CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Éric Roditi : Tout d’abord merci pour ce temps que vous avez accepté de prendre pour cet entretien sur la recherche collaborative. La première question que nous souhaitons vous poser concerne l’émergence de la recherche collaborative. Comment ce type de recherche « avec » les enseignants prend-il naissance au Québec ?

2 Nadine Bednarz : La recherche collaborative prend naissance dans les années quatre-vingt-dix. En comparaison avec d’autres courants, comme celui de la recherche-action, la recherche collaborative est donc relativement récente. Ce n’est néanmoins pas un bloc monolithique. Dans les années 1990, on parlait en effet de collaboration de chercheurs-formateurs avec des enseignants dans les écoles. Mes collègues et moi-même avons ressenti assez vite le besoin de conceptualiser la démarche, à partir de nos expériences de terrain de recherche pour montrer, entre autres, qu’il s’agit bien là d’une véritable démarche de recherche, et non pas d’une simple collaboration avec des enseignants. Cette recherche collaborative est née au Québec en réponse à une double préoccupation. D’une part, il existait une volonté de rapprochement entre le monde de la recherche et l’univers de la pratique professionnelle. Nous réagissions aussi à une vision, très répandue alors, selon laquelle la recherche éclaire quelque chose de la pratique, mais laisse les praticiens extérieurs à la démarche, et ne prend pas en compte leurs questions, notamment relatives à la profession, qui les concernent de près.

3 Jean-Luc Rinaudo : C’était en quelque sorte une façon de considérer les ensei gnants seulement comme des objets de la recherche.

4 N. B. : Oui... C’est donc ici sous l’angle d’une critique adressée à la recherche qu’une nouvelle démarche s’est progressivement mise en place, en lien avec les questions liées à la pratique. Il s’agit d’une recherche « avec » les enseignants plutôt que d’une recherche « sur » les enseignants. Cette volonté de rapprochement entre la recherche et la pratique professionnelle s’est concrétisée dans la mise sur pied de recherches collaboratives dans différents milieux scolaires. Par exemple, pour ma part, j’étais à cette époque directrice du Centre interdisciplinaire de recherche sur l’apprentissage et le développement en éducation (CIRADE) et j’ai participé à la mise en place de ce que nous avons appelé des écoles-recherches. Il s’agissait d’écoles publiques ordinaires dans lesquelles se créaient des communautés de recherche qui rassemblaient des chercheurs, des enseignants et d’autres intervenants, dans différents domaines et sur des questions, entre autres, d’enseignement des mathématiques, de philosophie avec les enfants ou de relations familles-école.

5 J.-L. R. : Vous évoquiez une double préoccupation. D’une part, une volonté de rapprochement entre chercheurs et praticiens et d’autre part

6 N.B. : D’autre part, il faut savoir qu’au Québec, les chercheurs en éducation sont rattachés à des facultés professionnelles. Depuis les années 70, la fonction de formation des enseignants est un des axes de travail de l’université. Ainsi, à côté du souhait de rapprochement entre le monde de la recherche et le monde de la pratique, existait également une préoccupation d’éclairage du champ de la pratique professionnelle susceptible de nourrir la formation, par une meilleure compréhension de la pratique. On a donc bien, à l’origine, une double préoccupation née d’un rapport critique aux recherches liées à la pratique professionnelle, et de questions de formation des enseignants.

7 É. R: La recherche « avec » les enseignants au Québec correspond-elle, à l’origine, plutôt à une démarche des chercheurs, plutôt à une demande des praticiens ou plutôt à une contrainte institutionnelle ?

8 N. B. : La démarche de recherche avec les enseignants est née clairement d’un mouvement de quelques chercheurs. Elle n’émane, à l’origine, ni d’une demande des enseignants, ni d’une demande des institutions universitaires ou scolaires. Ce mouvement de chercheurs a, pendant quelques années, été assez marginal au Québec, et il a été longtemps difficile de le faire reconnaître dans les milieux académiques comme un véritable courant de recherche. Beaucoup n’y voyaient qu’un dispositif de formation professionnelle, sans percevoir la dimension recherche et les savoirs auxquels cette démarche permet d’accéder, avec les praticiens, sur des questions liées à leur pratique professionnelle.

9 É.R: Qu’en est-il aujourd’hui ?

10 N. B. : Ce mouvement marginal au départ s’est fait reconnaître comme une façon de faire de la recherche tout aussi valable que d’autres. À l’heure actuelle, au Québec, la recherche collaborative est reconnue comme un courant de recherche. J’en veux pour preuve qu’elle fait partie des méthodologies de recherche présentées aux étudiants de doctorat dans le cadre de leur formation, dans notre université, et qu’il est possible d’obtenir des fonds pour la recherche de la part des organismes subventionnaires, en proposant un projet s’inscrivant dans une démarche de recherche collaborative, comme pour d’autres projets conduits selon d’autres démarches de recherche. On peut dire qu’aujourd’hui, la démarche de recherche collaborative est considérée au même titre que les autres démarches de recherche en éducation. Il est vrai que l’on a vu apparaître, dans un souci de transfert des connaissances, une volonté de développer des partenariats entre les universités et les milieux de pratique, de la part de ces organismes subventionnaires. Parfois, c’est même une condition de subventionnement. Cela a sans doute contribué à la reconnaissance de la démarche, même si bien sûr, la recherche partenariale, qui se situe à un niveau macro, ne correspond pas exactement à la recherche collaborative. Un autre indice de la reconnaissance de cette démarche est que des étudiants ont soutenu des thèses de doctorat dans des démarches de recherche collaborative (voir à ce sujet les références en annexe). Le courant se développe.

11 J.-L.R. : Je comprends que la recherche collaborative se différencie des recherches « sur » les enseignants. Pour approfondir, pourriez-vous nous indiquer en quoi la recherche collaborative est particulière par rapport aux autres recherches « avec » les enseignants. Autrement dit, qu’est-ce qui selon vous caractérise la recherche collaborative ?

12 N. B. : Effectivement, la recherche collaborative s’inscrit dans un courant plus large, celui des recherches participatives, parmi lesquelles on retrouve la recherche-intervention, la recherche-action, la recherche-formation, etc., c’est-à-dire un ensemble de recherches dans lesquelles l’implication des praticiens est mobilisée à une étape ou une autre de la démarche scientifique. Avec Serge Desgagné, nous avons tenté de cerner en quoi la recherche collaborative se différencie de la recherche-action. Elle s’en distingue d’abord par sa visée. La recherche-action vise un changement de pratique, en empruntant pour cela un processus cyclique d’action, observation, réajustement, analyse. L’objet de la recherche-action est de documenter ce processus de changement. Le chercheur accompagne ce processus de changement dans la pratique professionnelle des enseignants, ici considérés comme des acteurs clés de la démarche. En revanche, dans le cas de la recherche collaborative, la visée première n’est pas un changement mais essentiellement une meilleure compréhension. Elle nécessite un croisement entre deux regards, entre différentes formes de connaissances, entre diverses expériences des chercheurs et des enseignants, entre des compréhensions différentes. Par sa visée compréhensive, la recherche collaborative n’a ni un objectif de changement, ni a priori un objectif de formation. Il s’agit de la construction d’un certain savoir inédit sur un objet lié à la pratique, un savoir nouveau, issu d’un croisement de deux logiques, celle des chercheurs et celle des praticiens.

13 J.-L.R. : Peut-on parler de co-construction ?

14 N. B. : Ce processus de co-construction est, en effet, un élément central de la démarche de recherche collaborative. C’est une de ses caractéristiques, telle que nous l’avons conceptualisée. Dans la démarche, ce processus de co-construction prend place dans une activité réflexive aménagée, une zone interprétative partagée entre chercheurs et praticiens où les argumentations et les ressources des uns et des autres sont mobilisés, où les praticiens en collaboration avec des chercheurs viennent éclairer un certain objet lié à cette pratique. C’est le lieu central de collecte des données du point de vue de la recherche. C’est également dans cet espace que les praticiens qui participent à ces recherches collaboratives, par le questionnement que suscitent ces interactions, sont appelés à se développer professionnellement. On voit par-là que la recherche collaborative a des retombées en termes de développement professionnel des enseignants, même si ce n’est pas la fonction première de la recherche collaborative.

15 J.-L. R: Comment l’objet de la recherche se détermine-t-il ? S’agit-il déjà à ce stade d’une co-construction entre chercheurs et praticiens ? Où sorigine la demande : des équipes enseignantes, des chercheurs ?

16 N. B. : Il n’existe pas de modèle unique concernant l’origine de la demande. La démarche peut venir d’un chercheur qui porte un projet d’investigation lié à la pratique, ou d’un collectif d’enseignants qui va trouver un chercheur pour avancer sur un certain questionnement ou encore de la rencontre entre chercheurs et praticiens. Nous l’avons montré dans l’ouvrage collectif Recherche collaborative et pratique enseignante : Regarder ensemble autrement où nous exposons des recherches en réponse à une demande du milieu scolaire, des recherches initiées par un chercheur et des recherches nées de la rencontre de deux préoccupations. Quelle que soit la situation, il y a toujours nécessité d’un processus de co-situation autour de l’objet d’investigation, avant même l’opérationnalisation de la recherche. Ainsi, lorsque la demande vient d’un chercheur, il devra faire une démarche pour que ses préoccupations rejoignent celles des enseignants. Par exemple, lorsqu’un jeune chercheur ou un étudiant en maîtrise ou doctorat vient me trouver disant qu’il souhaite mener une recherche collaborative, je l’invite à réfléchir à une double question préalable. Ceci est valable d’ailleurs pour les chercheurs plus expérimentés. En quoi as-tu besoin des praticiens, c’est-à-dire en quoi sont-ils essentiels par rapport à l’objet de recherche ? Que vont-ils t’apporter ? Mais également en quoi l’objet de recherche peut-il les intéresser ? Le chercheur est alors dans l’obligation de resituer cet objet de recherche. Si le projet de recherche ne semble pas du tout pertinent pour les enseignants, s’il n’y a pas d’ancrage possible à un questionnement issu de leur pratique, sans doute vaut-il mieux s’orienter vers une autre démarche. Lorsque la demande vient des préoccupations des praticiens, le chercheur doit s’interroger pour voir en quoi la demande des enseignants peut se situer dans ses propres préoccupations de recherche et présenter un intérêt par rapport à son champ de recherche. Enfin, dans le cas d’une rencontre entre praticiens et chercheurs, il convient encore, là aussi, de discuter d’un objet commun.

17 J.-L. R. : Peut-on parler de négociation de l’objet de recherche entre chercheurs et praticiens ?

18 N. B. : C’est une négociation qui permet de co-situer un objet d’investigation commun aux préoccupations des chercheurs et aux préoccupations des praticiens. C’est un processus essentiel de la démarche de recherche collaborative. Il y a un effort à fournir pour re-situer le projet initial et souvent l’objet d’investigation évolue vers une co-situation qui offre un double intérêt : un intérêt pour le chercheur, un intérêt différent pour les praticiens engagés dans la recherche. Nous ne sommes pas ici sur l’idée d’un consensus a priori.

19 J.-L. R: Cette démarche de recherche collaborative me semble nécessiter une posture particulière pour le chercheur. Quelles nouvelles manières de faire de la recherche cette démarche implique-t-elle ? Quelle place particulière accorde-t-elle au praticien ?

20 N. B. : La recherche collaborative est très exigeante pour le chercheur. Dans le travail de conceptualisation que nous avons conduit sur ce type de recherche, nous empruntons au sociologue François Dubet le concept de double vraisemblance. C’est un critère clé pour comprendre la démarche. La double vraisemblance se construit selon des modalités différentes en fonction des moments de la recherche. Il existe tout d’abord une nécessité de double pertinence sociale, à l’étape de la co-situation. Nous l’avons déjà évoquée. Il s’agit de faire en sorte que la situation travaillée soit une situation pertinente à la fois pour le chercheur vis-à-vis de ses préoccupations de recherche et aussi pour les praticiens en lien avec leurs préoccupations de pratique. À l’étape de co-opération, c’est-à-dire de co-construction, le chercheur a nécessité de maintenir un espace de collecte de données pour sa recherche et en même temps un espace de questionnement de la pratique qui supporte un développement professionnel des enseignants. Enfin, à la toute fin de la recherche, lors de la co-production, il y a la nécessité d’une double fécondité des résultats de la recherche collaborative, qui apporte des savoirs nouveaux et participe au développement de la pratique. Le chercheur engagé dans ce type de démarche doit maintenir cette double contrainte exigeante tout au long de la recherche, depuis l’élaboration d’un espace de co-situation jusqu’aux résultats de recherche. Cette posture reconnaît d’emblée une compétence aux praticiens différente de celle des chercheurs, construite sur leur expertise en contexte et importante pour investiguer et nourrir l’objet commun. Cette posture demande aussi au chercheur de se faire interprète de la parole des enseignants à la fois en action, au moment de la recherche et dans l’analyse de celle-ci. Il participe à la construction du sens. Il est enfin, dans la phase d’activité réflexive, le régulateur des interactions. Cette posture de recherche est très complexe. Elle nécessite de l’expérience, une sensibilité et une ouverture pour permettre cette co-construction et maintenir cette double vraisemblance tout au long du processus.

21 J.-L. R: Comment garder une posture de chercheur et ne pas verser dans une posture d’expert ?

22 N.B. : Il existe effectivement un risque de glissement dans une posture d’expert qui apporte une solution et promeut telle pratique plutôt que telle autre. Dans l’action, c’est parfois complexe à négocier en raison des demandes réelles des enseignants impliqués dans la recherche collaborative. Par exemple, dans mon domaine de l’enseignement des mathématiques, j’ai déjà été confrontée à des enseignants qui m’interpellaient sur la façon que j’adopterais pour approcher un contenu spécifique avec les élèves. Confrontée à ce type de question, qui peut faire glisser dans une posture d’expert, ma manière d’approcher les enseignants est de répondre à leur demande, car sinon le contrat entre nous serait sans doute rompu, et, dans le même temps, d’installer une réflexion, une ouverture sur un possible : « je ferais ainsi mais c’est une idée, il en existe d’autres. Et toi comment vois-tu cela ? ». J’essaie à chaque fois de repositionner le professionnel dans une posture d’acteur compétent. Il y a donc un glissement possible vers une posture d’expert et il convient d’y prendre garde et de ne pas se laisser piéger pour maintenir une co-construction de sens. De même, il faut également se protéger d’un autre glissement possible qui consisterait à verser dans une posture de formateur, en oubliant l’objet de la recherche, en rentrant dans un travail avec les enseignants sur leur pratique, en oubliant ce qu’on essaie d’éclairer par cette investigation.

23 J.-L. R. : Peut-on néanmoins considérer la recherche collaborative comme une formation continue pour le praticien ?

24 N. B. : On peut considérer effectivement que la recherche collaborative participe d’une formation continue dans le sens où elle contribue dans l’espace réflexif au développement professionnel des enseignants, même si cela n’est pas sa visée première, comme nous l’avons dit auparavant. Plusieurs études l’ont montré. Ce développement professionnel peut se manifester sur différents plans : une explicitation, une meilleure compréhension de ses pratiques professionnelles par le praticien, une affirmation de cette pratique ou encore une restructuration, voire un changement de cette pratique. C’est par exemple ce qui s’est passé dans les travaux que nous avons menés sur les transitions institutionnelles entre primaire et secondaire ou entre secondaire et post-secondaire. Ces travaux se situent un peu à contre-courant des habitudes institutionnelles qui privilégient des approches de formation à un ordre d’enseignement donné, rejoignant les enseignants d’un même ordre. Le dispositif de recherche mettait en présence un chercheur, des enseignants d’un ordre donné et des enseignants d’un autre ordre. Il y a réellement eu développement professionnel des enseignants sur des questions inter-ordres. Mais, au risque d’insister, le développement professionnel des praticiens n’est pas la visée première de la recherche collaborative, il en est la retombée.

25 J.-L. R. : Les praticiens sont-ils associés aux chercheurs dans la présentation des résultats de recherche, lors de colloques ou de publications ?

26 N. B. : Dans la démarche de recherche collaborative, les enseignants ne sont pas des chercheurs. Ils participent à la recherche au titre de praticiens auxquels on reconnaît une expertise certaine, mais différente de celle du chercheur sur le domaine étudié de la pratique. À la différence de la recherche-action, les enseignants ne sont pas appelés à participer à toutes les étapes d’une recherche, à l’élaboration de la problématique, à la construction de la méthodologie, au recueil des données et à leur analyse. Les enseignants sont là comme professionnels. Ils participent à un espace de réflexion, ils investiguent un certain objet de leur pratique et y trouvent un intérêt en tant qu’enseignants. Ce qui ne signifie évidemment pas qu’un enseignant ne pourrait pas être un chercheur, s’il veut s’impliquer en recherche, y trouve un intérêt, mais ce n’est pas une obligation de la démarche. L’intérêt de la recherche collaborative est bien de jouer sur des expertises différentes et on ne peut donc pas demander aux deux partenaires de faire la même chose, pas plus au chercheur de devenir praticien qu’au praticien de devenir chercheur. En ce qui concerne la présentation des résultats, encore une fois, il n’existe pas de règle générale. Il peut y avoir des présentations en commun entre chercheurs et enseignants, comme il peut y avoir des présentations réalisées uniquement par les chercheurs dans des colloques ou publications scientifiques, et encore des présentations proposées seulement par les praticiens dans des colloques ou des publications professionnels, autour de la recherche collaborative. Toutefois, si des communications de résultats sont possibles dans des manifestations scientifiques ou professionnelles, cela tient à l’idée que la recherche collaborative nécessite une double fécondité des résultats. La recherche doit offrir une double retombée, à la fois sur le plan scientifique et aussi sur le plan de la pratique. En outre, même en leur absence, lorsqu’un chercheur présente des résultats de recherche, la voix des enseignants est toujours présente. Le chercheur se fait, en quelque sorte, le porte-parole des praticiens, par une mise en forme des résultats et une scénarisation différente des présentations classiques. Ces retombées sur un double plan, scientifique et pratique, permettent donc aux enseignants de s’engager dans la diffusion de résultats, la production, l’écriture lors de colloques, dans des revues à destination des praticiens, etc. Les retombées pour les professionnels peuvent aussi se traduire en termes de partage avec d’autres enseignants, cela a été le cas dans certaines recherches collaboratives, avec la mise en place de réseaux d’enseignants. Les retombées peuvent se retrouver encore dans une implication en formation initiale d’enseignants. Je pense ici entre autres aux recherches collaboratives de Serge Desgagné à propos de la discipline en classe, à partir de récits de pratiques rédigés par des enseignants. Ces derniers ont ensuite réinvesti les résultats du travail mené dans des dispositifs de formation initiale dans lesquels ils étaient impliqués. Enfin, on peut considérer, dans un certain sens, que la recherche collaborative constitue un dispositif intéressant de formation par la recherche pour les étudiants qui s’inscrivent dans ces démarches pour leurs travaux de maîtrise ou doctorat. Du fait qu’ils ont été confrontés à une médiation entre monde de la recherche et monde de la pratique, ils réinvestissent la démarche, lorsqu’ils sont devenus professionnels, formateurs, conseillers pédagogiques, etc., et ils portent un regard différent sur la pratique professionnelle par une autre façon d’approcher le travail avec les enseignants. Ces anciens étudiants se sont saisis de leur expérience d’initiation à la démarche de recherche collaborative dans leur pratique professionnelle, par la suite.

27 J.-L.R. : La recherche collaborative conçoit le « savoir enseigner » comme un savoir situé, ancré en contexte. À quelles conditions les savoirs produits dépassent-ils leurs contextes de production ?

28 N. B. : Ce n’est pas une question simple. Elle n’est pas propre à la démarche de recherche collaborative et se pose dans les recherches qualitatives, comme par exemple les démarches d’études de cas. Le travail à partir de situations ancrées en contexte permet une conceptualisation assez fine. Ce qui me paraît important, ce n’est pas tant l’idée de généralisation mais celle de généricité. Certes le savoir produit s’ancre dans un contexte spécifique et le savoir enseigné dont on parle est un savoir situé. Mais au-delà de ce savoir spécifique co-construit, émerge une généricité qui peut-être réinvestie. Je peux illustrer cette idée en reprenant, encore une fois, l’exemple du travail mené par Serge Desgagné.

29 À partir de la problématisation d’un élément de la pratique qui les a interpelés, les enseignants ont réalisé des récits de pratique précisant ce problème et la manière dont ils l’avaient résolu. Ces récits ont été organisés et ont produit une typologie mettant en évidence l’agir du praticien et la délibération qu’il réalise. Ils sont devenus, en ce sens, des « récits exemplaires ». On dépasse, par cette typologie, des savoirs spécifiques, ancrés en contexte. Les savoirs produits en contexte génèrent de nouveaux savoirs, sur le plan théorique, des idées nouvelles, des avancées qui dépassent le cadre même de leur production.

30 J.-L.R: En cela, la démarche de recherche collaborative est assez proche de celle des chercheurs cliniciens. J’associe vos propos à ceux de Michèle Bertrand sur le savoir en psychanalyse qui affirme que plus un clinicien parvient à cerner une singularité dans sa complexité, plus cette singularité est exemplaire et contribue à l’éclairage et à la connaissance de singularités différentes.

31 N. B. : Cela me convient bien en effet.

32 É.R. : Quels types de savoirs scientifiques la recherche collaborative produit-elle sur les pratiques enseignantes ?

33 N.B. : La recherche collaborative éclaire un champ de la pratique professionnelle, celui des savoirs d’expérience ou des savoirs d’action, des codes de pratique partagés par les enseignants dans les collectifs, d’une didactique praticienne. Elle éclaire les situations d’enseignement-apprentissage, elles-mêmes et, à travers elles, des pratiques implicites quotidiennes qui permettent de comprendre ce qui se situe en arrière-plan des choix rationnels qu’opère le praticien. Pour les chercheurs en didactique, les travaux de recherche ne se centrent pas nécessairement sur des situations d’enseignement et leur construction, ce que peut laisser penser le récit de certains travaux. Par exemple le travail de thèse de doctorat de Claudia Corriveau, sur la transition secondaire - post-secondaire dans l’enseignement des mathématiques, met au jour les manières qu’ont les enseignants de faire des mathématiques, qui se constituent dans le quotidien des pratiques, dans l’activité professionnelle à un ordre donné. Lorsque les élèves passent du secondaire au post-secondaire, ils sont confrontés à une autre manière de faire des mathématiques. Comprendre cela est central pour comprendre la difficulté de passage d’un ordre à l’autre.

34 J.-L. R: Mais on ne peut pas circonscrire la recherche collaborative à une approche didactique, ni à un travail en direction de l’élaboration de séquences d’enseignement.

35 N. B. : Vous avez raison. La démarche de recherche collaborative est ouverte à la compréhension de pratiques professionnelles qui ne sont pas seulement des pratiques enseignantes. C’est le cas par exemple avec les travaux menés par Philippe Lyet en sociologie, en lien avec les pratiques des travailleurs sociaux, qui vont dans le même sens que ce que nous faisons avec les enseignants. De même, ce type de recherche dépasse les strictes situations d’enseignement-apprentissage. Hélène Larouche a, par exemple, mené une recherche collaborative avec des éducatrices en milieu de garde scolaire. Au Québec, cela correspond à l’accueil des enfants avant l’école, sur le temps du repas et après la classe. La recherche collaborative avec ces dernières a permis l’émergence des règles de métier qu’elles se donnent, a mis au jour les codes de pratique implicites, partagés par ces éducatrices en milieu de garde. De plus, la recherche collaborative produit un autre type de savoirs qui tient à la démarche elle-même, sur le croisement des regards des chercheurs et des praticiens, au sein du processus de co-construction, entre recherche et pratique. La recherche produit en son sein même des savoirs sur l’interaction, la médiation, le partage de ressources, le contrat réflexif entre chercheurs et praticiens qui se construit dans l’implicite de l’interaction (voir à ce sujet les références bibliographiques données en annexe de l’entretien).

36 É.R. : Quels types de savoirs sont inaccessibles avec cette démarche ?

37 N. B. : Probablement plusieurs. Dans le domaine didactique que je connais plus particulièrement, certains travaux de didacticiens sur les apprentissages des élèves, sur le raisonnement et la construction de connaissances par les élèves ne nécessitent pas une recherche collaborative. Un chercheur n’a pas nécessairement besoin d’une recherche collaborative. Celle-ci est pertinente dans la mesure où l’on se pose des questions centrées sur les pratiques professionnelles des enseignants, des éducateurs, etc.

38 J.-L. R. : En France, certains enseignants-chercheurs exercent dans les ESPE, ils conduisent des recherches et forment des enseignants ; en cela, ils se rapprochent des chercheurs québécois en éducation et on perçoit bien comment ils pourraient aussi mettre en œuvre cette démarche. Mais comment envisager la recherche « avec » les enseignants pour des chercheurs qui exercent dans les universités pour qui la préoccupation de formation professionnelle des enseignants n’est pas première ?

39 N.B. : Je ne pense pas que ce soit là un problème. Pour les chercheurs impliqués dans cette démarche, il n’y a pas nécessité d’une préoccupation de formation des enseignants. Le but premier reste l’éclairage d’un certain objet de la pratique, cela passe par la reconnaissance des praticiens et du rôle essentiel qu’ils ont à y jouer. Ce qui prime, au risque de me répéter, c’est la reconnaissance d’une expertise à l’autre. Celle du praticien est différente de celle du chercheur, mais elle existe, est reconnue et elle est essentielle. Le fait de ne pas être formateur d’enseignants peut rendre plus complexe la mise en place des travaux de recherche car cela peut rendre plus difficile l’accès au terrain, aux espaces professionnels, aux praticiens, mais ce n’est pas un obstacle en soi.

40 J.-L. R: Ce qui importe relève davantage d’une posture éthique et de valeurs du chercheur. C’est, pour le chercheur, une certaine façon de considérer l’autre.

41 N. B. : Oui, c’est bien cela. Il est certain que c’est une autre façon de considérer la recherche. On est davantage dans une symétrie des positions, par rapport à la construction de connaissances. On est tout à la fois en présence d’une dissymétrie car c’est au chercheur que revient de réguler les interactions, mais en même temps, d’une symétrie par rapport au savoir. Les chercheurs qui s’engagent dans des recherches collaboratives sont réellement dans une position de co-construction de savoirs et ils considèrent les praticiens comme des acteurs essentiels qui peuvent mobiliser une compréhension des questions investiguées, de l’intérieur de leur pratique. Ces recherches sont menées, non pas sur les pratiques, mais avec les praticiens, nourries par leur propre point de vue sur leur pratique, et elles investiguent des objets liés à leur pratique professionnelle. Ce qui importe, c’est cette notion de double vraisemblance, tout au long du processus de recherche : double pertinence sociale lorsque se co-construit le projet, double rigueur méthodologique dans la co-activité réflexive autour des pratiques, qui permet tout à la fois un espace de collecte de données pour le chercheur et l’opportunité d’un développement professionnel pour les praticiens ; enfin, double fécondité des résultats, à la fois sur le plan professionnel et sur le plan académique sur des questions liées à la pratique.

42 É.R: Au-delà de la posture éthique, ce positionnement scientifique est-il reconnu, voire fréquent, parmi les didacticiens québécois ?

43 N.B. : Parfois, je me sens plus proche, par mes travaux, de sociologues qui revendiquent l’intervention sociologique, que de certains didacticiens ou de chercheurs en éducation, dans la façon d’approcher les pratiques, avec des croisements de différentes interprétations. Il s’agit de regarder ensemble autrement pour mettre au jour les codes de pratique implicites. Cela est important car souvent la dimension implicite est oubliée. Par exemple, en didactique, on regarde facilement l’explicite : les programmes, l’institution, on met en évidence les tâches et les contenus. Tandis que dans la recherche collaborative, il s’agit de mettre au jour l’implicite des cadres de pratiques. Bien sûr, il faut considérer ici que la pratique n’est pas réductible à ce que peut repérer un observateur naïf, mais qu’elle est aussi constituée de ce qui sous-tend les actions, les gestes professionnels. Ce qui m’intéresse, c’est bien la dimension implicite des pratiques. En général, on n’a aucune difficulté à accéder à l’explicite, ce qui ne veut pas dire qu’on le comprend facilement. Mais ce que je cherche à comprendre c’est cette « face cachée » des pratiques qui se constitue dans le quotidien, dans l’activité professionnelle.

44 É. R: Nous vous remercions Nadine Bednarz d’avoir si volontiers répondu à nos questions et de nous avoir apporté toutes ces précisions à propos d’un courant qui suscite un réel intérêt scientifique, en France ainsi qu’en Europe francophone. Si vous deviez maintenant, à propos de la recherche collaborative, adresser un dernier mot aux lecteurs de la revue Carrefours de l’éducation que leur diriez-vous ?

45 N.B. : À travers ce qui précède, j’espère avoir pu montrer en quoi la recherche collaborative contribue à ce que s’engage un dialogue constructif entre chercheurs et enseignants, respectueux des points de vue des uns et des autres, susceptible de contribuer autant au développement de la recherche qu’à celui de la pratique. Les multiples études de terrain menées avec des enseignants du primaire, du secondaire, voire du post-secondaire, dans différents contextes, illustrent bien, par leurs productions et retombées, la richesse d’une telle mise en débat, d’un tel croisement des compréhensions entre enseignants et chercheurs pour avancer sur des questions spécifiques liées à la pratique. Sans avoir pu, faute d’espace, entrer dans les multiples aspects qu’abordent ces recherches collaboratives, j’espère avoir suscité de la curiosité ou de l’intérêt chez les lectrices et lecteurs préoccupés par ces questions. Les références en annexe leur permettront de poursuivre la réflexion.

Bibliographie

  • PUBLICATIONS EN LIEN AVEC LA RECHERCHE COLLABORATIVE

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    • Desgagné S. (2001). La recherche collaborative : nouvelle dynamique de recherche en éducation. In M. Anadon (dir.). Des nouvelles dynamiques de recherche en éducation. Québec : Presses de l’Université Laval. p. 51-76.
    • Desgagné S. (2005). Récits exemplaires de pratique enseignante. Analyse typologique. Québec : Presses de l’Université du Québec.
    • Desgagné S., Bednarz N. (2005). Médiation entre recherche et pratique en éducation : faire de la recherche « avec » plutôt que « sur » les praticiens. Revue des sciences de l’éducation, n° 31 (2), p. 245-258.
    • Desgagné S., Bednarz N., Couture C., Poirier L., Lebuis P. (2001). L’approche collaborative de recherche en éducation : un rapport nouveau à établir entre recherche et formation. Revue des sciences de l’éducation, n° 27 (1), p. 33-64.
    • Desgagné S., Larouche H. (2010). Quand la collaboration de recherche sert la légitimation d’un savoir d’expérience. Recherches en Éducation, Hors-série n° 1, p. 7-18.
    • En ligne Larouche H. (2005). Le double rôle de formatrice et de chercheuse : un point de rencontre pour concilier les besoins de la pratique et de la recherche. Revue des sciences de l’éducation, n° 31 (2), p. 335-354.
    • Morrissette J., Desgagné S. (2009). Le jeu des positions de savoir en recherche collaborative : une analyse des points de vue négociés d’un groupe d’enseignantes du primaire. Recherches qualitatives, n° 28 (2), p. 118-144.
    • Savoie-Zajc L., Bednarz N. (2007). Collaborative Research and Action Research : their specific contributions to professional development. Education Action Research, n° 15 (4), p. 577-596.
  • THÈSES SOUTENUES PORTANT SUR UNE RECHERCHE COLLABORATIVE

    • Baron C. (2007). Le processus de développement de la conscience de gestionnaires individualistes et stratèges : une investigation collaborative autour de l’expérience du pouvoir. Thèse de doctorat en éducation, Québec, Université Laval.
    • Barry S. (2009). Analyse des ressources mises à contribution par enseignant et chercheur dans l’élaboration de scénarios d’enseignement en dénombrement visant le développement de la modélisation en secondaire 1. Thèse de doctorat en éducation. Montréal, Université du Québec . (Thèse publiée en 2010 aux Éditions Bande didactique sous le titre : As-tu vu les modèles ? Conversation entre chercheur et enseignant)
    • Corriveau C. (2013). Des manières de faire des mathématiques comme enseignants abordées dans une perspective ethnométhodologique pour explorer la transition secondaire-collégial. Thèse de doctorat en éducation, Montréal, Université du Québec à Montréal.
    • Couture C. (2001). Étude d’un processus de co-construction d’une intervention en sciences de la nature au primaire par un processus de collaboration chercheur-praticien. Thèse de doctorat en éducation, Chicoutimi, Université du Québec à Chicoutimi.
    • Desgagné S. (1994). À propos de la discipline de classe : analyse du savoir professionnel d’enseignant-e-s expérimentés du secondaire en situation de parrainer des débutants. Thèse de doctorat en éducation, Québec, Université Laval.
    • Dumoulin M.-J. (2009). La restructuration de l’expérience chez trois enseignantes débutantes en contexte d’accompagnement mentoral. Thèse de doctorat en éducation. Sherbrooke, Université de Sherbrooke.
    • Larouche H. (2000), Le savoir d’expérience des éducatrices en garde scolaire abordé dans une perspective ethnométhodologique et reconstruit au moyen de récits de pratique. Thèse de doctorat en éducation, Québec, Université Laval.
    • Malo A. (2005). Parcours évolutif d’un savoir professionnel : une étude de cas multiples menée auprès de futurs enseignantes et enseignants du secondaire en stage intensif. Thèse de doctorat en éducation. Québec, Université Laval.
    • Morrissette J. (2009). Manières de faire l’évaluation formative des apprentissages selon un groupe d’enseignantes du primaire : une perspective interactionniste. Thèse de doctorat en éducation, Québec, Université Laval.
    • Saboya M. (2010). Élaboration et analyse d’une intervention didactique co-construite entre chercheur et enseignant, visant le développement du contrôle sur l’activité mathématique chez les élèves du secondaire. Thèse de doctorat en éducation, Montréal, Université du Québec à Montréal.
Nadine Bednarz
professeure à Montréal à l’université du Québec, didacticienne des mathématiques. Elle conduit depuis les années 1990 des travaux scientifiques selon une démarche de recherche collaborative avec les enseignants. Elle a dirigé l’ouvrage collectif Recherche collaborative et pratique enseignante : Regarder ensemble autrement, édité en 2013 aux éditions L’Harmattan.
descamps-bednarz.nadine@uqam.ca
Entretien réalisé par
Jean-Luc Rinaudo
jean-luc.rinaudo@univ-rouen.fr
Entretien réalisé par
Éric Roditi
eric.roditi@paris5.sorbonne.fr
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 16/06/2015
https://doi.org/10.3917/cdle.039.0171
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