CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Depuis une vingtaine d’années environ, on constate, dans le domaine de la psychologie scientifique, un intérêt particulier porté à l’étude de l’ostracisme social. Sous sa forme la plus simple, ce terme désigne le fait d’être exclu ou ignoré par autrui (Williams, 2007). Bien que cette définition puisse paraître vague de prime abord, nous verrons qu’elle englobe une multitude de comportements sociaux subtils, que l’individu peut être amené à rencontrer dans la vie quotidienne, lui signalant qu’il n’est pas « désiré » dans une situation sociale donnée. Du fait de sa relative banalité dans la vie quotidienne, l’ostracisme constitue un objet d’étude particulièrement intéressant en sciences humaines et peut susciter de nombreuses réflexions en matière d’applicabilité. L’objectif de cette revue de littérature est de sensibiliser le lecteur, que celui-ci soit praticien, chercheur ou étudiant, sur cette question sociétale importante que constitue l’ostracisme, en particulier sur la menace que celui-ci peut entraîner sur l’individu qui en fait l’expérience.

2Plusieurs aspects seront abordés au cours de cet article. Dans un premier temps, nous définirons la notion d’ostracisme. Nous expliquerons également de quelle manière celui-ci a été étudié scientifiquement. Les causes, puis les conséquences de l’ostracisme sur l’individu seront ensuite développées. Enfin, seront présentés différents facteurs pouvant modérer l’impact de l’ostracisme.

Introduction au concept d’ostracisme

Définition et description du phénomène

3Le terme « ostracisme » a son origine dans la Grèce antique (du grec ostrakismos). Il était utilisé lorsque les Athéniens votaient pour choisir les personnes jugées dangereuses pour la cité et devant être bannies pour une période de dix ans. Le plus souvent, il s’agissait d’anciens dirigeants politiques, dont on soupçonnait des ambitions tyranniques. Le mot « ostracisme » était utilisé, car le nom des personnes à bannir était inscrit sur un ostracon (substitut de céramique, dont le nom provient de sa ressemblance avec une coquille d’huitre, élément pouvant aussi être utilisé pour le recueil des suffrages). En psychologie, le sens du mot évolue quelque peu par rapport à la définition originale, puisqu’il désigne un comportement plutôt implicite de distanciation, d’ignorance ou d’indifférence, à distinguer du rejet, désignant une mise à l’écart explicite (Williams, 2007). L’ostracisme peut se manifester dans la vie quotidienne de nombreuses manières : lorsqu’un enfant n’est pas choisi pour participer à un jeu, lorsqu’une personne n’est pas invitée à une soirée de gens qu’elle connaît, ou encore lorsqu’un interlocuteur ne répond pas à nos appels téléphoniques, nos messages ou nos SMS. Parfois, l’ostracisme peut aussi provenir de personnes proches (conjoint, parent, enfant). Il se manifeste alors par l’intermédiaire de comportements distants et par un refus implicite de l’interaction, que Williams (2001) nomme « Silent Treatment » [1].

4Une situation d’ostracisme met en scène deux ou plusieurs individus. Le terme « source d’ostracisme » est employé pour désigner les individus ayant un comportement d’ignorance et le terme « cible d’ostracisme » est utilisé pour désigner la ou les personnes mises à l’écart ou « ostracisée(s) ». Il semble important de mentionner que l’ostracisme est un comportement subi et non un comportement choisi. Un individu peut, bien évidemment, choisir d’être seul ou de vivre en ermite, mais on ne peut, dans ce cas, parler d’ostracisme. L’ostracisme ne doit également pas être confondu avec la discrimination, dans le sens où la discrimination est le plus souvent fondée sur une identité (par rapport au groupe d’appartenance), ayant une mauvaise réputation dans un domaine particulier. La spécificité de l’ostracisme est qu’il peut frapper tous les individus, qu’ils appartiennent ou non à des groupes sociaux stigmatisés ou dominés. Enfin, l’ostracisme est à distinguer du harcèlement (ou intimidation ou encore bullying ; Williams, Nida, 2009), consistant à persécuter, le plus souvent en groupe, une personne par le recours à des intimidations, des menaces ou des moqueries explicites. En effet, alors que harcèlement constitue un renforcement « positif », visant ouvertement à nuire à autrui, l’ostracisme est un renforcement « négatif », en ce sens qu’il consiste en une privation d’interaction sociale.

L’ostracisme dans le champ de la psychologie scientifique

5À l’échelle de l’histoire des sciences humaines et sociales, on constate que l’ostracisme, en tant que comportement spécifique, a commencé à être étudié assez tardivement. En effet, si l’intérêt porté à la perte de lien social n’est pas nouveau, notamment en référence aux travaux de Harlow (1958) ou Bowlby (1969, 1973), considérés comme des auteurs classiques de la psychologie, on constate que ceux-ci étaient globalement focalisés sur l’enfant et son attachement à une figure maternelle. Il était nécessaire, d’un point de vue théorique, d’identifier des facteurs de lien social pouvant influencer le bien-être de l’individu « ici et maintenant », sans faire nécessairement référence à son histoire.

6L’ostracisme a, dans un premier temps, été décrit par Gruter et Masters (1986), selon une perspective éthologique et sociobiologique. Ces auteurs avaient, notamment, relevé l’existence, dans de très nombreuses cultures du monde et chez de nombreuses espèces animales, de comportements visant à exclure et rejeter des individus d’une communauté. Ainsi, selon Gruter et Masters, l’ostracisme est un phénomène social et biologique, dont la fonction première est le maintien de la cohésion au sein d’un groupe. Quelques années plus tard, Baumeister et Leary (1995) publient une revue de littérature sur le besoin d’appartenance, semblant avoir beaucoup contribué au développement de la recherche sur l’ostracisme. Selon ces auteurs, tout individu éprouverait un fort besoin d’appartenance, de contact avec autrui et d’attachement, qui le conduirait à rechercher l’affiliation à d’autres individus. Ainsi, alors que la formation de liens sociaux conduit généralement à des émotions positives, la perte de liens sociaux conduit, au contraire, à des émotions négatives et à un sentiment de détresse. C’est l’étude de cette détresse, qui a motivé les psychologues à se pencher sur la question de l’ostracisme social et de ses conséquences sur l’individu qui en est la cible.

7L’étude d’un sujet comme l’ostracisme a permis d’enrichir la compréhension des interactions interindividuelles en psychologie sociale en y intégrant une dimension affective (aspect jusqu’alors quelque peu délaissé de la discipline). L’objectif principal des premiers travaux sur l’ostracisme était d’apporter une preuve empirique que celui-ci constitue une menace profonde pour l’individu et de montrer que celui-ci peut conduire la cible à une recherche active de lien social sur le court terme, et à un sentiment général d’impuissance sur le long terme (Williams, 1997).

L’opérationnalisation scientifique de l’ostracisme

8L’étude scientifique d’un phénomène comme l’ostracisme social semble offrir au chercheur un large panel de techniques et de méthode. En examinant de près la littérature sur l’ostracisme, on constate que ce phénomène a surtout été étudié en laboratoire, selon une méthodologie expérimentale. Dans la plupart de ces recherches, il s’agit d’insérer un individu dans une situation d’exclusion (en comparaison à une situation d’inclusion) et de mesurer ensuite la variable dépendante correspondante au phénomène étudié. D’un point de vue déontologique et de par l’hypothèse de départ selon laquelle l’ostracisme affecte l’individu sur diverses dimensions psychologiques, il est nécessaire que la manipulation expérimentale de l’ostracisme se fasse toujours sur le court terme avec une explication détaillée de la manipulation à la suite de l’expérience.

9L’une des premières méthodes d’opérationnalisation de l’ostracisme est le paradigme « Ball Toss » (Williams, Sommer, 1997), mettant en scène un participant naïf et deux compères dans un jeu de lancer de balle. Alors qu’en condition d’inclusion les compères envoient la balle au sujet naïf tout au long du jeu, ils se mettent à l’ignorer totalement après quelques lancers en condition d’exclusion. Parmi les premiers paradigmes d’opérationnalisation de l’ostracisme, on note également le paradigme « Get Acquainted » (Nezlek, Kowalski, Leary, Blevins, Holgate, 1997), avec lequel on propose à des participants de discuter entre eux sur des sujets précis. Ceux-ci sont ensuite séparés et on leur demande de mentionner avec qui ils aimeraient travailler par la suite. Dans la situation d’inclusion, on annonce au participant qu’il a été choisi par la majorité, alors que, dans la situation d’exclusion, on lui annonce qu’il n’a été choisi par personne. Un autre paradigme, le YIPS (pour « Yale InterPersonal Stressor »), proposé par Stroud, Tanofsky-Kraff, Wilfley et Salovey (2000), se présente sous la forme d’une simulation de discussion à trois personnes, parmi lesquelles deux compères ont pour consigne d’exclure le participant par diverses techniques, aussi bien non verbales que verbales.

10Par la suite, ont été mises au point des méthodes de passation individuelle et ne nécessitant pas de compères humains, très certainement dans le but de simplifier au maximum l’opérationnalisation. Ainsi naquit le « Cyberball » [2] (Williams, Cheung, Choi, 2000 ; Williams, Jarvis, 2006), l’un des paradigmes les plus utilisés à ce jour dans la recherche sur l’ostracisme. On propose au participant de jouer à un jeu de lancer de balle sur ordinateur en réseau avec deux ou trois autres joueurs (en réalité des compères virtuels). L’expérience est décrite comme un programme pour entraîner sa visualisation mentale. On demande notamment au participant de se représenter mentalement les autres joueurs, ainsi que l’environnement dans lequel ils jouent. En condition d’inclusion, le participant reçoit la balle régulièrement, alors qu’en condition d’exclusion, il la reçoit beaucoup plus rarement.

11Parmi les méthodes d’opérationnalisation de l’ostracisme, le paradigme « Life Alone » (Baumeister, Twenge, Nuss, 2002 ; Twenge, Baumeister, Tice, Stucke, 2001) est également régulièrement utilisé. Celui-ci consiste à faire passer un test de personnalité fictif à un participant et à lui donner un compte rendu arbitraire. Dans une condition (la condition d’acceptation future), on annonce au participant qu’il développera une forte capacité à nouer et à entretenir des contacts sociaux stables avec autrui. Dans une autre condition (la condition d’exclusion future), on annonce, au contraire, au participant, qu’il aura, dans le futur, beaucoup de difficulté à entretenir des contacts sociaux stables avec autrui. En général, une autre condition, où il est annoncé au participant qu’il vivra des événements négatifs (sans lien avec l’exclusion) est également présente (condition malchance), pour comparer l’effet d’un événement socialement douloureux à celui d’un événement négatif non social. L’inconvénient principal de ce paradigme, par ailleurs simple à mettre en œuvre, est son manque de validité écologique (le type de situation proposé ayant peu de chance de se rencontrer dans la vie quotidienne). Celui-ci est également discutable d’un point de vue déontologique.

12Il existe de nombreux autres paradigmes expérimentaux d’opérationnalisation de l’ostracisme : par l’intermédiaire de messages écrits sur ordinateur (Williams, Govan, Croker, Tynan, Cruickshank, Lam, 2002), par SMS (Smith, Williams, 2004), par l’intermédiaire du jeu de rôle (Zadro, Williams, Richardson, 2005), par l’intermédiaire d’un rappel manuscrit d’une situation d’ostracisme (Molden, Lucas, Gardner, Dean, Knowles, 2009), par la non-information (Jones, Carter-Sowell, Kelly, Williams, 2009), par le regard (Wirth, Sacco, Hugenberg, Williams, 2010), par visioconférence (Goodacre, Zadro, 2010), par une simulation de « non-sélection » pour la participation à un jeu en ligne (Wirth, Turchan, Zimmerman, Bernstein, 2014) ou encore par une simulation de réseau social (de type Facebook) dans laquelle l’ostracisme est manipulé par le nombre de « Like » (J’aime) que le participant reçoit sur son profil (Wolf, Levordashka, Ruff, Kraaijeveld, Lueckmann, Williams, 2015).

13Outre la méthode expérimentale, l’ostracisme a été étudié selon d’autres méthodes, notamment qualitatives (entretiens) et psychométriques (questionnaires et échelles). Ces méthodes ont, toutefois, donné lieu à un faible nombre de recherches, comparé aux études expérimentales. Zadro (2004), dans sa thèse de doctorat, a étudié l’impact de l’ostracisme par l’intermédiaire d’entretiens avec des personnes qui en avaient été la cible. Elle a réalisé une analyse du discours et relevé les grands thèmes abordés par les personnes. De la même manière, il existe des échelles pour évaluer les conséquences de l’ostracisme chronique (par exemple, Ferris, Brown, Berry, Lian, 2008 ; Gilman, Carter-Sowell, DeWall, Adams, Carboni, 2013), mais, à notre connaissance, aucune d’entre elles n’a encore été traduite et validée en langue française. Ce type d’échelle peut constituer une base pour des études corrélationnelles.

Pourquoi un individu est-il ostracisé ?

14En psychologie sociale, on sait, depuis longtemps, que le fonctionnement des groupes opère selon une logique qui leur est propre et ne peut, en aucun cas, être réduit à la somme des individus qui les composent (Lewin, 1951). Comme nous l’avons précédemment mentionné, l’ostracisme a un rôle adaptatif de l’individu et permet au groupe d’augmenter sa cohésion (Gruter, Masters, 1986). On peut, toutefois, se demander comment sont choisies les cibles d’ostracisme. D’un point de vue évolutionniste, on peut penser que les membres les moins adaptés au fonctionnement du groupe sont ceux ayant le plus de probabilité d’en être exclus. Les travaux de Schachter (1951) semblent confirmer cette hypothèse. Ce chercheur a observé que, dans une discussion, le fait de proposer un point de vue radical et à l’encontre de la norme d’un groupe pouvait conduire le sujet à se faire progressivement exclure de cette discussion. La déviance aux normes collectives semble donc être une caractéristique pouvant motiver l’exclusion d’un individu. L’ostracisme peut également être utilisé lorsque la source a un reproche à formuler à la cible. Il pourrait ainsi être pratiqué plus ou moins consciemment comme une punition, particulièrement lorsqu’il provient de personnes proches ou que la cible connaît personnellement, comme le conjoint (Williams, 2001). Enfin, il semble que certains profils psychologiques soient davantage susceptibles de connaître le rejet de la part d’autrui. Ce serait particulièrement le cas pour les individus déprimés (Coyne, 1976a, 1976b) ou socialement anxieux [3] (Blöte, Bokhorst, Miers, Westenberg, 2012). On notera également que, d’après Starr et Davila (2008), les individus en recherche excessive de réconfort seraient plus enclins à se faire rejeter par autrui que les autres. Ainsi, la finalité de l’ostracisme serait d’éliminer les individus « problématiques », pouvant entraver la bonne marche d’un groupe, de manière à ce que celui-ci fonctionne plus efficacement.

Les conséquences de l’ostracisme sur l’individu

15Le fait d’être exclu ou ignoré peut avoir de très nombreuses conséquences psychologiques. Certaines sont immédiates et d’autres s’expriment de manière différée. D’après Williams (2009), le processus d’ostracisme opère selon trois phases. La première phase de l’ostracisme est la phase dite « réflexive ». Elle se traduit notamment par un éveil physiologique (Kelly, Mcdonald, Rushby, 2012) et un sentiment de menace (Williams et coll., 2000). L’individu mettrait ensuite en place des comportements adaptatifs. Cette phase est appelée phase « réflective ». Enfin, si l’ostracisme est vécu de manière répétée et devient chronique, les capacités d’ajustement diminuent progressivement et un sentiment d’impuissance peut alors se manifester chez l’individu. On parle alors de phase de résignation.

16Nous allons à présent décrire les principaux résultats mis en évidence à ce jour sur l’impact de l’ostracisme sur l’individu qui est la cible.

Ostracisme et réactions physiologiques immédiates

17Dès les premiers instants où il est perçu, l’ostracisme constitue un message d’alerte pouvant se traduire par une multitude de réactions physiologiques. L’ostracisme entraîne notamment une augmentation de la tension artérielle, du niveau de cortisol (Stroud et coll., 2000, expérience 2) et du rythme cardiaque (Iffland, Sansen, Catani, Neuner, 2014), mais ce sont surtout les études de neuroimagerie qui ont fourni les données les plus intéressantes sur les réactions physiologiques émises par un individu ostracisé. Eisenberger, Lieberman et Williams (2003) ont notamment montré que l’ostracisme entraînait une plus grande activation de certaines zones cérébrales, dont la plus marquée se situe au niveau du cortex cingulaire antérieur, une zone habituellement activée pendant le ressenti d’une douleur physique. Cela semble traduire le caractère particulièrement primaire de l’ostracisme. En effet, la douleur constitue un message nerveux signalant au corps que celui-ci est en danger et doit agir rapidement pour atténuer la menace. De la même manière, la douleur sociale induite par l’ostracisme constitue un message signalant la nécessité de s’affilier à autrui pour davantage de sécurité.

18Outre le fait que l’ostracisme entraîne des réactions de stress et de douleur morale, certains travaux ont mis en évidence un impact de l’ostracisme sur d’autres dimensions physiologiques. Zhong et Leonardelli (2008) ont, par exemple, observé que le fait de se sentir exclu amenait les participants à avoir plus froid que lorsqu’ils se sentaient inclus. Une étude de IJzerman et coll. (2012, expérience 1) a corroboré ce résultat. Ils ont connecté les participants à un appareil mesurant la température de leur peau (à l’extrémité d’un de leur doigt) pendant qu’ils jouaient au Cyberball et ont mis en évidence que celle-ci diminuait significativement chez les participants exclus en comparaison des participants inclus.

19Au vu de ces quelques résultats, il semblerait que la perception de l’exclusion soit un processus cognitif de bas niveau. Dans la mesure où, pour la survie de l’espèce, il est nécessaire, pour l’individu, de s’affilier à autrui ; le fait que l’exclusion puisse conduire à des conséquences physiologiques constituerait une alerte et aurait pour fonction principale de pousser l’individu à recréer du lien social.

L’ostracisme comme une menace

20Nous développerons maintenant l’idée selon laquelle l’ostracisme constitue une menace pour l’individu qui en est la cible. Pour évaluer cela, Williams et coll. (2000) proposent d’évaluer à quel degré quatre besoins fondamentaux sont menacés : appartenance (besoin d’entretenir des liens avec autrui et d’appartenir à des groupes), contrôle (besoin de sentir que l’on a un certain niveau de maîtrise de l’interaction sociale), estime de soi (besoin de maintenir une image de soi positive) et sentiment d’existence significative (besoin de sentir que l’on est perceptible, visible et remarqué par autrui). Une évaluation de l’humeur est également souvent proposée. Cette évaluation se fait par l’intermédiaire d’un court questionnaire proposé au participant en suite d’une situation d’ostracisme ou d’inclusion induite expérimentalement. La menace est le plus souvent évaluée à l’aide d’un score composite, incluant les quatre besoins simultanément. Il est à noter que certains travaux ont également réévalué la menace après un léger délai pour voir à quel point celle-ci était persistante dans la phase dite « réflective ».

21De très nombreux travaux ont pu montrer que les sentiments d’appartenance, de contrôle, d’estime de soi et d’existence diminuaient significativement après un épisode d’ostracisme. Williams et coll. (2000, expérience 1) ont proposé à des participants de jouer au Cyberball selon quatre conditions expérimentales, chacune représentant un degré d’ostracisme : surinclusion, inclusion standard, ostracisme partiel et ostracisme total. Ils ont ensuite évalué la menace des quatre besoins mentionnés plus haut. Les auteurs ont observé une relation linéaire entre l’intensité de l’ostracisme et la menace des besoins sociaux fondamentaux. En d’autres termes, plus l’ostracisme était fort et plus les besoins étaient menacés. À la suite de cette expérience, la plupart des recherches n’ont eu recours qu’à deux conditions : une d’inclusion et une d’exclusion. L’effet menaçant de l’ostracisme sur les besoins sociaux fondamentaux a été répliqué de nombreuses fois et avec plusieurs paradigmes expérimentaux. Celui-ci semble, par conséquent, particulièrement robuste. L’effet menaçant de l’ostracisme a également été mis en évidence dans des situations diverses. Ainsi, il a été montré que l’ostracisme constituait une menace, même s’il était mentionné que les sources étaient gérées par ordinateur (Zadro, Williams, Richardson, 2004). L’ostracisme est également tout aussi menaçant s’il entraîne des gains et que l’inclusion entraîne des pertes (van Beest, Williams, 2006). Enfin, la menace induite par l’ostracisme persiste si elle provient de membres d’un exogroupe, même si celui-ci est réputé négativement (Gonsalkorale, Williams, 2007).

22L’évaluation de la menace des besoins sociaux fondamentaux et de l’humeur est parmi les variables dépendantes les plus étudiées dans les travaux sur l’ostracisme. Cette mesure n’est cependant pas suffisante pour évaluer la menace occasionnée. Il semble, notamment, particulièrement important de connaître les conséquences de l’ostracisme en termes cognitif et comportemental.

Ostracisme et régulations des cognitions et des comportements

23L’ostracisme est également source d’altérations cognitivo-comportementales diverses. Twenge, Catanese et Baumeister (2003) ont notamment montré que l’ostracisme entraînait, chez le sujet, un état de « déconstruction cognitive », proche de l’état précédant le suicide. Il conduirait particulièrement à une distorsion de la perception du temps (se traduisant par une estimation du temps plus long, une plus grande difficulté à se projeter dans le futur et une plus grande difficulté à retarder la gratification). Il entraînerait également une certaine léthargie (voir aussi Barkley, Salvy, Roemmich, 2012), un ralentissement cognitif, une moindre réactivité émotionnelle et des comportements de fuite de l’image de soi. L’ostracisme conduit également à des cognitions liées à la mort (Steele, Kidd, Castano, 2015).

24D’un point de vue comportemental, l’ostracisme entraîne une diminution de l’autorégulation (Baumeister, DeWall, Ciarocco, Twenge, 2005), pouvant se définir comme la capacité à réguler ses comportements dans le but de s’adapter à la situation sociale présente. Baumeister et coll. (2005) ont mis en place plusieurs expérimentations dans lesquelles ils ont montré que les participants exclus régulaient moins leurs comportements. Ceux-ci étaient, par exemple, plus réticents à s’alimenter sainement (voir aussi Oaten, Williams, Jones, Zadro, 2008), étaient plus disposés à abandonner une tâche de résolution de problèmes insolubles ou encore parvenaient moins à réguler leur attention. Il a également été montré que l’ostracisme pouvait conduire à des comportements autodestructeurs et particulièrement à davantage de prise de risque irraisonnée (Twenge, Catanese, Baumeister, 2002). Ainsi, l’ostracisme semble conduire l’individu à un moindre contrôle de soi et de ses impulsions.

25Des recherches expérimentales ont également pu montrer que l’ostracisme avait un impact négatif sur la performance intellectuelle (Baumeister et coll., 2002) et cognitive (Jamieson, Harkins, Williams, 2010, expérience 1 ; Lustenberger, Jagacinski, 2010), tout particulièrement sur les tâches difficiles (Baumeister et coll., 2002, expérience 2 ; Chen, Williams, Fitness, Newton, 2008, expériences 3 et 4) faisant appel aux processus contrôlés (Baumeister et coll., 2002, expérience 3). La diminution de performances semble pouvoir être interprétée en partie par une diminution de l’autorégulation comme le suggèrent Baumeister et coll. (2002), principalement du fait que les processus contrôlés sont les plus altérés.

Ostracisme et rapport à autrui

26Nous allons maintenant développer l’idée selon laquelle l’ostracisme peut conduire à deux types de comportements sociaux contradictoires : les comportements antisociaux et les comportements prosociaux.

27Plusieurs recherches ont observé un impact de l’ostracisme sur le comportement antisocial (et notamment l’agressivité). Aux États-Unis d’Amérique, on observe périodiquement un phénomène appelé « Mass Shooting » [4]. Il s’agit d’individus, le plus souvent jeunes, se rendant dans des écoles ou des universités (souvent la leur) avec une arme et ouvrant le feu sur un maximum de personnes. Selon Leary, Kowalski, Smith et Phillips (2003), dans la grande majorité des cas, les auteurs de ces actes se sentaient exclus. Le fait d’agresser quelqu’un permettrait ainsi de rétablir un sentiment de contrôle et d’existence. Des études expérimentales ont également observé l’existence d’un lien entre exclusion et agressivité. Twenge et coll. (2001) ont proposé diverses tâches à des participants qui avaient été inclus ou exclus moyennant différents paradigmes. D’une manière générale, les participants exclus manifestaient des comportements plus agressifs envers autrui. Ils étaient, par exemple, plus enclins à envoyer un signal sonore désagréable à un compère fictif que les inclus.

28DeWall et Baumeister (2006, expériences 4 et 5) ont également montré que les individus qui avaient fait l’objet d’une exclusion expérimentale se montraient moins empathiques à l’égard de la souffrance d’autrui, que celle-ci soit physique ou psychologique. L’ostracisme conduit également à une baisse du comportement altruiste (Twenge, Baumeister, DeWall, Ciarocco, Bartels, 2007) et à davantage de comportements malhonnêtes (Poon, Chen, DeWall, 2013).

29Bien que de nombreux travaux aient pu montrer que l’ostracisme pouvait conduire à des comportements antisociaux (et à une diminution des comportements prosociaux), plusieurs auteurs ont, à l’inverse, observé que l’ostracisme pouvait entraîner des comportements prosociaux. Certains travaux ont notamment pu montrer que l’ostracisme pouvait rendre les individus plus sensibles à diverses techniques d’influence sociale. Williams et coll. (2000, expérience 2) ont fait passer, à la suite du Cyberball, une tâche inspirée du paradigme du conformisme de Asch (1956). Ils ont ainsi constaté que les participants exclus avaient davantage tendance à se conformer à l’opinion d’autrui que les inclus. Carter-Sowell, Chen et Williams (2008) ont observé une sensibilité accrue des participants exclus par rapport aux inclus à diverses techniques d’influence sociale (pied dans la porte et porte au nez). Enfin, Riva, Williams, Torstrick et Montali (2014) ont mis en évidence que les participants exclus par l’intermédiaire du Cyberball se soumettaient davantage à une requête demandée par l’expérimentateur que les participants inclus. Nous l’avons vu, le fait de se sentir exclu ou ignoré entraîne une diminution du sentiment d’appartenance, besoin fondamental pour l’individu (Baumeister, Leary, 1995). Par conséquent et dans un but adaptatif, celui-ci conduit à un désir de renouer des liens (DeWall, Richman, 2011), pouvant se traduire en partie par une sensibilité accrue aux stimuli sociaux. Ainsi, il a été montré que les individus en situation d’exclusion se remémoraient les informations sociales avec plus de facilité que les inclus (Gardner, Pickett, Brewer, 2000), qu’ils identifiaient mieux les émotions subtiles, véhiculées par les expressions faciales ou le ton de la voix (Pickett, Gardner, Knowles, 2004), et qu’ils avaient une attention sélective plus prononcée vers les stimuli évoquant une acceptation sociale comme les sourires (Dewall, Maner, Rouby, 2009). L’ostracisme entraîne également des comportements de mimétisme inconscient. Lakin, Chartrand et Arkin (2008) ont ainsi montré que les personnes ostracisées étaient plus disposées à imiter le comportement non verbal d’une personne avec qui ils interagissent (notamment si cette personne est membre d’un endogroupe). D’une manière générale, il semble que les comportements prosociaux observés en suite d’une situation d’ostracisme aient un rôle adaptatif, pour permettre à l’individu de recréer plus facilement du lien social.

30L’ambivalence des résultats, quant à l’impact de l’ostracisme sur le comportement prosocial versus antisocial a toujours fait l’objet d’une vive interrogation dans la communauté scientifique (par exemple, Wesselmann, Ren, Williams, 2015). D’après Williams (2007), les comportements prosociaux résulteraient surtout d’une menace des besoins d’appartenance et d’estime de soi, alors que les comportements antisociaux seraient surtout la conséquence d’une menace des besoins de contrôle et de reconnaissance. Balliet et Ferris (2013) ont, quant à eux, fait l’hypothèse que la différence de réponse par augmentation ou diminution des comportements prosociaux, mis en place après un épisode d’ostracisme, pourrait s’expliquer en partie par la manière dont l’individu gère le conflit, entre la tentation immédiate d’une réaction hostile après avoir été exclu et le bénéfice qu’il peut retirer sur le long terme à ne pas agir de la sorte. Ces auteurs ont ainsi montré que les sujets manifestaient d’autant moins de comportements prosociaux après avoir été exclus qu’ils anticipaient peu les conséquences futures de leurs actes.

Ostracisme et affiliations idéologiques

31L’ostracisme peut avoir un effet sur la propension à adhérer à certaines valeurs et idéologies. Celui-ci semble par exemple avoir un fort impact sur les comportements religieux. Aydin, Fischer et Frey (2010) ont pu mettre en évidence que les personnes exclues rapportaient de plus hauts niveaux d’affiliation religieuse et qu’elles se déclaraient plus enclines à s’engager dans des comportements pieux. Schaafsma et Williams (2012) ont également montré que le fait d’être expérimentalement exclus conduisait les individus pratiquants à adhérer davantage à des idées relevant du fondamentalisme religieux (cet effet était d’autant plus marqué que l’exclusion provenait d’un membre de l’endogroupe). Enfin, Gómez, Morales, Hart, Vázquez et Swann (2011) ont montré que, chez les individus fortement identifiés à un groupe, l’ostracisme (notamment de la part de membres de l’endogroupe) pouvait induire davantage d’idées d’actions extrêmes pro-endogroupe (par exemple combattre pour l’honneur du groupe).

32Il a également été montré que l’ostracisme entraînait une attirance plus prononcée vers les individus et les groupes déviants (Wheaton, 2001), ainsi qu’une plus grande propension à rejoindre des groupes idéologiques extrêmes comme des sectes (Hales, 2014). Il semble que la fonction première de ces comportements soit de restaurer une image de soi endommagée par l’ostracisme et de retrouver un groupe social auquel s’identifier. Les groupes extrêmes semblent, en effet, bien plus que tout autre groupe, proposer un substitut à des groupes comme la famille, les amis, etc. Cela pourrait, en partie, expliquer pourquoi certaines personnes sont prêtes à s’engager dans des groupes aux actions ouvertement antisociales, mais offrant un fort esprit fraternel.

Chronicité de l’ostracisme et résignation

33Nous allons maintenant nous intéresser aux conséquences de l’ostracisme chronique. Ainsi, nous verrons que le fait, pour un individu, de vivre des épisodes d’ostracisme de manière répétée et sur le long terme peut avoir des conséquences particulièrement néfastes quant au bien-être et à la santé.

34Depuis longtemps, divers auteurs ont émis l’hypothèse selon laquelle l’ostracisme constituait une source de troubles psychologiques divers comme l’anxiété et la dépression (Baumeister, Tice, 1990 ; Leary, 1990). DeWall, Gilman, Sharif, Carboni et Rice (2012) ont confirmé le lien entre sentiment d’exclusion et symptomatologie dépressive par l’intermédiaire d’une méthode corrélationnelle et ont, en outre, mis en évidence que l’effet était médiatisé par le degré d’autocontrôle du participant.

35Zadro (2004) a réalisé des entretiens avec des personnes victimes d’ostracisme chronique. Elle a ainsi mis en évidence que ces personnes avaient une tendance à se résigner et à finir par « accepter leur sort ». Cette idée a été reprise par Williams (2009), qui a émis l’hypothèse que lorsque l’ostracisme devenait chronique, les victimes avaient tendance à se résigner et à ne plus tenter de restaurer les besoins menacés. Elles développeraient ainsi des symptômes de résignation acquise (Seligman, 1975) et chercheraient à éviter, dans la mesure du possible, les interactions sociales pouvant être source de souffrance (Smart Richman, Leary, 2009 ; Vangelisti, Young, Carpenter-Theune, Alexander, 2005).

36Nous l’avons vu, l’ostracisme peut avoir de lourdes conséquences sur l’individu qui en est la cible, aussi bien à court terme qu’à long terme. Toutefois, on peut se demander s’il existe des facteurs pouvant modérer la menace induite par celui-ci.

Les variables modératrices des effets de l’ostracisme

37Si l’on en croit Williams (2007), l’ostracisme constituerait un comportement social particulièrement puissant et résistant à de nombreux facteurs, tout particulièrement durant la phase réflexive (Williams, 2009). On peut, toutefois, identifier, dans la littérature scientifique, quelques travaux ayant montré que l’ostracisme pouvait être régulé par certaines variables, aussi bien dispositionnelles que situationnelles.

Effet modérateur des caractéristiques des sources et des cibles

38On constate qu’un certain nombre de travaux se sont intéressés à l’effet modérateur du statut des sources d’ostracisme. Parmi ceux-ci, les études sur l’effet de l’ostracisme de la part de membres de l’endogroupe par rapport aux membres de l’exogroupe, semblent être les plus nombreuses. Il semblait plutôt aisé de faire l’hypothèse que l’exclusion par des individus d’appartenance différente de la sienne serait moins menaçant que l’exclusion par des individus de même appartenance que soi, d’autant que les travaux sur la notion d’identité sociale (Tajfel, Turner, 1979 ; 1986) ont bien montré l’importance, pour l’individu, de se définir comme membre de groupes sociaux avec une propension implicite à favoriser les individus de l’endogroupe (Tajfel, Billig, Bundy, Flament, 1971). Les premiers travaux sur ce phénomène n’ont toutefois pas permis de valider cette hypothèse et n’ont pas mis en évidence d’effet modérateur de la variable endogroupe/exogroupe dans l’impact de l’ostracisme sur la menace des besoins sociaux fondamentaux (par exemple, Gonsalkorale, Williams, 2007 ; Smith, Williams, 2004) ou sur le conformisme (Williams et coll., 2000, expérience 2). Cependant, on constate, depuis le début des années 2010, que plusieurs études sont parvenues à mettre en évidence un effet modérateur de cette variable. Cela semble être particulièrement le cas pour les groupes, pour lesquels l’identité est saillante, comme, par exemple, le sexe ou l’origine ethnique. Wittenbaum, Shulman et Braz (2010) ont ainsi montré qu’il était plus menaçant d’être exclu, à la fois, par une personne de même sexe que soi et une personne de sexe opposé, que par deux personnes de sexe opposé. Bernstein, Sacco, Young, Hugenberg et Cook (2010) ont mis en évidence qu’en manipulant l’ostracisme endogroupe/exogroupe (avec le Cyberball), sur la base de groupes fortement essentialisés (comme l’origine ethnique), les effets néfastes de l’ostracisme et les effets bénéfiques de l’inclusion sur la menace des besoins fondamentaux étaient amplifiés en condition endogroupe, par rapport à la condition exogroupe. Au vu de ces quelques résultats, il semble que, pour des groupes fortement essentialisés, l’ostracisme ait des effets d’autant plus puissants que celui-ci provient de membres de l’endogroupe. Ces résultats doivent, toutefois, être confirmés par d’autres travaux.

39Outre le statut endogroupe/exogroupe, le nombre de sources et leur lien affectif perçu peuvent modérer l’impact de l’ostracisme sur la menace. Ainsi, Abayhan et Aydin (2014), en utilisant le paradigme « Get Acquainted », ont montré que l’ostracisme était d’autant plus menaçant que les sources étaient nombreuses (voir aussi Tobin, McDermott, French, 2016) et les cibles peu nombreuses. Iannone, McCarty, Kelly et Williams (2014) ont, quant à eux, observé que le fait d’être exclu (avec le Cyberball) par deux personnes qui se connaissent et sont amies est moins menaçant pour les besoins fondamentaux que d’être exclu par des personnes qui ne se connaissent pas entre elles.

40Le nombre de cibles, ainsi que leur lien affectif, constituent également un modérateur. Van Beest, Carter-Sowell, van Dijk et Williams (2012, expérience 2) ont ainsi montré que le fait de jouer au Cyberball par groupes de deux permettait un meilleur ajustement à la menace induite par l’ostracisme. Enfin, Teng et Chen (2012) ont mis en évidence que la présence d’une personne proche (ami), pendant un épisode d’ostracisme, réduit la menace induite par celui-ci (même si cet effet a été essentiellement observé chez les personnes ayant une estime de soi élevée et non chez les personnes ayant une faible estime de soi).

41Parmi les variables modératrices de l’ostracisme, le statut des sources et des cibles semble être important à prendre en compte pour une validité écologique suffisante. En effet, l’étude d’un ostracisme « brut » (sans prise en compte des identités ou des statuts des sources et des cibles) semble atteindre rapidement ses limites, en raison de la rareté de ce type de situation dans la vie quotidienne.

Le rôle modérateur des variables sociodémographiques

42Les appartenances sociales effectives de la cible d’ostracisme semblent (dans certains cas) constituer un modérateur. Williams et Sommer (1997) ont, par exemple, étudié l’impact de l’ostracisme sur la compensation/paresse sociale et ont mis en évidence des résultats différents chez les hommes et les femmes dans cette dimension. Les auteurs ont montré que, dès lors que l’on proposait une tâche collective aux participants, les femmes exclues participaient davantage, alors que cet effet ne se manifestait pas chez les hommes. Pour les auteurs, la participation à une tâche collective témoigne de la volonté de réintégrer un groupe après un épisode d’ostracisme et les hommes et les femmes n’auraient pas la même stratégie d’ajustement face à l’ostracisme. Toujours pour ce qui touche à la variable sexe, Hawes et coll. (2012) se sont intéressés à l’impact de l’ostracisme sur la mémoire de travail des enfants de 8 à 12 ans, garçons et filles. Ces auteurs ont observé un déclin de la mémoire de travail en situation d’ostracisme, mais uniquement chez les filles. Les auteurs pensent que ces résultats peuvent s’expliquer par la plus grande propension des filles à avoir recours à la rumination mentale.

43L’ostracisme semble également avoir des effets différents selon l’âge de la cible. Pharo, Gross, Richardson et Hayne (2011) ont étudié l’impact de l’ostracisme sur des participants de trois tranches d’âge (13-17 ans, 18-22 ans et 23-27 ans). Ces auteurs ont montré que si l’ostracisme constituait une menace des besoins fondamentaux pour tous les groupes, la magnitude de l’effet était plus importante sur les deux groupes les plus jeunes que sur le groupe le plus âgé. De la même manière, Abrams, Weick, Thomas, Colbe et Franklin (2011) ont montré que l’ostracisme menaçait davantage le besoin d’estime de soi chez les enfants par rapport aux autres tranches d’âge et que, chez les adolescents, le besoin d’appartenance était plus menacé que les autres besoins. Enfin, l’ostracisme semble avoir un impact plus important sur les minorités ethniques. Goodwin, Williams et Carter-Sowell (2010) ont ainsi observé que, lors d’une situation d’ostracisme, les participants noirs se sentaient légèrement plus menacés que les participants blancs.

44D’une manière générale, au vu des quelques travaux cités, on pourrait se demander si les groupes socialement dominés (minorités ethniques, femmes…) ne seraient pas plus affectés par l’ostracisme que les individus des groupes dominants. Cette hypothèse serait toutefois à confirmer par de futurs travaux expérimentaux.

Le rôle modérateur des variables dispositionnelles et de personnalité

45Bien que relativement peu nombreux à ce jour, certains travaux ont permis de mettre en évidence le rôle modérateur de variables dispositionnelles sur les effets de l’ostracisme.

46Onoda et coll. (2010) ont étudié l’effet de l’estime de soi « trait » sur la réaction neurologique à l’ostracisme et également sur la menace des besoins fondamentaux. Ces auteurs ont montré que les individus ayant une faible estime de soi étaient davantage menacés par l’ostracisme que les individus ayant une estime de soi plus forte (voir aussi Nezlek et coll., 1997, expérience 2). On notera enfin que Ren, Wesselmann et Williams (2013) ont montré qu’un concept de soi interdépendant (en relation avec autrui plutôt qu’individuel) facilitait la restauration des besoins menacés en suite d’un épisode d’ostracisme (mais n’avait aucun effet sur la menace initiale).

47D’un point de vue psychopathologique, il semble que certains troubles puissent modérer l’impact de l’ostracisme sur l’individu. Plusieurs travaux ont, par exemple, pu montrer que les effets de l’ostracisme pouvaient être accentués chez les personnes socialement anxieuses. En effet, Zadro, Boland et Richardson (2006) ont montré que les personnes socialement anxieuses restauraient plus lentement leurs besoins menacés après un épisode d’ostracisme (alors qu’aucune différence entre les anxieux et non anxieux n’était apparue durant la phase réflexive). De la même manière, Oaten et coll. (2008) ont montré que la baisse de l’autorégulation, généralement observée en suite d’un épisode d’ostracisme, persistait davantage chez les personnes socialement anxieuses que chez les non anxieuses. Outre l’anxiété sociale, la dépression semble modérer l’impact psychologique de l’ostracisme. En effet, Jobst et coll. (2014) ont montré que les personnes souffrant de dépression chronique réagissaient plus fortement à l’ostracisme (voir aussi Nezlek et coll., 1997, expérience 1). Leurs besoins sociaux fondamentaux étaient légèrement plus menacés (l’effet n’était toutefois que tendanciel) et leur humeur était davantage altérée.

48Si certains troubles semblent renforcer les effets négatifs de l’exclusion, il semble que d’autres troubles soient, en revanche, associés à une moindre menace durant un épisode d’ostracisme. Wirth, Lynam et Williams (2010) ont ainsi pu montrer que les troubles de la personnalité du groupe A (personnalité paranoïaque, schizoïde ou schizotypique) semblaient être associés à une plus grande résistance à la menace induite par l’ostracisme, ce qui n’était pas le cas pour les troubles des groupes B (personnalité antisociale, borderline, histrionique ou narcissique) et C (personnalité évitante, dépendante, ou obsessive-compulsive). Si l’on en croit ces auteurs, les individus souffrant des troubles de groupe A ressentent les interactions sociales comme aversives et, par conséquent, l’exclusion pourrait être vue comme une échappatoire potentielle.

49Comme nous pouvons le constater, malgré le fait que l’ostracisme constitue une menace très puissante pour l’individu, il semble que certains paramètres inhérents aux sources et aux cibles soient à prendre en compte pour évaluer de manière précise la menace induite par celui-ci. Cependant, on peut également se demander si la personne ostracisée ne peut pas mettre en place des stratégies d’ajustement cognitives ou comportementales pour faire face à l’ostracisme.

Ostracisme et stratégies d’ajustement

50Bien que les recherches sur ce sujet soient encore à leur début, il semble que certaines stratégies soient plus efficaces que d’autres dans l’ajustement de l’individu à une situation d’ostracisme.

51Molet, Macquet, Lefebvre et Williams (2013) ont observé que le fait d’entraîner des participants à une focalisation attentionnelle « ici et maintenant » permettait un meilleur ajustement à une exclusion expérimentale via le Cyberball. Schnabel et Asendorpf (2015) ont également montré que le fait de proposer un entraînement cognitif à des associations entre des situations sociales et l’acceptation (par l’intermédiaire d’un Implicit Association Test adapté) permettait de réduire les associations implicites entre le soi et le rejet chez des individus socialement anxieux. En revanche, Wesselmann, Ren, Swim et Williams (2013) ont observé que le fait d’induire expérimentalement un phénomène de rumination mentale (versus de distraction) permettait une moins bonne restauration des besoins menacés par l’ostracisme.

52Certaines stratégies semblent également efficaces pour atténuer l’effet de l’ostracisme sur l’agressivité. Par exemple, Warburton, Williams et Cairns (2006) ont montré que le fait de restaurer un sentiment de contrôle chez l’individu ostracisé lui permettait d’être moins agressif. Twenge et coll. (2007) ont également mis en évidence que le fait de proposer au participant une interaction amicale (versus neutre) avec un expérimentateur ou de lui permettre d’écrire à propos d’une personne chère permettait également d’éliminer les effets de l’ostracisme sur l’agressivité. Enfin, Aydin et coll. (2010, expérience 5) ont montré, chez des participants de confession chrétienne, que le fait de leur permettre de s’exprimer à propos de leur religion et de leur foi (en comparaison à un thème moins important pour eux) permettait d’éliminer le lien traditionnellement observé entre ostracisme et agressivité.

53Les travaux sur les stratégies d’ajustement mises en place par l’individu dans une situation d’ostracisme, bien que peu nombreux à ce jour, semblent particulièrement utiles quant à l’applicabilité. Ils semblent, en effet, pouvoir fournir des données intéressantes sur des éventuels exercices « thérapeutiques » à proposer à des personnes cibles d’ostracisme.

En conclusion

54Nous avons, dans cet article, abordé le phénomène d’ostracisme de façon assez large et présenté les recherches parmi les plus importantes ayant été réalisés à ce jour sur ce sujet. Ce que nous pouvons principalement en retenir, c’est que la grande majorité de ces travaux ont bien mis en évidence le fait que l’ostracisme constitue une menace majeure pour le bien-être de l’individu. Ce malaise peut se traduire aussi bien au niveau affectif, par une baisse significative de l’estime de soi et des sentiments d’appartenance, de contrôle et d’existence significative, mais, également, au niveau comportemental, puisque l’ostracisme peut entraîner des comportements sociaux problématiques, socialement inadaptés et, pire encore, qui peuvent conduire l’individu à se faire exclure encore davantage. Il peut ainsi induire, s’il est vécu de manière répétée et sur le long terme, un sentiment d’impuissance chronique. Nous pensons que ce champ d’étude, encore peu connu en dehors de la psychologie sociale, devrait être pris en compte dans d’autres champs de la psychologie. Il semble, par exemple, que celui-ci puisse être particulièrement utile dans les pratiques thérapeutiques. Il pourrait être également intéressant de sensibiliser les personnels des institutions comme les écoles, les entreprises ou les hôpitaux quant aux méfaits que ce sentiment peut causer sur l’individu cible en proposant, par exemple, des formations sur le sujet. Le thème de l’ostracisme a donné lieu à un nombre croissant de publications en psychologie sociale ces dix dernières années et nous pensons que ce champ d’étude a encore de nouvelles pistes à explorer à l’heure actuelle, tout particulièrement en matière d’applicabilité. C’est pour cela qu’il semble important que ce champ de connaissance soit plus largement connu, notamment par les psychologues praticiens et les travailleurs sociaux.

Notes

  • [a]
    Université de Rouen-Normandie, France.
    Correspondance : Anthony Cursan, Université de Rouen-Normandie, Département de psychologie, rue Lavoisier, 76821 Mont-Saint-Aignan Cedex, France.
    Courriel : anthony.cursan@univ-rouen.fr
  • [b]
    Université de Bordeaux, France.
  • [1]
    Traitement par le silence, ou, selon le contexte, placardisation.
  • [2]
    Cyberball est un outil actuellement téléchargeable gratuitement sur la page http://williams.socialpsychology.org/research
  • [3]
    Ce résultat a été essentiellement mis en évidence chez des adolescents.
  • [4]
    Homicide de masse (avec une arme à feu).
Français

Cet article présente une revue de littérature des principaux travaux sur l’ostracisme (le fait d’être exclus ou ignoré) parus ces vingt dernières années. D’une manière générale, les résultats sont très concordants sur le fait que l’ostracisme constitue une menace des besoins d’appartenance, de contrôle, de maintien d’une estime de soi élevée et d’être reconnu comme existant de manière significative. Il peut conduire à un sentiment de douleur, à des comportements inadaptés et, s’il devient chronique, à un sentiment d’aliénation et d’impuissance acquise. Cet article présente également l’effet de plusieurs variables dispositionnelles et situationnelles pouvant modérer la menace induite par l’ostracisme. Enfin, nous proposons une réflexion sur les différents résultats présentés en matière d’applicabilité.

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Anthony Cursan [a]
  • [a]
    Université de Rouen-Normandie, France.
    Correspondance : Anthony Cursan, Université de Rouen-Normandie, Département de psychologie, rue Lavoisier, 76821 Mont-Saint-Aignan Cedex, France.
    Courriel : anthony.cursan@univ-rouen.fr
Alexandre Pascual [b]
  • [b]
    Université de Bordeaux, France.
Marie-Line Félonneau [b]
  • [b]
    Université de Bordeaux, France.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 02/10/2017
https://doi.org/10.3917/bupsy.551.0383
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