CAIRN.INFO : Matières à réflexion
« Les gens sortent aujourd’hui du placard : ils n’ont plus peur d’employer le mot ‘empire’ », écrit l’éditorialiste conservateur Charles Krauthammer. « Le fait est que depuis l’Empire romain, aucun pays n’a été aussi dominant sur les plans culturel, économique, technologique et militaire ». La métaphore du placard est ici saisissante : elle s’inscrit dans une tendance plus générale à mettre le vocabulaire des mouvements progressistes au service de l’Empire. Il est proprement scandaleux d’user du lexique de la fierté gay et lesbienne pour décrire une puissance militaire qui exige de ses soldat∙e∙s qu’ils et elles restent au placard.
Amy Kaplan (2004)

1Charles Krauthammer et sa contradictrice Amy Kaplan, universitaire travaillant dans le champ des American studies, soulignent tous deux la convergence de la politique et de la sexualité américaines [2]. Selon Kaplan, la récurrence de la métaphore du placard dans les propos des néoconservateurs états-uniens soutient une position décrivant de façon décomplexée les États-Unis en empire. Un tel emploi de la métaphore du placard est non seulement saisissant en raison de son importante propagation, mais du fait de l’appropriation dont elle est l’indice. La convergence entre sexualité et politique marque un moment culturel d’assimilation nationale de l’homosexualité qui trace un possible parallèle entre la libération queer et celle de la nation. Cette consécration de la lingua franca de la libération gay et lesbienne laisse percevoir que la sortie du placard de l’empire américain — un empire déjà connu comme tel mais rarement présenté ainsi — devrait engendrer de la fierté : un empire américain fier. Dans cet article mordant, Kaplan souligne avec habileté les points aveugles des propos de Krauthammer. Malheureusement, elle procède elle-même à un effacement d’un autre ordre. Un simple coup d’œil sur les statistiques démographiques permet de déduire qu’étant donné leur surreprésentation au sein de l’armée états-unienne, ce sont les non-Blanc∙he∙s [3] qui courent le plus de risques d’être confiné∙e∙s au placard, du fait de la doctrine « Don’t Ask, Don’t Tell » [4]. Si la nation peut involontairement exprimer une certaine affinité vis-à-vis des sujets sexuels non normatifs, celle-ci est soigneusement circonscrite par cette « puissance militaire exigeant de ses soldat∙e∙s qu’ils et elles restent au placard ». De façon implicite, cette limite se trouve toutefois racialement marquée, reléguant les queers non blanc∙he∙s à la marge du spectacle de la révélation de la fierté nationale. Il est par ailleurs troublant de constater que parallèlement à cette réaffirmation de l’exceptionnalisme, Krauthammer et Kaplan mobilisent tous deux le récit téléologique du coming-out et de la sortie du placard — un récit largement critiqué par les théoricien∙ne∙s poststructuralistes pour le type de sujet qu’il constitue et consacre : les gays, lesbiennes et queers (blanc∙he∙s) progressistes et privilégié∙e∙s.

2La reconnaissance et l’inclusion dans le giron de la nation, signalées par l’annexion du lexique homosexuel, sont contingentes de la ségrégation et de l’exclusion des figures de l’altérité raciale et sexuelle de l’imaginaire national. Une certaine forme d’exceptionnalisme sexuel intervient dans cette dynamique : l’émergence d’une homosexualité nationale, ce que j’appelle ‘l’homonationalisme’, qui coïncide avec la sortie du placard de l’exceptionnalisme de l’empire américain. L’homonationalisme opère comme un script régulant non seulement les identités gays, lesbiennes, queers ou l’homosexualité, mais aussi les normes raciales et nationales qui renforcent ces sujets sexuels. La diffusion de l’idée selon laquelle les États-Unis constitueraient un empire implique en outre un certain engagement en faveur de l’hégémonie mondiale de la blanchité [whiteneness]. Un soutien à l’hégémonie blanche s’exprime aussi dans la concordance entre la diffusion de cette idée et l’homonationalisme. Comme d’autres avant moi ont pu l’affirmer, je soutiens que l’acceptation passagère d’un sujet homosexuel national dépend non seulement de la prolifération de sujets sexuels-raciaux qui transgressent invariablement les limites étroites de l’acceptable, mais aussi de la création et du désaveu simultanés de populations sexuellement et racialement altérisées, exclues de fait du cadre de la nation.

3J’explore dans ces pages l’imbrication de ces trois manifestations de l’homonationalisme : l’exceptionnalisme sexuel, la dimension régulatrice de l’identité queer et l’hégémonie de la blanchité. Je propose également une analyse des rapports qu’elles entretiennent avec la production des corps citoyens et terroristes. Il s’agit ainsi de retracer comment, où et pourquoi ces fils interfèrent ou s’entremêlent, tout en résistant à un modèle d’explication mécaniste prétendant à l’exhaustivité.

L’exceptionnalisme sexuel états-unien

4Établir une cartographie des modes d’inclusion des homosexuels dans la valorisation et la reproduction du vivant — les technologies du vivant — requiert notamment d’interroger l’émergence concomitante de citoyen?ne?s états?nien?ne?s ‘sexuellement exceptionnel?le?s’. De façon paradoxale, l’exceptionnalisme indique aussi bien l’affirmation d’une distinction (le fait d’être dissemblable, différent) que d’une excellence (une certaine suprématie ou supériorité), soulignant ainsi une maîtrise imparfaite des téléologies linéaires du progrès. L’exception renvoie d’une part aux discours particuliers qui n’ont de cesse de constituer les États-Unis d’Amérique en un État-nation d’exception. Mais elle renvoie également, selon la théorisation qu’en a proposé Giorgio Agamben (2003), à la naturalisation et consécration du mépris des limites du pouvoir juridique et politique en temps de crise étatique : un ‘état d’exception’ par lequel sont justifiées les mesures les plus extrêmes d’un État. Au sein d’un tel projet, le double jeu de l’exception interpelle aussi bien les corporalités ‘terroristes’ musulmanes et sikhs, que les patriotes homosexuels.

5Les récits exceptionnalistes produits par les États-Unis au travers de la ‘guerre contre le terrorisme’ requièrent une suspension momentanée de l’hétéronormativité de la communauté nationale imaginaire. Une telle suspension vise à renforcer le consensus et le sentiment national par la reconnaissance et l’incorporation de certains sujets homosexuels — certes pas tous, ni même la majorité d’entre eux. Le fantasme de la pérennité de cette suspension est ce qui entretient la production de l’exceptionnalisme, récit historiquement et politiquement lié à la formation de l’État-nation états-unien. L’exception et l’exceptionnel agissent ainsi de concert : comme dans « l’hantologie » derridienne, au sein de laquelle les fantômes et les présences absentes imprègnent l’ontologie d’une différence (Derrida 1993), l’état d’exception hante le processus de prolifération de sujets nationaux exceptionnels.

6Bien que disposant de droits civiques restreints dans le contexte états-unien, les sujets homosexuels se voient dotés d’une valeur sensible de représentation à l’échelle de la scène mondiale, dans le cadre de la guerre contre le terrorisme et de la production transnationale des corporalités terroristes. Les théoricien?ne?s féministes, postcolonial?e?s et queers se sont intéréssé?e?s de longue date au statut ‘marginal’ des sujets homosexuels vis-à-vis de l’État, considérant l’hétérosexualité comme nécessairement constitutive de l’identité nationale. Durant les années 1980 et 1990, l’émergence de la figure du consommateur gay apparaît comme une médiation de ce statut marginal. Elle se dégage d’une part du discours mercatique selon lequel les homosexuels sans enfant disposeraient d’importants revenus disponibles et, d’autre part, au travers d’avancées législatives dans le domaine des droits civiques, telles que l’abolition très largement célébrée des lois prohibant la sodomie suite au jugement rendu dans l’affaire « Lawrence et Garner contre l’État du Texas » [5]. La mise en évidence des circuits du nationalisme homosexuel m’amène à relever non pas l’exclusion ou l’opposition automatique, mais la complicité de certains sujets homosexuels vis-à-vis des formations nationalistes hétérosexuelles. L’exceptionnalisme (homo)sexuel se manifeste en outre, de façon plus pernicieuse, dans des mises en scène du nationalisme états-unien qui s’appuient sur une praxis de l’altérisation sexuelle. Celles-ci constituent les homosexualités états-uniennes en identités exceptionnelles par opposition à ce que les discours orientalistes présentent comme la « sexualité musulmane ». Le discours homonationaliste opère par des décrochages transnationaux qui, tout en garantissant les intérêts nationalistes à l’échelle internationale, réarticulent les différents espaces de la citoyenneté culturelle états-unienne pour les sujets homosexuels. Ces récits peuvent parfois être tout à fait explicites, comme cela fut le cas lors de la publication des photographies d’Abu Ghraib où, pour les citoyens états-uniens, les affirmations d’exceptionnalisme résonnaient sur de nombreux plans : moral, sexuel, culturel, ‘patriotique’. Cette formation exceptionnaliste se voit de plus en plus soutenue et marquée par certains corps homosexuels, en d’autres termes au travers de l’homonationalisme.

7La nouveauté ici ne réside pas dans la notion d’exceptionnalisme elle-même, pas plus que dans l’idée d’un exceptionnalisme de genre — celle-ci ayant déjà dominé l’histoire de la théorie et de l’activisme féministes occidentaux. Les formes actuelles d’exceptionnalisme sexuel opèrent et se développent en s’attachant ou en étant rattachées à des sujets non hétérosexuels et homonormatifs. L’exceptionnalisme est employé non pas pour marquer une rupture avec des trajectoires historiques ou affirmer l’émergence d’une singulière nouveauté. Il désigne plutôt des récits de l’excellence, d’un nationalisme d’excellence, un processus selon lequel une population nationale en vient à croire en sa supériorité et sa singularité — divers sujets se trouvant ainsi « englués » dans ces récits, pour reprendre le terme de Sara Ahmed (2004). Les discours relatifs à l’exceptionnalisme américain font partie intégrante de l’histoire de la formation de l’État-nation états-unien : des idéologies de la Guerre froide aux récits des premières vagues d’immigration jusqu’à l’essor de l’âge du terrorisme. Ces récits relatifs à la centralité de l’exceptionnalisme dans la formation des États-Unis impliquent que l’endoctrinement sur le mode exceptionnaliste relève d’une discipline du citoyen américain (comme c’est d’ailleurs le cas pour tout nationalisme) [6]. Les débats autour de la définition de l’exceptionnalisme américain ont typiquement mobilisé des critères aussi divers que l’expression artistique, la production esthétique (littéraire et culturelle), la vie sociale et politique, l’histoire de l’immigration, la démocratie libérale, ou l’industrialisation et les modèles de production capitalistes [7]. Les questions de genre ou de sexualité ont toutefois rarement été abordées dans le cadre de l’analyse critique de l’exceptionnalisme américain. Pourtant, nombreux sont les travaux qui, au cours des quarante dernières années, ont interrogé les façons par lesquelles certaines pratiques et certaines théories féministes ont pu contribuer implicitement ou explicitement à la consolidation du nationalisme états-unien, et nombreuses sont aujourd’hui les recherches qui questionnent les effets similaires que peuvent avoir certaines pratiques et théories queers. La construction dans les discours féministes de figures de femmes altérisées, en particulier la figure composite de la « femme du tiers-monde » (Mohanty 1988), a ainsi contribué à faire émerger un certain exceptionnalisme (hétéro)sexuel et de genre en des lieux des États-Unis supposément progressistes. Inderpal Grewal a par exemple critiqué la naturalisation par les féministes du cadre de pensée relatif aux droits de l’homme, constatant que si les États-Unis se présentent régulièrement comme « le lieu autorisé d’une condamnation » des entorses faites aux droits de l’homme dans le monde, ils les ignorent pour autant lorsqu’elles interviennent dans leur propre pays. Grewal souligne combien l’exceptionnalisme américain relève désormais du sens commun et constitue pour de nombreux féminismes un prérequis à l’intervention au sein des espaces publics états-uniens :

8

La supériorité morale est désormais constitutive du féminisme international émergent, instituant les femmes américaines en figures de la salvation et du sauvetage des « femmes opprimées ».
(2005, p. 150)

9L’exceptionnalisme sexuel œuvre aussi en dissimulant le contrôle qu’il exerce sur les frontières des formations de genre, de race et de classe acceptables. En d’autres termes l’exceptionnalisme (homo)sexuel ne contredit ou ne mine pas nécessairement l’exceptionnalisme (hétéro)sexuel. Au contraire il peut même soutenir l’hétéronormativité et les privilèges de classe, de race et de citoyenneté sur lesquels ce dernier s’appuie. L’émergence historique de l’homonormativité lie la reconnaissance juridique et culturelle des sujets homosexuels aux agendas politiques nationaux et transnationaux de l’impérialisme états-unien. Dans la mesure où elle investit et reproduit les normes hétéronormatives, l’homonormativité peut être considérée comme complice et partie prenante de la valorisation biopolitique de la vie. L’un des mécanismes premiers de l’exceptionnalisme sexuel réside dans les discours relatifs à la répression sexuelle — une version contemporaine de l’hypothèse répressive de Foucault — qui engendre une cartographie mondiale à la fois bio- et géopolitique des normes sexuelles et culturelles. Démêler le fil des discours de l’exceptionnalisme sexuel états-unien est essentiel à la critique des pratiques impériales états-uniennes (critique qui ne se saisit que rarement des questions de genre, et plus rarement encore des enjeux de sexualité) et de l’expansion de l’identité queer au-delà des cadres conceptuels étroits qui constituent le socle des identités et pratiques sexuelles.

10Dans le climat politique actuel, où le nationalisme états-unien s’appuie sur une diabolisation homophobe de figures altérisées et sexualisées, l’hypothèse selon laquelle l’homosexualité contribuerait positivement à la maximisation de la vie pourrait sembler quelque peu contre-intuitive. Il me paraît toutefois impératif de s’obstiner à débusquer tout ce qui, dans ces mécanismes avilissants, a trait à la race, au genre, à la classe ou à la nation. C’est le projet que je souhaite entreprendre ici, avec toutefois deux précautions. Tout d’abord, affirmer que certains corps homosexuels sont marqués par un nationalisme homonormatif — l’homonationalisme — ne revient en aucune façon à nier ou relativiser la violence quotidienne des discriminations, des agressions physiques et sexuelles, de l’exclusion familiale, des désavantages économiques et du déficit de légitimité sociale et juridique que les minorités sexuelles doivent endurer. La plupart des queers, aussi bien en tant que sujets que populations, vivent à cheval entre des régimes de mort différée ou définitive. Ce que je souhaite aborder dans ce texte, ce sont les trajectoires multiples de la racialisation et de la dénationalisation des figures de l’altérité sexuelle qui entretiennent les conditions favorisant une telle relégation à la mort. Les résistances particulières au mariage, à l’adoption et aux droits parentaux pour les gays et les lesbiennes, de même que la doctrine du « Don’t Ask Don’t Tell » et la privatisation de la sexualité, impliquent que la protection de la vie découlant de l’appartenance à la communauté nationale n’est au mieux qu’une offre révocable. Ensuite, aucune cohésion ou unité organique ne lie les homonationalismes entre eux. Ce ne sont que des formations partielles, fragmentaires et asymétriques, prises dans le mouvement pendulaire de l’inclusion et de l’exclusion, et qui peuvent disparaître aussi rapidement qu’elles sont apparues. Le coût de l’inclusion dans la vie peut ainsi être élevé, aussi bien pour les sujets interpellés par l’homonormativité et qui aspirent à l’assimilation qu’elle promet, que pour celles et ceux qui s’y opposent ou qui s’en voient refuser l’entrée du fait de leur ethnicité, race, religion, classe, origine nationale, âge ou état de santé. Comme l’affirme Barry D. Adam (2003), on peut aussi considérer que les États-Unis ne sont exceptionnels que dans la mesure où, à l’échelle internationale, ils ne le sont finalement pas tant que cela : une façon de souligner combien l’acceptation des modes de vie queers est relative. Adam note ainsi avec ironie que, s’agissant de la reconnaissance juridique des couples gays et lesbiens, les États-Unis sont même plutôt en retard par rapport à la plupart des pays européens ou de pays tels que le Canada, le Brésil, la Colombie, la Nouvelle-Zélande, l’Australie et l’Afrique du Sud — un retard qu’ils imputent plus souvent aux autres qu’à eux-mêmes. On peut donc dire que les États-Unis sont particulièrement hétéronormatifs alors même qu’ils s’affirment exceptionnellement tolérants vis-à-vis de la différence (homosexuelle). L’emploi que fait Adam de la notion de ‘retard’ reproduit toutefois une troublante téléologie de la modernité qui, tout en conférant à l’exceptionnalisme la stature d’un récit qui masque ou brouille les différences régionales, incite les pays de bonne volonté à suivre un chemin unique plutôt qu’à prendre des voies multiples. Des efforts pour déterminer si les États-Unis étaient bien exceptionnels ont même dominé les débats dans des champs tels que l’histoire, les American studies et les sciences politiques. Focalisés sur des études comparatives empiriques, ils ont peu remis en question ce telos[8]. Mon propre objectif n’est pas de déterminer si les États-Unis sont exceptionnels — exceptionnellement avancés ou bons, exceptionnellement en retard ou différents —, mais de montrer en quoi ces prétentions à l’exceptionnalisme font l’impasse sur la race, la sexualité, le genre et la classe.

Régulations queers

11L’exceptionnalisme sexuel des États-Unis a ses équivalents en Europe, particulièrement en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, qui étendent, croisent, contredisent et souvent nourrissent les formations homonormatives états-uniennes autant qu’ils les contrastent. Il est important de garder à l’esprit que ces divers exceptionnalismes peuvent aussi bien converger que diverger en raison des différences de contextes, en termes d’histoire coloniale, de trajectoires migratoires et de position de classe des musulmans états-uniens ou européens [9]. Quelles sont la signification et les implications de la déclaration illustrée dans la Figure 1, « Je suis aussi un homosexuel » ? Quels types de valeur d’échange, de capital culturel et de résonnance affective cette déclaration contribue-t-elle à former ou à dissoudre au sein du paysage politique contemporain ? Cette étonnante photographie de Poulomi Desai, publiée en 2003 dans une série consacrée aux queers britanniques originaires d’Asie du Sud, met en scène un imam travesti en terroriste sous les traits d’Oussama Ben Laden et nous plonge dans une épistémologie et une ontologie queer perturbatrices (Desai, Sekhon 2003, p. 44).

Figure 1

Poulomi Desai, I Am a Homosexual Also, 2003 [10]

Figure 1

Poulomi Desai, I Am a Homosexual Also, 2003 [10]

12Le « aussi » dans « Je suis aussi un homosexuel » est une façon de nous dire : « il faut vous y faire ». Elle signale à des publics multiples la rencontre des identités musulmane et queer, remettant ainsi en question les conceptions orientalistes mutuellement exclusives du musulman et de l’homosexuel [11]. Depuis le 11 septembre 2001, la force du binarisme opposant les identités gay et musulmane n’a cessé de s’amplifier, aussi bien aux États-Unis que sur le plan international. Des groupes tels que la fondation lgbtiq[12] états-unienne Al-Fatiha (ainsi nommée d’après le premier mot du Coran, qui signifie « le commencement ») ont été perçus comme de curieux spécimens, une sorte d’anomalie queer[13]. Le cinéaste queer musulman Parvez Sharma en donne un exemple particulièrement emblématique lorsqu’il évoque son travail et son activisme à propos du documentaire A Jihad for Love :

13

Dans le sillage du 11 septembre 2001 les différents aspects de mon travail ont semblé difficiles à concevoir pour de nombreux commentateurs états-uniens : l’islam, la diversité sexuelle, les communautés, les voix et les droits.
(Sharma 2004) [14]

14Mubarak Dahir rapporte à propos de la vie des queers musulmans après les attentats :

15

« C’est déjà assez dur d’être haï parce qu’on est gay », dit Mahmoud, un musulman de Pittsburgh qui a demandé à rester anonyme. « Mais maintenant on me hait aussi parce que je suis musulman. Cette méfiance semble partagée par tous les Américains. J’aurais espéré que mes amis gays — qui sont eux-mêmes la cible de tant de préjugés — soient plus enclins à remettre en question les stéréotypes. Mais mes amis gays ne sont pas meilleurs que quiconque ». Plus loin dans l’article, Mahmoud déclare : « Depuis le 11 septembre, j’ai dû m’appuyer plus que jamais sur ma communauté religieuse pour puiser de la force ».
(Dahir 2002, p. 91)

16Ifti Nazim de l’association sangat/Chicago [15] affirme lui aussi que de nombreux hétérosexuels musulmans de Chicago sont devenus plus enclins à le voir comme un leader de la communauté :

17

Beaucoup de leaders conservateurs musulmans se tournent aujourd’hui vers les organisations gays et lesbiennes. Je m’en réjouis et je suis choqué car je n’aurais jamais pu penser qu’il en serait ainsi. Tout cela est dû au 11 septembre.
(Smith 2002)

18Ces commentaires sont significatifs, ne serait-ce que parce que le sécularisme queer, et la subjectivité queer transgressive en général, sont aussi soutenus par une puissante conviction selon laquelle les communautés religieuses et raciales seraient plus homophobes que les communautés queer blanches mainstream ne seraient racistes. Celles et ceux qui se trouvent pris dans les interstices, les queers non-blanc?he?s, sont ainsi considéré?e?s comme interagissant plus facilement avec les queers blanc?he?s et au sein des espaces sociaux, des événements communautaires et des relations érotiques queers hégémoniques qu’ils ne le feraient avec leur communauté religieuse et raciale, leur famille, leur église, au sein de rituels, célébrations, mariages (selon le prisme du telos libéral du coming-out opérant comme une sorte de baromètre de l’acceptation). En conséquence, la critique de l’homophobie au sein des communautés d’origine est considérée comme plus urgente et prenant l’ascendant sur une critique du racisme au sein des communautés queers hégémoniques.

19Les activités du groupe queer britannique OutRage! se situent sur cette ligne à l’ambiguïté dangereuse. Lors de la manifestation de soutien à la Palestine du 21 mai 2005, à Londres, les militant?e?s d’OutRage! portaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : « Israël : arrêtez de persécuter les Palestiniens ! Palestine : arrêtez de persécuter les queers ! », ou encore « Non aux crimes ‘d’honneur’ contre les femmes, les lesbiennes et les gays en Palestine ». Bien que ce message politiquement correct qui découle de l’engagement d’OutRage! en faveur de la lutte contre « l’islamophobie et l’homophobie » semble en apparence tout à fait inoffensif, il contribue toutefois à réaffirmer la modernité d’Israël et du judaïsme face à la prétendue monstruosité de la Palestine et de l’islam. Présenter la Palestine comme responsable de la persécution des queers — une oppression assimilée à l’occupation de la Palestine par Israël — efface la persécution étatique israélienne des Palestiniens queers. Avec ce type de slogan, la persécution des queers israéliens par l’État d’Israël se trouve elle-même effacée, alors qu’Israël est loin d’être exempt de violence homophobe à l’encontre de ses propres citoyens, indépendamment de leur origine ou de leur religion. L’analogie dialectique par laquelle la persécution des Palestiniens par Israël est rendue semblable à la persécution des queers en Palestine ne permet pas de saisir la complexité des enjeux et restreint la possibilité d’établir un lien entre les deux, voire récuse toute considération du fait qu’une forme d’oppression puisse soutenir ou créer les conditions de possibilité de l’autre. Cette analogie empêche par ailleurs que soient établies des connections pourtant vitales : la relation entre la discipline imposée par le paradigme libérationniste des droits gays et lesbiens et l’aggravation de la répression islamique des sexualités non normatives, celle entre le renforcement du binarisme de genre dans la modernité et son imposition dans des sociétés fondées sur un autre système de genre (Fanon 1959 ; Massad 2002), et enfin entre, d’un côté, l’histoire de la domination économique et culturelle du colonialisme et du néocolonialisme et, de l’autre, la circulation sans fin des peuples colonisés au sein de ces réseaux de pouvoir. De façon quelque peu ironique, on retrouve dans les pancartes portées par OutRage! à la manifestation en faveur de la libération de la Palestine la logique même de la rationalisation et de la justification de l’occupation de la Palestine : la représentation des Palestiniens comme barbares et inhumains au travers de la figure du terroriste kamikaze musulman, arriéré et fondamentaliste. Le traitement dont les queers sont l’objet au sein de ces contextes transnationaux diffère principalement en raison des appartenances nationales, raciales et de la situation économique.

20Mon intention n’est pas d’étudier l’histoire complexe de l’organisation politique de OutRage!, ni de condamner ses actions et leurs multiples facettes, qui comprennent notamment : des coalitions avec le Black Gay Men’s Advisory Group, la Queer Youth Alliance et le Parti vert britannique ; des manifestations contre la prohibition du mariage entre couples de même sexe, contre le Vatican et la religion catholique, contre les paroles homophobes des musiciens caribéens Beeni Man, Vybz Kartel, Bounty Killer, Elephant Man et Buju Banton, contre la torture et l’exécution des gays en Arabie saoudite, contre la déportation de demandeur/se?s d’asile gays et lesbiennes parmi lesquel?le?s l’algérien Ramzi Isalam et le biélorusse Vadim Selyava, contre la dictature de Mugabe au Zimbabwe ; et enfin des veillées nocturnes consécutives aux meurtres de l’activiste gay jamaïcain Brian Williamson et de l’activiste lesbienne sierra-léonaise Fannyann Eddy (OutRage! 2005). Cette manifestation en faveur de la Palestine sert plutôt à illustrer combien des démonstrations de solidarité avec d’autres queers, des gestes souvent bien intentionnés d’inclusion et de reconnaissance de la diversité multiculturelle, peuvent parfois reproduire les présupposés néocoloniaux que OutRage! vise précisément à défaire.

21Mais quelque chose de plus insidieux se joue ici. Le binarisme musulman/gay passe d’un récit sur l’incommensurabilité de certains positionnements subjectifs à une véritable guerre de populations manifestant l’opposition entre islam et homosexualité. Un tel changement révèle la contiguïté des idéologies homonormatives conservatrices et du libéralisme queer. Le politicien gay néerlandais Pim Fortuyn s’est par exemple engagé à mettre fin à l’immigration et au droit d’asile, usant d’une rhétorique islamophobe pour propulser son parti politique, Lijst Pim Fortuyn (lpf), avant d’être assassiné par un militant pour les droits animaux à neuf jours d’une victoire électorale où le lpf remporta 26 % de sièges au Parlement (bbc News 2002 ; New York Times 2002). Yoshie Furuhashi (2004) commente :

22

Le succès de Pim Fortuyn […] a signalé une ère nouvelle de la politique gay blanche. En promouvant une politique anti-immigration ferme, et en la promouvant de façon démagogique avec des préjugés islamophobes, Fortuyn a montré que le populisme d’extrême droite peut être à la fois gay et populaire.

23Furuhashi sous-entend par ailleurs qu’à la différence des politiciens gays blancs de droite travaillant « contre leurs propres intérêts », et qui ont dû faire face à l’ostracisme de leurs collègues, l’adoption du droit au mariage pour les couples de même sexe accordera une crédibilité et une légitimité plus grande à ces politiciens gays populistes. Sandip Roy (2005) note que dans le sillage des attentats survenus à Londres le 7 juillet 2005, dont les auteurs n’étaient pas des terroristes de cellules dormantes provenant de quelque pays éloigné, qui auraient infiltré le sacro-saint territoire national, mais des musulmans britanniques ayant grandi à l’ombre du drapeau, l’Europe s’est symboliquement divisée en deux arènes : l’une où autoriser le mariage entre personnes de même sexe est devenu une priorité (Pays-Bas, Belgique, Espagne, Royaume-Uni), et l’autre où l’on prétend que règne le fondamentalisme islamique, responsable par exemple de la mort du cinéaste Theo van Gogh.

24Le mariage gay et lesbien relève « moins des droits des gays et lesbiennes que de la codification d’un idéal de valeurs européennes » (Roy 2005). Telle une prime d’assurance nécessaire mais au coût élevé, il permet à une certaine population européenne ambivalente, voire hostile, de garantir sa sécurité par la production d’un nouveau marqueur de distance entre barbarie et civilisation. Ce dernier justifie la stigmatisation d’une population musulmane, présentée comme sexuellement et racialement vicieuse (lascive, pédophile et sexuellement excessive, bien qu’en même temps victime d’une répression perverse) qui, à l’opposé de ces honnêtes homosexuels s’engageant dans les normes de parenté, refuse de s’assimiler correctement. La réforme du mariage est ainsi l’indice de disjonctions raciales et civilisationnelles entre les Européens et les musulmans, et contribue à éclipser les circuits de l’économie politique (la classe, l’immigration) qui sous-tendent une telle opposition. Alors que le conflit tend désormais à s’articuler autour de l’opposition entre queers et musulmans, l’enjeu principal est de contrôler les frontières rigides de la différence de genre et les modèles de parenté permettant leur maintien [16].

25Si l’on revient un instant à la photographie du fondamentaliste musulman-terroriste et pervers-homosexuel, l’oscillation entre, d’un côté, un dilemme subjectif individuel (es-tu musulman ou es-tu gay ?) et, de l’autre, une guerre entre des populations mutuellement exclusives confirmerait la nature irrémédiablement obstinée de musulmans (européens et appartenant à la classe ouvrière) inassimilés et inassimilables. Le sujet homosexuel discipliné et la figure du terroriste sexuellement pathologique et marié à son peuple restent ainsi liés, empêchant de condamner la confusion ou l’amalgame entre l’un et l’autre, voire entretenant le glissement de l’un vers l’autre. Le texte de la pancarte modifie le sens de l’image et oriente notre interprétation, mais ne parvient pas à contenir pleinement la saturation des tropes orientalistes attachés à ce corps.

26De nombreuses voix pourraient s’insurger face à la suggestion selon laquelle les identités queers et leurs homologues ‘moins radicaux’, les identités homosexuelles, gays et lesbiennes, participeraient de l’émergence de formations nationalistes blanches américaines, préférant concevoir le positionnement queer comme un mode de transgression des normes identitaires. C’est toutefois précisément au travers de cette focalisation sur la transgression que la position queer produit le récit de son propre exceptionnalisme sexuel. Si l’approche missionnaire de l’émancipation affichée par certains courants féministes (états-uniens, occidentaux) et certains mouvements gays et lesbiens est clairement problématique, le courant queer a ses propres tendances à l’exceptionnalisme. Elles constituent même un élan fondateur, le cœur d’une position se définissant comme anti-, trans- ou non-identitaire. Le paradigme de la libération et de l’émancipation gay et lesbienne a produit toutes sortes de récits troublants : à propos de la plus forte homophobie supposée des communautés immigrées et non blanches, du poids des valeurs familiales et de la morale au sein de ces mêmes communautés, à propos de certains prérequis à la migration, ou encore de la téléologie du coming-out. Nous ne disposons pas encore d’une telle compréhension de la position queer en tant que projet biopolitique à la fois parallèle et convergent avec celui du multiculturalisme et avec l’hégémonie de la blanchité — susceptible de se fondre dans le paradigme libérationniste. Alors que les fondements libéraux du sujet normatif gay et lesbien permettent son recentrement permanent comme figure de libération, ces mêmes fondements tendent à recentrer incessamment le sujet queer normatif en figure de la transgression.

27La position queer est ici la modalité par laquelle la ‘libération des normes’ devient un idéal régulateur queer qui trace les contours de l’idéal queer. Soutenant qu’une « réflexion accrue sur les attachements queers pourrait nous permettre d’éviter de poser l’assimilation ou la transgression en choix », Sara Ahmed note que « l’idéalisation du mouvement, ou sa fétichisation, repose sur l’exclusion de celles et ceux défini?e?s d’emblée comme n’étant pas libres de la même façon » (2005, p. 151-152). La liberté individuelle devient alors un baromètre de choix dans la valorisation, voire dans la réglementation de la position queer.

28Pourquoi vouloir désamorcer les binarismes queer tolérants de l’assimilation et de la transgression, du séculaire et du religieux ? S’il nous faut résister à la résistance, contrer ces binarismes pour appréhender un réseau plus large d’affiliations et de désaffiliations aux rapports de pouvoir souvent pétris de contradictions, il ne s’agit pas de distribuer de bons et mauvais points, mais d’ouvrir plutôt un espace propice à la réflexivité et à l’autocritique, à la possibilité de faire des erreurs. Il est facile, même si c’est parfois douloureux, de relever les éléments conservateurs au sein de toute formation politique ; il est moins aisé, et sans doute plus douloureux encore, de voir en soi-même le complice de certaines violences normatives. Voici donc en quelques lignes ce que nous pouvons dire à propos de la façon dont la mécanique queer opère comme cadre régulateur de la biopolitique :

  1. La définition de la position queer comme nécessairement et intrinsèquement transgressive produit des formes spécifiques de discipline et de contrôle, célébrant des sujets progressistes et promis à la vie (queer comme sujet) contre des populations sexuellement pathologiques et déviantes promises à la mort (queer comme population).
  2. De par cette définition régulatrice de la transgression, la position queer tient lieu d’alibi pour diverses complicités avec d’autres normes identitaires, telles que les identités nationales, raciales, de classe et de genre, tombant malgré elle dans le piège de l’hégémonie de la blanchité.
  3. Ces complicités ne sont pas le signe d’un échec du potentiel résistant, oppositionnel et radical de la position queer, mais sont l’instrument d’une reconnaissance.
  4. Nombreux sont toutefois les dilemmes qui persistent malgré la fluidité des résistances et des complicités, car les modèles intersectionnels ne peuvent nous permettre de rendre pleinement compte de leur présence, de leur poids respectifs ou de leurs entrelacs.

L’hégémonie de la blanchité

29S’appuyant sur Les mots et les choses, Rey Chow suggère que « l’analyse proposée par Michel Foucault du biopouvoir peut être vue comme une manière indirecte de poser la question de l’hégémonie de la blanchité dans le monde moderne » (2002, p. 2). Fruit de l’observation scientifique, de la classification et de la taxinomie, la production de données, détails et descriptions conduit à la micro-gestion de l’information et du corps, à la tentative de « faire du monde un objet de connaissance » (p. 3). Selon Chow, cette volonté d’objectiver et d’affiner en vue de mieux gouverner et domestiquer serait indissociable d’une forme de mystification et masquerait les principaux bénéficiaires de ce projet épistémologique : les subjectivités européennes. Cette simultanéité de la précision empirique et de l’abstraction constituerait le fondement même de la distinction entre sujet et objet (ou population) ou, selon les termes de Chow, de la séparation entre ceux et celles qui produisent la théorie et ceux et celles à propos desquel?le?s on théorise.

30Dans la période contemporaine, « l’hégémonie de la blanchité » au sein du biopouvoir aurait, selon Chow, conduit à l’assimilation des corps ethniques et multiculturels conformes, complices de cette hégémonie. Ce citoyen exceptionnel, ethnique ou non, se signale notamment par son aptitude à gérer la différence : la différence au sein de la similarité et la différence contenant la similarité. On note par exemple que la prolifération multiculturelle du sujet ethnique cosmopolite tel que le décrit Chow se caractérise par ses limites en termes de classe, de genre et, particulièrement, de sexualité. Le portrait-type du sujet ethnique serait plutôt celui d’un homme hétérosexuel disposant d’un capital matériel et culturel (ouvrant à la consommation et à la propriété). Ces caractéristiques fragiles fonderaient la distinction entre un sujet ethnique tolérable (par exemple un patriote exceptionnel) et intolérable (un suspect terroriste). Dans de nombreux cas, l’hétéronormativité pourrait être considérée comme la plus centrale de ces caractéristiques étant donné que les caractéristiques queers orientalistes (l’échec de l’hétéronormativité telle que manifesté par la polygamie ou par des formes d’homosocialité perçues comme pathologiques) sont a priori attribuées aux corps terroristes. Les processus parallèles de multiculturalisation et d’hétérosexualisation participent tous deux de ce que Susan Koshy a décrit comme « la transformation de la race en ethnicité » ; transformation qu’entretient la reproduction du « privilège blanc en méritocratie color-blind » (et qui a inspiré la politisation de l’expression « people of color »). Contrairement à Chow qui n’explique pas la raison pour laquelle le cadre de pensée racial a perdu de sa pertinence (et conservé un statut dénigré) face à un marché porté par l’ethnicité, Koshy considère que « l’accommodation des nouveaux immigrants et la résurgence de l’ethnicité blanche » constituent des facteurs qui tendent à « obscurcir les opérations de la race et de la classe » dans les contextes transnationaux (2001, p. 154 et 156).

31Ces « opérations » impliquent ce que Koshy décrit comme un processus de « désignation de la fraction de classe en modèle minoritaire par excellence » (p. 181). Selon elle, ce processus serait lié à « des changements démographiques, des changements en termes de stratification de classe, d’immigration et d’économie mondiale et a permis que se forgent des alliances opportunistes entre des Blancs et différents groupes minoritaires jouant le rôle de garant […], il simule l’inclusion alors même qu’il soutient une culture politique prônant l’individualisme de marché — ce dernier ayant cependant, au prétexte des nécessités de l’économie mondiale, légitimé le démantèlement des services sociaux au grand désavantage des minorités » (p. 155-156). Koshy affirme que le fractionnement de la classe des Blancs ouvre à « une position ethnique particulariste » permettant d’« échapper à la critique » car la distance ainsi instaurée avec la dimension culturelle de la blanchité est abolie de par sa proximité avec « la blanchité comme pouvoir […] réactivée au travers des aspirations à la mobilité sociale […] ». Ce semblant d’immunité autorise une différence culturelle tout en facilitant des affiliations politiques entre des Blancs et certains non-Blancs sur des questions aussi cruciales que la réforme de l’État-providence, les politiques d’action positive ou la législation relative à l’immigration » (p. 186). Ainsi, pour le sujet ethnique qui dispose de capital, de la capacité de consommer et posséder, la séduction du capital mondial repose sur diverses formes d’oublis et, en particulier, sur l’amnésie raciale. Ce démontage, ou ce désassemblage en fractions, est intimement lié au racisme d’État en ce sens qu’il promeut des « césures à l’intérieur du continuum biologique » nécessaire aux opérations simultanées de particularisation et d’homogénéisation des populations en vue de leur contrôle (Foucault 1997, p. 228).

32Pour Koshy comme pour Chow, l’hégémonie de la blanchité est profondément inscrite dans les idéologies (néo)libérales de la différence — culturelles, de marché, voire les deux — qui dénotent une « capacité d’intégration au capitalisme » et promettent « l’incorporation dans le rêve américain » (Koshy 2001, p. 193). Que cette promesse paraisse toujours sur le point d’être tenue, mais ne le soit jamais tout à fait, est ce qu’évoque Sara Ahmed lorsqu’elle affirme :

33

L’amour peut jouer un rôle particulièrement important lorsque la nation s’avère incapable de tenir sa promesse d’une bonne vie.
(2005, p. 130)

34Pour Ahmed, l’amour de la nation est une forme d’attente, un état impliquant un « stigmate d’infériorité » qui illustre parfaitement les rouages internes du multiculturalisme (p. 131 ; voir aussi Bauman 2003, p. 104). L’amour non réciproque maintient les sujets multiculturels (et homonormatifs) dans les plis du nationalisme, lorsque couvent les idéologies et les politiques xénophobes et homophobes. La bienveillance de l’État (et du marché) peuvent ainsi apparaître sans limite malgré l’amendement anti-mariage gay [17] et le usa patriot Act [18] — pour ne prendre que ces deux exemples. Le marché alimente en outre l’État en sujets consommateurs (aussi bien qu’en travailleurs hautement qualifiés) qui font l’expérience de soi-disant modes affectifs d’appartenance à l’État, lesquels soulagent l’angoisse pouvant découler d’un amour non réciproque. L’État-nation maintient ainsi ses positions homophobes et xénophobes tout en capitalisant sur son image d’inclusion, de diversité et de tolérance. Parallèlement à cela, les sujets multiculturels (et homonormatifs) réorientent leur loyauté envers la nation en direction du marché et des privilèges qu’il accorde — par un processus de re-masculinisation que Heidi Nast désigne sous l’expression « virilité de marché » (2002b, p. 878) — singeant les modes d’appartenance à la nation et masquant l’humiliation liée à l’attente de l’amour national. Un tel processus requiert une normativité sexuelle et de genre, aussi bien que la reproduction d’un corps politique multiculturel et hybride, en échange des potentialités lucratives de l’économie mondiale.

35Si l’on suit la position de Koshy concernant la « culture politique de l’individualisme de marché », alors l’accès au capital — « la virilité de marché » — détermine le sentiment d’appartenance nationale ainsi que l’inclusion dans la vie des sujets ethniques multiculturels et des sujets homonormatifs, voire de celles et ceux positionné?e?s à leur intersection. Au sujet ethnique, l’État-nation impose l’hétéronormativité, qui peut se négocier sur le marché, par une consommation frénétique et un travail qualifié. Au sujet homonormatif, l’État-nation impose la blanchité, qui peut se négocier sur le marché, là encore par la consommation et le travail. La figure du sujet ethnique queer ou homonormatif consacre l’apparition de la diversité dans les communautés homonormatives (au sein desquelles elle se donne à voir comme différence culturelle plutôt que comme un simple simulacre du capital) et l’apparition de la tolérance dans les communautés immigrées ethniques et racialisées (où elle est présentée comme une ouverture à des modes de vie alternatifs plutôt que comme une caractéristique typique du capital). De façon ironique, dans les espaces homonormatifs, le sujet queer ethnique apparaît moins comme un marqueur du racisme des communautés homonormatives que comme le signe de l’homophobie de sa communauté immigrée/ethnique/raciale d’origine (et l’indice que l’homosexualité serait bien une tare occidentale). (Ceci est sans doute dû au fait qu’à ce jour les concessions que l’État bienveillant a bien voulu faire ont plus souvent concerné les sujets ethniques — et leur inclusion dans la vie — que les sujets homos, en tout cas sur le plan historique des droits civiques).

36Le fractionnement, la fragmentation et la fractalisation de l’identité constituent une activité centrale des sociétés de contrôle par laquelle certains sujets (ethniques, homonormatifs) se dissocient et se désidentifient d’autres sujets aussi dépourvus de droits qu’eux en vue de faciliter leur accès aux voies des privilèges. Le sujet ethnique queer ou homonormatif est une composante centrale de la désagrégation des sujets homosexuels à proprement parler dans la mesure où, s’éloignant des populations perversement sexualisées, il rejoint les rangs du peuple hégémonique de la blanchité. Comme avec le fractionnement de classe qui projette un modèle minoritaire, on assiste ici à une redéfinition par le marché des fractions de classe, de race et de sexualité en une figure du consommateur gay ou queer homonormatif. Il s’agit là d’un consommateur sans famille, le meilleur qui soit, défini par l’État comme reproducteur des hétéronormes, dont l’association avec les corps nationaux blancs hétéro- et homonormatifs écrase tout désir d’alliance queer par-delà la classe, la race et la citoyenneté. Mais qu’en est-il des immigré?e?s racialisé?e?s ou des non-Blanc?he?s qui ne correspondent pas aux critères de classe du modèle minoritaire ethnique ou homonormatif ? Qu’en est-il de celles et ceux qui se situent à cette intersection : les sujets queers (immigrés) non blancs ?

37Les débats visant à déterminer quels pays, cultures, communautés, ou religions seraient également ou différemment homophobes, échouent à proposer une analyse critique des conditions de possibilité et d’impossibilité de l’homophobie. Ces conditions reposent sur les avantages économiques, sur les hiérarchies raciales, sur la politique sociale et la politique d’immigration d’un État, et non sur quelque conception abstraite ou essentialiste de la culture. Le mariage gay et lesbien, par exemple, n’est pas uniquement une revendication d’égalité vis-à-vis des normes hétérosexuelles ; il est surtout une revendication pour la restauration de droits et privilèges blancs, en particulier les droits de propriété et d’héritage — alors que pour d’autres l’envie de se marier ou de contracter un partenariat civil est motivé par le besoin désespéré d’une couverture santé. Durant la campagne électorale de 2004, l’opposition de George W. Bush au mariage gay et lesbien fut une opportunité de poser dans des églises africaines-américaines : des photographies difficilement possibles dans une autre conjoncture et qui confortèrent les incursions de la droite dans les églises des communautés non blanches [19]. La droite prend appui sur le travail des immigré?e?s pauvres pour soutenir sa base idéologique hégémonique — les valeurs familiales, la foi, le refus du mariage et de l’adoption pour les gays et lesbiennes, l’opposition à la libre disposition du corps — et reproduire les conditions économiques et politiques de l’hétérosexualité obligatoire, faisant ainsi le lit de l’homophobie.

38Le renforcement de l’hétéronormativité traduit des intérêts implicites, et désormais de plus en plus explicites, au maintien de l’hégémonie de la blanchité et des privilèges de citoyenneté qui en sont le corollaire (le mariage gay et lesbien en est sans doute l’exemple le plus pertinent). Une telle dynamique évoque les réflexions de Heidi Nast à propos de ce qu’elle nomme « le patriarcat queer blanc » (2002b, p. 881). Dans un article polémique, Nast affirme « qu’il est tout à fait possible de parler de privilèges blancs patriarcaux en dehors des confins de l’hétérosexualité ». Selon son argument le plus explosif, les principaux bénéficiaires du capitalisme ne seraient plus tant les hommes blancs hétérosexuels que les gays blancs qui « détiennent un avantage compétitif : libres de tous liens matériels-idéologiques nécessaires à la constitution d’un foyer fondé en biologie, et donc libres des restrictions qu’ils impliquent en termes de mobilité, ces derniers disposent, de façon certes ironique, d’un potentiel avantage patriarcalavantage de type relationnel et qui traverse les frontières de classe » (Nast 2002a, p. 839) [20]. Dans une perspective néo-marxiste, Nast décrit le patriarcat queer comme étant caractérisé par la « virilité de marché » et le contrôle paternel des « produits de la reproduction ». Maximisant et reproduisant la vie, la classe aspirante des gays blancs aisés, en mesure de simuler l’injonction biopolitique à la reproduction et régénération, se trouverait dans une situation significativement plus confortable que celle de leurs homologues hétérosexuels — peut-être même de beaucoup [21].

39Intégrant les lesbiennes blanches à ce scénario (de paternité ?), David Eng écrit :

40

[L’adoption internationale] est désormais une option possible et viable non seulement pour les hétérosexuels mais aussi — et de plus en plus — pour les couples et célibataires homosexuels cherchant à (re)consolider et (ré)occuper les structures conventionnelles de la famille et de la parenté.
(2003, p. 1)

41Relevant un changement historique et politique, le passage de discours et de pratiques de désaffiliation provenant de familles homophobes à des modes d’assemblages de normes de parenté homosexuelles, Eng affirme que « les gays et les lesbiennes ne sont désormais plus en position marginale par rapport aux structures de famille et de parenté » (p. 6). Dans le sillage de l’analyse d’une publicité pour les assurances John Hancock représentant deux lesbiennes blanches américaines dans un grand aéroport états-unien conduisant leur bébé chinoise nouvellement adoptée dans les bureaux de l’immigration et des douanes, Eng soutient en outre que les lesbiennes blanches américaines disposant d’un capital constituent « un groupe émergent de consommation de niche » (p. 7). Interrogeant « l’éthique du multiculturalisme » aussi bien que l’accumulation flexible, le capital mondial et l’exploitation inhérents à l’émergence contemporaine de la « nouvelle famille mondialisée », Eng pose la question :

42

Comment ce couple lesbien respectable et financièrement doté en vient-il à être constitué en idéal d’une version homosexuelle de plus en plus acceptable de la famille nucléaire ?
(2003, p. 3 et 7)

43Son argument laisse entendre que les adopté?e?s chinois?e?s (ou d’autres nationalités et ethnicités non noir?e?s) sont devenu?e?s et doivent désormais être des enfants blancs de substitution.

44Le libéralisme queer épouse ces espaces de diversité par le biais de ce que Chow appelle « l’alibi progressiste blanc ». Paraphrasant Robyn Wiegman, elle décrit « la formation particulière du sujet blanc contemporain politiquement correct, qui imagine avoir déjà réussi à se débarrasser des formes de racisme les plus brutales de sa culture » (2002, p. 14) [22]. L’attrait pour cet alibi progressiste réside dans le fait de prémunir le sujet blanc contre toute critique à l’égard de son usage du pouvoir. Celui-ci constitue le socle de l’hégémonie de la blanchité, qui n’est pas une formation raciste et conservatrice orientée vers l’extermination, mais plutôt une formation libérale qui, de façon insidieuse, offre une inclusion apparemment innocente dans la vie [23]. Ces deux exemples tirés des travaux de Nast et Eng suggèrent que l’hétéronormativité ne constitue plus désormais une condition absolue de l’économie reproductive capitaliste (laquelle agit de concert avec la technologie : la fécondation in vitro, les banques de sperme, le clonage, la sélection du sexe, les tests génétiques) ; sa simulation peut suffire.

Nécropolitique queer

45Bien que la question de la reproduction et de la régénération soit au cœur du concept de biopolitique, les universitaires queers ont été étrangement peu enclin?e?s à s’appuyer sur ce modèle foucaldien, lui préférant l’Histoire de la sexualité, et en particulier sa critique de la psychanalyse et de l’hypothèse répressive, et reléguant implicitement, voire parfois même explicitement, l’étude de la race au second plan. Rey Chow considère que l’incapacité des universitaires à analyser la sexualité au travers du biopouvoir est symptomatique des inclinaisons modernistes en faveur d’un cadre identitaire binaire étroit homosexuel/hétérosexuel qui favorise « les rapports sexuels, les pratiques sexuelles et l’érotisme » au détriment « de la problématique plus générale de la reproduction de la vie humaine qui, en des temps modernes, est toujours racialement et ethniquement dirigée » (2002, p. 6-7). J’ajouterais à cette observation que la centralité qu’a acquise l’Histoire de la sexualité dans les études queers est principalement due à l’intérêt pour la description qu’opère Foucault des mécanismes de « l’hypothèse répressive », ainsi que pour sa remise en question implicite des récits psychanalytiques freudiens qui situent la répression sexuelle comme le fondement de la subjectivité. (On peut ainsi considérer que les voies généalogiques de l’Histoire de la sexualité constituent une fracture : les universitaires consacrant leurs recherches aux questions raciales et postcoloniales se saisissent de la question biopolitique, tandis que les universitaires queers travaillent à démanteler l’hypothèse répressive — il ne s’agit là bien entendu que de tendances générales et en aucun cas d’absolus) [24]. Bien que les spécialistes de la race et des théories postcoloniales étudient les intersections entre race et sexualité, ils et elles ne se sont toutefois que récemment saisi?e?s des questions de sexualité au-delà de l’hétérosexualité et de sa fonction reproductive [25]. Le regard porté par Chow sur une certaine tendance occidentale à la myopie vis-à-vis de la sexualité est plutôt convaincante, néanmoins le cantonnement du sexuel au seul domaine de la reproduction (hétérosexuelle) paraît pour le moins insatisfaisante. Dans le cas de Chow, cela la conduit en particulier à négliger la production insistante de critères d’acceptation des sujets ethniques par les hétéronormes. Les sexualités non normatives sont de surcroît rarement au centre des tentatives d’analyse des mécanismes biopolitiques. À l’inverse, elles sont plutôt éludées ou considérées comme peu pertinentes, bien que la démarcation de la perversion et de la déviance constitue un composant clé de la formation des normes qui sous-tendent les intérêts biopolitiques [26].

46Nombreuses sont les analyses de la biopolitique contemporaine qui mettent au premier plan soit la race et le racisme d’État, soit l’émergence complexe de la catégorie de ‘sexe’ — comme le fait par exemple Judith Butler (1993, p. 82). Mais rares sont les recherches qui problématisent ces deux dimensions conjointement. C’est dans cette perspective que, plutôt que de présenter un paradigme général de la sexualité biopolitique qui résoudrait ce dilemme, j’examine le processus de distinction des sujets queers exceptionnels et des populations queers racialisées dans la politique états-unienne contemporaine. En situant la race et la sexualité à la fois dans la reproduction des rapports au vivant et à la mort, je souhaite maintenir la tension entre bio- et nécropolitique [27]. La nécropolitique apparaît aux marges et dans les excès de la biopolitique. Cette dernière permet quant à elle la prolifération de la nécropolitique en masquant la multiplicité de ses propres relations à la mort et au meurtre. La distinction entre bio- et nécropolitique, et les tensions qu’elle engendre, sont importantes pour deux raisons. D’abord, maintenir la relation entre ces deux concepts permet de prendre en compte les multiples espaces de déviation de la mort, que celle-ci serve la maximisation de la vie ou les modes de minimisation de la mort pure. Sur le plan conceptuel, cela permet également de reconnaître l’implication directe du biopouvoir dans la mort, malgré son attachement à la maximisation de la vie, et l’insouciance de la nécropolitique vis-à-vis de la mort, bien que celle-ci soit son objectif premier. Comme le souligne Achille Mbembe (2006), la nécropolitique implique l’assujettissement de plus en plus anatomique, sensoriel et tactile des corps — aussi bien des corps des détenus de Guantanamo que de ceux des réfugié?e?s et évacué?e?s devenus déchets humains, le corps du mort vivant, du vivant mort, du vivant en décomposition, de celles et ceux qui vivent des morts lentes. La nécropolitique se trouverait ainsi désormais dans un au-delà des cadres identitaires et de visibilité queers, nous adressant de nouvelles questions relatives à l’ontologie et aux affects.

47Ensuite, parce que c’est précisément au sein des interstices entre la vie et la mort que se situent les différences entre, d’un côté, les sujets queers ramenés dans la vie et, de l’autre, les populations queers racialisées qui émergent par le biais d’un processus de désignation. Ces différences renforcent le mouvement de balancier entre la discipline des sujets et le contrôle des populations. Déconstruire la polarité entre bio- et nécropolitique permet de rendre compte d’un vaste ensemble de morts déviées ou différées, de processus de déchéance et de décomposition, mais aussi de souligner la relation entre régénération et reproduction. Il est ainsi par exemple possible de complexifier l’analyse de la centralité du biologisme reproductif biopolitique en demandant qui reproduit quoi, en déplaçant le cadre hétérosexuel toujours implicite, en interrogeant les façons par lesquelles la production de catégories identitaires telles que gay, lesbienne et même queer sert la reproduction, la régénération et le gouvernement du vivant plutôt qu’en considérant ces catégories comme implicitement ou explicitement vouées à la mort. Si l’on persiste dans la voie tracée par Butler et son questionnement concernant la façon dont les queers ont été abandonné?e?s à la mort, il est temps de demander : de quelles façons les queers reproduisent-ils/elles la vie ? Quel?le?s sont les queers qui participent de la maximisation du vivant ? Comment et à quoi donnent-ils/elles vie ? Comment la vie est-elle soutenue, disciplinée par la constitution du sujet ? Comment devient-elle récit au travers de la constitution de populations ? Comment est-elle entretenue ? Que la vie des queers soit ainsi garantie, implique-t-il une mort différée, ou que d’autres soient relégués à la mort ? Et si oui, qui ?

Notes

  • [1]
    Cette traduction est une version écourtée de l’introduction de Terrorist Assemblages. Homonationalism in Queer Times, intitulée « Homonationalism and Biopolitics » (Puar 2007, p. 1-36). Les deux premiers chapitres de cet ouvrage ont également été traduits en français, par Maxime Cervulle et Judy Minx : cf. Jasbir Puar (2012 [2007]). Homonationalisme. Politiques queer après le 11 septembre. Paris, Éd. Amsterdam.
  • [2]
    Kaplan (2004) cite les propos de Krauthammer tels qu’ils apparaissent dans Eakin (2002).
  • [3]
    La plupart des commentaires relatifs à la doctrine « Don’t Ask, Don’t Tell » n’évoquent pas la racialisation des sujets sexuels dans l’armée, pas plus qu’ils ne considèrent la race comme un facteur déterminant de la régulation disciplinaire des sexualités non normatives. Lorsque la question raciale est mentionnée, c’est souvent en analogie avec la sexualité : elle est présentée comme une diversification de l’armée plus ancienne et qui aurait réussi. Voir par exemple Belkin et Embser-Herbert (2002). Pour une évaluation de la place des non-Blanc?he?s dans l’armée, voir Fears (2003). Fears écrit que « parmi les 1,1 million de recrues de l’armée, 38 % appartiennent à une minorité ethnique, alors que celles-ci ne représentent que 29 % de la population générale. Dans le corps le plus large, l’armée de terre, le pourcentage de minorités s’approche de la moitié des recrues, à 45 %. Les Africain?e?s-Américain?e?s comptent à eux et elles seul?e?s pour près de 30 % des recrues, selon les données compilées par le ministère de la Défense en 2000. Les latino?a?s représentent 9 % des engagé?e?s de l’armée de terre et 12 % de la population. Les femmes noires composent quasiment la moitié de l’ensemble des femmes engagées dans le corps terrestre. […] Selon le National Center for Education Statistics, le pourcentage de minorités recrutées dans les forces armées excède de très loin celui des minorités inscrites dans des parcours d’enseignement supérieur ».
  • [4]
    Cette doctrine adoptée en 1993 stipule que toute personne servant dans l’armée ne peut révéler son orientation sexuelle, faire montre d’une « conduite homosexuelle manifeste », interroger ou enquêter sur un membre du personnel militaire dans le but de découvrir son orientation sexuelle. Elle a été abolie par le Sénat américain en décembre 2010. [NdT]
  • [5]
    Ce jugement rendu en 2003 par la Cour Suprême a considéré que les lois prohibant la sodomie entre adultes consentants dans le cadre de la sphère privée étaient inconstitutionnelles. En conséquence, les lois anti-sodomie de treize des États américains furent abolies, autorisant de fait les pratiques sexuelles entre personnes de même sexe sur l’ensemble du territoire des États-Unis. [NdT]
  • [6]
    Selon Gregory Jay, si les États-Unis sont sans doute dotés d’une « capacité exceptionnelle » de déploiement de leurs conceptions du nationalisme à l’échelle internationale, ils ne sont pour autant « pas exceptionnels dans leur récit de la nation selon lequel elle trouverait son origine dans un paysage physique et culturel spécifique donnant supposément naissance à un peuple ‘uni’ dans sa relation particulière à la vérité, la beauté, la bonté et Dieu » (2003, p. 782).
  • [7]
    Pour une vision d’ensemble de cette question, voir Kammen (1993), Rauchway (2002) et Zinn (2005).
  • [8]
    Pour un aperçu de ces débats, voir Kammen (1993). On trouvera également dans Rowe (2004), un résumé des critiques d’Edward Said à l’encontre de l’exceptionnalisme américain.
  • [9]
    La position d’Irshad Manji à cet égard est particulièrement néfaste. Manji consacre les États-Unis en figure de proue de la tolérance civilisatrice et terre d’opportunité, expliquant « l’échec » de l’assimilation musulmane en Europe et son « succès » aux États-Unis au prisme des valeurs culturelles américaines et sans aucune considération d’ordre économique. Cette partie qui propose une analyse du sécularisme queer est redevable à des discussions suivies avec Jinthana Haritaworn, Adi Kuntsman, Catherine Sameh, Bahia Menem et Ethel Brooks.
  • [10]
    In Desai Poulomi, Sekhon Parminder (2003). Red Threads: The South Asian Queer Connection in Photographs. London, Diva Books.
  • [11]
    Cette revendication de l’homosexualité contre en effet deux tendances : d’un côté la mobilisation régulière du thème de la répression sexuelle islamique qui gangrène le discours des droits de l’homme aussi bien que les discours féministes et queer progressistes ; de l’autre, le fantasme orientaliste d’une sexualité excessive et perverse caractérisée notamment par la pédophilie et la sodomie.
  • [12]
    Le sigle lgbtiq signifie « lesbienne, gay, bisexuel?le, transgenre, intersexe et queer » [NdT].
  • [13]
    Pour des reportages sur les musulmans queers, voir Gay.com uk (2001), Bull (2001), Smith (2002) ou, plus tôt, celui de Goldman (1999). Pour des autoreprésentations de musulmans queers, voir Alam (2002) et Frameline (2002). Au-delà de la fondation Al-Fatiha, on peut également citer l’association Queer Jihad (2005). Le site web de l’association décrit ainsi son action : « Le Queer Jihad est la lutte menée par les musulmans queers pour l’acceptation : d’abord, celle qui consiste à nous accepter nous-mêmes tel?le?s qu’Allah nous a fait?e?s ; ensuite, la lutte pour que nous soyons compris?es par les musulmans en général ». Voir Queer Jihad (2003).
  • [14]
    Pour une analyse du film de Sharma, voir le film de Matthew Hays, Act of Faith (2004). Voir aussi le film A Jihad for Love (2007) sur le site de Hartley Film Foundation (http://hartleyfoundation.org).
  • [15]
    sangat/Chicago est une « association gay, lesbienne, bisexuelle et transgenre et un groupe de soutien, pour les personnes originaires d’Inde, du Pakistan, du Bangladesh, du Sri Lanka, du Népal, de l’Afghanistan, de l’Iran, de Burma et du reste des pays sud-asiatiques ».
  • [16]
    Comme l’a relevé Scroggins, ce phénomène n’est pas limité à la politique queer : « Dans ce qui apparaît comme un modèle se développant à l’échelle de l’Europe, certaines féministes s’alignent sur les positions anti-immigration de la droite et contre leurs précédents alliés multiculturalistes à la gauche de l’échiquier politique. Elles sont rejointes dans cet exode à droite par des activistes gays et lesbiennes qui considèrent les musulmans comme responsables de l’augmentation du nombre d’agressions contre les couples gays et lesbiens » (2005, p. 22).
  • [17]
    L’amendement auquel il est ici fait référence est connu sous le nom de Federal Marriage Amendment (fma). Il s’agit d’un amendement visant à inscrire dans la Constitution la définition du mariage comme étant l’union d’un homme et d’une femme. Soumis au vote du Congrès en 2006, il fut rejeté, car n’obtenant pas le soutien des deux tiers des deux chambres. Le rejet de cet amendement constitutionnel a néanmoins été suivi de l’adoption du Defense of Marriage Act (doma) durant la même année. Il définit le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme et, par conséquent, proscrit la reconnaissance fédérale des mariages entre des personnes de même sexe ayant été contractés dans des États l’autorisant. La Cour Suprême aura à se prononcer sur la constitutionnalité de cette loi en mars 2013. [NdT]
  • [18]
    Promulguée en octobre 2001 par le président Georges Bush dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme », cette loi prévoit un renforcement de l’encadrement juridique des procédures de surveillance, d’investigation et d’interrogation. L’acronyme signifie « Uniting and Strengthening America (by) Providing Appropriate Tools Required (to) Intercept (and) Obstruct Terrorism », soit « Unifier et renforcer l’Amérique en développant les outils appropriés pour empêcher et enrayer le terrorisme ». [NdT]
  • [19]
    À propos des tentatives de George W. Bush d’obtenir le soutien des Africain?e?s-Américain?e?s par l’opposition au mariage des couples de même sexe, voir Carnes (2004) et Knippenberg (2004).
  • [20]
    L’usage que fait Nast du terme « patriarcat » apparaît plutôt étrange, notamment parce que ses présupposés universalistes ont déjà été largement critiqués, aussi bien par les féministes non blanches états-uniennes issues du tiers-monde que par les féministes poststructuralistes.
  • [21]
    Selon Nast, l’accumulation historique du capital que constituent les privilèges blancs et masculins permet aux gays blancs d’adopter une virilité qui se manifeste par « un positionnement vis-à-vis des femmes, des non-Blanc?he?s et, dans certains cas, de l’élite des hommes blancs perçus comme hétérosexuels, qui s’exprime dans le marché par des transactions et investissements plus ou moins rentables ». Bien que la forte capacité de consommation des gays blancs soit souvent comprise comme résultant de l’absence de toute « personne à charge », Nast note que la reproduction biologique peut être mise en œuvre via la location d’utérus et l’adoption internationale. « Dit crûment, la paternité s’acquiert par la réinstauration du statut de pourvoyeur [breadwinner] et de l’autorité paternelle » (2002b, p. 878-880).
  • [22]
    Proposant une autre critique du libéralisme queer, Paola Bacchetta (2002, p. 951) étudie quant à elle les configurations « queers transnationales » dominantes qui privilégient les activités des consommateurs (le tourisme queer), des universitaires (par exemple l’anthropologie queer) et des activistes (engagés dans des ong internationales : ces « sujets nationaux qui s’expriment dans des arènes transnationales »).
  • [23]
    À propos de la soi-disant « gauche politique », voir Sharad Chari (2004, p. 908), qui propose une analyse du film de Michael Moore Fahrenheit 9/11 où résonnent des « notes islamophobes », bien qu’elles soient faiblement audibles parmi tout le bruit de l’opposition polémique de Moore à l’administration Bush. On peut également penser à la pièce Homebody/Kabul, écrite avant le 11 septembre 2001 par le très reconnu Tony Kushner et mise en scène à New York et San Francisco peu de temps après. Celle-ci serait pour Patrick Corcoran (2003) un exemple typique de « l’orientalisme de gauche ». Voir aussi Framji Minwalla (2003).
    La vigueur retrouvée de la gauche repose ainsi, pour certains de ses courants, sur la reproduction des frontières raciales entre Blanc?he?s et non-Blanc?he?s. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ces dernier?e?s tendent à désavouer l’interpellation émanant de cette gauche artificielle. Au sein d’arènes moins publiques, la notion de race a pu être employée aussi bien comme socle d’une critique du mouvement pacifiste blanc, que comme une structure primaire d’organisation sociale autorisant la surveillance des espaces urbains, des communautés, des affiliations religieuses et des lieux d’éducation. Dans la plupart de ces cas de mobilisation de la notion de race, la réduction à l’hétérosexualité est quasiment systématique. Voir la lettre ouverte de Bloom et al. (2003), qui s’ouvre sur ces mots : « Chères sœurs, chers frères ».
  • [24]
    Pour une analyse tout à fait pertinente de la généalogie foucaldienne des mécaniques de la race et du sexe, et des implications de leur intersection, voir McWorther (2003).
  • [25]
    Pour des exemples de travaux situés dans le champ des études postcoloniales et analysant la sexualité au-delà de l’hétérosexualité reproductive, voir Hayes (2000), McClintock (1995), Hawley (2001a, 2001b), Vanita (2002), Patel (2004), Arondekar (2005a, 2005b) et Najmabadi (2005).
  • [26]
    Voir à ce propos les travaux tout à fait novateurs d’Ann Laura Stoler (1995) sur la biopolitique et le colonialisme, en particulier son argument selon lequel le cas des colonies aurait servi de modèle à Foucault pour l’identification du biopouvoir en Europe. Voir aussi p. 29 (note 93) son commentaire relatif à la centralité de l’hétérosexualité dans son argument, à la dimension racialisante du discours présentant l’homosexualité comme « diabolique » et à la rareté des archives permettant de développer une compréhension plus large de l’émergence de figures sexuelles non normatives, telle celle de « l’adulte pervers ».
  • [27]
    Cette tentative de description des caractéristiques de la biopolitique à l’âge du terrorisme doit beaucoup au récent travail théorique qu’ont accompli les universitaires travaillant sur les questions postcoloniales et internationales. Je pense en particulier aux travaux de Inderpal Grewal (2005) sur les convergences entre biopolitique et géopolitique dans le contexte néolibéral ; de Michael Hardt et Antonio Negri (2000) sur la production biopolitique ; de Patricia Clough (2008) sur les économies affectives biopolitiques ; d’Achille Mbembe (2006) sur la biopolitique et la nécropolitique ; mais aussi de Gilles Deleuze (1990) et de ses recherches avec Félix Guattari (1980) sur les sociétés de contrôle biopolitique. Le point de départ de mon analyse s’appuie notamment sur la question posée par Eugene Thacker (2005, p. 22) : « Comment comprenons-nous le concept de biopolitique après Foucault ? Comment ce concept a-t-il été transformé dans le contexte actuel ? » Mais je suis aussi la voie tracée lors du colloque de mars 2006 organisé par Patricia Clough au cuny Graduate Center de New York et intitulé « Beyond Biopolitics ».
Français

L’‘homonationalisme’ désigne l’inclusion de l’homosexualité dans le discours national produit notamment par les États-Unis dans leur « guerre contre le terrorisme », proclamant la supériorité sur les autres d’une civilisation qui aurait aboli toute oppression sexuelle — alors même que les homosexuel∙le∙s de ce pays continuent de souffrir de discriminations et d’une oppression directement liée à leur sexualité. Opposant les identités gay et musulmane, du même coup, ce discours fait de l’homosexualité une réalité blanche. L’article montre que ce type d’opposition et de création d’un sentiment d’exceptionnalité sexuelle (national et blanc) n’est pas l’apanage des seuls militaires et stratèges états-uniens, mais concerne aussi de nombreux milieux progressistes, associatifs et académiques, y compris féministes et queer.

Mots-clés

  • biopolitique
  • homonationalisme
  • homosexualité
  • queer
  • blanchité
  • hétéronormativité
  • États-Unis
Español

Homonacionalismo y biopolítica

Homonacionalismo y biopolítica

El ‘homonacionalismo’ designa la inclusión de la homosexualidad en el discurso nacional producido especialmente por los Estados Unidos en su ‘guerra contra el terrorismo’, afirmando la superioridad sobre las demás de una civilización que habría abolido toda opresión sexual — a pesar de que la·os homosexuales de este país siguen siendo víctimas de discriminaciones y de una opresión directamente relacionada con su sexualidad. Al oponer las identidades gay y musulmana, este discurso hace simultáneamente de la homosexualidad una realidad blanca. El artículo muestra que este tipo de oposición y de creación de un sentimiento de excepcionalidad sexual (nacional y blanco) no es solamente característico de militares y estrategas estadounidenses, sino también de muchos círculos progresistas, asociativos y académicos, incluyendo feministas y queer.

Palabras claves

  • biopolítica
  • homonacionalismo
  • homosexualidad
  • queer
  • blanquedad
  • heteronormatividad
  • Estados Unidos

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Jasbir K. Puar
Jasbir K. Puar est Associate Professor au sein du département de women’s and gender studies de la Rutgers University, États-Unis. Elle est l’auteure de Terrorist Assemblages: Homonationalism in Queer Times (Duke university Press, 2007, dont deux chapitres ont été publiés en français, aux éditions Amsterdam, en 2012). Théoricienne queer, elle propose une articulation entre gender et postcolonial studies au travers d’une analyse des effets de l’instrumentalisation de la sexualité dans la production des discours sur l’exception nationale.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par 
Maxime Cervulle
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 11/06/2013
https://doi.org/10.3917/cdge.054.0151
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