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Enfin un livre qui décrit finement la construction dialogique de la masculinité au Kenya : ce bel ouvrage intéressera tant les historiens que les socioanthropologues ou les spécialistes du genre. Un lieu où se rencontrent les représentations vernaculaires de la masculinité — que l’on peut capturer, par exemple, au travers de l’
ethoskikuyu — et les représentations britanniques sur ce que devrait être le mâle représentant de l’Empire inspiré par sa « mission civilisatrice » et sur ceux qui sont supposés devenir ses « sujets » : de vrais hommes, mais africains tout de même… On le voit, ce dialogue entre des conceptions victoriennes teintées de racisme et celles vernaculaires de l’accomplissement personnel n’a rien de paisible et donne lieu à des constructions complexes des masculinités tout au long de l’histoire coloniale du Kenya central. P. Ocobock associe à cette histoire fascinante le « British colonial state coming of Age » — ce qu’il nomme « the elder state » — et montre comment les constructions des masculinités et celle de l’État colonial se découvrent entremêlées. Pour cela, il conduit une réflexion sur l’ethnicisation progressive du Kenya et rappelle que l’ethnicité n’est pas l’unique registre identitaire pertinent, mais que le genre et, bien sûr, l’âge dominent souvent la composante ethnique dans l’actualisation des identités selon les contextes.
P. Ocobock a entrepris de longs terrains au Kenya, tant dans les archives kenyanes — ou britanniques — qu’en recherchant les derniers survivants pouvant se souvenir de ce qu’était la masculinité lors de l’Entre-deux-guerres ou dans les années 1950 lors de la guerre civile des Mau Mau pour conduire près de 80 entretiens ethnographiques…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 15/03/2019
- https://doi.org/10.4000/etudesafricaines.25063