CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 D’après Frederick Cooper (1996), l’expression « travailleur africain », forgée par le récit colonial, est longtemps apparue comme un oxymoron, car elle contient deux notions incompatibles, à savoir la condition du travail salarié expérimentée dans l’Occident industrialisé et la condition du travail indigène définie par les conventions, l’histoire et les spécificités locales. Par « travail indigène », les autorités coloniales entendent le travail accompli par les travailleurs autochtones ou migrants au sein de l’Empire colonial (en l’occurrence français), lesquels sont soumis à un code « spécial » du travail composé d’une panoplie de « textes » (décrets, arrêtés, circulaires). Celui-ci dessine un modèle d’inclusion sociale moins équitable que ceux proposés par les codes métropolitains progressivement mis en place et mêle des règles à la fois protectrices et répressives (Le Crom 2016 ; Le Crom & Bonichi 2020) [1].

2 Les espaces coloniaux français étaient caractérisés depuis les années 1880 par une séparation juridique, administrative et politique entre citoyens et sujets, sanctionnée par le régime de l’indigénat sous ses multiples formes (Mann 2009). À la suite de la campagne pour l’abolition du travail forcé menée par l’Organisation internationale du travail (oit) pendant l’Entre-deux-guerres, les territoires coloniaux ont cependant été appelés à se conformer à l’« idéologie » du travail libre, c’est-à-dire une prestation échangeable sur le marché, rémunérée de manière régulière et permettant l’accès à des droits spécifiques (Cooper 2000 ; Daughton 2013). L’introduction du salariat dans les territoires coloniaux — nous en faisons l’hypothèse — met alors sous tension la dichotomie citoyen/sujet. Bien qu’elle soit inégale et soumise à de nombreuses contraintes, la relation contractuelle salarié/employeur repose en effet toujours sur une forme d’échange entre liberté et subordination, en instituant ce que l’historien Jairus Banaji (2003) appelle « la fiction du consentement », c’est-à-dire une relation de subordination quasi illimitée derrière le principe de la liberté contractuelle. Alors que les imperfections structurelles du marché du travail africain (notamment l’absence d’une véritable offre de main-d’œuvre) semblent favoriser la persistance du « travail contraint » (Fall & Roberts 2019 ; Tiquet 2019), il importe de s’interroger sur les effets induits par cette rationalisation des relations de travail que constitue le contrat de travail (Didry 2015). Et ce, bien que l’expérience du salariat dans les colonies, au-delà même de l’Afrique, soit restée très minoritaire et fragmentaire (Le Crom 2019).

3 Les territoires de l’Afrique centrale, au début du xxe siècle, sont au cœur de retentissants scandales qui dénoncent un nouvel esclavagisme colonial (Grant 2005). Le « Rapport Brazza » de 1905 sur le Congo français, œuvre du célèbre explorateur Pierre Savorgnan de Brazza (Collectif 2014), appelé à faire la lumière sur les scandales impliquant des administrateurs coloniaux en collusion avec certaines sociétés concessionnaires (abus et violences contre les travailleurs et la population civile essentiellement pour obtenir le paiement des impôts), témoigne d’une situation socialement et moralement déplorable. Le récit tiré en 1927 de l’enquête-voyage menée le long du fleuve Congo par l’écrivain André Gide n’est pas moins poignant : il relate l’état lamentable des populations indigènes, souvent recrutées de force par les entreprises françaises, systématiquement sous-payées ou bien contraintes au travail forcé par l’administration coloniale (Gide 1927). Une situation qui rappelle de près celle du Congo belge, où le travail forcé, la coercition et la violence sont les conditions préalables à l’entrée des populations autochtones dans le « nouveau » régime du salariat (Seibert 2011 ; Henriet 2015, 2021 ; Henriet, Piret & Tousignant 2017).

4 Plus généralement, en Afrique équatoriale française (aef) — qui reste peu étudiée comparativement à l’Afrique occidentale française (aof) — les relations de travail dépendent dans une large mesure de pratiques de travail coercitives qui se diffusent par l’intermédiaire des chefs locaux, de divers outils techniques et administratifs (de la taxe de capitation [2] au livret ouvrier) ou, plus simplement, par le recours à la force (Keese 2016 ; Stanziani 2018), et dont le moteur est l’action prédatrice des sociétés bénéficiant d’une concession pour l’exploitation du territoire et de ses ressources (Coquery-Vidrovitch 2001 ; Ndinga Mbo 2006). Ainsi, la logique de réquisition exclusive et brutale des populations au profit des sociétés concessionnaires se heurte à l’esprit libéral des normes sur le travail, forgées par l’administration locale depuis le début du siècle, en termes d’employabilité, de garanties pour les contractants, de circulation de la main-d’œuvre (Clément 2016). Dès lors, l’organisation du travail en aef évolue vers davantage de formalisation, que ce soit par le biais de l’imposition de contrats écrits (qui permettent de distinguer travailleurs « permanents » et « journaliers »), le recours au livret ouvrier afin de contrôler la mobilité des travailleurs et leur mise sous tutelle, l’octroi d’un simulacre de droit social qui emprunte à la fois à la nouvelle législation française sur le travail (comme l’indemnisation des accidents) et à l’ancienne (comme le fait de donner tout son temps de service à son employeur), et qui est sans cesse remis en cause par les petits comme les grands producteurs (Stanziani 2020 : chap. 7). Le contrôle et la contrainte s’adaptent ainsi aux caractéristiques d’un marché du travail sous tension, hanté par la rhétorique sur la pénurie de main-d’œuvre locale [3] et sa soi-disant paresse, constamment dénoncée par les autorités françaises, et par les tensions récurrentes entre l’administration coloniale et les sociétés concessionnaires autour de l’emploi des travailleurs locaux [4].

5 Pour comprendre la façon dont s’articulent marché et contrainte en « situation coloniale » (Balandier 2001), j’étudie ici les activités de production et de commercialisation d’huile de palme de la Compagnie française du Haut-Congo opérant dans la première moitié du xxe siècle dans le bassin de la Likouala-Mossaka, un affluent de rive droite du Congo se jetant dans le fleuve à Mossaka, bassin qui voisinait au Sud avec la région du fleuve Alima et touchait au Nord la région de Bangui et que l’on considère généralement comme constituant le Haut-Congo [5]. Fondée à la fin du xxe siècle par les frères François, Henri, Louis, Aimé et Ernest Tréchot (dont seul Louis restera sur place) après avoir obtenu la concession trentenaire du bassin, la compagnie se spécialise dans la production d’huile de palme et dans l’exploitation de bois de construction [6]. Elle exploite également le fleuve à l’aide de deux bateaux à vapeur, à partir des entrepôts situés à Brazzaville et dans d’autres villes ainsi que des factoreries progressivement installées dans le bassin (Mazenot 1966). Suite à l’impulsion donnée par l’administration coloniale à la production d’huile de palme dès 1910 (aménagement des palmeraies, plantations nouvelles, tarifs d’achat préférentiels, etc.), la compagnie entreprend d’exploiter ses propres plantations avant de revenir à la traite du produit quelques années plus tard (Coquery-Vidrovitch 2001). L’emprise de la compagnie sur le territoire dont elle est « maîtresse » se traduit aussi dans la gestion, la mobilisation et le contrôle de la main-d’œuvre indigène.

6 Le présent article analyse les formes de mise au travail de cette main-d’œuvre (recrutement, encadrement, distribution) (Banaji 2010). Il s’agit moins d’observer « d’en bas » les travailleurs indigènes que de mettre l’accent sur les opérations (plurielles et contrastées) de catégorisation dont ils font l’objet : autrement dit, comment ils sont « traités » et ce qu’ils font de ces opérations de qualification. La façon dont administrateurs coloniaux, patrons et maîtres s’efforcent de définir ce qu’est un « travailleur africain » permet de rendre compte non seulement des enjeux de gouvernementalité (au sens de gestion des conduites de la population locale) (Scott 1995), mais aussi d’interroger les logiques de hiérarchisation sociale et ethnoraciale qui participent à l’institution des relations de travail (Cohen 2002 ; Roediger & Esch 2012). Si les sources coloniales — en l’occurrence les archives de l’administration locale et des compagnies concessionnaires qui portent plus spécifiquement sur la gestion de la main-d’œuvre indigène — donnent très peu accès à la voix des « subalternes », elles permettent néanmoins de donner à voir, en creux, la relation à la fois conflictuelle et accommodante que ceux-ci entretiennent avec le pouvoir colonial (Stoler 2019), relation qui échappe à l’alternative verticale domination/affrontement (Siméant 2010).

Des pratiques de mise au travail entre contraintes administratives et intérêts économiques

Le débauchage au cœur des tensions sur l’emploi des travailleurs indigènes

7

Le 4 février [1920], le vapeur belge « SEMOIS », venant de Kinshasa, est arrivé à 16 heures à Mossaka, d’où il est reparti le 5 au matin, montant dans la direction de STANLEYVILLE.
Le 5, lors de la mise au travail de notre personnel, nous avons constaté la disparition de dix-sept de nos travailleurs, et l’enquête à laquelle nous nous sommes livrés nous a appris que ces hommes étaient partis sur le « SEMOIS », engagés par Monsieur Victor BELLEFROID, ingénieur agronome, se rendant à SOUKOLELA Belge, pour y créer une exploitation agricole [7].

8 C’est ainsi que le directeur de la Compagnie française du Haut-Congo (cfhc), Doëns de Lambert, s’adresse au chef de subdivision de Mossaka, en pointant un phénomène qui n’est pas rare lorsqu’on analyse les dynamiques de migration infrarégionale au sein et entre les empires coloniaux, notamment en Afrique subsaharienne, à savoir le débauchage de la main-d’œuvre locale dans le cadre d’un marché du travail sous tension caractérisé par une concurrence aiguë entre les employeurs européens ainsi qu’avec les autorités coloniales [8]. Très répandue en aef, la technique du débauchage est utilisée pour contourner les frais de recrutement et le transport des travailleurs, qui sont à la charge de l’engagiste [9]. L’entrepreneur belge avait fait envoyer ses émissaires parmi les « employés noirs » de la compagnie française, leur promettant des conditions d’embauche meilleures et moyennant des avances en espèce (dix francs pour chacun) et en nature (du manioc et du poisson sec). Suit la liste complète des travailleurs concernés, qui nous renseigne sur leur identité, l’origine (ils proviennent tous du Congo français) et leur spécialisation (il s’agit essentiellement de maçons et de manœuvres, dont l’emploi dans des activités de production agricole ne semble pas poser de problèmes) [10].

9 L’affaire fait grand bruit et peu après, elle donne lieu à une poursuite judiciaire de la part de Louis Tréchot, qui demande 25 000 francs à titre de dommages et intérêts pour le préjudice causé à sa compagnie [11]. Un préjudice à la fois matériel et moral, comme le souligne Tréchot en qualifiant l’affaire de « déplorable » et en sollicitant auprès de son interlocuteur une lettre d’excuses comme condition pour retirer la plainte [12]. La pratique du débauchage est considérée comme déloyale non seulement parce qu’elle va à l’encontre des conventions bilatérales sur la migration (ce qui explique l’intervention directe des principaux représentants des administrations coloniales du Congo français et du Congo belge, dont les traces sont conservées dans les archives) [13], mais aussi parce qu’elle risque d’attirer d’autres travailleurs, tout en contribuant à faire imploser les équilibres précaires qui président à la contractualisation des travailleurs indigènes [14]. L’opposition nette de Tréchot aux prétentions de Bellefroid de renvoyer seulement les travailleurs « ayant un contrat certain » [15] en dit long sur les frontières qui se dressent, du moins formellement, entre les statuts d’emploi, notamment entre travailleurs permanents et travailleurs journaliers, et que l’action du débauchage au nom de la « liberté de travail » risque de briser : les travailleurs les plus précaires (et les moins protégés) sont-ils plus employables et donc plus attractifs ?

Un contrat qui protège des prestations obligatoires ?

10 C’est toujours en arguant de la liberté de travailler et aussi derecruter, assurée par les décrets émanant de l’administration de l’aef depuis le début du xxe siècle [16], que Tréchot et ses collaborateurs dénoncent la réquisition des travailleurs indigènes des factoreries et plantations pour effectuer des travaux « obligatoires » dans le cadre de la construction de la ligne de chemins de fer Brazzaville-Océan ou bien du réseau routier de la région [17].

11

J’ai constaté avec une émotion profonde — écrit Tréchot en 1928 —, dans le cours du voyage qu’il y avait, d’une façon générale, un très grand malaise parmi les travailleurs de nos factoreries ; il se répète, en effet, qu’une certaine quantité d’entre eux seraient réquisitionnés d’office pour le B[razzaville] O[céan]. Ces bruits, qui ne sont probablement que des racontars, sont extrêmement préjudiciables, puisque déjà une trentaine de travailleurs ont fui les chantiers de la factorerie de Makoua et une quarantaine ceux d’Etombi [18].

12 Ce sont notamment les travailleurs « non engagés » (les journaliers n’ayant pas de contrat) qui sont susceptibles d’alimenter les rangs de la main-d’œuvre contrainte de rejoindre les chantiers publics, alors que pour l’administration coloniale, « il s’agit en réalité d’indigènes qui, désignés à l’avance, d’accord avec leurs chefs après les recensements au cœur desquels a été constatée leur aptitude physique, sont partis dans les factoreries pour échapper au recrutement qu’ils savaient proche » [19]. Ces travailleurs sont, en d’autres termes, des « transfuges » qui « échappent au paiement de l’impôt et aux diverses réquisitions administratives puisqu’aucun d’eux ne figure sur le registre des contrats de travail de cette subdivision » [20]. L’alliance fragile entre l’administration locale et les chefs indigènes qui se rendent responsables de nombreux abus, favorise également ces « évasions » (Keese 2016).

13 Les justifications apportées par les fonctionnaires français (essentiellement des militaires) tendent à interpréter ces « fuites » non seulement comme des manquements administratifs, mais aussi comme des actions préjudiciables à la fois à la liberté du commerce, à la stabilité sociale et à l’ordre public, en mêlant de la sorte les figures du travailleur migrant, du déserteur et du malfaiteur :

14

Cette exode collective (sic) de ressortissants de la Subdivision d’Odzala n’est malheureusement pas la première et mon prédécesseur eut à se plaindre à plusieurs reprises de fuites semblables qui rendent impossible une bonne gestion administrative. Vous même vous conviendrez que si pour le motif le plus futile vos travailleurs se dérobaient pour se faire embaucher ailleurs, vos soucis n’en serais (sic) que sensiblement accrus. […] Ces indigènes ont non seulement quitté la Subdivision sans m’en avoir avisé mais ils n’ont pas accompli leur période de prestations et ont laissé à leurs compatriotes le soin de préparer des plantations vivrières pour qu’à leur retour ils puissent bénéficier d’un travail auquel ils n’auront pas participé. Ceci est un abus de confiance envers la collectivité qui compose le village. D’autre part, il se peut que parmi ces transfuges il ne se trouve des indigènes ayant maille à pâtir (sic) avec la justice. Monsieur le Chef de la Circonscription de la Likouala-Mossaka attirait récemment mon attention sur les conséquences graves qui pourraient résulter pour l’employeur lequel sans renseignements précis peut le cas échéant donner asile à un malfaiteur [21].

15 Les « fuyards » sont souvent des travailleurs migrants provenant de la colonie du Gabon et employés sans contrat régulier dans les plantations et factoreries de Tréchot. La correspondance entre les fonctionnaires coloniaux et les représentants de la compagnie concessionnaire fait état de plusieurs « transfuges » qui, faute d’avoir obtenu un contrat sur place, sont considérés comme « vagabonds » et pour cela destinés à être reconduits à leur subdivision d’origine [22]. Une cinquantaine de travailleurs indigènes, déjà employés par Tréchot dans des centres agricoles installés directement au Gabon (dans les régions comprises entre les fleuves Sebé et Djadié), sont ainsi engagés dans les « chantiers agricoles » de la Haute-Likouala, proche de la frontière avec le Gabon [23]. Un contrôle administratif, voire policier, est toutefois demandé pour cette « population flottante » [24], afin de pouvoir s’assurer de l’accomplissement de leurs obligations (impôt et prestations obligatoires) [25]. Pour ce faire, l’administration coloniale n’hésite pas à ménager l’entrepreneur français, en consentant, par exemple, à la réduction du salaire minimum des ouvriers spécialisés (25 f par mois à la place de 35) en échange de « la régularisation immédiate de la situation des travailleurs étrangers » [26]. À cela s’ajoute la ration de nourriture définie en quantité par l’administration, dont la valeur calculée au rabais (surtout pour ce qui concerne le manioc et l’huile de palme, distribués au « vil prix ») devient un des critères d’embauche pour ces travailleurs :

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La valeur de la ration étant ainsi établie — lit-on dans une lettre de consignes écrite probablement par Tréchot lui-même à ses agents — vous la comparerez avec les salaires des travailleurs originaires du Gabon et vous n’engagerez que ceux dont le salaire mensuel rapproché du salaire de base de 25 francs, présentera une marge suffisante correspondant sensiblement à la valeur de la ration [27].

17 À l’abri des corvées administratives comme des vexations des chefs indigènes, ces travailleurs « engagés » sont ainsi contraints d’accepter des contrats sur la base de salaires inférieurs à ceux réservés aux récolteurs libres [28]. Ainsi, les contraintes administratives se greffent à des considérations purement économiques dans la gestion de la main-d’œuvre indigène au sein de la région.

Dissidents, vagabonds, migrants : un brouillage de qualifications

18 La difficulté à recruter la main-d’œuvre locale est ressentie comme étant un problème majeur par les entrepreneurs opérant en aef. La correspondance, au milieu des années 1920, entre le directeur d’une plantation de café à Lambaréné, au Gabon, et l’administration locale montre bien les enjeux à la fois administratifs et sociaux liés aux campagnes de recrutement lancées à plusieurs reprises par les entreprises privées. Le succès de ces campagnes n’est pas toujours au rendez-vous. Les indigènes préfèrent souvent s’engager pour trois mois afin de pouvoir se rendre chez eux pour prendre soin des cultures vivrières et de subsistance alors que les employeurs demandent au moins un an de contrat ; ces derniers, par ailleurs, dénoncent le recours à des « recrutements clandestins » par des indigènes ou des agents travaillant pour le compte d’entrepreneurs concurrents, y compris étrangers, et opérant souvent dans le Congo belge [29]. Ces préoccupations sont relayées par les représentants de l’Union coloniale française (un lobby patronal soutenant l’entreprise coloniale) qui s’empressent de dénoncer le libre vagabondage des travailleurs indigènes en Afrique subsaharienne, des anciens engagés qui n’ont pas regagné leur région d’origine à l’expiration de leur contrat. Bien que le recours au travail obligatoire ne soit plus envisagé, l’appel à « inciter les indigènes au travail » recouvre des préoccupations à la fois d’ordre social (les risques liés à la paresse, l’instabilité des communautés locales, etc.) et économico-productif (la concurrence déloyale de certains employeurs qui embauchent ces travailleurs sans contrat, la perte de productivité liée à l’abandon de chantiers et plantations de la part des travailleurs, etc.) [30]. L’intervention de l’administration coloniale s’avère donc nécessaire, alors qu’elle n’est pas forcément la bienvenue. Le concurrent le plus dangereux sur le marché local du travail est en effet l’administration coloniale elle-même, qui n’hésite pas à recruter de force des indigènes pour effectuer ledit « travail obligatoire » ; ce qui, paradoxalement, fait de certains entrepreneurs, comme Louis Tréchot, les principaux défenseurs des droits des travailleurs indigènes [31]. La liberté de travail de ces derniers est alors présentée comme un principe inaliénable, d’autant que lorsque ces derniers quittent leurs villages pour s’installer dans les missions catholiques (l’autre concurrent face aux sociétés concessionnaires), rien ne leur est reproché [32].

19 C’est ainsi que l’homme d’affaires conteste la tendance de jeunes administrateurs locaux (qualifiés de « mauvais gendarmes ») à voir, parmi les travailleurs qui franchissent les frontières du Gabon, de simples « dissidents » : « or, il n’y a pas de dissidents et s’il arrive parfois que des indigènes se réfugient dans la forêt ce ne sont que des mécontents qui souvent ne savent plus comment faire pour rejoindre le village car ils appréhendent, pour cause, d’aller en prison » [33]. Il plaide, dans cette perspective, la libre circulation de ces travailleurs, ne serait-ce que pour contrer leur mauvaise habitude de cultiver le chanvre (et aussi de le fumer !), faute de pouvoir compter sur d’autres ressources [34].

20 Les travailleurs qui fuient font-ils donc acte de résistance, voire d’émancipation ? Déserter les chantiers publics ou bien migrer pour aller chercher son compte dans d’autres plantations et factoreries, ce n’est pas la même chose. D’autant que la qualification de ces travailleurs est loin d’être stable : d’après l’administration coloniale, on peut être considéré tout à la fois comme migrant, dissident et vagabond. Les études sur l’histoire de l’esclavage, du servage et des formes contraintes de travail ont montré que la condition de « transfuge » (Stanziani 2010) n’est pas réductible à une catégorie univoque, car elle est historiquement et spatialement située. Dans un contexte marqué par des pratiques « musclées » de mise au travail, les lignes de tension dans la gestion de la main-d’œuvre indigène sont nombreuses : géographiques, normatives, contractuelles et aussi ethniques (placer les « bons chefs de race », par exemple, serait un moyen pour maîtriser les fuites de travailleurs) [35]. Quelle que soit la cause (le débauchage, la réquisition administrative, la nécessité économique, etc.), la mobilité fait ici l’objet d’un souci accru visant le contrôle des travailleurs de la part des employeurs comme des fonctionnaires coloniaux. Cette préoccupation fait éclater les frontières entre marché et coercition, entre public et privé, l’ordre économique se révélant imbriqué dans l’ordre politique.

Les ambivalences de la libre circulation des travailleurs indigènes

21 Les enjeux liés au contrôle de la mobilité des travailleurs dans l’espace colonial ne se résument pas à l’impératif de surveillance, régi par des logiques strictement policières. On l’a vu, traverser les frontières territoriales signifie également traverser, voire transgresser, les frontières entre statuts et régimes d’emploi. L’attitude des acteurs impliqués se révèle à cet égard changeante, soumise aux aléas de la sauvegarde d’intérêts souvent contrastés, qu’ils soient publics ou privés.

Des colporteurs qui défient les liens communautaires

22 Ainsi, la présence dans le territoire de la Likouala-Mossaka de vendeurs ambulants et colporteurs est vue par les frères Tréchot comme une entrave à la jouissance des droits d’exploitation de leur concession, alors même qu’ils ne cessent de prêcher le principe de la libre circulation face aux réquisitions de main-d’œuvre auxquelles se livre régulièrement l’administration locale.

23 En mai 1922, Louis Tréchot dénonce le fait qu’un certain nombre de traitants ambulants ont pris comme centre de leurs activités illicites le poste administratif de Ouesso : « De là, ils partent pour l’intérieur de nos concessions, rayonnant dans tous les sens, achètent à l’indigène les divers produits, même l’ivoire, qu’ils font filer par des sentiers détournés » [36]. Si ces colporteurs sont soutenus par certains représentants de l’administration, ils peuvent également s’appuyer sur la « connivence » de la population locale [37]. L’institution d’une patente pour exercer les activités commerciales sous le contrôle direct des factoreries apparaît comme une solution irréprochable au plan administratif afin de maîtriser ces échanges [38]. Néanmoins, la patente s’avère finalement peu conséquente dans la réalité car elle est souvent utilisée par plusieurs colporteurs et devient donc interchangeable [39]. Une dizaine d’années plus tard, c’est toujours Louis Tréchot qui s’en prend à ces travailleurs car ils s’insèrent de manière inopinée dans le circuit commercial local, qui plus est en trafiquant avec des marchandises d’origine belge :

24

Or, les territoires en question sont sillonnés par des quantités de colporteurs, de trafiquants en pirogues, ainsi que par des petits commerçants (Pinho, mulâtre, Schenecker, Flamand, ex-employé de ma compagnie, etc.) qui viennent grappiller et écumer l’argent que chaque mois nous donnons à nos travailleurs et aux indigènes [40].

25 Ces controverses ne renvoient pas seulement au respect de principes tels que l’égalité commerciale ou la concurrence loyale, défendus par ailleurs par les détenteurs d’un quasi-monopole. Elles donnent aussi à voir une esquisse de droit au travail, au sens de la possibilité d’avoir accès au marché du travail ainsi qu’aux circuits commerciaux à l’échelle locale. Dans cette perspective, le colportage apparaît non pas comme une activité accessoire ou d’appoint, mais comme le maillon d’un réseau plus complexe qui mobilise des relations familiales et villageoises (Fontaine 1993). Il défie, en l’occurrence, la relation de confiance et de dépendance que la compagnie a construite avec ses propres salariés ainsi qu’avec les producteurs et les consommateurs du bassin de la Likouala-Mossaka, ce qui pousse les acteurs économiques et politiques locaux à tenter de réguler le phénomène. Les avis sur le sujet ne sont pas pour autant convergents. La crainte de voir les colporteurs se muer en vagabonds, par exemple, n’est pas partagée par le gouverneur de la colonie, Jean-Henry Marchand : « Il ne faut pas confondre, avec des sans travail, des colporteurs qui vont acheter du poisson fumé dans l’intérieur pour le compte de maisons de Brazzaville » [41].

Réguler les flux de main-d’œuvre à l’échelle locale

26 Derrière l’hostilité des Tréchot à l’égard de ces petits commerçants, il existe probablement d’autres motivations qui tiennent au contrôle et à la gestion de la main-d’œuvre indigène dans la région. Dans une lettre adressée au gouverneur Marchand en mars 1924, Louis Tréchot dénonce les effets néfastes (notamment en termes de santé — concernant les risques de propagation de la maladie du sommeil — et de productivité) de l’arrêté du 23 janvier 1924 qui permet à 9 000 travailleurs de sortir de la circonscription de la Likouala-Mossaka selon leur bon vouloir : 

27

[…] qu’ai-je trouvé en arrivant au Centre même de la Concession ? Des indigènes auxquels les tolérances les plus grandes sont accordées pour se transporter d’un point à un autre de la Colonie alors qu’il y a quelques années ils ne pouvaient sortir qu’avec des autorisations parcimonieusement délivrées [42].

28 La réponse de l’administration à cette doléance repose à la fois sur la raison du droit (garantir la liberté du travail) et la raison démographique (la circonscription pouvant compter sur environ 27 000 hommes valides). Si le recrutement dans chaque région a été limité à « un chiffre proportionnel », à savoir un tiers de la population mâle valide, cette restriction répond au « souci de la conservation de la famille indigène » menacée par la fuite de ses meilleurs éléments vers les planteurs et les exploitants des colonies voisines [43]. Puisque le nombre des engagés (c’est-à-dire des salariés ayant un contrat de travail) auprès de la compagnie ne dépasse pas les 800 personnes, la marge de manœuvre pour atteindre le seuil de 9 000 travailleurs apparaît plus que suffisante, les hommes valides qui restent pouvant être employés comme journaliers [44]. Ainsi, derrière le principe de la liberté du travail et du recrutement s’abritent deux argumentations qui se recoupent : d’une part, rétrécir ce droit pour pouvoir mieux le garantir (par l’administration), d’autre part, maîtriser ce droit pour assurer les conditions de son institution (par la société concessionnaire).

Le laissez-passer ou la liberté de circulation sous contrainte

29 L’ambiguïté qui entoure le principe de libre circulation des travailleurs indigènes est bien résumée par l’usage du laissez-passer, un dispositif administratif de surveillance de la mobilité au sein de la région qui fait l’objet d’interprétations contrastées. Il s’agit d’une « autorisation » que les chefs de subdivision sont censés délivrer aux indigènes désirant quitter leurs villages pour aller travailler ailleurs, sans laquelle ces derniers sont soumis à une sanction administrative et parfois même à l’arrestation. Plusieurs agents de la compagnie interpellent les administrateurs locaux au sujet du refus de cette autorisation, ce qui a un impact négatif sur les recrutements notamment des récolteurs de noix de palme [45]. Ces mêmes agents sont confrontés à des injonctions paradoxales, puisqu’ils se trouvent face à l’obligation de recruter les travailleurs indigènes étrangers à la circonscription alors que l’administration coloniale leur refuse le laissez-passer [46]. Il s’agit d’un différend récurrent qui oppose le zèle des petits chefs de l’administration locale au réalisme des agents commerciaux, qui voient leurs propres salariés pris dans la multiplication de visas et tampons dès qu’ils souhaitent se déplacer [47]. En août 1931, c’est à l’administrateur délégué de la compagnie, Henri Tréchot, de prendre la parole pour plaider la cause de la liberté de mouvement de ses travailleurs, dont certains sont au service de la compagnie depuis plus de dix ans et sont en règle avec les impôts et les prestations :

30

En août dernier, le Chef de la subdivision d’Ololi, M. Demahis, a fait au cours d’une expédition nocturne qu’il avait ordonnée, arracher brutalement ces pêcheurs de leurs petits villages, mis en état d’arrestation et diriger (sic) sur leur Subdivision respective d’où ils ne sont jamais revenus après la sanction disciplinaire… qui leur a été infligée [48].

31 Ces mesures brutales visent à fixer les travailleurs indigènes à leur village d’origine et sont finalement jugées « illégales » par le gouverneur Marchand [49].

32 Faut-il donc assimiler le laissez-passer à une mesure coercitive alors que, d’après les dispositions administratives, tous les travailleurs sont libres d’aller s’engager où ils préfèrent et à tout moment ? La comparaison avec le livret du travail, introduit en aef en 1911 et qui paraît moins un contrat de travail qu’un instrument de discipline et de surveillance de la main-d’œuvre indigène, semble légitime. D’autant que ce dernier, à l’instar du livret ouvrier européen (Dewerpe 2010), est utilisé comme une sorte de carnet d’identité dans lequel on recense une série d’informations concernant les conditions de mise au travail : la nature du travail à fournir, la durée de l’engagement, les régions dans lesquelles le travail est effectué, le taux de salaire, les avances faites au moment de l’engagement, la ration journalière en nature et quantité, les clauses de résiliation et de « rapatriement », les sanctions relatives à la non-exécution des clauses et conditions des contrats de travail ou à l’absence de travail, etc. [50]. À cela il faut ajouter le document comptable « dépôts administratifs du travail » qui accompagne le livret de travail et enregistre les salaires acquis par les travailleurs indigènes pendant la durée du contrat, en spécifiant les conditions de versement et de retrait des sommes, notamment le pécule (dont l’objectif d’éducation à l’épargne est mis en avant) [51]. Mais toutes ces informations ne sont pas au service de l’employabilité des travailleurs dans un marché local du travail atrophié, qui demande l’intervention de l’administration coloniale pour assurer sa régulation sinon son fonctionnement même. Elles s’inscrivent dans une tentative d’instituer une première forme de discipline contractuelle en articulant surveillance et respect des engagements (par exemple le remboursement des dettes et des avances sur le salaire de la part des salariés) [52].

33 L’inspiration libérale qui anime les dispositions de l’administration coloniale en matière de travail est revendiquée dès 1911 par une circulaire du gouverneur général de l’aef, Martial Merlin, sur l’application des contrats de travail : il s’agit de rendre possible la libre circulation de la main-d’œuvre dans un contexte de pénurie, de dispersion géographique des populations, d’abus et de surexploitation qui la réduit fortement [53]. Les mesures prises sur le terrain par les représentants de l’administration — comme le laissez-passer — vont souvent à l’encontre de cette politique, le souci du contrôle et de la gestion territoriale de la main-d’œuvre prévalant sur les impératifs marchands prônés par les élites locales, administrateurs et patronat confondus, et dont les positions ne sont pas toujours cristallines. L’attitude des frères Tréchot est à cet égard parlante : d’une part, ils ne cessent de louer les bienfaits de la liberté du travail, de la liberté de recruter comme de circuler pour trouver l’emploi qui convient ; d’autre part, ils n’hésitent pas à fustiger les initiatives susceptibles de miner leur monopole commercial dans la région (par exemple, la présence de commerçants ambulants) ou bien à intervenir afin de ménager les dispositions censées réguler les flux de la main-d’œuvre locale (par exemple dans la gestion des modes de recrutement). Dans tous les cas, la construction du marché local du travail relève d’une négociation permanente entre les principales parties prenantes et, dans ce cadre, la mobilité demeure un objet de controverse majeur.

Des contrats de travail hybrides : les enjeux de l’articulation entre dépendance et contrainte

34 À l’instar d’autres colonies en Afrique, l’aef fait l’objet d’une politique de promotion économique et sociale en dépit des objectifs d’émancipation politique. Cela correspond notamment au tournant réformiste de la politique coloniale entrepris sous le Front populaire qui vise, autant que faire se peut, à concilier impératifs économiques et justice sociale sous la formule de l’« incitation au travail ». Sont ainsi encouragés la diffusion des contrats de travail dans certains secteurs (comme l’agriculture de plantation) afin de réduire les formes de travail contraint, l’extension aux territoires coloniaux des droits sociaux expérimentés dans la métropole (même s’ils se déclinent conformément aux contraintes locales) ou encore l’accroissement des productions autochtones via la modernisation des équipements (Cooper 1996 ; Ricciardi 2019).

35 En aef, le contrat de travail semble offrir un gage de protection dans un marché local soumis à de multiples contraintes. Protection pour les employeurs contre la possibilité d’assister au débauchage de leurs salariés par la concurrence (ce qui limite la prétendue liberté de travail, en termes aussi bien d’exercice de l’activité elle-même que de circulation) et protection pour les travailleurs contre les opérations de réquisition de l’administration coloniale (pour s’acquitter des impôts ou des prestations obligatoires). Mais de quel contrat s’agit-il ? L’étude des dispositifs contractuels destinés aux salariés des plantations et sites de production (spécialisés notamment dans la production d’huile de palme) nous renseigne sur la façon dont la subordination s’articule avec les variables engendrées par le politique et l’économique. On peut, à cet égard, mettre en relation deux typologies de contrats qui se chevauchent notamment au tournant des années 1930. Ces contrats donnent à voir la manière dont les relations de travail se déclinent à l’échelle locale compte tenu des objectifs à la fois de régulation sociale et de rentabilité.

36 D’une part, on a affaire à un contrat qui combine une partie fixe (un salaire mensuel en échange d’une quantité minimale de noix de palme) avec une partie variable (le surplus apporté par le récolteur est payé sur la base d’un prix fixé à l’avance), et qui est génériquement qualifié de « contrat d’engagement » [54]. D’autre part, il s’agit d’un contrat individuel d’achat qui repose sur une promesse réciproque de vente et d’achat (sur la base d’un prix déjà fixé), l’indigène s’engageant à réserver le produit de sa récolte à la compagnie concessionnaire [55].

37 Or, ces contrats ne sont pas inhabituels dans les campagnes. Leur signification, sur le Vieux Continent comme ailleurs, varie en fonction de l’inscription dans le contexte local de relations sociales, économiques et administratives (Arnoux & Varet-Vitu 2003). La première typologie apparaît beaucoup plus sécurisante pour les deux parties, d’autant qu’elle permet d’augmenter de manière flexible la production suivant les nécessités du moment. Elle articule la dépendance à la contrainte par le biais notamment de l’apport minimum, qui est aussi censé stimuler la productivité. Par exemple : le recrutement du travailleur Okemba dans la factorerie de Makoua en tant que récolteur de noix de palme prévoit un contrat de deux ans sur la base d’un salaire de 35 f par mois et une ration équivalente à 15 f par mois, un apport minimum établi à 500 kg de noix par mois, le surplus (ou le manquant) étant calculé à raison de 0,10 f par kilogramme [56].

38 Dans le cadre des conventions pour la récolte de noix de palme — qui se font souvent entre les représentants de la compagnie et les chefs de village au nom de la communauté qu’ils président —, on trouve aussi des accords qui portent sur des activités collatérales (débroussailler, brûler et nettoyer la forêt). Ces activités ne sont pas anodines dans l’économie des plantations (l’entretien des palmiers et de leur environnement est un aspect préalable aux opérations de récolte) et il faut leur consacrer à la fois des hommes (et parfois des femmes) et des journées de travail (notamment au premier trimestre de l’année) [57]. Dans les plantations, il faut donc composer avec une pluralité de tâches que les travailleurs indigènes sont censés assurer tout au long du cycle de production. Ceci dit, selon les dires de Tréchot, « la plupart des indigènes qui se livrent à la cueillette, et qui désirent s’y consacrer plus entièrement, demandent avec insistance un contrat de récolteur » étalé sur un ou deux ans [58].

39 Dans le deuxième cas de figure, les accords entre l’employeur et les récolteurs s’inscrivent dans l’esprit libéral qui caractérise la norme réglant le régime de travail dans les colonies de l’aef depuis le début du xxe siècle. Les contrats d’engagement — destinés aux dits « travailleurs permanents » — proposés par la compagnie sont parfois jugés inacceptables par l’administration coloniale, « parce que les clauses relatives à la ration et aux retenues prévues en cas d’apport inférieur au minimum fixé sont contraires » aux dispositions censées réglementer le recrutement des « engagistes » [59]. D’où la possibilité d’avoir recours à des contrats de type commercial, qui par ailleurs ne sont pas soumis à la formalité de l’enregistrement [60].

40 Conformément aux dispositions de l’administration coloniale, les indigènes sont « libres de s’employer à travailler par mois, à la journée, au forfait ou à la pièce » [61]. En l’absence d’un salaire fixe accompagné d’une ration en nature, le travail est considéré comme une libre prestation qui produit une rémunération. Alors que la fin du régime concessionnaire de la production d’huile de palme dans la région, prévue en 1929, devait s’accompagner du retour à la liberté de transaction commerciale, c’est toujours la compagnie de Tréchot qui tire son épingle du jeu. Par exemple, au début des années 1940, elle pouvait encore imposer un prix d’achat minimum pour les fruits du palmier bien inférieur au prix sur le marché français [62]. Les travailleurs indigènes, quant à eux, semblent ignorer le droit de commercialiser leurs produits à leur gré. Ils ne disposent pas de ressources suffisantes pour s’installer dans une dynamique de marché qui, de fait, est écrasée par la toute-puissante compagnie. L’influence de celle-ci dénature à la fois le contrat commercial (qui fait référence à un seul acheteur) et le contrat d’engagement (qui devient « obligatoire »). Dans un rapport d’inspection destiné aux administrateurs de la circonscription de la Likouala-Mossaka, on souligne l’hésitation de ces travailleurs face à la possibilité de perdre le droit de disposer de la « réserve indigène », un droit de collecte et de vente de divers produits et qui était une contrepartie, certes très maigre, aux droits d’exploitation du territoire liés à la concession :

41

L’indigène de la région qui vit au jour le jour et dont l’esprit primitif l’empêche d’avoir aucune pensée de prévoyance ou d’avenir, n’a pas une notion exacte de la propriété. Avec l’ancien privilège et comme avec un monopole, il récolte librement son produit et s’il n’est pas libre de le vendre ailleurs qu’à la compagnie, il en est néanmoins payé. À l’heure actuelle, il ne peut comprendre ou imaginer un état de choses où il serait dépossédé de ce droit de récolte libre pour son propre compte et ou réduit au rôle de simple travailleur à gages même quand il habite son village, il ne serait payé non du prix de son produit mais d’une somme fixe pour un travail devenu obligatoire [63].

42 Les deux typologies de contrat dont il est ici question, loin de s’opposer, coexistent et se complètent : le contrat d’engagement s’apparente, sous certains aspects, au « louage de service », dans la mesure où l’employeur, sous l’égide de l’administrateur colonial, fournit non seulement le salaire mais aussi des prestations accessoires (comme la ration de nourriture ou le logement) qui sanctionnent et renforcent la dépendance du travailleur [64] ; le contrat d’achat, en revanche, évoque le « louage d’ouvrage » sans pour autant que le travailleur puisse bénéficier des avantages comparés de la concurrence dans un régime, de fait, de monopole quant à l’offre de travail. On a donc affaire à des formes contractuelles « hybrides » définies par les contraintes locales. Dans les deux cas, la tension entre le degré de liberté et de dépendance demeure, à défaut de trouver un compromis satisfaisant entre les contreparties. Les désaccords répétés, on le verra, entre la compagnie et l’administration coloniale sur la fixation du prix de vente des noix de palme ou sur la définition forfaitaire (la contribution minimale de produit) du contrat des récoltants témoignent de la difficulté à réguler le marché local du travail.

Des salaires et des tarifs : le « prix du travail » dans un marché en voie de (laborieuse) construction

43 Une fois analysée la typologie des contrats utilisés pour les récolteurs de noix de palme, il convient de s’interroger sur leur application en termes de salaires et de tarifs, c’est-à-dire sur le « prix du travail » en milieu colonial (Le Crom 2019). Ceci permet de mieux comprendre le lien de dépendance établi entre la compagnie et ses propres travailleurs. Plusieurs formes de travail et de travailleurs coexistent : les travailleurs permanents bénéficiant d’un contrat de travail, les travailleurs liés par un contrat commercial et les journaliers, dont la proportion a probablement varié en fonction des cycles économiques. Dans une lettre envoyée par Louis Tréchot au gouverneur de l’aef en 1935, on mentionne le chiffre de 6 000 travailleurs indigènes engagés dans les différentes activités de l’entreprise et encadrés par une quarantaine de travailleurs européens [65], alors qu’un document de 1940 fait état de 2 500 « travailleurs permanents » contre 45 Européens [66]. Si les « contrats d’engagement » préfigurent une dynamique de salarisation, bien sûr timide, les contrats commerciaux contribuent également à instituer la relation de dépendance. Un des leviers pour assurer cette dépendance à l’égard de l’employeur est représenté par le contrôle des tarifs d’achat des produits agricoles, ce qui fait l’objet de tensions récurrentes avec l’administration locale, à qui revient formellement cette prérogative. Comme il a été observé en aof ou dans le Congo belge (Tiquet 2019 : 99-100 ; Loffman & Henriet 2020), c’est une mécanique de bas salaires qui s’installe et qui ne favorise nullement le recrutement de la main-d’œuvre locale, alors même que les acteurs institutionnels (sociétés concessionnaires et administration publique) ne cessent de dénoncer le problème de la pénurie des travailleurs.

44 D’après le gouverneur du Moyen-Congo, les agents de la compagnie au début des années 1920 ne paient que 0,15 f par kilogramme les palmistes et 0,20 f l’huile de palme, pratiquement la moitié de ce qui a été établi par l’arrêté du 25 août 1923 [67]. Ce refus de s’aligner sur les tarifs définis par l’administration (tarifs qui concernent le prix minimum des amandes, de l’huile de palme mais aussi d’autres produits comme l’ivoire) débouche sur un bras de fer entre public et privé, les chefs de subdivision donnant l’ordre formel aux indigènes de remporter leurs produits [68]. La controverse reproduit les différends qui opposent les représentants de la compagnie aux fonctionnaires locaux au sujet des contrats des travailleurs indigènes. La réaction de la compagnie, en l’occurrence, serait l’effet de la non-publication d’une circulaire censée régler les contrats collectifs entre l’employeur et « les Chefs reconnus des groupements indigènes ». S’il appartient aux gouverneurs de fixer en début de chaque année les prix minimums des produits d’une colonie, Louis Tréchot revendique le droit d’être consulté, ne serait-ce que parce que le monopole exclusif d’exploitation lui confère une sorte de droit de rémunération : « Celui qui fait travailler a sans doute la qualité pour estimer la valeur du travail fourni » [69].

45 La réponse du gouverneur Marchand nous renseigne sur la façon dont le marché du travail dans la région de la Likouala-Mossaka s’est construit au fil des décrets et circulaires fixant les modalités de recrutement de la main-d’œuvre, notamment pour maîtriser les effets de distorsion découlant du régime de concession alors en vigueur. D’où, par exemple, la tentative de contenir le monopole commercial exercé par la compagnie en réglant la question des « réserves indigènes » (les produits de cueillette de brousse qui reviennent aux indigènes et non pas à la société concessionnaire) et du prix minimum des produits récoltés par les travailleurs indigènes. Ce dernier représente le « salaire du travail », auquel il faut ajouter la ration journalière de nourriture, qui constitue environ la moitié de la mensualité [70].

46 Le tournant dans la politique salariale de la compagnie se situe environ en 1930, lorsque plusieurs facteurs de changement s’agrègent. Il faut d’abord considérer les conséquences de la crise économique du début des années 1930 sur les territoires coloniaux, notamment les colonies d’exploitation comme l’aef, qui entraînent une baisse généralisée des cours des produits agricoles (Coquery-Vidrovitch 1976). En même temps, la trajectoire industrielle de la compagnie des frères Tréchot fait état d’une progression continue de la production d’huile de palme grâce aux efforts de mécanisation entrepris pendant les années 1920 : on compte en 1931 douze huileries motrices et plusieurs dizaines d’huileries à main. Cette progression se fait en dépit de la régression — certes modeste — de la production de palmistes qui relève de pratiques locales de travail et de consommation peu rentables, du fait que « les indigènes fabriquaient peu ou pas d’huile, mangeant telle quelle la pulpe de la noix de palme après l’avoir fait griller sur la flamme » [71]. À cela, il faut aussi ajouter les effets de la fin du régime de concession en 1929, qui devait sanctionner le retour de la liberté de commerce dans la région et dont les travailleurs indigènes étaient susceptibles de profiter. C’est ainsi que s’amorce une reconfiguration de la relation salariale suivant les principes libéraux au fondement du régime du travail dans la colonie. Sont alors privilégiés des contrats basés non sur un salaire fixe et un apport minimum de produit, mais sur la quantité produite et payée au prix fixé par le même contrat. Cette option, par exemple, est préconisée par l’ancien directeur de la compagnie (désormais chargé de l’inspection) Doëns de Lambert, en juin 1931, face à l’hostilité de certains administrateurs locaux qui voulaient annuler les contrats — définis sans équivoque comme « illégaux » — de 55 ramasseurs de noix qui « luttaient » pour assurer la production minimale mensuelle de 350 kg [72].

47 Suit une action de lobbying de la part de la compagnie pour réviser à la baisse les prix d’achat des noix de palme et ainsi faire diminuer les prix de revient correspondants, en ayant recours aussi à des mesures « externes » telles que les primes à l’exportation ou le développement de moyens de transports (afin de dégrever les indigènes du portage et leur permettre d’améliorer la productivité) [73]. Derrière cette pression visant à réduire les prix d’achat pour compenser les pertes subies, le discours patronal ne cesse d’évoquer la contribution de son action économique au maintien de la stabilité sociale de la région durant la période de crise, en continuant, par exemple, à faire travailler les femmes des villages au concassage des noix de palme alors que la mécanisation de cette opération aurait été tout à fait praticable et moins coûteuse [74]. C’est pourquoi la protestation gronde chez ces femmes lorsqu’il est envisagé de rendre aux récolteurs et à leurs familles seulement une partie des noyaux des noix de palme : la possibilité de disposer de ces derniers, en effet, constituait un élément central de l’économie de subsistance régissant les communautés locales [75].

48 Dans ce contexte, la compagnie abandonne en 1935 la production directe de noix de palme et revient officiellement à la traite en adoptant dans ses plantations un système proche du métayage : aux indigènes revient la tâche de l’entretien des plantations et de la cueillette, en échange de l’achat des fruits au prix fixé par l’administration (Coquery-Vidrovitch 2001) [76]. La solution envisagée par Henri Tréchot consiste en effet à augmenter les rendements de la récolte en favorisant le passage systématique au métayage :

49

Quand le métayage sera bien instauré, il sera possible dans les régions occupées par la cfhbc, de ramener le prix d’achat des noix de palme à 50 Fr. la tonne et ce en raison de ses richesses en palmeraies et des facilités de toutes sortes qu’y trouve l’indigène, par suite d’organisation, notamment des centres d’achat installés partout lui permettant de céder ses produits sans grands déplacements [77].

50 Cette stratégie permet de renforcer le lien de dépendance avec les récolteurs (qui continuent de s’adresser à un seul acheteur) tout en respectant les principes du libre commerce.

51 La clé de voûte de ce dispositif reste la négociation des tarifs des noix de palme, qui éclaire, entre autres, le rôle ambigu de l’État colonial, tout à la fois pourvoyeur et demandeur de main-d’œuvre, sinon régulateur du marché local du travail. Rémunérer suffisamment la production, en suivant l’avis du gouverneur de l’aef, permet ainsi d’« éviter le dépeuplement de la brousse et la constitution à proximité [des] villes d’une population flottante aux moyens d’existence précaires » [78]. La crainte de l’« exode rural » alimente la préoccupation de l’administration coloniale concernant la fixation de la main-d’œuvre indigène — suivant les préconisations du ministre socialiste Marius Moutet quant aux nécessités d’améliorer les conditions de vie des indigènes — et rejoint ici l’impératif de stabilisation de cette population poursuivi par le patronat pour des raisons de rentabilité économique [79] ; on peut donc considérer le contrôle de la mobilité comme le pendant naturel du salaire.


52 L’introduction du contrat du travail dans les territoires coloniaux répond au souci de rationaliser les relations de travail et d’étendre les standards sociaux associés au régime salarial (par exemple l’indemnisation des accidents de travail, des maladies, etc.). Derrière le discours émancipateur prôné par l’oit et celui civilisateur — quoique différentialiste — défendu par l’administration coloniale française, se révèlent l’asymétrie structurelle de la relation de travail subordonné et l’exercice de la coercition, voire de la violence, comme composante fondamentale de cette relation (Steinfeld 2001). Pour rendre compte du phénomène de la coercition au sein du travail dit « libre », cet article s’est attaché à interroger la « logique d’emploi » (Banaji 2010) en milieu colonial, c’est-à-dire la logique selon laquelle les employeurs recrutent et distribuent la main-d’œuvre. Dans le sillage du courant de l’histoire globale du travail, qui souligne l’enchâssement des régimes de travail et d’emploi plutôt que leur segmentation (van der Linden 2008 ; Bellucci & Eckert 2019), force est de constater que dans l’espace colonial, en l’occurrence en aef entre 1911 et 1940, les frontières entre ces régimes (travail forcé, travail libre salarié, travail journalier, travail de subsistance, etc.) sont poreuses et se recomposent sans cesse. Autrement dit, la logique de marchandisation du travail n’est pas, à elle seule, le levier principal dans la transformation capitaliste des relations de travail. En aef, le discours officiel sur la pénurie de main-d’œuvre locale, l’emprise des toutes puissantes sociétés concessionnaires dans l’exploitation des ressources, l’ingérence de l’administration coloniale dans la régulation du marché du travail, la persistance de pratiques coercitives de mise au travail, sont autant d’éléments qui contribuent à façonner ces recompositions. Ils s’articulent avec les actes de défection des travailleurs indigènes : la fuite pour se soustraire au paiement de l’impôt, le non-respect du contrat de travail pour rentrer chez soi et prendre soin des cultures vivrières, l’installation dans les missions catholiques ou bien les récriminations face à la limitation des activités de concassage des noix de palme au village. Ces actes, fussent-ils peu visibles, défient les dispositions engendrées par le pouvoir colonial (via la contractualisation, les pratiques de contrôle de l’identité, la négociation de prix et salaires, etc.), lesquelles visent à la mobilisation et à l’encadrement de la main-d’œuvre locale.

53 Un fil rouge se développe autour du thème du contrôle de la mobilité des travailleurs comme expression de l’exercice de la coercition. En aef, promouvoir la mobilité des travailleurs indigènes ou, au contraire, procéder à leur « immobilisation » est l’un des principaux enjeux de la définition des relations de travail. Le principe de la libre circulation des travailleurs (dans la tentative de légitimer ledit travail libre) s’oppose, et parfois se combine, à la nécessité de fixer la main-d’œuvre indigène. Les intérêts des employeurs et des fonctionnaires coloniaux se recoupent et se confondent, tout comme le statut de ces travailleurs semble évoluer en fonction des opérations de catégorisation auxquelles ils sont soumis : ils peuvent être considérés à la fois comme des travailleurs migrants, des « déserteurs » et des criminels ou, plus simplement, des vagabonds. En même temps, les dispositifs censés assurer la circulation de ces travailleurs (le laissez-passer, le livret de travail, les arrêtés régulant les flux de main-d’œuvre au sein de la colonie, etc.) font l’objet d’interprétations contrastées, au fil des arrangements pratiques et idéologiques déployés par les acteurs impliqués. Et lorsqu’on s’intéresse à la mise en place des contrats de travail pour les salariés des plantations, on a affaire à une multiplicité de conventions (contrats d’engagement, contrats d’achat et de vente, contrats collectifs destinés à des villages entiers, métayage) dont le dénominateur commun semble être la stabilisation plus ou moins contrainte de cette force de travail rare et convoitée. Ainsi, la controverse récurrente autour de la maîtrise du prix minimum d’achat de noix de palme est moins révélatrice d’enjeux marchands que d’une préoccupation de contrôle de la main-d’œuvre.

54 Ces quelques illustrations renvoient à ce que Yann Moulier Boutang (1998) appelle le « continent de la fuite », c’est-à-dire la nébuleuse des situations qui expliquent les tensions autour de la mobilité d’une main-d’œuvre « bridée ». La possibilité de contrôler la liberté de mouvement par la coercition, d’empêcher la fuite par une reterritorialisation forcée ou négociée, de réguler la mobilité en affectant les travailleurs à des tâches spécifiques ou en contrôlant les prix d’achat des produits agricoles sont des opérations aussi nécessaires que l’accumulation de capital et la circulation des richesses pour assurer le succès du capitalisme dans le contexte colonial.

Notes

  • [1]
    Dans les documents administratifs ainsi que dans de nombreux rapports et enquêtes de l’époque, le terme « travail indigène » s’est rapidement imposé pour désigner ces travailleurs. Si la qualification d’indigène n’est pas dépourvue de signification négative, parce qu’elle fait référence au « sujet » soumis à la puissance coloniale, je l’utilise néanmoins pour restituer la « rhétorique » des sources ici mobilisées.
  • [2]
    La taxe de capitation est un impôt direct et universel, introduit en AEF à partir de 1901.
  • [3]
    L’AEF compte alors seulement presque un million d’habitants et une densité très faible (cinq habitants par kilomètre carré) (Huber 1914). Ceci dit, il s’agit probablement moins d’un problème de manque de main-d’œuvre que d’un problème de pénibilité des conditions de recrutement, ce qui produit des formes de résistance à l’embauche (notamment la désertion), comme dans les plantations de sisal en AOF (Tiquet & Rodet 2016).
  • [4]
    Archives nationales d’outre-mer (ANOM), Aix-en-Provence, FM 7AFFECO/3, « Circulaire du gouverneur Martial Merlin aux lieutenant-gouverneurs de l’AEF », 18 octobre 1911.
  • [5]
    Cette région faisait partie de la colonie française du Congo (Moyen-Congo depuis 1903), avant de rejoindre la fédération de l’Afrique équatoriale française (AEF) en 1910, qui comprenait les colonies du Moyen-Congo, du Gabon, de l’Oubangui-Chari et du Tchad.
  • [6]
    En 1929, à la fin du régime concessionnaire, la Compagnie française du Haut-Congo (CFHC) fusionne avec la société Alimaïenne et la Compagnie française du Bas-Congo pour former la Compagnie française du Haut et Bas-Congo (CFHBC). Les cinq frères Tréchot, anciens agents de la maison Daumas arrivés au Congo en 1888, s’étaient d’abord employés comme marchandeurs et chasseurs d’éléphants, avant d’étendre progressivement leurs activités au commerce, notamment après avoir obtenu la concession qui leur permettait d’exploiter le bassin de la Likouala-Mossaka. Les fonds archivistiques de la compagnie ici utilisés, notamment ceux qui rendent compte de la gestion de la main-d’œuvre — contrats et livrets de travail, dossiers sur le recrutement, rapports d’inspection, correspondance avec le personnel, correspondance avec l’administration coloniale, etc. —, sont conservés aux ANOM à Aix-en-Provence.
  • [7]
    ANOM, 141 APOM/43, « Lettre de Doëns de Lambert au chef de subdivision de Mossaka », 10 février 1920.
  • [8]
    Les tensions entre administration publique et employeurs pour le recrutement de la main-d’œuvre locale se retrouvent aussi bien dans l’Empire français que dans celui britannique (Cooper 1996), ainsi que dans la période postcoloniale (Balandier 1985).
  • [9]
    ANOM, GGAEF 2H9, « Lettre du gouverneur général de l’AEF au lieutenant-gouverneur du Gabon », 16 janvier 1912.
  • [10]
    ANOM, 141 APOM/43, « Lettre de Doëns de Lambert au chef de subdivision de Mossaka », 10 février 1920.
  • [11]
    ANOM, 141 APOM/43, « Copie lettre de l’agent général de la CFHC au président du tribunal de Fort Rousset », 1er avril 1922.
  • [12]
    ANOM, 141 APOM/43, « Lettre de Louis Tréchot à Victor Bellefroid », 4 avril 1923.
  • [13]
    Les différends entre les autorités françaises et belges en la matière se concentrent sur l’opportunité de « renvoyer » les travailleurs indigènes dans les territoires d’origine : ANOM, 141 APOM/43, « Copie lettre de Louis Tréchot au gouverneur général de l’AEF », 13 avril 1922 ; « Ivi, lettre du vice-gouverneur général du Congo belge au gouverneur générale de l’AEF », 8 juin 1922.
  • [14]
    ANOM, 141 APOM/43, « Copie lettre de Louis Tréchot au gouverneur général de l’AEF », 13 avril 1922.
  • [15]
    ANOM, 141 APOM/43, « Lettre du vice-gouverneur général du Congo Kasai au gouverneur général de l’AEF », 8 juin 1922 ; « Lettre de l’agent général de la CFHC au gouverneur général de l’AEF », 9 juillet 1922. Lorsqu’on parle de « contrat de travail », on fait référence au statut de « travailleur permanent » (voir note ci-dessous).
  • [16]
    Il s’agit des décrets du 28 mai 1907 et du 7 avril 1911 portant sur le régime de travail et qui, de fait, instituent un droit du travail destiné aux « travailleurs permanents » (embauchés pour au moins trois mois et bénéficiant d’un contrat de travail), les travailleurs journaliers étant engagés en vertu d’une simple convention verbale (Clément 2016).
  • [17]
    ANOM, 141 APOM 5/4, « Copie lettres de Louis Tréchot au gouverneur général de l’AEF », 7 août et 9 août 1928.
  • [18]
    ANOM, 141 APOM 5/4, « Copie lettre de Louis Tréchot au chef de circonscription de la Likouala-Mossaka », 19 octobre 1928.
  • [19]
    ANOM, 141 APOM 5/4, « Lettre du chef de circonscription de la Likouala-Mossaka à Louis Tréchot », 21 novembre 1928.
  • [20]
    ANOM, 141 APOM/22, « Lettre du chef de la circonscription de la N’Goko-Sangha à M. Joly, représentant de la CFHC », 5 décembre 1928.
  • [21]
    ANOM, 141 APOM 5/4, « Lettre du chef de subdivision d’Odzala, Le Peutrec, au gérant de la CFHBC », 18 août 1929.
  • [22]
    ANOM, 141 APOM/43, « Lettre du chef de circonscription de Mossaka au chef de secteur de la CFHBC », 16 avril 1930.
  • [23]
    ANOM, 141 APOM/43, « Copie lettre de Louis Tréchot au gouverneur du Moyen-Congo », 30 mai 1930.
  • [24]
    ANOM, 141 APOM/43, « Lettre de l’agent Pichot au gérant de la CFHBC à Odzala », 17 janvier 1930.
  • [25]
    ANOM, 141 APOM/43, « Lettre du gouverneur général du Moyen-Congo à Louis Tréchot », 3 juin 1930.
  • [26]
    ANOM, 141 APOM/43, « Lettre du lieutenant-gouverneur du Moyen Congo à Louis Tréchot », 25 novembre 1931.
  • [27]
    ANOM, 141 APOM/43, « Lettre de Louis Tréchot (?) au chef de secteur (Etoumbi) de la CFHBC », 18 novembre 1931.
  • [28]
    ANOM, 141 APOM/22, « Rapport d’inspection de la factorerie de Makoua », 26 juillet 1930.
  • [29]
    ANOM, FM, 7AFFECO/28, « Réponse du chef de la circonscription du Bas-Ogooué aux extraits de lettre de M. Butet, directeur de la plantation d’Abenelang, document attaché à une lettre du lieutenant-gouverneur du Gabon au gouverneur général de l’AEF », 13 janvier 1925.
  • [30]
    ANOM, FM, 7AFFECO/46, « Copie lettre de François Marsal (président de l’Union coloniale française) au ministre des Colonies », 4 avril 1927.
  • [31]
    La correspondance entre Louis Tréchot et l’administration coloniale française tout au long des années 1920 témoigne de ce différend. Voir ANOM, 141 APOM 5/4.
  • [32]
    ANOM, 141 APOM/23, « Lettre de Doëns de Lambert à Louis Tréchot », 15 novembre 1931 ; 141 APOM/14, « Lettre de l’agent Clement (?) de Mossaka à l’administrateur délégué de la CFHBC », 15 mars 1933.
  • [33]
    ANOM, 141 APOM 5/4, « Copie lettre de Louis Tréchot au gouverneur de la colonie du Moyen Congo », 23 novembre 1931.
  • [34]
    Ibid.
  • [35]
    Ibid.
  • [36]
    ANOM, 141 APOM/5, « Copie lettre de l’agent général de la CFHC au gouverneur du Moyen-Congo », 5 mai 1922.
  • [37]
    Ibid.
  • [38]
    ANOM, 141 APOM/5, « Lettre du lieutenant-gouverneur du Moyen-Congo à l’agent général de la CFHC », 8 juin 1922.
  • [39]
    ANOM, 141 APOM/6, « Copie lettre de Doëns de Lambert à l’agent de circonscription Titaux », 6 janvier 1931.
  • [40]
    ANOM, 141 APOM/5, « Copie lettre de Louis Tréchot au gouverneur du Moyen-Congo », 24 juin 1932.
  • [41]
    ANOM, 141 APOM/6, « Lettre du lieutenant-gouverneur du Moyen-Congo à l’agent général de la CFHC », 14 mai 1924.
  • [42]
    ANOM, 141 APOM/6, « Copie lettre de Louis Tréchot au gouverneur du Moyen-Congo », 30 mars 1924.
  • [43]
    ANOM, 141 APOM/6, « Lettre du lieutenant-gouverneur du Moyen-Congo à l’agent général de la CFHC », 14 mai 1924. La crainte de la déstructuration familiale et sociétale du fait de nouvelles conditions d’emploi ainsi que des effets des migrations, qu’elles soient de nature économique ou provoquées par la fuite des travailleurs du fait des prestations obligatoires, est prise en compte aussi par Cooper (1996).
  • [44]
    ANOM, 141 APOM/6, « Lettre du lieutenant-gouverneur du Moyen-Congo à l’agent général de la CFHC », 14 mai 1924.
  • [45]
    Voir par exemple : ANOM, 141 APOM/6, « Lettre de l’agent de circonscription Titaux au chef de secteur de la CFHBC », 5 décembre 1930 ; « Ivi, lettre de l’agent Pichot au chef de la circonscription de la Likouala-Mossaka », 12 décembre 1930 ; « Ivi, lettre de Doëns de Lambert à l’agent de circonscription Titaux », 6 janvier 1931.
  • [46]
    ANOM, 141 APOM/22, « Rapport d’inspection de la factorerie d’Etoumbi », 25 juillet 1930.
  • [47]
    ANOM, 141 APOM/6, « Copie lettre de Doëns de Lambert au chef de la circonscription de la Likouala-Mossaka », 17 mai 1931.
  • [48]
    ANOM, 141 APOM/5, « Lettre de l’administrateur délégué de la CFHBC au gouverneur du Moyen-Congo », 14 août 1931.
  • [49]
    ANOM, 141 APOM/5, « Copie lettre du lieutenant-gouverneur du Moyen-Congo au chef de la circonscription de la Likouala-Mossaka », 21 août 1931.
  • [50]
    ANOM, FM 7AFFECO/3, « Décret du 7 avril 1911 fixant le régime du travail en AEF ».
  • [51]
    ANOM, FM 7AFFECO/3, « Arrêté du 10 octobre 1911 créant un compte spécial de dépôts administratifs du travail ».
  • [52]
    ANOM, FM 7AFFECO/3, « Contrat d’engagement », s. d. [1911].
  • [53]
    ANOM, FM 7AFFECO/3, « Circulaire de M. Martial aux lieutenant-gouverneurs de l’AEF », 18 octobre 1911.
  • [54]
    ANOM, 141 APOM/43, « Note pour Loboko et Lingoué », 9 avril 1930. Il ne s’agit pas ici du contrat d’engagement destiné aux travailleurs migrants (basé sur le remboursement de la dette contractée par le travailleur envers son employeur, notamment concernant les frais de voyage), mais plus simplement d’un contrat de travail qui lie les deux parties suivant des règles spécifiques. J’utilise cependant la mention « contrat d’engagement » telle qu’elle apparaît dans les sources mobilisées.
  • [55]
    ANOM, 141 APOM/43, « Lettre du lieutenant-gouverneur du Moyen Congo à Louis Tréchot », 22 août 1931 ; « Copie lettre du lieutenant-gouverneur au chef de circonscription de la Likouala-Mossaka », 18 août 1931.
  • [56]
    ANOM, 141 APOM/23, « Rapport d’inspection de la factorerie de Makoua », 19 mai 1931.
  • [57]
    ANOM, 141 APOM/43, « Note pour le chef de secteur de la CFHC », 5 janvier 1929 ; « Ivi, note de la CFHBC », 6 mai 1930.
  • [58]
    ANOM, 141 APOM/43, « Copie lettre de Louis Tréchot au lieutenant-gouverneur du Moyen Congo », 14 août 1931.
  • [59]
    ANOM, 141 APOM/43, « Copie lettre du lieutenant au chef de circonscription de la Likouala-Mossaka », 18 août 1931. Depuis la promulgation du décret du 4 mai 1922 portant sur la réglementation du travail, on assiste en effet à une ingérence accrue de l’administration coloniale dans la gestion des contrats destinés aux « travailleurs permanents » (c’est au gouverneur, par exemple, de fixer les clauses-type à insérer dans les contrats de travail).
  • [60]
    Ibid.
  • [61]
    Ibid.
  • [62]
    ANOM, 141 APOM/6, « Lettre du gouverneur général de l’AEF au directeur de la CFHBC », 10 mai 1940.
  • [63]
    ANOM, 141 APOM/6, « Lettre de l’inspecteur Courtois à la circonscription de la Likouala-Mossaka », 30 août 1929.
  • [64]
    Dans les contrats de service de louage, les travailleurs sont au service de l’employeur à temps plein en échange d’un salaire, du gîte et du couvert ainsi que d’un certain degré de protection, dont, par exemple, l’assistance médicale ou le droit d’être rapatrié pour les « engagés ».
  • [65]
    ANOM, 141 APOM/6, « Copie lettre de Louis Tréchot au gouverneur de l’AEF », 25 janvier 1935.
  • [66]
    ANOM, 141 APOM/6, « Copie lettre du directeur général de la CFHBC au gouverneur général de l’AEF », 1er mars 1940.
  • [67]
    ANOM, 141 APOM/6, « lettre du lieutenant-gouverneur du Moyen-Congo à l’administrateur délégué de la CFHC », 31 mars 1924 ; « Ivi, lettre de l’agent de circonscription Titaux à Louis Tréchot », 31 mars 1924. L’huile de palmiste (utilisée pour la fabrication de cosmétiques) est extraite des noyaux du fruit du palmier à huile (les amandes) après les opérations de concassage et de pression, alors que l’huile de palme (utilisée pour l’alimentation) est extraite de la pulpe du fruit.
  • [68]
    ANOM, 141 APOM/6, « Lettre de l’agent général de la CFHC au gouverneur du Moyen-Congo », 12 avril 1924.
  • [69]
    Ibid.
  • [70]
    ANOM, 141 APOM/6, « Lettre du gouverneur du Moyen-Congo à l’agent général de la CFHC », 14 juin 1924.
  • [71]
    ANOM, 141 APOM/6, « Copie lettre de Louis Tréchot au gouverneur du Moyen-Congo », 29 juillet 1931.
  • [72]
    ANOM, 141 APOM/6, « Copie lettre de Doëns de Lambert à l’administrateur délégué de la CFHBC », 18 juin 1931.
  • [73]
    ANOM 141 APOM/6, « Copie lettre du président du conseil d’administration-directeur général au gouverneur général de l’AEF », 14 février 1933 ; « Ivi, copie lettre de l’administrateur général de la CFHBC à Doëns de Lambert (service d’inspection de la CFHBC) », 21 janvier 1934.
  • [74]
    ANOM, 141 APOM/2, « copie lettre l’administrateur directeur général de la CFHBC au gouverneur général de l’AEF », 15 juin 1931.
  • [75]
    ANOM, 141 APOM/24, « Lettre de Doëns de Lambert à Louis Tréchot », 28 juin 1934.
  • [76]
    Des contrats similaires sont mis en place à la même époque au Congo belge (Henriet 2015).
  • [77]
    ANOM, 141 APOM/6, « Copie lettre de l’administrateur délégué de la CFHBC au gouverneur général de l’AEF », 18 janvier 1938. Il s’agit d’un effort pour relever le prix minimum d’achat des noix de palme qui se poursuit dans les années suivantes et qui n’est finalement pas jugé suffisant, le prix minimum « possible » d’après l’administration de la colonie se situant, par exemple, à 0,22-0,24 F le kilogramme (ANOM, 141 APOM/6, lettre du gouverneur général de l’AEF au directeur de la CFHBC, 10 mai 1940).
  • [78]
    ANOM, 141 APOM/6, « Lettre du gouverneur général de l’AEF à l’administrateur délégué de la CFHBC », 8 juin 1937.
  • [79]
    ANOM, 141 APOM/6, « Copie lettre de l’administrateur délégué de la CFHBC au gouverneur général de l’AEF », 24 juillet 1937 ; « Ivi, lettre du gouverneur général de l’AEF à l’administrateur délégué de la CFHBC », 16 novembre 1937.
Français

Cet article étudie les formes de mise au travail (recrutement, encadrement, distribution) de la main-d’œuvre « indigène » au sein d’une concession de production d’huile de palme, au Congo français, entre 1911 et 1940. Il s’intéresse en particulier aux modalités de catégorisation qui visent ces travailleurs dans le cadre de politiques de mobilisation de la main-d’œuvre parallèles et concurrentes, mises en place à la fois par les sociétés privées et l’administration coloniale. La façon dont administrateurs coloniaux, patrons et maîtres s’efforcent de définir ce qu’est un « travailleur africain » permet de rendre compte non seulement des enjeux de gouvernementalité mais aussi d’interroger les logiques de hiérarchisation sociale et ethnoraciale qui participent à l’institution des relations de travail dans le contexte colonial. Il en résulte que la logique de marchandisation du travail, notamment à travers l’introduction du contrat de travail, n’est pas le levier principal dans la transformation capitaliste de ces relations. Y contribuent également d’autres dispositions du pouvoir colonial (notamment les pratiques d’identification censées assurer le contrôle de la mobilité ainsi que les politiques de stabilisation de la main-d’œuvre) qui entrent en tension avec les formes de défection et d’accommodement déployées par les travailleurs locaux.

  • coercition
  • mobilité
  • marché
  • Afrique équatoriale française
  • contexte colonial
  • travail indigène
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Ferruccio Ricciardi
Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (LISE), CNRS-Conservatoire national des arts et métiers, Paris, France
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 13/06/2022
https://doi.org/10.4000/etudesafricaines.36265
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