CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La Chine et le Viêt-Nam ont connu depuis le milieu du xxe siècle des évolutions sociales, politiques et économiques convergentes. Après des siècles de régimes dynastiques, les années 1945 pour le Viêt-Nam et 1949 pour la Chine ont marqué l’avènement de régimes communistes qui ont laissé une empreinte durable sur leurs sociétés [1]. Ces deux pays de tailles très inégales (85 millions d’habitants et 1,3 milliard) ont connu plus tard, après la réunification du Viêt-Nam et la mort de Mao Zedong en 1976, des transformations importantes : la « politique de réforme et d’ouverture » lancée en Chine à partir de 1978 et la « politique du renouveau » mise en œuvre au Viêt-Nam à partir de 1986, à l’origine d’une libéralisation rapide de leur système économique et de profondes transformations sociales. Les politiques mises en œuvre au cours de ces deux périodes ont imprimé leur marque sur le statut et la condition des femmes dans chacun des deux pays.

2Dès 1950-60, la Chine et le Viêt-Nam ont exprimé leur souci d’instaurer un contrôle sur la croissance de leur population, perçu comme une condition nécessaire au développement économique. Jusqu’à une période récente, ces politiques de contrôle des naissances interventionnistes, contraignantes, voire coercitives, ne visaient pas prioritairement l’amélioration de la santé et du statut des femmes. En même temps, dans chacun des deux pays, les décennies communistes ont vu la mise en place de mesures au caractère précurseur visant à libérer les femmes de l’emprise de la famille patriarcale et à favoriser l’égalité des sexes. Avec cependant des variations importantes selon le pays concerné, certains éléments semblent avoir été favorables à l’amélioration du statut des femmes (abolition du mariage forcé, baisse de la fécondité, accès quasi généralisé à l’instruction de base). Malgré cela, la prise d’autonomie des femmes est restée partielle et les obstacles à leur émancipation n’ont pas tous été levés, notamment en ce qui concerne l’emploi.
Plus récemment, les politiques de transition d’une économie centralisée et planifiée vers une économie de marché, se sont caractérisées, de façon contradictoire, par une rigueur accrue du contrôle des naissances et un désengagement étatique de l’ensemble des structures sociales qui, sous les régimes communistes, encadraient strictement la population. Ces transformations ne semblent pas avoir permis d’améliorer le statut et la condition des femmes conquis pendant la période communiste. Elles posent même de nombreux défis nouveaux car divers acquis sont désormais menacés, qu’il s’agisse de santé, d’éducation ou du travail des femmes. Ces deux pays ont donc vu, depuis cinquante ans, la mise en place de différentes mesures concernant directement le statut et la place des femmes dans la société : lois et règlements en faveur de l’égalité des sexes, politiques visant à réduire drastiquement la fécondité. Ces politiques et ces dispositifs législatifs ont-ils permis une élévation substantielle du statut des femmes ? Les discriminations envers les filles et les avortements sélectifs ont-ils été enrayés ? Qu’en est-il de l’emploi des femmes ? Les différentes mesures adoptées ont-elles permis de jeter les bases de l’émancipation des femmes ? Cet article examine les principales évolutions politiques et sociales qui ont marqué les dernières décennies. Il souligne notamment, dans un contexte de plus grande libéralisation économique et sociale, leurs effets ambivalents sur le statut des femmes.

Enjeux et contradictions des politiques reproductives en Chine et au Viêt-Nam

Libérer les femmes de l’emprise de la famille patriarcale

3En Chine et au Viêt-Nam, l’avènement des régimes communistes a correspondu à une remise en question brutale de la société, dans laquelle l’émancipation des femmes fut présentée comme une condition nécessaire à la réalisation du socialisme. Pour le dirigeant chinois Mao, « Les femmes soutiennent la moitié du ciel » (Johnson 1983), de même pour le chef d’État vietnamien Ho Chi Minh, « Les femmes forment la moitié de la société. Si les femmes ne sont pas émancipées, le socialisme est à moitié réalisé » (Bergman 1975).

4Le modèle familial prôné par les nouveaux dirigeants chercha d’emblée à rompre avec les schémas de la famille traditionnelle, unité de parenté groupée autour de la fonction symbolique dominante du père. Ainsi, la première loi de la République populaire de Chine fut la loi sur le mariage de 1950, dont l’un des principaux objectifs était de libérer les femmes de l’emprise de la famille patriarcale. En interdisant la bigamie, le concubinage et les mariages arrangés et en exigeant le consentement mutuel des époux, elle jeta les bases de la liberté de mariage, tandis que l’égalité entre hommes et femmes devint une priorité nationale (Xiao 2005). Parallèlement, les dirigeants chinois s’attaquèrent aux foyers de l’économie et de l’idéologie en lançant, la même année, la réforme agraire (Cartier 1986). Profondément antipatriarcale, cette réforme sous-tendait une refonte radicale de la famille. En outre, les paysans pauvres et les femmes étant considérés par les théoriciens marxistes comme les victimes de l’ordre social, le mouvement paysan, dont le parti communiste (pc) se fit très vite le moteur, associa l’émancipation des femmes à la libération du peuple.
La première constitution de la République démocratique du Viêt-Nam (1946) fit également grand cas de l’égalité des sexes, qui fut en outre associée à la question de l’indépendance nationale. Pour mobiliser les femmes dans la lutte contre les colonialistes français, puis contre les capitalistes américains, les socialistes de la rd du Viêt-Nam et du Front national de libération au Sud leur firent valoir que, contrairement au marxisme-léninisme qui leur promettait l’émancipation, les pays agresseurs les enfonçaient dans l’oppression (Wisensale 2000). Il faudra cependant attendre la loi sur le mariage et la famille, adoptée en 1959, pour que soient posés les premiers jalons importants d’un nouveau modèle de mariage et de famille : abolir le mariage forcé et précoce, consacrer la monogamie et l’égalité entre les époux.

Contrôler les naissances pour assurer le développement économique

5La Chine et la rd du Viêt-Nam furent parmi les premiers pays du monde en développement à prôner une norme de famille restreinte. Dans le contexte de l’idéologie dominante de la seconde moitié du xxe siècle, axée sur la croissance démographique rapide et les mesures capables de la contenir, ces premières politiques s’inscrivirent dans la droite ligne de la pensée de Malthus : il était possible de faire échec à la misère en la rendant inutile, c’est-à-dire en lui substituant un autre moyen d’ajuster la population aux subsistances : un contrôle de la fécondité (Ma 1979 ; Vilquin 2006).

6En révélant 590 millions d’habitants, le premier recensement de rp de Chine (1953) fit naître la crainte de voir une croissance démographique trop rapide compromettre le développement économique. Momentanément convaincu par les adeptes d’un contrôle des naissances, Mao déclarait en 1956 :

7

Il est nécessaire de faire connaître et de populariser le contrôle de la fécondité et de promouvoir la limitation des naissances dans toutes les régions densément peuplées.
(Zou 1986)

8Quelques mois plus tard, la première campagne de limitation des naissances fut lancée. Cependant, du fait d’un manque de moyens et de la répugnance des Chinois à aborder les questions sexuelles, cette première tentative n’eut guère d’effet sur la fécondité. La croissance de la population cessa d’être considérée comme un problème en soi et le développement industriel revint au tout premier plan. Avec le Grand bond en avant, à partir de 1958, on craignit que la main-d’œuvre ne soit insuffisante pour répondre aux besoins de la construction socialiste. Toute référence au contrôle démographique fut assimilée à une prise de position réactionnaire et les efforts pour limiter les naissances cessèrent brusquement.

9Quelques années plus tard, pourtant, la limitation des naissances revint à l’ordre du jour. La crise des « années noires » (1959-61), avec la famine consécutive au Grand bond en avant qui fit trente millions de morts (Godement 1990), avait porté le déséquilibre entre ressources alimentaires et population à son comble. Pendant ces années, la natalité avait chuté à tel point qu’en 1960, il y eût une réduction nette de la population de 3 millions de personnes. Puis ce furent, dès 1962, des années de « récupération ». Les millions d’enfants dont la naissance avait été différée du fait de la famine et de l’instabilité politique, vinrent s’ajouter à des cohortes déjà pléthoriques. Pendant toute la décennie 1960, 25 à 30 millions d’enfants virent le jour chaque année, une explosion démographique sans précédent. Ainsi, à mots couverts, le gouvernement chinois tira les leçons du Grand bond en avant. Il redonna la priorité à l’agriculture sur l’industrie et, dès 1962, lança une seconde campagne de contrôle des naissances.
Les autorités chinoises optèrent alors pour un retard du mariage et pour une diffusion plus large de la contraception, tout en limitant le nombre d’enfants à deux ou trois et en espaçant les naissances, tandis que l’avortement fut libéralisé. Mieux organisée et plus pragmatique, cette deuxième tentative connût quelque succès mais fut rapidement interrompue par la Révolution culturelle, dès l’été 1966.
En rd du Viêt-Nam, ce furent les résultats du recensement de 1960 qui alarmèrent les autorités (Scornet 2000a). Il fut dès lors reconnu que la croissance démographique risquait de freiner le développement économique. Les dirigeants, qui craignaient la forte pression démographique sur les terres, particulièrement dans le delta du fleuve Rouge, et donc les risques de pénurie alimentaire, lancèrent ainsi, en 1961, les premières mesures visant à sensibiliser les couples au contrôle des naissances [2] et, dès 1963, une première politique de limitation des naissances fut lancée. Le gouvernement fixa, pour la première fois, des normes de restriction de la taille des familles et d’espacement des naissances. À l’instar de la Chine, il fut conseillé aux familles vietnamiennes d’avoir deux ou trois enfants, espacés chacun de cinq à six ans [3]. La sensibilisation à la norme de la petite famille et aux effets réputés néfastes de la croissance démographique constitua, dès cette époque, un objectif important du premier programme de planification familiale, mais elle se voulut alors discrète et limitée à des cercles restreints (fonctionnaires, cadres du Parti…) à la grande différence des campagnes de masse qui seront lancées au début des années 1990.

Le contrôle de la croissance démographique : de l’incitation à la coercition

10En Chine comme au Viêt-Nam, la décennie 1960 a été marquée par une prise de conscience politique quant à la nécessité de contrôler la croissance démographique pour garantir le développement économique et, par là même, l’édification du socialisme. En Chine, cependant, les positions des dirigeants ont, au cours des deux premières décennies socialistes, oscillé entre dogmatisme idéologique et réalisme économique, et il a fallu attendre la fin de la Révolution culturelle pour voir émerger un discours marqué par un pragmatisme malthusien. Une troisième campagne de limitation des naissances, qui sera menée sans relâche pendant les décennies suivantes, fut lancée en 1971. Trois consignes furent diffusées à partir de 1973 : se marier tard, espacer les naissances et réduire sa descendance, et des quotas annuels de naissances furent imposés. Au Viêt-Nam, jusqu’à la réunification du pays en 1976, les premières bases de la politique de planification familiale furent posées : restriction de la famille à trois enfants, définition de l’étendue (villes, deltas et plaines à forte concentration de population) et des cibles des campagnes de restriction de la taille des familles, discrètes campagnes d’information et d’éducation.

11Le milieu des années 1970 a marqué une étape décisive dans l’évolution sociale et économique de la Chine et du Viêt-Nam. À sa mort en 1976, Mao laissa l’économie et la société chinoises mal en point, sortant d’une Révolution culturelle lourde de conséquences. Sur le plan démographique, en revanche, la politique de limitation des naissances mise en place à partir de 1971 avait fait s’éloigner la menace d’une croissance démographique insoutenable pour le pays. Cependant un rebond de la natalité s’annonçait, lié à l’arrivée en âge de reproduction des générations nombreuses nées au cours des années 1960. C’est pourquoi la « politique de réforme et d’ouverture » se doubla d’un second objectif : maîtriser la croissance de la population pour permettre le décollage économique. La nouvelle politique, annoncée en janvier 1979, instaura la norme drastique de l’enfant unique. Mais cette norme, en contradiction avec les intérêts des familles, en particulier paysannes, se heurta à une vive résistance et le gouvernement chinois fut, dès 1984, contraint d’élargir les conditions permettant aux couples ruraux d’avoir un deuxième enfant. Depuis lors, cette politique est à plusieurs vitesses (Scharping 2003).

12Au Viêt-Nam, ce sont les décisions du 5e Congrès national du pc en mars 1982, puis la création du Comité national pour la population et la planification familiale en 1984 qui marquent l’adoption d’une politique plus énergique de planification des familles. La politique de « un ou deux enfants » par famille, officialisée en 1988, renforce les mesures d’infléchissement de la croissance démographique considérées comme nécessaires à l’amélioration du niveau de vie et s’inscrit dans une logique de mobilisation à grande échelle :

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La planification familiale relève de la responsabilité de la société entière, hommes et femmes, en commençant par les ministères et les comités populaires à tous les échelons qui doivent guider la population au jour le jour[4].
Certaines catégories de personnes sont autorisées à avoir deux enfants au maximum (d’une part, les cadres politiques, les fonctionnaires au service du Parti, de l’État et des organisations de masse, les soldats et, d’autre part, les familles urbaines et celles qui vivent dans la région des deltas du fleuve Rouge et du Mékong et dans les plaines des provinces côtières).
En Chine comme au Viêt-Nam, l’instauration d’un contrôle des naissances s’est accompagnée de mesures incitatives et répressives. En Chine, les couples devaient s’engager à avoir un seul enfant et recevaient en retour des gratifications diverses (primes, gratuité des soins médicaux et de l’école pour l’enfant, facilités de logement, lopin supplémentaire pour les paysans, pension de retraite bonifiée pour les salariés des entreprises d’État, etc.). Mais les couples résistant aux injonctions gouvernementales s’exposaient à des sanctions : remboursement des primes perçues, amendes, licenciements, etc. Au Viêt-Nam, des mesures similaires sont appliquées à quiconque viole les réglementations du contrôle des naissances : licenciement des fonctionnaires, exclusion du Parti, amendes… (Scornet 2000a). Au Viêt-Nam comme en Chine, il existe aujourd’hui de très grandes variations locales dans la mise en œuvre de la politique nationale, chaque gouvernement au niveau de la province, du district ou de la commune ayant une grande latitude pour édicter sa propre politique de récompenses ou de sanctions en fonction de considérations démographiques, économiques et politiques (Scharping 2003).

Vers des politiques de santé de la reproduction : des normes internationales aux mobilisations nationales

14À la suite de la Conférence internationale sur la population et le développement qui s’est tenue au Caire en 1994 et de la Conférence internationale sur les femmes, organisée à Pékin l’année suivante, la santé de la reproduction est devenue un centre d’intérêt majeur de l’action internationale. Certaines dérives des programmes de planning familial, comme les avortements forcés en Chine, ont été considérés comme portant atteinte aux droits de l’homme. Un des basculements fut l’adoption du concept de droits en matière de sexualité et de reproduction comme partie intégrante des droits de l’homme : droit des individus de déterminer librement le nombre et le moment des naissances, droit à une meilleure santé en matière de sexualité et de reproduction et droit des individus d’avoir accès à l’information pour exercer ce droit. Ces deux conférences ont, en Chine et au Viêt-Nam, marqué une étape importante dans les approches gouvernementales des questions démographiques. Alors que leurs croissances naturelles sont quasiment jugulées, les deux pays ont réorienté les objectifs de leur programme de planification familiale, jusque-là uniquement centré sur les indicateurs démographiques, et ils cherchent à mieux préserver les droits et intérêts des femmes.

15Au Viêt-Nam, il s’agit désormais, comme en Chine, de concentrer les efforts vers les populations et les régions dites « difficiles, les zones pauvres et isolées » [5], « celles où les niveaux de fécondité sont encore élevés », à savoir les ethnies minoritaires des régions montagneuses et les populations vivant dans les zones insulaires. Dans les deux pays, une volonté d’améliorer la qualité de vie de la population s’impose peu à peu :

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Les activités en matière de population constituent une part importante de notre stratégie de développement national, l’un des objectifs étant d’augmenter la qualité de vie de chaque individu, de chaque famille et de la société toute entière, afin de contribuer à l’industrialisation et à la modernisation du pays […] [6].

17En Chine :

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[…] La résolution des problèmes démographiques réside dans un développement économique vigoureux et dans l’intégration du programme de population à une stratégie globale de développement durable. […] Ces dernières années, nous avons fait en sorte de combiner le programme de planification familiale avec des initiatives visant à soulager la pauvreté, à favoriser le développement économique en milieu rural et à élever le statut des femmes[7].

19Il s’agit, en Chine comme au Viêt-Nam, d’améliorer la qualité des services de planification familiale et de mieux les intégrer au réseau de soins de santé primaire. La planification familiale, désormais intégrée à une politique plus globale de santé de la reproduction et de développement, ne constitue plus l’unique finalité des politiques démographiques. Depuis l’arrêté sur la population de 2003, le Viêt-Nam reconnaît aux individus le droit de recevoir une information sur les questions de population, de bénéficier de services de santé de la reproduction adaptés et de qualité, de même que celui de choisir le moment d’avoir des enfants, leur nombre et l’intervalle entre deux naissances. Pourtant, dans la continuité des politiques démographiques restrictives et parfois en contradiction avec les droits individuels, les législateurs attribuent aux Vietnamiens des devoirs en matière de volume de population : « la pratique de la planification familiale et la construction d’une famille peu nombreuse », donc « prospère et heureuse », chacun devant « contribuer aux intérêts de l’État, de la société et de la communauté en matière de taille, de structure et de répartition de la population ». Le discours chinois au début des années 2000 est de même nature : la loi sur la population et la limitation des naissances (2002) « vise à protéger les droits individuels et stipule que le gouvernement doit fournir aux individus des services de planning familial adaptés, sûrs et efficaces. Le gouvernement récompense les couples qui pratiquent le planning familial et doit les aider à faire face aux réalités familiales… » [8]. Si cette loi garde intangible l’objectif de limiter strictement le nombre d’enfants, les évolutions récentes laissent entrevoir des changements dans les moyens pour y parvenir. À la fois parce qu’il est de plus en plus malaisé pour les autorités de s’immiscer dans la vie privée des couples et parce que la menace d’une croissance démographique insoutenable pour le pays est désormais écartée, le programme revêt désormais une dimension plus incitative (Gu et al. 1999). En réponse à ces contradictions, les autorités des deux pays ont trouvé un compromis qui consiste à maintenir les normes quant à la taille des familles tout en s’ouvrant à des préoccupations plus qualitatives permettant de faire coexister limitation des naissances et santé de la reproduction. Ainsi, les programmes de santé reproductive et de planification familiale deviennent-ils une fin en soi, dont la légitimité est fondée sur le bien-être individuel, familial et national.

Les transformations contradictoires de la condition des femmes

Un facteur attendu d’émancipation des femmes : la baisse de la fécondité

20Au nombre des moyens favorisant l’accession des femmes à une autonomie à la fois familiale et économique, figure en premier lieu la réduction du nombre d’enfants. La Chine et le Viêt-Nam s’illustrent remarquablement en ce domaine, avec une division par trois du nombre moyen d’enfants par femme entre les années 1960 et le début des années 2000. De près de 6 en Chine en 1970, le nombre moyen d’enfants par femme y est désormais de 1,8. Une baisse équivalente, bien qu’un peu plus tardive, est observée au Viêt-Nam où le nombre moyen d’enfants par femme est passé de 6 au début des années 1970 à 2,1 en 2006 (gso 2007). Les deux pays doivent ce succès à l’influence de politiques énergiques de limitation des naissances et à leur organisation administrative et sociale dans le cadre de structures collectives (unités de travail, organisations sociales de masse, etc.) qui ont, jusque dans les années 1980, permis un strict encadrement de la population.
Autant en Chine qu’au Viêt-Nam, la progression rapide de la prévalence contraceptive depuis trente ans a largement favorisé la baisse de la fécondité. Plus de trois Vietnamiennes sur quatre, 78 % (eds 2002), ont aujourd’hui recours à la contraception, contre un peu plus de la moitié à la fin des années 1980 (53 % en 1988). En Chine, cette proportion, déjà très élevée en 1982 (70 %) atteint aujourd’hui 93 %, un niveau inégalé ailleurs dans le monde. Ces fortes prévalences cachent cependant des schémas contraceptifs différents. Si les deux pays se caractérisent par une utilisation massive du stérilet, employé par près de la moitié des Vietnamiennes et des Chinoises utilisant un moyen de contraception, la comparaison s’arrête là. En effet, plus du quart des Vietnamiennes qui régulent volontairement leur fécondité recourent à des méthodes traditionnelles (retrait et abstinence périodique), qui ne sont plus que très rarement utilisées en Chine (moins de 2 %). Par ailleurs, tandis que la stérilisation est très impopulaire et quasiment inexistante au Viêt-Nam, elle est répandue en Chine où elle concerne près de la moitié des couples mariés. On peut voir dans cette différence un indicateur d’une politique chinoise plus coercitive et plus radicale que la politique vietnamienne. En Chine, en effet, la large prédominance de méthodes telles que le stérilet et la stérilisation relève d’une volonté du gouvernement de généraliser des méthodes fiables et dont l’utilisation peut être facilement imposée et contrôlée.

La santé des mères

21Cette baisse rapide de la fécondité s’est accompagnée d’un recul de la mortalité maternelle, indicateur hautement révélateur des conditions de vie des femmes. Cependant, les progrès accomplis n’ont pas été à la hauteur de ce que l’on aurait pu escompter compte tenu du haut niveau d’encadrement de la reproduction.

22En Chine, où l’on enregistrait 62 décès de mères pour 100 000 naissances en 1995, la mortalité maternelle reste peu élevée en comparaison avec ses deux grands voisins asiatiques que sont l’Inde (où ce taux est de 440 pour 100 000) et l’Indonésie (390), mais reste derrière la Corée du sud (30 décès maternels pour 100 000 naissances [9]). Au regard de la mortalité maternelle, la situation des Vietnamiennes est largement moins enviable que celle des Chinoises. Le taux, estimé à 160 en 1990, n’a guère reculé depuis puisqu’il atteignait encore 150 en 2005 [10]. La prise en charge non systématique des accouchements par le milieu hospitalier reste sans doute l’un des principaux facteurs de mortalité maternelle : dans les deux pays, seules 80 % des femmes donnent naissance à leurs enfants dans une structure de santé [11].
Une étude réalisée au Viêt-Nam dans les années 1990 a montré que plus de la moitié des décès maternels pourraient être évités par une intervention humaine appropriée. Cette étude attribue en effet 70 % de ces décès à des complications obstétriques et à des avortements dangereux souvent pratiqués par des accoucheuses traditionnelles (Ministry of Health 2003). Bien que la santé de la reproduction soit un concept en théorie indissociable de celui de planification familiale, les initiatives explicites de la Chine et du Viêt-Nam en ce domaine n’en sont qu’à leurs balbutiements. Ces dernières décennies, les soins et la prévention entourant la mère ont pâti d’une politique qui a longtemps privilégié l’objectif de réduction de la taille des familles, sans faire grand cas de la santé des mères. En outre, les systèmes de santé chinois et vietnamiens souffrent aujourd’hui d’un désengagement de l’État qui accroît les inégalités dans l’accès à la santé.

Des discriminations envers les filles : des situations contrastées en Chine et au Viêt-Nam

Sélection prénatale du sexe des enfants et avortements sélectifs

23Au nombre des similitudes entre la Chine et le Viêt-Nam est une préférence pour les fils. Dans les deux pays, les garçons sont préférés car c’est à eux qu’incombe la prise en charge des parents âgés, la perpétuation de la lignée familiale et le devoir de piété filiale manifesté par le culte des ancêtres. L’inclination en faveur des fils y est le produit d’un système patriarcal et confucéen encore très présent. Ainsi, un fils est source de prestige et de fierté pour ses parents et sa famille, tandis que la légitimité d’une femme au sein de sa famille et de sa communauté dépend en grande partie de sa capacité à donner naissance à un fils (Scornet 2000b ; Attané 2005). En Chine, les familles placent tous leurs espoirs dans leur fils et le projettent d’emblée dans un avenir de réussite professionnelle et sociale. D’un point de vue communautaire, les familles qui viennent de donner naissance à un fils suscitent le respect et l’admiration des villageois, tandis que celles qui ont eu une fille sont traitées avec condescendance et se sentent humiliées. De la même manière, au Viêt-Nam, l’absence de progéniture, qui plus est de progéniture mâle, pèse lourdement sur le mari et la femme : l’homme est accusé d’impiété filiale et la position de la femme au sein de la famille est menacée (Scornet 2000b).

24En Chine, cette préférence pour les fils se traduit par des discriminations croissantes envers les filles en phase prénatale, par des avortements sélectifs, et en phase postnatale, par des négligences de traitement à l’origine d’une surmortalité accrue avant l’âge de 1 an. De fait, dans un contexte de changements économiques et de baisse de la fécondité, les filles deviennent indésirables simplement parce qu’elles privent leurs parents de la possibilité d’avoir un fils, ce qui n’est le cas que dans une bien moindre mesure au Viêt-Nam. Ainsi, la sélection du sexe de l’enfant en amont ou en aval de la naissance s’étend et l’on observe désormais, en Chine, des proportions anormalement élevées de garçons aux jeunes âges (Banister 2004). Le rapport de masculinité des naissances qui, selon la règle biologique [12], se situe entre 103 et 106 garçons pour 100 filles, a en effet rapidement augmenté : d’un niveau normal en 1982 (107 garçons pour 100 filles), il atteint 120 en 2005. Ces écarts substantiels par rapport aux niveaux attendus sous-tendent des interventions délibérées visant à modifier les probabilités de naître fille.

25L’incertitude quant à la qualité des données vietnamiennes ne permet pas de conclure de manière indiscutable à une montée des discriminations envers les filles dans ce pays, les rapports de masculinité des enfants de moins de 1 an se maintenant, d’après les recensements de 1989 et 1999, dans la norme. Cependant, les statistiques des naissances d’un hôpital de Hanoi ont montré qu’aux parités élevées, les naissances de garçons sont plus fréquentes qu’elles ne le devraient (Bélanger 2003). En outre, les données les plus récentes attestent d’une augmentation sensible du rapport de masculinité à la naissance qui s’élèverait à 110 garçons pour 100 filles en 2006 (gso 2007). Si la tension entre la préférence pour les garçons et le désir d’une famille restreinte existe au Viêt-Nam, elle n’a, pour l’instant, pas entraîné de déséquilibre spectaculaire comme c’est le cas en Chine. Il est par ailleurs difficile de dire si le Viêt-Nam est en décalage temporel par rapport à la Chine ou si, plus simplement, il répond différemment à la préférence pour les fils dans un même contexte de faible fécondité.

26Néanmoins, la question des avortements sélectifs de fœtus féminins attire d’ores et déjà l’attention des législateurs vietnamiens qui, à l’aune de l’expérience chinoise, tentent d’en prévenir le développement. Ainsi, l’ordonnance sur la population de 2003 stipule que :

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L’État doit adopter les politiques et mesures nécessaires pour prévenir la sélection du fœtus en fonction de son sexe afin d’assurer l’équilibre des sexes.
Plus d’une décennie avant le Viêt-Nam, la Chine s’est dotée d’un dispositif juridique important visant à lutter contre les discriminations envers les filles. La loi sur la protection des mineurs (1991), puis la loi pour la protection des droits et intérêts des femmes (1992) stipulent l’interdiction des noyades et des abandons de fillettes de même que l’interdiction de tout mauvais traitement ou discrimination à l’encontre des femmes n’ayant pas eu d’enfant ou n’ayant eu que des filles. Ces pratiques sont de nouveau proscrites par la loi sur la santé des mères et des enfants de 1994, qui est par ailleurs la première à interdire la sélection prénatale du sexe de l’enfant. La loi sur la population et la planification des naissances (2002) renforce cet édifice juridique. Enfin, en 2003, un règlement a réitéré l’interdiction de la pratique d’avortements sélectifs, et stipulé l’obligation d’une autorisation préalable pour toute détermination prénatale du sexe. Des réglementations sur l’administration des services techniques du planning familial ont par ailleurs été adoptées en 2005 par le ministère de la Santé, dans le but notamment d’améliorer le contrôle sur la pratique des examens prénatals et des avortements sélectifs (Zheng 2007). Or, ce dispositif s’est révélé, jusqu’à présent, impuissant à lutter contre la pratique croissante des avortements sélectifs, et contre les discriminations de plus en plus fortes dont sont victimes les filles durant les premières années de vie (Li, Zhu 2001).

Une surmortalité des filles aux jeunes âges patente en Chine, latente au Viêt-Nam

28Un autre effet pervers de la préférence pour les fils dans un contexte caractérisé par une réduction de la taille des familles, une précarisation de l’emploi et un renchérissement des coûts de la santé et de l’éducation consécutif au désengagement de l’État, est que les couples sont de plus en souvent amenés à opérer des calculs coûts/bénéfices entre filles et garçons. Cette évolution se traduit, en Chine et, dans une bien moindre mesure, au Viêt-Nam, par une surmortalité des filles due à des négligences de traitement et à un accès différentiel à la santé préventive et curative.

29La mortalité infantile est aujourd’hui, en Chine et au Viêt-Nam, relativement faible eu égard aux niveaux observés dans la plupart des autres pays en développement du continent asiatique. Les données de l’Enquête démographie et santé (eds) menée au Viêt-Nam en 2002 ont révélé un taux de 25 ‰ pour les deux sexes, contre 32 ‰ en Chine au recensement de 2000. Ces deux pays sont donc en bonne place eu égard notamment à l’Inde (41,5 ‰ en 2005-2006), à l’Indonésie (43 ‰ en 2003) et plus encore au Bangladesh (72 ‰ en 2004) [13]. Cette situation relativement privilégiée est héritée du système de santé primaire performant mis en place par les communistes chinois et vietnamiens à partir des années 1950, de même que des politiques sanitaires qui, fondées sur des campagnes de vaccination et d’hygiène, ont permis de réaliser d’importants progrès face à la mortalité infantile (Chen 1989 ; Nguyen et al. 2004). En Chine, cependant, au fur et à mesure de l’amélioration de la survie des enfants, l’écart entre les sexes s’est aggravé au détriment des filles. Pourtant, dans des circonstances ordinaires, la mortalité des garçons est plus forte que celle des filles à tous les âges de la vie. Kenneth Hill et Dawn Upchurch (1995) ont déterminé l’avantage féminin attendu en l’absence de discriminations envers l’un ou l’autre sexe, en établissant le rapport du taux de mortalité infantile des filles à celui des garçons à 0,78, soit une surmortalité des garçons de l’ordre de 20 %. En Chine, cet avantage n’était déjà plus respecté en 1973-75, avec un rapport de 0,875, et il l’est de moins en moins : 1,465 en 2000 (Attané 2004). Au Viêt-Nam, de telles pratiques discriminatoires sont beaucoup moins fréquentes qu’en Chine, mais elles transparaissent néanmoins à travers la légère, mais anormale, surmortalité féminine entre la naissance et le premier anniversaire (avec un rapport des taux atteignant 1,024 sur 1992-2002, contre 0,78 attendu sans discriminations) alors que les écarts entre les sexes étaient encore, lors de l’Enquête eds de 1997, plus conformes à la norme. La possibilité d’une montée des discriminations envers les filles au Viêt-Nam n’est pas confirmée par les données relatives à la santé et à la nutrition selon le sexe (eds 2002), qui montrent en effet un traitement relativement égalitaire des filles et des garçons, notamment en ce qui concerne la couverture vaccinale, qui est légèrement supérieure chez les filles (68 % des filles et 66 % des garçons de 12 à 23 mois ont reçu l’ensemble des vaccinations recommandées par l’oms), et l’état nutritionnel ne varie pas en fonction du sexe, la malnutrition touchant autant les garçons que les filles (28 % des enfants de moins de 5 ans) (nin and unicef 2003). En Chine, en revanche, les données de la seule enquête disponible sur le sujet montrent des différences marquées entre filles et garçons dans l’accès à la santé, en particulier dans la réalisation du protocole vaccinal, plus complète pour les garçons que pour les filles (39 % et 35 % respectivement) et dans le recours aux soins curatifs (Li, Zhu 2001).
Ainsi, au regard des deux principaux facteurs qui contribuent à un déséquilibre des rapports de masculinité à la naissance et dans la petite enfance, le Viêt-Nam se démarque de la Chine.

L’instruction, un facteur d’émancipation des femmes

30Le développement de l’instruction compte au nombre des facteurs d’émancipation des femmes, en ce sens qu’elle influence leurs comportements reproductifs, qu’elle incite à de meilleures pratiques sanitaires et surtout qu’elle facilite leur accès à des professions valorisantes et correctement rémunérées, donc leur émancipation économique et ce faisant, familiale.

31En Chine et au Viêt-Nam, les politiques éducatives volontaristes mises en œuvre par les gouvernements socialistes ont été un facteur essentiel d’éradication de l’analphabétisme. Pour Mao Zedong et Ho Chi Minh, en effet, l’école devait répondre aux principes d’égalitarisme et de massification, et se posait comme le préalable indispensable à l’émancipation des femmes. Ainsi, en Chine, dès le début des années 1960, la scolarisation des enfants dans le primaire était à peu près universelle. Si, au lendemain de la Révolution culturelle, les progrès se sont essoufflés, les bases d’un système éducatif égalitaire étaient néanmoins jetées. Au Viêt-Nam, dès les années 1940 dans les maquis, l’enseignement a été conçu comme un moyen de se libérer d’un siècle de domination coloniale, et était animé par une morale patriotique permettant de renouer avec la morale confucéenne du savoir (Hémery 1990). Dès sa fondation en août 1945, l’effort de la rd du Viêt-Nam va porter sur la lutte contre l’analphabétisme.

32Héritage de trois décennies de généralisation de l’éducation, la Chine et le Viêt-Nam affichent désormais des taux d’analphabétisme très bas, y compris pour les femmes, avec 12 % de la population chinoise et seulement 9 % de la population vietnamienne. Autant en Chine qu’au Viêt-Nam, l’alphabétisation féminine progresse, mais moins vite que celle des hommes. En 1982, une Chinoise sur deux et un Chinois sur cinq ne savaient ni lire ni écrire. En 2001, ces proportions sont tombées respectivement à 17 % et 6 % ; une réduction remarquable qui laisse cependant les femmes en retrait. Même s’il n’a cessé de chuter, l’analphabétisme des Vietnamiennes (18 % en 1989 et 8 % en 2006) reste également supérieur à celui des hommes (12 % en 1989 et 4 % en 2006). Bien que persistant, l’écart entre les sexes est moins marqué au Viêt-Nam qu’en Chine. Le niveau d’alphabétisation des Chinois et Vietnamiens est presque équivalent, mais celui des Vietnamiennes est meilleur que celui des Chinoises.

33Par ailleurs, si les pouvoirs chinois et vietnamiens ont longtemps tiré leur légitimité de leur modèle éducatif, ces acquis sont aujourd’hui menacés. Depuis le milieu des années 1980, les deux États se désengagent du service public. La logique économique qui prévalait jusque-là, assurant à chacun le minimum, n’a plus cours. La politique éducative prend une orientation beaucoup plus matérialiste et ouvre un large espace à l’initiative privée dans l’éducation, ce qui accroît les inégalités (Scornet 2001 ; Liang 2002 ; Martin 2004). En Chine comme au Viêt-Nam, l’égalité des sexes dans l’accès à l’éducation est, en milieu urbain, totale : les mentalités évoluent et les parents comprennent peu à peu que l’instruction est une clé précieuse pour l’avenir de leurs enfants, y compris pour leurs filles, et que, pour accéder à quelque autonomie et s’assurer un avenir décent, un bagage scolaire s’impose.

34Mais à la campagne, où vit encore la majorité des Chinois et des Vietnamiens, les enjeux sont différents. L’accès à l’éducation reste plus difficile pour les filles, car la valeur ajoutée apportée par l’instruction n’est pas toujours comprise, la libéralisation économique ayant par ailleurs augmenté le coût d’opportunité de la scolarisation des enfants. Ceci explique pourquoi, dans les campagnes, les filles sont plus nombreuses que les garçons à n’avoir jamais fréquenté l’école, même si les écarts observés sont faibles.
Les données chinoises révèlent par ailleurs que les filles sont plus souvent laissées-pour-compte que les garçons. En effet, sur le million d’enfants âgés de 10 à 14 ans qui, en 2000, n’était pas scolarisés, six sur dix étaient des filles et, sur le 1,2 million d’enfants ayant interrompu leur scolarité avant la fin du cycle primaire, les filles sont majoritaires. Au Viêt-Nam, les différences de scolarisation entre garçons et filles, faibles au niveau primaire, s’exacerbent dès le niveau secondaire pour les familles qui subissent le plus durement l’augmentation drastique des frais de scolarité. Dans les familles les plus aisées, l’écart entre les sexes est faible : 99 % des garçons de 11 à 14 ans sont scolarisés et 97 % des filles du même âge. En revanche, dans les familles les plus pauvres [14], 81 % des garçons de 11 à 14 ans sont scolarisés contre 68 % des filles. Le sexe devient alors un facteur de différenciation dans les familles laissées-pour-compte de réformes économiques et sociales qui ont renforcé les inégalités.

Des inégalités entre hommes et femmes dans l’accès à l’emploi

35En Chine et au Viêt-Nam, l’activité économique des femmes est l’une des plus élevées au monde : environ deux femmes sur trois ont un emploi et près d’un actif sur deux est une femme. Néanmoins, l’accès aux différents secteurs d’activité n’est pas équitable, les femmes étant, en général, reléguées dans les activités les moins qualifiées, les moins bien rémunérées et les plus pénibles physiquement. Par exemple, les Chinoises et les Vietnamiennes sont surreprésentées dans l’agriculture : plus de deux femmes sur trois (69 %) travaillent dans ce secteur en Chine, contre 61 % des hommes, ces proportions étant respectivement de 71 % et 67 % au Viêt-Nam ; les autres activités parmi les plus fréquemment occupées par les femmes étant, en Chine comme au Viêt-Nam, le commerce et la restauration.

36Ces inégalités dans l’accès aux différents secteurs d’activité relèvent en partie du moindre niveau de qualification des femmes, et donc de leur moindre compétitivité comparée aux hommes. Ainsi, en Chine, sur l’ensemble des femmes qui travaillent, une sur deux n’est pas allée plus loin que l’école primaire, voire n’a reçu aucune instruction, alors que ce n’est le cas que pour un homme sur trois. Au Viêt-Nam, les femmes ne comptent que pour un peu plus d’un tiers de la population qualifiée. Elles sont en outre fortement exposées à la précarisation de l’emploi, du fait notamment de l’intégration récente de ces deux pays à l’économie mondiale. Au Viêt-Nam, la réforme des entreprises d’État leur a donné l’autonomie dans la gestion des recrutements et des licenciements. En Chine, sur un même principe, la restructuration des entreprises d’État et le développement des entreprises privées a libéralisé le marché de l’emploi et, par conséquent, favorisé le développement des inégalités entre hommes et femmes. Ainsi, les femmes y forment la plus grande partie des nouveaux chômeurs dans le secteur industriel (Rocca 1999). Les plus menacées sont les citadines qui, du fait de la libéralisation du marché de l’emploi et de la montée du chômage, se trouvent en concurrence directe avec les hommes. Ainsi, à Shanghai, le taux d’activité des femmes de 25 à 49 ans a chuté de 30 % durant la décennie 1990, et les écarts de revenus entre les sexes ne cessent de se creuser [15]. Une tendance similaire est observée au Viêt-Nam où le taux d’emploi des femmes a diminué de 5 points entre 1989 et 1999, tandis que celui des hommes est resté stable (Oudin 2004).

37Il a par ailleurs été constaté que, avec le développement du secteur privé, Chinoises et Vietnamiennes sont, plus que les hommes, sujettes à être employées dans le secteur informel qui leur procure une moindre protection sociale et légale (Beresford, Dang 2001 ; Tan, Li 2003). Si l’abandon de l’économie planifiée et centralisée semble avoir exacerbé la division sexuelle du travail, il a en outre rendu les femmes plus vulnérables sur un marché de l’emploi devenu très concurrentiel. Dans les campagnes, toutefois, les femmes tirent, d’une certaine manière, profit de la modernisation du système économique. Autant en Chine qu’au Viêt-Nam, on assiste à une féminisation de l’agriculture qui résulte des migrations de travail masculines vers les villes, en particulier durant la basse saison agricole, avec pour conséquence un renforcement du rôle économique des femmes (Werner 2002 ; Tan, Li 2003). De là, un gain direct des paysannes en autonomie qui, sans l’avoir vraiment cherché, se posent aujourd’hui en maillon fort du développement rural. Au Viêt-Nam toutefois, la participation des femmes à l’effort de guerre, qu’elle ait été directe (par leurs actions militaires) ou indirecte (par la prise en charge des activités agricoles et commerciales en l’absence des hommes) avait déjà contribué à promouvoir leur rôle économique et leur statut (Scornet 2000b ; Werner 2005).

38* * *

39En Chine comme au Viêt-Nam, observer l’évolution du statut des femmes au cours des dernières décennies ne peut se faire dans le seul contexte des évolutions démographiques récentes. Dans les conjonctures spécifiques qui sont aujourd’hui celles de ces deux pays, il est en effet nécessaire de prendre en compte l’impact de la transition vers un système économique libéral. Car, en dépit d’éléments objectivement favorables à l’amélioration du statut des femmes (lois en faveur de l’égalité, baisse de la fécondité, taux d’activité élevés, accès quasi généralisé à l’instruction de base), leur prise d’autonomie reste partielle et des obstacles à leur émancipation demeurent.
En Chine, la baisse de la fécondité a eu un impact direct très limité sur l’activité des femmes car avant même que la fécondité ne baisse, c’est-à-dire jusqu’au tout début des années 1970, l’activité des femmes était déjà extrêmement développée, et il était donc difficile de la faire augmenter davantage. De plus, la baisse de la fécondité s’est effectuée surtout dans le contexte de la libéralisation économique, c’est-à-dire de bouleversements économiques et sociaux qui sont venus contrebalancer les effets potentiellement positifs d’une réduction de la fécondité. La libéralisation sociale [16] consécutive aux réformes économiques s’est en effet traduite par une résurgence des rôles sociaux traditionnels, tendant à maintenir les femmes dans un statut secondaire et bridant par conséquent une dynamique d’autonomisation (Attané 2005). En outre, la libéralisation du marché du travail s’est accompagnée d’une concurrence accrue entre les sexes, avec pour conséquence, dans certaines régions, une baisse de l’activité des femmes. Au Viêt-Nam, la diminution récente de leur taux d’activité tient à des facteurs tout aussi complexes. D’abord, cette baisse fait suite à une période où leur taux d’activité était extrêmement élevé, en partie du fait de l’implication forte des femmes dans l’économie pendant les périodes de guerre et de leur participation active à l’économie agricole (Oudin 2004). Mais la moindre activité des femmes est aussi consécutive aux réformes économiques et sociales engagées dans la dernière décennie du xxe siècle et en particulier au désengagement partiel de l’État des entreprises et des structures éducatives et sanitaires. Les Vietnamiennes ont en effet, plus que les hommes, subi les réductions massives d’effectifs des entreprises étatiques. En outre, avec la fin de la gratuité des crèches et de l’école, de nombreuses femmes auraient été contraintes de quitter leur emploi pour s’occuper de leurs enfants. Au Viêt-Nam comme en Chine, les frais de scolarité et les dépenses de santé ne sont désormais plus assumés entièrement par l’État, ce qui conduit à augmenter les dépenses des foyers, et notamment celles associées à la venue d’un enfant. Ainsi, les femmes sont de plus en plus nombreuses à devoir choisir entre maternité et activité professionnelle.
En Chine comme au Viêt-Nam, malgré les politiques et les lois socialistes de promotion de l’égalité entre les sexes et les progrès indéniables qui en ont résulté (scolarisation primaire de masse, forte participation économique des femmes), la spécification des rôles de sexe reste particulièrement visible dans la sphère familiale et domestique où persiste un système d’organisation de type patriarcal et patrilocal encore vivant et actif au plan idéologique, c’est-à-dire dans les mentalités et les représentations. La conciliation des valeurs du socialisme et celles du confucianisme, notamment du principe d’égalité et du principe de hiérarchie, est particulièrement difficile au sein de la famille, et il en découle pour le moins des ambivalences dans le statut des femmes. Si les fondements de leur émancipation ont pu être jetés dans chacun des deux pays au cours du demi-siècle écoulé, il n’en reste pas moins qu’ils sont fragiles car soumis à des forces contradictoires.

Notes

  • [1]
    Ce qui différencie cependant l’histoire du Viêt-Nam au cours du xxe siècle, c’est principalement la situation de colonisation, la partition et les deux guerres (guerre d’Indochine, puis du Viêt-Nam) qui ont profondément marqué ce pays de 1946 à 1975.
  • [2]
    Décret 216-cp du 12/12/1961.
  • [3]
    Décret 99/ttg du 16/10/1963.
  • [4]
    Extrait du décret du Conseil des ministres du 18 octobre 1988, Décision 162, article 1.
  • [5]
    Décret n°147/2000 qd-ttg.
  • [6]
    Extrait de la Décision n°147/2000/qd-ttg du 22 décembre 2000 ratifiant la stratégie en matière de population du Viêt-Nam pour la période 2001-2010.
  • [7]
    Discours du vice-ministre de la Commission nationale de planification des naissances (cnpn), mars 1999, sur le site : www.sfpc.gov.cn, consulté le 20 septembre 2000.
  • [8]
    Déclaration du vice-ministre de la cnpn en 2002, sur le site : www.china.org.cn/english/2002/Oct/46138.htm, consulté le 28 septembre 2005.
  • [9]
    Pour l’Inde, l’Indonésie et la Corée, données tirées de The World Development Indicators, 1999. The World Bank.
  • [10]
    Sources : Maternal Mortality in 2000 : Estimates developed by who, unicef and unfpa, Department of Reproductive Health and Research, who, 2004 ; et Maternal Mortality in 2005 : Estimates developed by who, unicef, unfpa and the World Bank, World Health Organization, 2007.
  • [11]
    Sources : pour le Viêt-Nam, eds, 2002 ; pour la Chine : Women and men in China, Facts and figures 2004, Bureau national de la statistique.
  • [12]
    Cette norme biologique est toutefois remise en question dans l’ouvrage d’Éric Brian et Marie Jaisson (2007).
  • [13]
    Données des enquêtes eds 2003 pour l’Indonésie, eds 2004 pour le Bangladesh et nfhs 2005-2006 pour l’Inde.
  • [14]
    Sources : 1997-98 Vietnam Living Standard Survey. Les familles sont divisées en quintiles selon leur revenu. Le premier quintile (20 % des familles) correspond aux familles les plus pauvres, le dernier quintile (20 % des familles) aux plus aisées.
  • [15]
    China Daily, 5 avril 2002.
  • [16]
    Les réformes économiques se sont accompagnées d’un démantèlement des anciennes structures collectives (unités de travail, comités de quartier, etc.) qui, en limitant le pouvoir d’encadrement et de contrôle de l’État sur les individus, a permis une libéralisation sociale rapide (cf. Attané 2005).
Français

Résumé

Malgré des poids démographiques différents et en dépit de relations parfois conflictuelles, la Chine et le Viêt-Nam présentent des points communs en ce qui concerne leur histoire politique, économique et sociale (régimes impériaux, puis régimes communistes). Ces deux pays se sont ouverts à l’économie de marché : à partir de 1978, en Chine ; et 1986 au Viêt-Nam. Les deux pays ont aussi connu une transition démographique rapide et fortement encadrée par leurs États communistes. Cependant, si les mesures de contrôle des naissances ont été rigoureuses, voire coercitives en Chine, le Viêt-Nam a opté pour une politique plus souple aussi bien dans ses objectifs que dans les moyens de sa mise en œuvre. Toutefois, depuis la Conférence du Caire (1994), la Chine et le Viêt-Nam s’orientent vers une approche qui place désormais les besoins des individu·e·s au centre de leur politique de limitation des naissances.

Mots-clés

  • Chine
  • Viêt-Nam
  • politiques reproductives
  • condition des femmes
  • activité des femmes
  • démographie
  • discriminations
Español

¿Hacia la emancipación?

Políticas reproductivas y condición de las mujeres en China y en Vietnam

Resumen

A pesar de los pesos demográficos diferentes y no obstante las relaciones a veces conflictivas, la China y el Vietnam presentan puntos comunes en lo que concierne su historia política, económica y social (regimenes imperiales, luego regimenes comunistas). Estos dos países se han abierto a la economía de mercado: a partir de 1978, en China; y 1986 en Vietnam. Los dos países también han conocido una transición demográfica rápida y fuertemente enmarcada por sus Estados comunistas. Sin embargo, si las medidas de control de nacimientos han sido rigurosas, incluso coercitivas en China, Vietnam optó por una política más flexible tanto en sus objetivos como en los medios de su puesta en obra. No obstante, desde la Conferencia del Cairo (1994), China y Vietnam se orientan hacia un enfoque que pone de aquí en adelante las necesidades de los·as individuos·as al centro de su política de limitación de nacimientos.

Palabras claves

  • China
  • Vietnam
  • políticas reproductivas
  • condición de las mujeres
  • actividad de las mujeres
  • demografía
  • discriminaciones

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Isabelle Attané
Catherine Scornet
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/11/2011
https://doi.org/10.3917/cdge.046.0129
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