CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 Le caractère malléable du Soi est une composante essentielle dans la constitution d’une identité virtuelle dans les interactions en ligne (Turkle, 1995). Les avatars (c’est-à-dire des représentations numériques de soi) sont un exemple particulièrement représentatif de cette malléabilité dans les environnements virtuels. En effet, l’avatar est un personnage, souvent personnalisable, qui symbolise l’utilisateur en projetant son identité et ses actions dans le virtuel (Ducheneaut, Wen, Yee, Wadley, 2009). L’utilisateur a la possibilité de créer un avatar à son image, d’expérimenter une multiplicité d’identités ou de mettre en avant certaines facettes de son soi idéal (Bessiere, Seay, Kiesler, 2007). Les possibilités offertes par la personnalisation de l’avatar permettent en effet de moduler les rôles sociaux, l’identité ou encore le genre des utilisateurs.

2 De ce fait, puisque les avatars permettent à l’utilisateur de changer d’apparence dans l’environnement virtuel, une question centrale consiste à savoir si les avatars sont susceptibles de moduler les comportements des utilisateurs qui les incarnent. Ainsi, lorsqu’on incarne un avatar particulier, les spécificités de ce personnage – et, donc, de l’identité virtuelle – peuvent-elles nous conduire à nous comporter et nous exprimer différemment, voire à penser différemment ? Cette question concerne en premier lieu l’influence que l’avatar peut exercer sur les comportements mis en œuvre par l’individu directement dans l’environnement virtuel. Cependant, nous discuterons également du maintien potentiel de cette influence à l’issue de l’immersion dans le virtuel, un phénomène susceptible de moduler les comportements dans le réel.

3 D’un autre côté, l’analyse des interactions en environnement virtuel ne se limite pas à l’influence exercée par les avatars que l’utilisateur est susceptible d’incarner. Les sources d’influence sont, en effet, multiples puisqu’elles peuvent reposer sur l’apparence de l’avatar de l’utilisateur, de son (ses) interlocuteur(s), ou sur l’apparence des agents conversationnels animés (personnages non directement incarnés par des utilisateurs, contrôlés par le système informatique) susceptibles d’être intégrés à l’environnement. Dans cette perspective, il s’agit donc d’appréhender l’influence globale que l’apparence des personnages virtuels peut exercer sur les comportements et les attitudes des utilisateurs amenés à interagir en environnement virtuel. Cette analyse revêt une importance particulière dans un contexte sociétal où l’utilisation des environnements virtuels, des jeux vidéo et des interfaces de communication médiatisées par des avatars connaît un essor considérable.

4 Après avoir abordé les considérations théoriques classiques de l’anonymat et de ses effets sur la perception de soi, nous développerons des conceptions plus récentes appliquées aux environnements virtuels. Cette analyse permettra d’étudier dans quelle mesure 1° la représentation numérique de soi et 2° les autres représentations virtuelles (avatar d’autres utilisateurs et agents conversationnels animés) peuvent influencer les comportements et les attitudes de l’individu. Par la mise en perspective de ces différentes sources d’influence, nous tenterons d’éclairer les spécificités des interactions sociales en environnement virtuel.

Théories classiques

5 L’étude des effets que les représentations numériques de soi exercent sur les individus repose sur une tradition de recherche déjà ancienne. De nombreuses expériences classiques en psychologie sociale ont, en effet, abordé cette problématique, notamment via l’étude des effets des costumes. Sur un plan théorique, elles ont contribué à étayer ou nuancer les propositions des théories de l’auto-perception et de la désindividuation.

Théorie de l’auto-perception

6 Selon la théorie de l’auto-perception (Bem, 1972), les individus observent leurs propres comportements pour inférer les attitudes et les dispositions personnelles qui peuvent en être à l’origine. Comme le souligne Bem, si les états internes de l’individu sont ambigus ou difficilement interprétables, ce dernier fonde son observation sur des indices externes, en adoptant la même position qu’un observateur extérieur, « qui doit nécessairement s’appuyer sur ces mêmes indices externes pour inférer les états internes de l’individu » (Bem, 1972, p. 3). En accord avec ce postulat, une expérience réalisée par Valins (1966) révèle que des participants amenés à croire que les battements de leur cœur augmentent à la vue de certaines photographies de femmes dénudées, jugent ces dernières comme significativement plus attractives. Un observateur extérieur ayant accès aux mêmes informations aurait pu produire des inférences sensiblement similaires (à ce propos, voir aussi Schachter, Singer, 1962). Dans une autre étude, Frank et Gilovich (1988) ont montré que des participants portant des uniformes noirs présentent des comportements plus agressifs que des sujets vêtus de blanc – la couleur noire étant généralement associée à la mort et au mal (Adams, Osgood, 1973), tandis que le blanc est davantage associé au bien, à l’entraide (Meier, Robinson, Clore, 2004). Ce phénomène a été observé en laboratoire, mais également suite à l’analyse des fautes et pénalités infligées à des équipes de sport selon la couleur de leurs maillots : les joueurs de football américain et de hockey sur glace se comportent de façon plus agressive lorsqu’ils portent des maillots noirs. Le phénomène a également été observé au sein de mêmes équipes, lorsqu’elles étaient amenées à changer la couleur de leur maillot au cours d’une saison sportive. L’explication formulée par Frank et Gilovich (1988) est que l’observation de leur apparence conduit les joueurs à faire des inférences implicites concernant leurs dispositions personnelles (je suis une personne agressive) qui aboutissent à des changements comportementaux effectifs (je choisis un type de jeu plus agressif). Ainsi, soulignant l’influence du contexte sur le concept de soi, les auteurs concluent que « différentes situations, différents rôles, et même différents uniformes, peuvent nous inciter à expérimenter des identités différentes » (Frank, Gilovich, 1988, p. 84).

7 L’influence des costumes sur le comportement a été étudiée de façon encore plus directe par Johnson et Downing (1979). Dans cette étude, des participantes, vêtues d’un costume ressemblant à celui des membres du Ku Klux Klan (KKK) ou d’un costume d’infirmière, devaient administrer des chocs électriques fictifs à un compère. Selon les cas, les participantes pouvaient donc revêtir un costume associé à des indices comportant une tonalité négative ou positive. Les résultats révèlent que les participantes vêtues en membre du KKK choisissaient d’administrer des chocs électriques d’intensité élevée tandis que les participantes vêtues en infirmières se montraient plus clémentes. En accord avec la théorie de l’auto-perception, les participantes vêtues d’un uniforme du KKK se montraient plus agressives, comme pourrait s’y attendre un observateur extérieur.

Théorie de la désindividuation

8 Initialement, la désindividuation correspond à un état caractérisé par une altération de la conscience de soi et de la capacité à raisonner sur ses actions d’une manière autocritique (Festinger, Pepitone, Newcomb, 1952). Plus précisément, les situations de foule ou d’anonymat en groupe provoqueraient une perte d’identité personnelle engendrant une baisse des inhibitions, du sentiment de responsabilité et d’exposition. Dans ce contexte, les individus pourraient donc réaliser des comportements qu’ils n’auraient pas mis en jeu s’ils avaient été seuls ou personnellement identifiables (Festinger et coll., 1952). Zimbardo (1969) a insufflé une tonalité plus négative à la notion de désindividuation en y intégrant un ensemble de facteurs qui minimisent le contrôle de soi lié à la honte, la culpabilité ou la peur et conduisent à des comportements qui transgressent les normes en vigueur : impulsion, irrationalité, comportement régressif, comportement antisocial, etc. En conséquence, l’anonymat faciliterait l’apparition de comportements négatifs ou contre-normatifs tels que l’administration de chocs électriques ou l’expression d’un discours obscène (voir par exemple Diener, 1980 ; Singer, Brush, Lublin, 1965 ; Zimbardo, 1969). Dans le cadre d’une étude menée en milieu naturel le soir d’Halloween, Diener, Fraser, Beaman et Kelem (1976) ont observé le comportement des enfants venus chercher des friandises. Lorsque le costume garantissait l’anonymat et que les enfants arrivaient en groupe, ils avaient significativement plus tendance à voler des pièces de monnaie et des bonbons supplémentaires (comportements transgressifs allant à l’encontre de la consigne donnée par l’adulte venu les accueillir) que lorsqu’ils étaient seuls ou personnellement identifiables.

9 Ceci étant, plusieurs travaux suggèrent que les conséquences de la désindividuation ne sont pas toujours négatives (pour une méta-analyse voir Postmes, Spears, 1998). Par exemple, l’expérience de Johnson et Downing (1979) évoquée plus haut manipulait également la désindividuation (présence versus absence de l’affichage du nom du participant). Les résultats révèlent que si la désindividuation n’augmente pas significativement l’intensité des chocs électriques en condition « KKK », les « infirmières » se montrent, quant à elles, encore plus clémentes en condition de désindividuation que d’individualisation. Or, la théorie classique de la désindividuation ne peut pas rendre compte de cette accentuation du comportement pro-social des infirmières. Gergen, Gergen, et Barton (1973) ont également montré que des participants désindividués (anonymes dans une chambre noire) ne se montraient pas plus agressifs mais avaient, au contraire, tendance à aborder des thèmes de conversation plus personnels et à se montrer davantage affectueux.

10 Ces résultats entrent donc en opposition avec la conception initiale de la désindividuation portée par les propositions de Festinger et coll. (1952) et plus particulièrement de Zimbardo (1969). Autrement dit, le fait que la désindividuation produise des changements comportementaux semble empiriquement bien établi, mais ces changements ne sont pas nécessairement négatifs. Plusieurs auteurs ont donc réinterrogé les interprétations négatives de la théorie (par exemple, Johnson, Downing, 1979 ; Postmes, Spears, 1998). Selon Gergen et coll. (1973), la désindividuation peut faire apparaître des comportements pro-sociaux ou antisociaux, le facteur déterminant est en réalité la tonalité des différents indices identitaires présents dans la situation. Dans une acception assez proche, Diener (1980) considère que la réactivité de l’individu désindividué aux stimuli immédiats n’est pas médiatisée par la conscience, mais se rapprocherait plus d’un schéma béhavioriste de type stimulus-réponse. Le corollaire de ce processus est que la désindividuation accentue la focalisation des individus sur les sollicitations immédiates de la situation. C’est donc la tonalité des indices contextuels qui orienterait les effets du processus de désindividuation, et non l’anonymat en tant que facteur isolé. Ainsi, selon Spivey et Prentice-Dunn (1990), la désindividuation est avant tout une condition neutre, mais qui maximise la sensibilité des individus aux influences de l’environnement. Il en résulte que l’impact des indices identitaires est particulièrement fort lorsque les individus sont déindividués. En conséquence, l’anonymat peut maximiser l’effet des costumes portés puisque « la désindividuation augmente l’impact des indices identitaires sur l’autoperception » (Yee, Bailenson, Ducheneaut, 2009, p. 292). Les costumes peuvent donc agir comme des points de repères identitaires, qui constitueront une image de soi ponctuelle (prosociale ou antisociale), d’autant plus propice à moduler les comportements que les individus sont déindividués.

11 En résumé, l’auto-perception permet de créer les conditions de la mise en place d’un lien psychologique qui modulera les comportements ultérieurs d’un individu via les indices identitaires associés à son apparence. Parallèlement, il apparaît que l’influence des indices identitaires est renforcée en situation de désindividuation, maximisant de ce fait leur impact sur l’autoperception et, donc, sur la modulation des attitudes et des comportements. Dès lors, on distingue le pouvoir identitaire que les avatars peuvent exercer sur les utilisateurs qui les incarnent.

L’effet Proteus : autoperception en environnement virtuel

12 Selon Yee et Bailenson (2009), les environnements virtuels, qui rendent les interlocuteurs anonymes, peuvent être vus comme des versions numériques de la chambre noire de l’expérience « Deviance in the dark » citée plus haut (Gergen et coll., 1973). Il s’agit, en effet, d’espaces propices à la désindividuation en raison de l’anonymat et de l’isolement physique des différents utilisateurs. En outre, dans ces environnements, l’avatar n’est pas un simple costume mais une « représentation de soi pleine et entière » (Yee, Bailenson, 2007, p. 274). En d’autres termes, le costume est un indice identitaire parmi d’autres, mais l’avatar constitue le premier indice identitaire dans les environnements virtuels. De ce fait, les individus déindividués dans ces environnements devraient être particulièrement sensibles aux indices sociaux associés à la nouvelle identité qu’ils infèrent à partir de leur avatar. De la même façon que les individus en uniformes noirs se conforment à une identité plus agressive (Frank, Gilovich, 1988), les utilisateurs percevront les spécificités de leur avatar et s’y conformeront en adoptant des comportements enclins à confirmer les attentes d’un hypothétique observateur extérieur. Sous l’action de sa propre image, de la représentation de soi virtuelle, l’individu va donc s’auto-influencer et rationaliser ses attitudes et ses comportements au sein de l’environnement virtuel, dans le sens des indices identitaires véhiculés par l’avatar. Cette influence de l’apparence de l’avatar est appelée « effet Proteus » (du nom du dieu de la mythologie grecque qui possédait la faculté de métamorphose). En accord avec la théorie de l’autoperception, ce phénomène peut apparaître même lorsque l’individu est seul. L’utilisateur peut, en effet, se percevoir « à la troisième personne », en adoptant le point de vue d’un observateur extérieur. Ainsi, s’il est trivial de rappeler que l’utilisateur exerce un contrôle et une influence directe sur l’avatar qu’il incarne, ce dernier peut aussi infléchir les comportements et les attitudes de l’utilisateur. En conséquence, on peut considérer que « la relation utilisateur/avatar s’initie de façon circulaire et conduit à l’élaboration d’une identité spécifique » (Guegan, Michinov, 2011, p. 231).

13 L’effet Proteus a été testé expérimentalement à travers différentes études. Dans une première étude (Yee, Bailenson, 2007), les participants incarnaient un avatar (attractif versus moyennement attractif versus non attractif) et entraient en contact avec un interlocuteur de sexe opposé. L’attractivité étant perçue – de manière stéréotypée – comme liée aux comportements amicaux (Dion, Berscheid, Walster, 1972), incarner un avatar attractif devrait moduler les comportements de l’utilisateur, en accord avec les attentes d’un hypothétique observateur extérieur. Durant l’expérience, le participant ne voyait jamais l’apparence réelle de l’interlocuteur et réciproquement (un rideau noir séparait la salle), afin de ne pas altérer le processus de désindividuation.

Figure 1

Exemple d’avatar utilisé par Yee, Bailenson (2007)

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Exemple d’avatar utilisé par Yee, Bailenson (2007)

14 Les résultats mettent en évidence que les participants de la condition attractive diminuent la distance interpersonnelle entre les avatars et révèlent significativement plus d’informations sur eux-mêmes que les participants incarnant un avatar non attractif. Autrement dit, le fait d’incarner un avatar d’apparence attractive conduit les participants à se montrer plus intimes dans leurs interactions sociales en environnement virtuel. Il est à noter que ce phénomène résulte de la simple exposition à un miroir virtuel permettant au participant d’observer son avatar durant environ une minute. Puisque les participants percevaient l’environnement en vue subjective (c’est-à-dire à travers les yeux de l’avatar), l’avatar n’était plus visible après cette phase d’exposition initiale. Les auteurs considèrent donc que l’effet Proteus s’initie quasi instantanément.

15 Dans une seconde étude, les auteurs ont manipulé la taille de l’avatar, un facteur identifié comme relevant davantage de l’estime de soi et de la compétence que de l’attractivité (Young, French, 1996). Les participants (hommes versus femmes) incarnaient un avatar (grand versus petit versus de même taille que l’interlocuteur) et entraient en contact avec un interlocuteur du sexe opposé. L’interlocuteur était, en réalité, un compère qui se comportait de la même façon dans toutes les conditions expérimentales. L’étude reposait sur une tâche de négociation dans l’environnement virtuel. Selon cette tâche (« Ultimatum Game » ; Forsythe, Horowitz, Savin, Sefton, 1994), deux interlocuteurs décident, à tour de rôle, de la façon de répartir une somme d’argent entre eux. L’un des interlocuteurs opère la répartition et l’autre accepte ou rejette cette décision. En cas d’acceptation, l’argent est attribué à chacun selon les termes de la répartition ; en cas de rejet personne n’obtient d’argent. Les résultats révèlent que les avatars de grande taille amènent les individus à se montrer plus confiants et déloyaux dans une négociation que les avatars de petite taille. Les participants incarnant des avatars de grande taille avaient plus tendance à proposer des répartitions inéquitables. De façon corollaire, les participants incarnant des avatars de petite taille avaient significativement plus tendance à accepter une répartition inéquitable qui leur était défavorable.

16 Cette étude a été répliquée afin d’observer si la modulation comportementale initiée dans l’environnement virtuel pouvait perdurer lors d’un échange « en présentiel » (Yee et coll., 2009, étude 2). Si la première partie de l’expérience était similaire, la seconde partie amenait les participants à interagir en face-à-face. Les deux interlocuteurs réalisaient donc, une nouvelle fois, la tâche de négociation. Les résultats reproduisent le phénomène mis en évidence par Yee et Bailenson (2007), à savoir que le fait d’incarner un avatar de grande taille conduit l’utilisateur à se montrer plus déloyal lors de la négociation dans l’environnement virtuel. Mais il apparaît également que ce phénomène se maintient, en dehors de l’environnement virtuel, lors d’une négociation subséquente en face-à-face. Ainsi, l’influence de l’avatar incarné perdure à l’issue de la situation de désindividuation en environnement virtuel. Il est également important de souligner que les participants n’ont pas conscience de l’influence exercée par l’apparence de leur avatar ; l’effet Proteus s’initie donc de manière relativement implicite.

17 Cette première série d’expériences comporte toutefois un certain nombre de limites. Dans ces études, les participants intègrent, en effet, l’environnement virtuel via un dispositif d’immersion (visiocasque à détection de mouvement) apportant une perception en vue subjective. Bien que ces dispositifs d’immersion connaissent un essor considérable, ils restent éloignés de la réalité actuelle des interactions en environnement virtuel, où les utilisateurs perçoivent le plus souvent leurs avatars à la troisième personne (vue de dos) et par l’intermédiaire d’un écran d’ordinateur. Des études plus récentes ont permis d’obtenir des résultats sensiblement similaires mais dans des situations plus écologiques (par exemple, Peña, Hancock Merola, 2009 ; Peña, McGlone Sanchez, 2012 ; Yoon, Vargas, 2014). En outre, Yee et coll. (2009, étude 1) ont réalisé une recherche quasi expérimentale étudiant une population de joueurs du jeu de rôle massivement multi joueurs World of Warcraft (voir figure 2). Les auteurs ont recensé plusieurs dizaines de milliers d’avatars au moyen d’un script automatique. L’attractivité des différents types d’avatars disponibles dans le jeu a d’abord été évaluée par une population de juges. La taille des avatars en fonction de leur race (humain, troll, gnome, etc.) a également été mesurée. Les résultats révèlent que les avatars attractifs de grande taille constituent les avatars les plus puissants (niveaux d’expérience au sein du jeu les plus élevés). Les auteurs en concluent que le choix de l’avatar détermine la manière de jouer. Il est à noter que l’attractivité, la taille ou, plus largement, l’apparence de l’avatar n’impliquent aucun bénéfice fonctionnel pour le joueur. Par exemple, les avatars de grande taille ne se déplacent pas plus rapidement que les avatars de petite taille.

Figure 2

Différents avatars de World of Warcraft (repris de Yee et coll. 2009)

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Différents avatars de World of Warcraft (repris de Yee et coll. 2009)

18 D’autres travaux analysant les situations de jeu massivement multi-joueurs ont également révélé que le sexe de l’avatar incarné peut influencer l’utilisateur en accord avec les stéréotypes de genre et les rôles sociaux associés. Par exemple, les joueuses incarnant un avatar masculin ont plus tendance à s’engager dans des affrontements au sein du jeu et communiquent moins avec les autres joueurs (Huh, Williams, 2010). À l’inverse, les joueurs incarnant un avatar féminin (qu’ils soient des hommes ou des femmes) sont plus enclins à soigner leurs coéquipiers (Yee, Ducheneaut, Yao, Nelson, 2011).

19 Dans leur ensemble, ces différentes recherches permettent d’apprécier l’influence que l’avatar peut exercer sur les comportements, mais également sur les attitudes des utilisateurs. L’étude de Fox, Bailenson et Tricaze (2013) fournit un bon exemple de ce phénomène. Cette expérience examine l’influence que le caractère plus ou moins sexualisé et suggestif d’un avatar féminin peut exercer sur les utilisatrices qui l’incarnent. En particulier, les auteurs ont manipulé deux facteurs : la tenue (sexualisée versus non sexualisée) et le visage de l’avatar (ressemblant à soi versus ne ressemblant pas à soi). Durant l’expérience, chaque participante entrait en interaction avec un avatar masculin. À l’issue de l’interaction, les auteurs mesuraient les pensées liées au physique, c’est-à-dire des éléments d’auto-objectivation (Fredrickson, Roberts, 1997) impliquant de considérer les femmes comme des objets réduits uniquement à des attributs sexuels. Les résultats révèlent que les participantes incarnant un avatar sexualisé expriment davantage d’éléments d’auto-objectivation que les participantes incarnant un avatar non sexualisé. Par ailleurs, cette étude examinait le degré avec lequel les participantes présentaient un biais de responsabilité injustifiée à l’égard des victimes de viol. Il apparaît que les participantes incarnant un avatar sexualisé qui leur ressemble physiquement présentent la plus forte inclination à manifester ce type de biais. En effet, l’attribution de responsabilité à la victime permet de générer des croyances protectrices (si les victimes sont en partie responsables de leur sort, il y a moins de chance que cela m’arrive), d’autant plus utiles que l’avatar sexualisé et l’utilisatrice se ressemblent. Les résultats de cette expérience soulignent l’influence que l’apparence de l’avatar peut exercer au niveau attitudinal et sur le plan de la mobilisation de certains types de croyances.

20 L’étude de Peña et coll. (2009, étude 2) fournit une autre illustration de l’influence des avatars sur les attitudes. Cette étude (inspirée de l’expérience de Johnson, Downing, 1979) amenait les participants à incarner un avatar représentant un médecin, un membre du KKK, ou un corps transparent (condition contrôle). Cette expérience n’utilisait pas la vue subjective, l’avatar étant perçu à la troisième personne. Durant l’expérience, les participants se déplaçaient dans un musée virtuel et devaient imaginer des histoires sur la base des planches exposées (extraites du Thematic Apperception Test). Il apparaît que les participants incarnant un avatar du KKK, dont les attributs stéréotypés sont clairement négatifs, imaginaient les histoires les plus négativement connotées (liées au meurtre, à la vengeance, au crime et au mépris) et comportant moins d’éléments positifs que les participants de la condition médecins et de la condition contrôle. Ainsi, selon Peña et coll., en plus de maximiser l’apparition d’éléments négatifs, « le fait d’utiliser des avatars liés à des associations agressives inhibe davantage les pensées positives » (2009, p. 852).

21 Enfin, sur un plan plus général, il semble que l’effet Proteus puisse s’initier quel que soit le réalisme, la qualité graphique ou le degré de sophistication comportementale de l’avatar : les études citées plus haut ont été réalisées au sein de différents types d’environnements virtuels, utilisant différents moteurs graphiques et différents dispositifs d’immersion. Il ne semble donc pas nécessaire de disposer d’un haut niveau de réalisme, ce sont les indices identitaires qui déterminent les modulations comportementales et attitudinales, et non la qualité du rendu.

Processus sous-jacents

22 L’effet Proteus a été initialement formalisé comme la manifestation des processus d’autoperception et de désindividuation. Or, d’autres processus liés à l’apparence de l’avatar sont susceptibles d’influencer les individus. Il convient donc d’établir plusieurs distinctions conceptuelles. L’objectif de cette partie est également d’aborder l’analyse de processus pouvant faire intervenir les caractéristiques de l’avatar incarné (représentation numérique de soi), mais aussi des représentations numériques d’autrui (avatars incarnés par d’autres utilisateurs). L’analyse de ces processus permettra aussi de suggérer des pistes de recherche dans le domaine des agents conversationnels animés (personnages contrôlés par le système informatique).

La confirmation comportementale

23 Le premier processus, la confirmation comportementale, concerne l’influence qu’une personne (l’observateur) peut avoir sur une autre (la cible). Dans ce système, les comportements de la cible peuvent être modulés de manière à confirmer les attentes de l’observateur (voir notamment « Effet pygmalion » et prophétie auto-réalisatrice ; Merton, 1948 ; Rosenthal, Jacobson, 1971). Par exemple, dans une étude de Snyder, Tanke et Berscheid (1977), des étudiants de sexe opposé étaient placés dans une situation de communication téléphonique. Avant de débuter la communication, une fausse photographie de leur interlocutrice (d’apparence évaluée comme attractive ou non attractive) était présentée aux participants masculins. Les résultats révèlent que les participants qui entraient en contact avec une femme en pensant que cette cible était attractive amenaient cette dernière à se comporter d’une façon sensiblement plus amicale et sociable. De la même façon, un observateur entrant en interaction avec une cible incarnant un avatar attractif pourrait amener cette dernière à se comporter de manière plus sympathique dans un environnement virtuel. Il est à noter que dans l’optique de la confirmation comportementale, la source du changement de comportement dépend bien plus largement de l’observateur que de la cible elle-même. En effet, les comportements et les attentes de l’observateur entraînent les modulations au niveau du comportement de la cible.

24 Afin de caractériser la part de l’autoperception et de la confirmation comportementale dans l’effet Proteus, plusieurs études ont contrôlé la perception que l’interlocuteur avait de l’avatar du participant. Aussi, dans l’étude princeps sur l’attractivité de l’avatar (Yee, Bailenson, 2007), l’interlocuteur ne percevait pas les caractéristiques du visage de l’avatar du participant, il percevait un visage humain sans texture en noir et blanc. Il en va de même concernant la taille de l’avatar, l’avatar du participant conservant la même taille aux yeux de l’interlocuteur, quelle que soit la condition expérimentale. L’effet Proteus est donc bel et bien sous-tendu par un processus qui lui est spécifique. Cependant, dans les environnements virtuels « naturels » en dehors du laboratoire, il est possible que des mécanismes d’autoperception et de confirmation comportementale se combinent, maximisant encore davantage l’impact des représentations numériques de soi. Un plan expérimental complet tenant compte de l’influence de l’observateur semble donc essentiel pour évaluer le poids respectif de ces processus sur les attitudes et les comportements (avatar neutre pour le participant, mais attrayant pour l’observateur, etc.). Dans cette optique, il est aussi possible de placer ces processus en concurrence (par exemple, avatar perçu comme attractif par l’individu mais non attractif par son (ses) interlocuteur(s), et inversement). De nombreux travaux sont donc encore nécessaires pour caractériser l’influence respective de ces processus sur le comportement de l’utilisateur.

L’amorçage

25 Le deuxième processus concerne l’amorçage et l’activation automatique des stéréotypes. La théorie de l’autoperception constitue le principal support théorique permettant de rendre compte de l’effet Proteus, mais l’influence des avatars pourrait aussi être expliquée par l’action implicite des stéréotypes/ concepts sur les comportements. Selon Bargh, Chen, et Burrows (1996), l’amorçage correspond « à l’activation de structures de connaissances, comme des concepts ou des stéréotypes, dans le contexte situationnel » (p. 230). En effet, puisque les cognitions sont organisées dans une structure de connaissances, l’activation d’un certain concept/stéréotype peut se diffuser aux réseaux d’informations associés. Ce phénomène aurait pour effet d’activer les réseaux proches du concept amorcé (diffusion d’activation ; Collins, Loftus, 1975), et d’inhiber les réseaux lointains (diffusion d’inhibition ; Neely, 1977). Ainsi, par exemple, un avatar ayant l’apparence d’un membre du KKK serait susceptible d’activer certains concepts associés (tels que le racisme, l’agression, la violence) tout en inhibant d’autres réseaux (la gentillesse, l’altruisme, l’égalité etc.). Par ce biais, les effets de l’amorçage peuvent avoir une incidence sur les perceptions sociales (Higgins, Rholes, Jones, 1977), mais aussi sur les comportements des individus et leurs interactions avec autrui (Bargh et coll. 1996).

26 En effet, dans une acception proche de la notion d’action idéomotrice, l’assimilation du comportement est un processus selon lequel l’amorçage d’un concept rend plus probable l’émission de comportements congruents avec le concept amorcé. Ainsi, les comportements de l’individu seraient influencés de manière implicite par les concepts que la situation est susceptible d’activer. Par exemple, Bargh et coll. (1996) ont démontré que la présentation de mots liés à la vieillesse (amorçage du stéréotype de la personne âgée) conduisait des participants à marcher significativement plus lentement que des participants exposés à des mots neutres. Dans une autre étude, des participants exposés à l’amorce visant à activer le stéréotype du « professeur » obtenaient de meilleures performances dans une tâche de culture générale que les participants exposés à l’amorce « hooligan » (Dijksterhuis, van Knippenberg, 1998).

27 Il en résulte que si l’effet Proteus relève d’un processus d’amorçage, il serait dû au fait d’être exposé à l’avatar et, donc, aux concepts que son apparence est susceptible d’activer. Selon Peña et coll. (2009), l’amorçage serait le principal mécanisme qui sous-tend l’effet Proteus. Par exemple, le fait de voir un avatar attractif (son propre avatar) peut conduire les participants à se comporter de manière plus sympathique dans le virtuel, en raison d’une association stéréotypée entre les individus attractifs et les comportements amicaux (Dion et coll., 1972). De plus, il est important de noter que l’assimilation du comportement peut être déclenchée par des personnages virtuels incarnés ou simplement perçus par l’utilisateur. En effet, puisqu’il suffit d’être exposé au stimulus pour que ce dernier exerce une influence, les différentes formes de personnages virtuels (avatar de soi, d’autrui, agent conversationnel animé) sont autant de vecteurs potentiels d’amorçage et, donc, d’assimilation comportementale. Autrement dit, selon cette perspective, l’influence des personnages virtuels ne serait pas circonscrite au seul avatar incarné.

Auto-perception versus amorçage

28 Les explications de l’influence des avatars en termes d’autoperception ou d’amorçage font aujourd’hui débat dans la littérature. Dans des proportions équivalentes, ces explications alternatives sont en effet susceptibles de rendre compte des modulations comportementales/attitudinales exercées par les avatars. Ainsi, plusieurs auteurs interprètent ces modulations comme relevant de l’action du processus d’amorçage (par exemple, Peña et coll., 2009, 2012) tandis que d’autres mobilisent la théorie de l’autoperception (par exemple, Yee, Bailenson, 2007 ; Yee et coll., 2009). La différence est pourtant importante car dans le cas de l’autoperception, ces effets seraient spécifiques aux avatars (représentations de soi, impliquant un mécanisme d’incarnation), alors que dans le cas de l’amorçage ils seraient transférables aux autres personnages virtuels.

29 À notre connaissance, seule une étude a tenté de dissocier ces processus (Yee, Bailenson, 2009). Cette expérience reprend la procédure de l’étude princeps sur l’attractivité de l’avatar (Yee, Bailenson, 2007), à la différence que les participants incarnaient un avatar ou observaient ce même personnage sans en avoir le contrôle. Les résultats révèlent que les changements comportementaux observés dans l’environnement virtuel sont plus importants lorsque l’individu incarne l’avatar que lors de la présentation « désincarnée » de ce même stimulus. Aussi, si l’amorçage (via l’assimilation du comportement) fournit des pistes d’explication convaincantes, l’influence des avatars ne semble pas réductible à la seule intervention de ce processus. En l’état actuel des connaissances, on peut donc considérer que l’amorçage peut influencer l’individu exposé à un personnage virtuel et que les effets comportementaux sont intensifiés par le processus d’autoperception, dans le cas où l’individu incarne le personnage.

30 Enfin, il faut également noter que les effets de l’amorçage ne sont théoriquement pas circonscrits à la seule influence des personnages virtuels. En effet, la situation et les différents éléments présents, dans le contexte dans lequel les individus sont insérés, peuvent également être propices à l’amorçage de différents concepts (voir Kay, Wheeler, Bargh, Ross, 2004). L’étude récente de Peña et Blackburn (2013) fournit une illustration de ce phénomène en environnement virtuel. Dans cette expérience, les auteurs ont manipulé le décor virtuel dans lequel les utilisateurs étaient amenés à interagir (une bibliothèque versus un café). Afin d’isoler l’effet de l’environnement virtuel, les participants n’incarnaient pas d’avatars humanoïdes, mais des sphères métalliques. Les résultats de cette étude révèlent que l’environnement influence les comportements et les perceptions mutuelles des interlocuteurs de manière congruente avec les concepts amorcés.

Conclusion et perspectives

31 Les environnements virtuels offrent la possibilité de vivre de nouveaux types d’interactions sociales, caractérisées notamment par la désindividuation et la capacité à jouer avec l’image de soi. Cette revue de question visait à fournir une vue d’ensemble de l’influence que l’apparence des personnages virtuels est susceptible d’exercer sur les utilisateurs, sur les plans comportemental et attitudinal. Les différentes propositions théoriques et les illustrations empiriques présentées permettent d’appréhender la nature multidirectionnelle des liens unissant les personnages virtuels aux utilisateurs : 1° l’apparence de l’avatar peut exercer une influence directe sur l’utilisateur via l’autoperception et/ou le processus d’amorçage ; 2° elle peut aussi exercer une influence indirecte via les attentes générées chez d’autres utilisateurs (confirmation comportementale) ; et 3° même si le personnage virtuel n’est pas incarné par l’utilisateur, le fait d’y être exposé peut activer des concepts susceptibles d’initier des modulations comportementales (confirmation comportementale ou amorçage).

32 Notons cependant qu’à l’exception de l’étude de Yee et coll. (2009, étude 1), les différentes expériences réalisées ne permettaient pas aux participants de choisir ou de configurer leur avatar. Or, une étude réalisée par Vasalou et Joinson (2009) révèle que les utilisateurs ont tendance à concevoir leur avatar en accord avec la façon dont ils projettent d’interagir dans l’environnement virtuel. Ainsi, on peut envisager que si l’utilisateur souhaite adopter une certaine identité, il créera un avatar adapté et sera d’autant plus sensible à son apparence virtuelle. Toutefois, à défaut d’études suffisantes, l’impact potentiel de la configuration de son propre avatar reste encore spéculatif. En outre, ce domaine de recherche a essentiellement centré son analyse sur les situations de première rencontre entre l’utilisateur, son avatar et les autres représentations numériques impliquées dans la situation virtuelle. L’influence des personnages virtuels, lors d’interactions qui s’inscrivent dans la durée et leurs évolutions dans le temps, reste donc à étudier. Il en va de même quant au fait que l’influence des personnages virtuels peut perdurer à l’issue de la période d’immersion dans l’environnement numérique. En effet, si la majorité des études se sont centrées sur l’influence que l’avatar peut exercer sur les comportements réalisés dans l’environnement virtuel, plusieurs travaux ont montré qu’une telle influence est aussi susceptible d’infléchir les comportements de l’individu en dehors du virtuel (Rosenberg, Baughman, Bailenson, 2013 ; Yee et coll., 2009, étude 2 ; Yoon, Vargas, 2014). De nouvelles recherches devront ainsi permettre de caractériser les conditions de maintien d’une telle influence en dehors du virtuel, ainsi que la durée du phénomène.

33 Au-delà de ces sources de modulation, aujourd’hui étayées d’un point de vue expérimental, il est possible d’envisager plusieurs perspectives susceptibles d’étendre l’analyse de l’influence des avatars et d’optimiser l’efficacité des agents conversationnels animés. Une première piste de recherche consisterait à étudier les effets combinés de l’apparence des représentations numériques de soi et d’autrui (autre utilisateur ou agent conversationnel animé) en situation d’interaction. Il s’agirait ainsi d’analyser l’influence combinée des processus étudiés, afin d’observer des effets additifs ou d’éventuelles interférences. Par exemple, incarner un avatar attractif pourrait conduire à un comportement plus intime/sociable, et ce d’autant plus que l’interlocuteur incarnerait un avatar également perçu comme attractif. Ceci étant, il est également envisageable que le fait d’interagir avec un personnage virtuel moins attractif que l’avatar de l’utilisateur produise un effet de contraste (par exemple, mon avatar est le plus attractif) propice aux modulations comportementales.

34 D’un autre côté, l’analyse de l’interaction entre la personnalité de l’individu et la situation virtuelle pourrait constituer un axe pertinent pour les recherches futures. En effet, chaque utilisateur peut avoir une appréhension différente des situations d’interactions virtuelles en fonction de caractéristiques individuelles (par exemple, extraversion, développement du concept de soi, style de communication, sensibilité à l’immersion) qui pourraient influencer sa perception des avatars et des interactions sociales en environnement virtuel. Dès lors, il s’agirait d’identifier les facteurs interindividuels et les traits de personnalité susceptibles d’infléchir l’influence des avatars et d’en estimer précisément les effets.

35 Dans une autre perspective, les travaux sur les avatars se sont essentiellement centrés sur l’analyse d’utilisateurs isolés ou d’interaction en dyade, mais les recherches futures devront également analyser les situations groupales en détail. Ainsi, par exemple, on peut se demander si les effets liés à la couleur du costume ou à l’activation d’un stéréotype peuvent être amplifiés ou atténués dans un contexte d’interaction en groupe réunissant des avatars portant le même costume ou susceptibles d’activer les mêmes stéréotypes. Ces considérations mobilisent d’autres champs, notamment les théories sociocognitives du groupe en termes d’identité sociale. En accord avec le modèle SIDE, (Social Identity Model of Deindividuation Effects ; Reicher, Spears, Postmes, 1995 ; Spears, Lea, 1992, 1994) plusieurs travaux révèlent que la similarité des avatars peut être un moyen de stimuler l’identification au groupe (Kim, 2011 ; Lee, 2004) et, donc, l’influence des facteurs groupaux lors d’interactions en environnement virtuel (Guegan, Moliner, Buisine, 2015). En conséquence, l’utilisation d’avatars en situation groupale pourrait offrir des leviers pertinents pour la collaboration et le travail en groupe à distance en environnement virtuel. Les perspectives d’application sont nombreuses pour l’apprentissage à distance, le travail en équipe distribuée ou encore la créativité collaborative (Guegan, Maranzana et coll., 2015).

36 Les propositions sur les effets de la confirmation comportementale pourraient aussi être étendues au phénomène de menace du stéréotype (Steele, Aronson, 1995). En effet, les croyances stéréotypées et assimilatrices, associées à certains groupes sociaux, peuvent générer des attentes exerçant une influence négative sur la performance des membres des groupes stigmatisés. Il a, en effet, été montré que les stéréotypes ethniques et les biais raciaux maintiennent leur influence délétère lors d’interactions en environnement virtuel (Eastwick, Gardner, 2009). Dans cette perspective, en contexte de compétition, l’utilisation d’un avatar féminin engendre des performances en mathématiques plus faibles que l’utilisation d’un avatar masculin, et ce, quel que soit le genre du participant (Lee, 2009). De plus, un effet de stereotype lift a été mis en évidence (une augmentation des performances quand le stéréotype menaçant concerne l’exogroupe en présence), là encore quel que soit le genre du participant (Lee, Nass, Bailenson, 2014). Ainsi, les environnements virtuels permettraient de concevoir des opérationnalisations originales de menace via des avatars identifiés comme des représentants prototypiques de groupes stigmatisés et incarnés par des participants issus ou non de ces groupes. Les modalités de création et de configuration des environnements virtuels permettent également de concevoir différentes situations sociales plus ou moins menaçantes et d’en étudier les répercussions sur la cognition individuelle, les comportements, les attributions, les performances, etc. De plus, ces environnements permettraient d’explorer les stratégies mises en œuvre par les participants appartenant à des groupes « forcés » (par exemple, groupe ethnique, sexe), normalement inutilisables dans la réalité, telles que la mobilité sociale.

37 Dans une autre perspective, il serait intéressant d’examiner si un agent conversationnel est capable d’initier un processus de confirmation comportementale. Dans un environnement virtuel, un agent conversationnel, jouant le rôle d’observateur par rapport à l’utilisateur cible, pourrait influencer les comportements de ce dernier : par exemple, l’amener à se comporter de manière plus ou moins sympathique, ou l’amener à obtenir de meilleures performances, ce qui reviendrait à tenter de reproduire l’effet Pygmalion en environnement virtuel. Si la manière dont l’observateur, dans la réalité, influence le comportement de la cible n’est pas modélisée en détail, il serait possible d’approfondir cette question par les méthodes d’analyse de corpus utilisées dans la conception d’agents conversationnels animés (Buisine et coll., 2006). L’objectif serait de repérer des constantes comportementales (proximité physique, fréquence et durée des contacts visuels, intonation de la voix, vocabulaire employé, etc.) susceptibles d’expliquer ce phénomène, puis d’injecter celles-ci dans le modèle de l’agent pour qu’il puisse devenir un vecteur de confirmation comportementale.

38 Enfin, il conviendrait de tester les potentialités du processus d’amorçage pour améliorer l’interaction entre agent conversationnel et utilisateur. Cela impliquerait de rechercher, en premier lieu, un stéréotype positif à activer en fonction de la situation d’interaction et de ses objectifs, puis d’attribuer à l’agent une apparence permettant d’activer ce stéréotype et, enfin, d’en mesurer l’effet sur le comportement de l’utilisateur. Le processus d’amorçage pourrait ainsi permettre de progresser dans la recherche de crédibilité, problématique majeure du domaine des agents conversationnels animés (Ball, Breese, 2000 ; Isbister, Doyle, 2005). À cet égard, il serait également intéressant de vérifier si les effets d’amorçage se maintiennent en présence du phénomène de « vallée dérangeante » (Uncanny valley ; Mori, 1970). La vallée dérangeante correspond à un sentiment d’étrangeté, d’inconfort, voire de malaise, éprouvé par les utilisateurs face à certains personnages virtuels ou certains robots. En général la vallée dérangeante ne se manifeste pas pour des personnages ou des robots d’apparence nettement artificielle, mais apparaît lorsque les concepteurs cherchent à se rapprocher d’apparences humanoïdes. Ce phénomène concerne principalement les attitudes envers les personnages et ne semble pas influencer les comportements des utilisateurs (Groom et coll., 2009). Pour examiner si la vallée dérangeante interfère avec l’amorçage, il faudrait utiliser des personnages porteurs d’indices identitaires (par exemple, costume, rôle social) mais également pourvus de caractéristiques anormales (par exemple, des yeux surdimensionnés ou des yeux humains sur un visage artificiel ; Seyama, Nagayama, 2007). Il s’agirait alors d’observer si les modulations comportementales se maintiennent ou sont perturbées par l’étrangeté des représentations numériques. Dans une perspective proche de l’influence des avatars non attractifs, nous serions tentés de supposer que ces modulations se maintiennent en dépit de l’étrangeté des représentations.

39 En définitive, les processus abordés dans cette revue de question semblent propres à inspirer de nouvelles recherches dans le domaine des personnages virtuels. Les évolutions technologiques considérables, la démocratisation des espaces virtuels et des dispositifs d’immersion conduisent de plus en plus de personnes à interagir quotidiennement en environnement virtuel, dans des situations ludiques mais aussi professionnelles (par exemple, jeux sérieux, e-éducation, e-assistance, plateformes collaboratives). Ainsi, la compréhension des processus qui sous-tendent les interactions médiatisées par des avatars constitue un enjeu majeur pour la psychologie. En effet, ce champ de recherche peut fournir des éléments clés pour concevoir des avatars adaptés aux usages et aux objectifs de l’environnement (socialisation, apprentissage, travail de groupe, divertissement, etc.). Enfin, l’analyse de ces processus peut également être appliquée aux agents conversationnels animés, qu’il s’agisse d’en améliorer la conception ou de mieux comprendre le comportement humain face à ceux-ci.

Remerciements

Cette revue de question a été réalisée dans le cadre du projet CREATIVENESS (CREative AcTIvities in Virtual Environment SpaceS, 2013-2016) financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR-12-SOIN-0005).

Notes

  • [a]
    Université Paris Descartes, LATI, Boulogne-Billancourt, France.
  • [b]
    Arts et Métiers ParisTech, LCPI, Paris, France.
  • [c]
    ei.Cesi, IRISE, Nanterre, France.
    Correspondance : Jérôme Guegan, Laboratoire Adaptations travail individu, Institut de psychologie Henri Piéron, Université Paris Descartes, 71 avenue Édouard Vaillant, 92100 Boulogne-Billancourt, France.
    Courriel : jerome.guegan@parisdescartes.fr
    Texte reçu le 9 novembre 2015 et accepté le 1er février 2016
Français

À travers l’analyse des conceptions récentes et des théories classiques en psychologie, cette revue de question vise à fournir des éléments permettant de mieux comprendre l’influence que les personnages virtuels peuvent exercer sur les comportements et les attitudes des utilisateurs dans les environnements virtuels. Pour ce faire, cet article aborde l’étude des représentations numériques de soi (avatars) et des effets potentiels de l’apparence des avatars incarnés par d’autres utilisateurs et des agents conversationnels animés. Dans son ensemble, cette analyse permet d’éclairer les spécificités des interactions sociales en environnement virtuel.

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Jérôme Guegan [a][b]
  • [a]
    Université Paris Descartes, LATI, Boulogne-Billancourt, France.
  • [b]
    Arts et Métiers ParisTech, LCPI, Paris, France.
Stéphanie Buisine [b][c]
  • [b]
    Arts et Métiers ParisTech, LCPI, Paris, France.
  • [c]
    ei.Cesi, IRISE, Nanterre, France.
    Correspondance : Jérôme Guegan, Laboratoire Adaptations travail individu, Institut de psychologie Henri Piéron, Université Paris Descartes, 71 avenue Édouard Vaillant, 92100 Boulogne-Billancourt, France.
    Courriel : jerome.guegan@parisdescartes.fr
    Texte reçu le 9 novembre 2015 et accepté le 1er février 2016
Julie Collange [a]
  • [a]
    Université Paris Descartes, LATI, Boulogne-Billancourt, France.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 23/02/2017
https://doi.org/10.3917/bupsy.547.0003
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Groupe d'études de psychologie © Groupe d'études de psychologie. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
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