probablement dans le contexte français. Il serait important de comparer les élections consulaires aux autres expériences de votes à l’étranger, pour les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger avant 2014 ou pour les députés des Français de l’étranger en 2012 et 2017. Il serait aussi intéressant de tenter une comparaison avec les élections municipales françaises. Enfin, une comparaison avec l’élection consulaire de mai 2021 va aussi de soi, occasion de tester nos différents résultats, d’évaluer les éventuelles évolutions, et de comprendre si cette élection est assimilée par les Français de l’étranger.

Annexes

Tableau A1

Modèles multivariés du nombre de listes, du taux de participation et des pourcentages de bulletins invalides et d’électeurs par Internet (élections consulaires de 2014)

VARIABLESNombre de listesTaux de participationPourcentage de bulletins invalidesPourcentage d’électeurs par Internet
Nombre d’inscrits.000031***
(8.46e-06)
-.0001799***
(.0000487)
.0000176
(.0000348)
-.0000503
(.0000696)
Distance avec Paris (log).1425755
(.1700078)
-1.37464
(.9467641)
.489244
(.646456)
1.470418
(1.291609)
Francophonie0850512
(.3689598)
-3.933839
(2.020878)
-.9430215
(1.389411)
.5757561
(2.776023)
Empire français1.00753*
(.3932916)
4.605491*
(2.208809)
-1.29891
(1.522067)
-.0662938
(3.041067)
Population (log).1660972*
(.0631389)
-.7323487
(.3555147)
-.6098469*
(.2448782)
2.586897***
(.4892629)
Utilisateurs d’Internet.010668*
(.0052999)
-.0288403
(.0295304)
-.018721
(.0200672)
.3203587***
(.040094)
Démocratie (V-Dem).1781113
(.4681046)
-3.916101
(2.55998)
-2.140423
(1.749643)
9.501302**
(3.495759)
Union Européenne.5946043
(.4037794)
-.1335133
(2.24326)
.0016236
(1.518344)
8.926633***
(3.033628)
Nombre de listes-1.420822**
(.5054412)
-.8262778*
(.3532771)
-.2122458
(.7058422)
Taux de participation---.0844658
(.0620455)
-.5816102***
(.123966)
Constante-1.165704
(1.649527)
40.51671***
(9.193163)
13.93638*
(6.710907)
-13.41099
(13.40829)
Observations130129129129
R-carré ajusté.2194.2543.1202.7415

Modèles multivariés du nombre de listes, du taux de participation et des pourcentages de bulletins invalides et d’électeurs par Internet (élections consulaires de 2014)

Notes

  • [1]
  • [2]
    Depuis 2019, toutefois, il n’est plus possible d’être inscrit en même temps sur la liste électorale d’une commune et sur une liste électorale consulaire (LEC) (loi n° 2016-1048) : les Français résidant à l’étranger doivent donc faire un choix. S’ils sont inscrits sur la LEC, ils sont désinscrits de la liste électorale où ils étaient préalablement inscrits en France. Ils ne peuvent plus voter aux élections municipales, départementales et régionales, mais peuvent toujours voter pour les élections législatives (vu que les Français de l’étranger élisent 11 députés), présidentielles, européennes et les référendums. De même que, bien entendu, pour les élections consulaires.
  • [3]
  • [4]
    À noter que par la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020, le « conseiller consulaire » est rebaptisé « conseiller des Français de l’étranger », au risque d’une certaine confusion avec les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger.
  • [5]
    Le renouvellement des conseils consulaires était prévu le 17 mai 2020. En raison de la crise du Covid-19, ces élections ont été reportées au 29-30 mai 2021. En conséquence, le mandat des 443 conseillers consulaires a été prolongé d’une septième année, jusqu’en mai 2021 (Loi n ° 2020-760 du 22 juin 2020). Voir : https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/services-aux-francais/voter-a-l-etranger/elections-des-conseillers-des-francais-de-l-etranger-et-des-delegues/ (consulté le 28 décembre 2020).
  • [6]
    Décret n° 2014-290 du 4 mars 2014 portant dispositions électorales relatives à la représentation des Français établis hors de France.
  • [7]
    Il faut distinguer circonscription consulaire (N=226), qui est le périmètre d’un consulat, et circonscription électorale consulaire (N=130), qui est le périmètre d’un conseil consulaire et qui peut comporter plusieurs circonscriptions consulaires dans les territoires avec le moins de Français émigrés.
  • [8]
    Le conseil consulaire comprend aussi des membres non élus, dont le chef de poste (consul ou ambassadeur), membre de droit avec voix délibérative, qui le préside. En fonction des sujets à l’ordre du jour (bourses scolaires, action sociale…), des membres participants ou experts, avec voix délibérative ou consultative, peuvent aussi prendre part au conseil consulaire.
  • [9]
    Après un premier test en 2003 dans deux circonscriptions électorales aux États-Unis (Collard et Fabre, 2014).
  • [10]
    Le vote par Internet a également été utilisé sur le territoire français pour d’autres types d’élections, comme des élections professionnelles dans des banques et des chambres de commerce. Il a aussi été utilisé pour des élections internes et des primaires de partis politiques, comme les primaires de l’UMP à Paris en 2010 ou la primaire présidentielle écologiste française de 2011.
  • [11]
  • [12]
    Les modèles de régression incluent également une variable de contrôle pour les circonscriptions situées dans l’Union Européenne étant donné que les élections européennes avaient lieu le même jour pour les électeurs votant à l’urne.
  • [13]
    Certaines des listes avec une orientation explicite « gauche » ou « droite » contiennent également le libellé d’un parti ou d’une association. Quarante-sept ne mentionnent que leur orientation « gauche » ou « droite ».
  • [14]
    Ce registre, établi par les services consulaires, regroupe les adresses email et postales des citoyens français inscrits pour voter à l’étranger. En période électorale, les candidats et les partis politiques peuvent utiliser la LEC pour envoyer de la propagande électorale aux électeurs (Kernalegenn et Pellen, 2019 : 163).
  • [15]
    Les citoyens français vivant en Ukraine sont restés sans représentation consulaire pendant toute la durée du mandat (2014-2021).
  • [16]
    Ce faible chiffre s’explique probablement par le fait que la migration française en Israël concerne dans de nombreux cas des Juifs effectuant leur Aliyah, impliquant une rupture symbolique plus forte avec le pays d’origine. De fait, la troisième circonscription avec le taux de participation le plus faible au niveau mondial est l’autre circonscription israélienne (Jérusalem), avec un taux de participation de 7,83 %.
  • [17]
    Caractérisée au contraire par une large proportion de Pondichériens franco-indiens restés sur place depuis l’indépendance (Jacquet, Varrel et Richard-Ferroudji, 2016).
  • [18]
    Pour une analyse plus détaillée du taux de participation pour ces élections, voir Dandoy et Kernalegenn (2021).
  • [19]
    Nous considérons ici les pays ou territoires ayant acquis leur indépendance de la France depuis 1945.
  • [20]
    Nous considérons comme pays appartenant à la francophonie, les pays où le français est (une des) langue(s) officielle(s) ou où plus de 30% de la population est francophone selon la définition de l’espace linguistique francophone (La Francophonie, 2014).
  • [21]
    La démocratie dans le pays hôte est évaluée avec le score V-Dem de l’indice de démocratie électorale (polyarchie v2x).
  • [22]
    A l’inverse, Dandoy et Kernalegenn (2021) développent sur un design de recherche différent puisque la part des votes invalides n’est pas analysée de manière indépendante mais est intégrée à leur opérationnalisation du taux de participation effectif. Pour une analyse des différences entre taux de participation absolu et taux de participation effectif pour les électeurs résidants à l’étranger, voir également Dandoy et Umpierrez de Reguero (2021).
  • [23]
    Sur les 480 bureaux de vote, 241 (c’est-à-dire 50,2%) étaient au sein d’ambassades ou de consulats, 116 (24,2%) au sein de lycées ou autres lieux éducatifs français, 37 (7,7%) dans des Instituts français ou autres centres cultures français, et 86 (17,9%) dans d’autres lieux, souvent des lieux privés du pays d’accueil (hôtels, salles polyvalentes, etc.).
  • [24]
    Cette proportion de votes par Internet était même plus élevée pour les élections partielles de 2013 : 65,1% au 1er tour et 65,88% au second tour.
  • [25]
    Nous utilisons ici les données de l’Union internationale des télécommunications.
Français

Les Français résidant à l’étranger ont élu en 2014 pour la première fois leurs conseillers consulaires, correspondant aux représentants locaux des émigrés. À l’aide d’une analyse des résultats des élections consulaires au niveau des circonscriptions et des listes, cet article vise pour la première fois à interroger les formes et modalités de cette élection. Nous nous focalisons tout d’abord sur l’offre et la demande électorale d’une élection qui se révèle plus politique qu’affichée, et déterminons les variables structurelles de la participation électorale. Puis nous comparons plus spécifiquement les différences entre vote à l’urne et vote par Internet. Cet article enrichit donc notre connaissance de la vie politique des Français de l’étranger, mais aussi de l’influence d’Internet dans un scrutin local déterritorialisé et plus largement les caractéristiques des votes extraterritoriaux.

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Régis Dandoy
Professeur de science politique à l’Universidad San Francisco de Quito (Equateur) et chercheur invité à l’ULB (Belgique), à l’Université Waseda (Japon) et à l’Université des Nations Unies (UNU-CRIS). Ses recherches portent principalement sur la politique comparée, les études électorales, la démocratie numérique et le vote électronique. Il a co-édité différents ouvrages sur ces sujets et ses travaux ont été publiés dans des revues scientifiques telles que West European Politics, Electoral Studies, Representation et Regional and Federal Studies.
Tudi Kernalegenn
Collaborateur scientifique à l’Institut de Sciences politiques Louvain-Europe (ISPOLE), à l’UCLouvain. Ses recherches portent sur les territoires du politique, l’émigration, les partis politiques, les mouvements sociaux, l’écologie et le nationalisme. Il a codirigé plusieurs livres sur les partis politiques, la politique régionale ou les migrations, publiés notamment chez Routledge, aux Presses de l’Université d’Ottawa ou aux Presses Universitaires de Rennes. Ses travaux sont également parus dans de nombreuses revues à comité de lecture, telles que Regional and Federal Studies, la Revue Internationale de Politique Comparée, Representation ou French Politics, etc.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 29/04/2022
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