CAIRN.INFO : Matières à réflexion
Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles.
Paul Valéry (1919)

Freud et les courants psychanalytiques lors des deux premières années de guerre

1L’histoire s’accélère en Europe lors de l’année 1914, puis elle bascule. Le 28 juin, le prince héritier de la couronne d’Autriche-Hongrie, l’archiduc François-Ferdinand et son épouse, la duchesse de Hohenberg, sont assassinés à Sarajevo, par un nationaliste serbe de Bosnie, Gavrilo Princip, membre du groupe « Mlada Bosna » (« Jeune Bosnie » [1]). Un mois plus tard, le 28 juillet, l’Empire austro-hongrois déclare la guerre à la Serbie. Dans la nuit du 30 au 31 juillet est décrétée la mobilisation générale, en même temps que l’Allemagne déclare la guerre à la Russie, et, 48 heures après, à la France. Se referment brutalement les frontières que traversait aisément toute une génération cosmopolite, intensément impliquée dans l’invention et la diffusion de la psychanalyse et, de façon plus large, dans la vie intellectuelle de l’Europe.

Le champ doctrinal et les conflits internes au milieu analytique

2Au sein du mouvement psychanalytique, lors de l’été de cette année fatale, des combats se mènent encore et des conflits se soldent, ce qui débouche sur des scissions (Douville, 2009). Paraît, en juillet, « Pour introduire le narcissisme » [2], dans le même numéro du Jahrbuch où figure « Contribution à l’étude du mouvement psychanalytique ». Si Totem et tabou, antérieur d’une année et demie à ces deux textes, est une réponse aux thèses holistes de Jung sur le mythe et les pulsions, cet article est également une réponse à Adler. Il devient urgent, pour Freud, de théoriser le narcissisme, sans le réduire à la libido désexualisée de Jung ou à la notion de « protestation virile », chère à Adler. Du Totem et tabou à « Pour introduire le narcissisme », la réfutation et des idées de Jung et de celles d’Adler se joue dans un mouvement d’extension de la théorie psychanalytique.

3Dans l’article sur le narcissisme, qui suscite une « effervescence » [3] dans le milieu psychanalytique, Freud situe le moi comme une instance au sein d’un ensemble complexe de forces inconscientes. Ce sont là des moments décisifs de l’évolution du champ dogmatique et intellectuel de la psychanalyse, bien qu’ils puissent paraître comme secondaires au regard de la grande Histoire, ce que ne manque pas de mentionner Freud dans une lettre à Jones, datée du 25 décembre 1914 : « Ce que Jung et Adler ont laissé du mouvement s’effondre maintenant dans les dissensions des nations ».

La guerre s’installe dans la longue durée : « désillusion » et « angoisse sociale »

4La première guerre mondiale s’installe un peu partout en Europe et, donc, à Vienne.

5L’Europe, déchirée et convulsive, vit un temps où s’aiguisent les armes, en même temps que les idées se simplifient à l’extrême et que se réduit à des slogans patriotiques le vocabulaire qui a trait à autrui. On parle très vite avec des emportements nauséeux de guerre de Civilisation et pour la Civilisation. Les élans d’un patriotisme sincère vibrent, même chez Freud : peu bouillants, ils ne dureront guère.

6En octobre 1914, quatre-vingt-treize intellectuels allemands [4] signent, dans le Frankfurter Zeitung, un appel au monde civilisé (Aufruf der Külturwelt), dans lequel on peut lire : « Croyez que dans cette lutte nous irons jusqu’au bout, en peuple civilisé, un peuple auquel l’héritage d’un Goethe, d’un Beethoven et d’un Kant est aussi sacré que soi et son foyer ». La réponse britannique, « Reply to German Professor : Reasoned Statement by British Scholars », paraît dans le Times du 21 octobre. Les prises de position revanchardes et patriotiques s’enflent un peu partout et prennent la couleur ardente et vengeresse de la croisade. Ainsi, en France, le critique d’art et militant monarchiste, alors fort connu, Louis Dimier, ose poser la question : « Car en quoi le genre humain aurait-il intérêt à ce que la civilisation allemande soit conservée ? » (Dimier, 1914, p. 19). Il a ses lecteurs et ses partisans.

7L’aspect sordide de la guerre et son rapide enlisement diminueront graduellement ce genre de flamme. L’opinion publique, les mouvements politiques et syndicalistes et les élites au pouvoir n’adhèrent plus à l’idée que le conflit sera rapide. Se développera alors, du moins dans l’opinion éclairée, une forme particulière de malaise, vouée à s’accroître, la guerre ayant détruit l’illusion que les acquisitions culturelles étaient immuables. En dénudant impitoyablement chaque civilisation impliquée dans le conflit de leur apparat de Kultur, jusqu’à faire surgir des motions pulsionnelles primitives, avides de satisfaction, la guerre décourage, écœure et effraie. En résulte une désillusion amère quant aux pouvoirs protecteurs de la civilisation, lorsque s’effondrent ses idéaux, ses espoirs, et ses normes morales.

8Que reste-t-il des solutions culturelles permettant la civilisation de la pulsion ? Telle est la préoccupation centrale qui s’écrit dans presque chacune des pages de ces « Considérations actuelles sur la guerre et la mort », rédigées par Freud en 1915 [5]. Alors que l’on entrevoit, où que ce soit, l’enlisement du conflit mondial dans la longue durée, le psychanalyste analyse les relations complexes qui unissent la guerre et la mort. L’homme civilisé se comporte, à l’égard de la mort, de la même façon que l’homme originaire de Totem et tabou, et il le fait par un clivage. Deux attitudes coexistent ainsi en lui, l’une qui reconnaît la mort en tant qu’anéantissement de l’existence, l’autre qui la dénie ; elles se heurtent et entrent en conflit dès que le réel de la mort troue l’existence singulière et collective. L’anthropos freudien, de mythe scientifique originaire, devient, plus qu’une romance sur l’originaire, un analyseur de l’actuel. L’actuel est marqué, en raison de l’évolution de la guerre, qui devient de plus en plus meurtrière et indécise, par une angoisse sociale tenue, par Freud, pour ce qui nous ramène à l’origine de la conscience.

9Par ailleurs, Freud, soucieux comme il ne le fut jamais de la cohésion du mouvement psychanalytique qu’il anime, redoute rapidement un éclatement de la communauté psychanalytique, qui voit les camarades et les collaborateurs d’hier enrôlés dans des armées distinctes et, dans le cas de Jones, des nations antagonistes. L’aréopage psychanalytique se disloque, les disciples sont dispersés. La guerre, qui campe dans la longue durée, oblige bien des médecins, et donc, parmi eux, quelques psychanalystes, à porter leur exercice sur le front des traumas et des névroses de guerre. Ainsi, l’enrôlement de Rank dans l’artillerie lourde causera, à Freud, affliction et angoisse.

Enlisement guerrier et fabrication industrielle de la mort

10Dès le début du conflit, les nations mobilisent en masse leur jeunesse. Mais cet afflux de chair à canon ne sera pas suffisant pour alimenter les tueries. La mobilisation, vaste, concerne plusieurs classes d’âge, les tranchées absorbant des quantités effrayantes de vies humaines. Environ cinquante pour cent des mobilisés Français ont de 33 à 51 ans en 1918 et, souligne Jean Norton Cru, « dans aucune de nos guerres depuis 1792 l’âge moyen des combattants n’a été aussi élevé » (Norton Cru, 1967, p. 31) [6]. Cela explique la quantité d’écrits de poilus du côté français, les jeunes combattants écrivant moins que les hommes mûrs. Moins d’un an après l’engagement des hostilités, le front stagne et la guerre exige des tranchées tant les affrontements violents et meurtriers sont menés sans autre stratégie que celle, fort coûteuse en vie humaine, de l’exténuation de l’ennemi. Contrairement à quelques idées reçues, cette première phase de la guerre ne compte que peu d’attaques en rangs serrés et encore moins de barouds menés « baïonnette au fusil » (Norton Cru, 1967, p. 58-69) ; on s’attend, on se guette, on se tue et sont disséminés partout des cadavres que les obus réduisent en lambeaux. L’éreintement de cette guerre est rapide et les pertes deviennent vite lourdes [7]. Les pauvres morts restent enlisés dans un no man’s land, où ils croupissent et se décomposent. La défense est toujours supérieure à l’attaque. Mouvant, agité, et répétitif, le cadre de vie du soldat vaut pour un cauchemar ramassé en litanies, situé comme hors du temps et de l’espace. Tout ce surgissement d’un réel dévoilé, suffisamment puissant pour surmonter l’imaginaire, qui fait la chair de l’existence et dérouter le symbolique qui en fait sa valeur, relègue au rang de vieillerie les anciennes conceptions de l’héroïsme, ces conceptions avec lesquelles furent intoxiqués ceux qui partaient au front, « la fleur au fusil » et qui furent très vites tenues pour des tromperies par la plupart des combattants, quelles que fussent les couleurs du drapeau pour lequel ils risquaient de se faire tuer. Tout un système de représentations idéales s’effiloche, puis s’effondre. La guerre est laide et sale, usante. La mort serait-elle le seul nom de l’apaisement ?

11Qui pouvait entendre la vérité d’une telle débâcle ? Quelle voix, sortie des décombres, aurait pu trouver accueil à l’arrière, là où les moulins à prière de la propagande tournaient encore à vide ? Si l’on peut, aujourd’hui, reprendre les textes dont Norton Cru fit la recension précise et patiente, si on lit de près le témoignage exact d’un Galtier-Boissière [8], on doit convenir qu’il était difficile, pour les mobilisés du front, d’écrire sur cette réalité sordide, quotidienne, désespérante. Il peut également sembler qu’une des causes de cette difficulté à témoigner provenait moins de la difficulté de dire que de celle de se faire entendre [9].

12Graduellement, en moins de deux ans, consommant une rupture violente avec ce qui resterait de nostalgie chevaleresque pour la guerre héroïque, le conflit devient industriel (Spoljar, 2013) – seuls les combats aériens vont redonner quelques couleurs à cet esprit aristocratique. C’est bien en raison de son aspect industriel que la guerre de 1914-1918 est non seulement considérée comme la première guerre mondiale, mais encore comme la première guerre moderne.

13Les états-majors français et allemand sont vite persuadés que la victoire ne pourra provenir que d’une gestion industrielle du conflit. Le rapport de force industriel entre les nations belligérantes mène à une généralisation accélérée des puissances techniques de destruction (Miquel, 2001). Il se fait un besoin gigantesque en matériel de guerre et l’industrie de l’armement suit, alors, les principes productivistes énoncés par Taylor. Se préfigure le productivisme de l’industrie en son ensemble, une fois la paix revenue. La guerre, au prix d’un effroyable sacrifice de vies humaines, est aussi un champ de bataille où la compétition industrielle joue à plein. Si les bois compris entre Brabant, Orne et Verdun ont pu recevoir, en quelques heures, l’ouragan meurtrier de deux millions d’obus, cet enfer avait été soigneusement mis au point et planifié par von Falkenhaue, qui voulait affirmer, sur un terrain précisément découpé, la supériorité technique de l’armement allemand (Miquel, 2001). Les énormes besoins en matériel de guerre exigent la mise en place d’une organisation productiviste du travail. Une nouvelle culture de guerre naissante va associer, ainsi, la puissance industrielle et la puissance d’anéantissement, contribuant à une taylorisation fatale de la production en masse des armes et de la mort.

La médecine et la destruction psychique des engagés

14C’est aussi lors de la première année du conflit que la médecine – et en particulier la médecine allemande – se trouve confrontée à une autre réalité de la guerre moderne : celle de la destruction psychique de nombreux engagés. Cela peut s’expliquer aussi par la façon précipitée et imprévoyante de la mobilisation, levant en masse des sujets fragiles, dont de nombreux épileptiques (Cocks, 1987, p. 56), sans du tout prévoir un encadrement médical suffisant – ce qui est la conséquence de l’idée absurde selon laquelle la guerre serait rapide, décisive et « propre ». Or, ces frayeurs se développent, en un premier temps, de la plus fulgurante des façons, non tant sur les lignes de combats, là où chacun était le plus exposé, mais à l’arrière, dans cette gigantesque salle d’attente pour l’abattoir, dans ces lieux où l’anticipation anxieuse de l’affrontement enténébrait les esprits.

15Sur le front, les engagés font face ou tentent de le faire, que ce soit d’un côté ou de l’autre des forces en présence. Les soldats résistent à leur déshumanisation, ils tentent de faire pièce à la réduction de leur condition à celles d’objets interchangeables, sacrifiés pour un idéal réduit aux piètres dimensions d’une mascarade macabre. Ainsi, retrouvent-ils, pour honorer leurs morts, soufflés et déchiquetés, enlisés ou gazés, le goût et le sens de rituels funéraires, lesquels étaient pourtant déjà en voie d’effacement dans les coutumes sociales d’avant-guerre, comme le soulignent les historiens Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker (2000). Imaginons, debout et dès que se calmait la mitraille des fusillades adverses, les hommes du fleuve Niger ou du fleuve Sénégal, se joignant aux Lorrains ou aux Basques, aux Bretons… pour confectionner des effigies ensevelies in absentia, des camarades fauchés au combat. À l’aide de ces pauvres mots et de ces humbles gestes, l’effroi des soldats fourbus d’inespoir se soignait par le recueillement [10].

16Il faudra attendre 1915 pour voir se développer, sur l’ensemble des fronts, des percées thérapeutiques médicales, combinant les possibilités de l’anesthésie, de la chirurgie et de l’antiseptique. Cette même année, les soldats français disposent, enfin, d’un casque en métal, pouvant mieux les protéger, les casques Adrian. Cependant, sur toutes les lignes de front, les blessures graves par armes à feu ou éclat d’obus sont parmi les plus fréquentes, en particulier au niveau du visage et du crâne. Peu de temps après, en cette période de conflits, la chirurgie plastique de la face connaîtra des progrès fulgurants. Ces indéniables avancées de la chirurgie et de la médecine contrebalançaient à peine la gravité et la somme des blessures gravissimes occasionnées par l’intensité des feux et le perfectionnement des armes, lequel fut tout aussi rapide, sinon davantage, que celui des techniques médicales de soin.

17On pourrait dire que la guerre a produit une mutation anthropologique des rapports de l’homme au réel de sa mort. L’obsession du cadavre mutilé à jamais entamait, d’inédite et odieuse façon, l’image unifiée d’un corps se reposant dans son trépas. L’on ne s’imaginait plus défunt reposant dans un lieu où les survivants se rassemblent en une ferveur intimidée. Le corps broyé, éclaté, morcelé, n’est plus alors une production que sécrètent certains délires ou distillent certaines hallucinoses, mais bien un réel, que l’histoire fait surgir comme vérité du front et comme hantise du soldat, décomposant ainsi les assises du moi – et, lorsque la paix reviendra, les anciens soldats défigurés ou mutilés seront très et trop vite honorés dans les défilés et les fenestrons patriotiques, puis se trouveront vite oubliés et tenus pour peu, indésirables le plus souvent. Il n’est rien d’étonnant, alors, que bien des soldats tentent, au plus possible, de sauvegarder les coordonnées de leur subjectivité, s’investissant dans ces liens très forts, très en miroir, comme on aime trop à le dire, avec un camarade. Ainsi, nombre de traumatismes de guerre sont causés, non par l’atteinte du propre corps, mais par la décomposition ou la disparition extrêmement rapide ou, parfois même, instantanée, du corps du camarade recouvert par des gerbes de tourbe que soulève l’éclatement d’un obus. Il faut alors les entendre, ces survivants, spectraux et effondrés, tel un Castor abandonné sans recours par Pollux, effarés d’être encore là, au rang de ceux qu’encombre, bien plus qu’elle ne les protège ou les console, l’obstination vitale qui continue à s’épandre en eux. De quoi souffrent-ils davantage ? Non de peur ou d’effroi, mais d’autre chose encore, d’une panique qui envahit le réel du corps ; il arrive, en effet, qu’un insupportable vécu d’énormité et d’étouffement les accable et perdure après leur retour dans les casemates. Au point qu’il suffit, parfois, d’opérer une simple incision sur le bras ou la jambe pour que, resserrant sa psyché à ce trouage de secours, le soldat effrayé se sente revenir au monde conventionnel et accueillant du vivant. Ce fut là une donnée pragmatique, dont la médecine militaire britannique sut faire usage bien avant les autres.

Du trauma

18Par la guerre, le corps humain subit des modifications considérables de sa forme, de ses contours et de son tonus. Plus nettement encore, il perd la confiance en l’idée que la mort ne démembrera pas son cadavre. Il se produit un retour en masse des hantises classiques du corps mutilé, privé, dès lors et pour cela, de son au-delà salvateur, mais, en retour, qui fait que la production industrielle de la mort et l’écho qui s’en répand à l’arrière, un peu loin du front, crée des états de panique, y compris dans les unités non combattantes, dans les régiments de réserve et du génie [11]. Le retour, sur le corps propre de l’objectalisation de la mort, s’impose en ruinant la fiction anthropologique nécessaire, qui fait du mort un cadavre honorable et apaisé, appelé à s’abstraire et à s’ancestraliser dans le tissu du langage et le fil des mémoires. Et le coût psychique de cette « désanthropoligisation de la mort » est énorme.

19Quels soins psychiques appliquer alors ? La psychiatrie de l’époque, en France comme en Allemagne notamment, ne disposait que de moyens théoriques et pratiques rudimentaires pour prendre en charge la violence de ces traumas psychiques. Citons ici la notion de « Kriegneurosen » en Allemagne, celle de « choc de l’obus » chez les Anglo-Saxons, celle, encore plus brumeuse, de « commotion » pour les Français (Audouin-Rouzeau, Becker, 2000, p. 36 ; Crocq, 1999). S’ajoute à cela un patriotisme toujours fort dans les corps médicaux, qui tiennent de nombreux traumatisés de guerre en suspicion, voyant en eux des simulateurs, rusant et jouant du prétexte de la folie pour échapper aux combats.

20Les traumatisés deviennent légion, au fur et à mesure que perdurent les batailles et qu’elles s’éternisent, charriant leur lot de cadavres dans les vagues rompues des flux et reflux de mètres de terrains conquis, puis cédés, repris, puis abandonnés à nouveau.

Du soin psychique : état des controverses

21Bien que les premières études faites sur la névrose de guerre fussent écrites quelque dix années auparavant, lors du conflit russo-japonais, en dépit du fait que quelques témoignages médicaux aient été rédigés durant la guerre de Sécession par des médecins américains, tous fins observateurs et cliniciens [12], la guerre de 1914-1918 a tenu la psychiatrie en échec. La psychiatrie de l’avant, que ce soit en Allemagne ou en France, ignorait tout de ces travaux pionniers de la médecine militaire et la dimension de la psychothérapie en était restée au point mort. En France, le décalage est net entre ce que peut établir le savoir médical de pointe sur la grande fréquence des pathologies mentales et des troubles psychiques liés à la guerre, et les recommandations auxquelles se conforme la médecine militaire. Le congrès des aliénistes, qui s’est tenu en 1909, était averti du coût psychique des guerres sur les soldats, par les enseignements cliniques tirés de la guerre russo-japonaise. La médecine militaire n’en tint aucun compte lors de la première année de conflit. Le premier service de psychiatrie militaire sera créé à Bordeaux, dans l’hôpital militaire, en mars 1915, par le professeur Emmanuel Régis. Mais la neurologie et la psychiatrie seront, à nouveau, séparées, en dépit des efforts de Maurice Dide qui, au centre neuropsychiatrique de Bourges, refusera cette séparation. Le centre neuropsychiatrique d’armée, mis en place à Fismes, en avril 1915, et dirigé par le médecin aide-major Henry Demaye, sera scindé en deux, dix mois plus tard.

22L’idée majeure reste celle du soin prodigué dans une unité d’hospitalisation, loin du front. Une mise à l’écart vaut, ici, pour une mise à l’abri. Pourtant, nombre de névroses traumatiques évoluent en mélancolie, loin du front. Les états prolongés de stupeur sont la cause de décès par dénutrition et les idées dépressives, auto-accusatrices souvent, finissent par provoquer des suicides. Selon Tatu et Bogouslavsky (2012, p. 44), on recenserait, en France, 5 000 soldats suicidés lors de cette guerre, principalement des combattants de l’infanterie, les suicides ayant bien davantage lieu loin des zones de combat, à l’arrière du front ou lors des hospitalisations.

23En Allemagne, aucune communauté scientifique, qu’elle soit de discipline médicale ou psychologique, n’est susceptible, non plus, de proposer au gouvernement une psychologie du combattant et de ses vulnérabilités psychique (Gundlach, 2010).

24De sorte que, toujours pour l’Allemagne, les psychiatres Robert Gaupp (1916) et Oswald Bumke (Steinberg, 2008) insistent, lors d’un colloque de psychiatrie, à Munich, en 1916, sur les bénéfices d’un traitement, par hypnose des traumatisés de guerre, semblaient encore d’« avant-garde ». Max Noone (1917), qui a tenté avec succès cette méthode, partage cette façon de poser la question thérapeutique. Le soin des névroses de guerre devient, deux ans après le début des hostilités, une priorité pour les psychiatres et pour les neurologues.

25Ainsi, en Allemagne encore, la possibilité de distinguer entre une hystérie et une névrose traumatique reste un point d’école des plus disputés, la névrose traumatique ayant acquis, depuis les travaux d’Hermann Oppenheim, une origine et un déterminisme neurologique, son diagnostic garantissait une pension au malade (Brunner, 2000). Toutefois, l’importance du facteur psychique étant reconnue, une voie peut-elle s’ouvrir pour l’abord psychothérapeutique par hypnose de ces troubles ? Si la notion de névrose traumatique, plus établie en Allemagne qu’en France, permit une attitude médicale plus psychiatrique, lors des deux premières années de conflit, un durcissement très net du traitement s’observa dès les premiers signes de replis des armées, annonciateurs de la défaite. De plus, soumise à l’autorité du maître de Munich, Emil Kraepelin, la psychiatrie universitaire allemande contrera activement toutes les approches psychothérapeutiques de ce genre et s’opposera aux quelques notions théoriques qui légitiment de telles perspectives. Elle forge, alors, une alliance d’airain avec certains neurologues imprégnés des anciennes thèses de Wilhem Erb (1884), dont Fritz Kaufmann qui lance la mode, promise à un net succès, du traitement électrique des névrosés de guerre (Eissler, 1979). La technique consiste à faire subir, au patient, un choc électrique, tout en lui intimant de guérir dans une situation précise, qui évoque le lien de sujétion entre un simple soldat et un gradé médecin militaire. Très souvent, on n’attache que peu d’importance à la préparation mentale du patient, laquelle n’est pas tenue pour une composante importante de la méthode utilisée. Une telle désinvolture a des effets déplorables, si l’on suit l’estimation du médecin Stefan Jellinek qui, revenant sur ces années sombres, rapporte, dans une conférence donnée en 1947, que, dans les hôpitaux allemands, vingt soldats avaient succombés aux soins de l’électrothérapie, victimes du choc dû à la surprise au moment de subir ce traitement (Jellinek, 1949).

26L’épisode est fameux. Après l’armistice, en mars 1919, un officier de l’armée autrichienne, Walter Kaunders, lieutenant de réserve qui fut envoyé, de novembre 1917 à février 1918, dans la clinique du professeur Wagner-Jaurens, témoigne des traitements qu’il y subit et, tout particulièrement, des séances de faradisation, vécues par lui comme des séances de torture. Il confie le journal qu’il tint, lors de son hospitalisation à l’Office national de l’armée, qui transmet l’affaire à la Commission des forfaitures militaires, laquelle devait se prononcer sur ces méthodes « thérapeutiques » et évaluer si elles nuisent ou non à la santé physique et psychique des patients. Freud fut nommé expert, en raison de son indépendance de pensée et de son absence de sujétion vis-à-vis des autorités médicales universitaires. Il connaissait la clinique de Wagner-Jaurens, neurologue réputé à Vienne, où H. Deutsch avait travaillé durant la guerre. Le 18 février 1920, Freud se rend à la commission. Il reste très modéré et n’accable pas Wagner-Jaurens, lequel sera réhabilité, tout en mettant en lumière l’opposition entre les méthodes thérapeutiques classiques et la fécondité de la technique psychanalytique, qui fait le lien entre les troubles psychiques des névroses de guerre et l’histoire de la vie affective du patient.

27Revenons au temps des combats. La guerre des thérapeutes prend place également au sein des académies et dans les facultés, et elle s’y jouera rudement. L’opposition est très vive entre partisans du traitement des névroses par hypnose et ceux par traitement électrique. Si la médecine militaire adopte, partout en Europe, l’usage de ce dernier procédé, les psychiatries austro-allemande et française en font le plus copieux des usages. Les polémiques s’enflent, et des soldats refusent énergiquement le traitement par faradique. Clovis Vincent, nommé médecin-chef du centre neurologique de la 9e région à Tours, administre aux commotionnés des tranchées un traitement par décharge électrique, visant à leur redonner leur sthénicité perdue. Entre janvier et juillet 1916, c’est presque 300 soldats qui, traités de la sorte, sont renvoyés dans leur dépôt (voir « La polémique des torpilleurs » dans Tatu et Bogousslavsky, 2012, p. 91). Le traitement est violent et douloureux. Des soldats protestent, prenant alors le risque de se trouver renvoyés devant les commissions disciplinaires de l’armée. En 1918, Roussy soumet au conseil de guerre de Besançon six soldats qui refusent de subir un tel traitement. Une bonne part de la presse et quelques députés adoptent les causes des soldats récalcitrants dont le nombre ne cesse d’augmenter. Le traitement faradique ne sera pourtant abandonné que lors de l’été 1918.

28Le traitement par « torpillage » électrique est, en France, plus pratiqué qu’ailleurs. Est-ce dû au fait, qu’en France, le repérage des signes posturaux de l’hystérie et électrothérapie était plus liés qu’ailleurs ? Le traitement par électrothérapie n’occupa qu’un rôle mineur dans les services de Santé des armées britanniques et américaines, la culture neuropsychiatrique de ces deux nations préconisant davantage les traitements psychologiques et psychothérapeutiques à visée de réadaptation qu’un traitement électrique mené contre le patient.

29On pourra noter ici que les psychanalystes adoptent, sur ce point, des positions plutôt contrastées, Ferenczi ne se formalisant en rien de l’existence de ces traitements électriques. La psychiatrie militaire britannique, quant à elle, déjà bien plus pragmatique que les autres, reconnaît, dès 1915, qu’une forte proportion des syndromes commotionnels liés au combat, était d’ordre psychologique.

Comment travaillèrent quelques psychanalystes

Karl Abraham et Sigmund Freud, de 1915 à 1918

30Karl Abraham est nommé psychiatre de guerre à l’hôpital d’Allenstein dès mars 1915, après avoir été mobilisé dans un service de chirurgie militaire, à l’hôpital de Grunewald, dans la banlieue de Berlin [13]. Il y travaille en la compagnie du médecin Johannes Heinrich Schultz, un Privatdozent de la clinique de Ludwig Binswanger, qui restera célèbre pour avoir inventé la méthode du « training autogène ». Le plus clair de son temps est occupé par les tâches chirurgicales, et ce n’est qu’à la toute fin de l’année 1915 qu’il exercera en tant que psychiatre. Seul parmi les élèves de Freud à avoir une connaissance concrète des traumatismes physiques et des traumatismes psychiques, Abraham, qui mentionne, en 1918, l’augmentation considérable des névroses de guerre à partir de 1916, plaide pour la causalité psychique et, lecteur de Ferenczi, il souligne à plusieurs reprises (par exemple, en 1918, lors du congrès psychiatrique de Würzburg), que le traumatisé opère une régression narcissique suite à une blessure et explore toute la complexité clinique de ces « névroses de guerre », qui regroupent, dans la pluralité de leurs tableaux, des phénomènes névrotiques et psychotiques. Ce type de lecture inspirera et aidera les psychanalystes qui, à partir de leurs travaux théoriques à propos des névroses de guerre, vont, par extrapolation, appréhender les processus psycho-dynamiques sous-jacents au vécu de destruction et de fin du monde, si fréquent lors de la psychose (Abraham, 1918).

31Comment, en effet, situer ce « trou représentatif », que l’on rencontre souvent dans les élaborations traumatiques, quel statut métapsychologique accorder à ces deux dérives du souvenir si fréquemment observées dans les névroses traumatiques de guerre : si l’une conduit à la suppression des traces de ce qui s’est passé au moment du trauma, l’autre réactive des traces juste antécédentes ? La théorie de la répétition, qui verrait, dans le trauma actuel, la résurgence, presque la résurrection d’un trauma plus ancien et refoulé, rencontre ses limites, tant son efficacité thérapeutique est faible.

32Abraham, dans son article de 1918, cherche, il est vrai, à mettre en évidence le traumatisme sexuel névrotique infantile, qui serait révélé car ravivé par la névrose de guerre, sans doute très tenu par la lecture qu’il fait des Trois essais sur la théorie sexuelle de Freud [14]. Et il n’hésite pas à proposer que la zone blessée puisse fonctionner à l’instar d’une zone érogène. Freud, l’année suivante, distinguera les névroses traumatiques, tenues pour « pures », des névroses de guerre (Freud, 1919/1996). Il voit en ces dernières une chance à saisir pour la validation de la théorie psychanalytique du narcissisme, espérant que les investigations sur les liens entre effroi, angoisse et libido narcissique pourront parvenir à un résultat, après que soient théorisées davantage les différences et les points communs entre les névroses traumatiques de guerre et celles survenant pendant les périodes de paix. « On pourrait même dire, écrit-il, que dans les névroses de guerre ce dont on a peur, à la différence des névroses traumatiques pures et en rapprochement avec les névroses traumatiques de transfert, c’est bien d’un ennemi interne » (Freud, 1919/1996, p. 223). In extremis, Freud rajoute quelques mots sur épreuves qui lui font préciser que le refoulement, en tant qu’il est une réaction à un trauma, constitue le prototype et la trame élémentaire de toute névrose traumatique.

33Mais qu’en est-il lorsque le refoulement n’est plus au principe de la structure subjective inconsciente ? Déjà, quelques-unes des observations de K. Abraham rejoindraient certaines faites par E. Jones, à Londres, en temps de paix et qui rendaient compte des destinées mélancoliques des névroses de guerre. Ce défi théorique, un peu laissé de côté par Abraham et Jones, en raison de leur appréhension rigide des thèses freudiennes, est, en revanche, porté par Tausk, qui étudie ce que l’on nomme les psychoses de guerre. Mais revenons à Jones, avant d’aborder le travail de Tausk.

Ernest Jones et l’article de 1918 : « Les chocs de guerre à la lumière de la théorie des névroses de Freud »

34Jones offre ses services à l’armée anglaise, qui le déclare inapte en raison de sa constitution physique, trouvant qu’il rendrait de bien meilleurs services à son pays dans le cadre de son travail psychanalytique « privé » à Londres qu’en étant affecté à un poste de médecin militaire en France (Freud-Jones, 1998). Et c’est dans le cadre de son travail de psychanalyste en « privé », qu’il reçut, en temps de paix, quelques névrosés de guerre. Toutefois, à la fin de la guerre et peu après le décès brutal de la femme qu’il venait d’épouser, causé par des conséquences opératoires, il accompagne son ami, Bernard Hart, au sanatorium Park Lane de Maghull, centre spécialisé dans le soin pour les névroses traumatiques de guerre. Hart travaille dans ce centre où domine la théorie du « shell-shock » [15]. Qu’énonce cette théorie ? Elle est dégagée d’observations de symptômes, divers et inconnus jusqu’alors par la médecine militaire et qui concernent des soldats des tranchées, pris sous le coup de l’onde de choc d’obus, de mines ou de grenades, parfois ensevelis par les retombées d’une telle explosion. Une fois dégagés, on les retrouve dans un très grand mutisme avec, parfois, des paralysies sévères, dont aucun examen neurologique ne donne la cause. La définition d’un dernier facteur étiologique autre, prendra appui sur la théorie freudienne et mettra en avant, comme facteur étiologique, une prédisposition psychique, un abaissement des capacités à surmonter l’agression, la commotion de la substance nerveuse entrant en résonance avec la vie psychique. Dans son article, « Les chocs de guerre à la lumière de la théorie des névroses de Freud », conférence prononcée le 9 avril 1918 à la Royal Society of Medicine de Londres, Jones plaide pour la complexité des facteurs étiologiques, ne repoussant pas l’idée d’une fragilité héréditaire des traumatisés, mais tenant les mauvais rapports entre l’enfant et ses parents pour un facteur décisif de vulnérabilité, pouvant prédisposer à la névrose traumatique. Se fondant sur les observations de Rivers, mais freudien orthodoxe, il calque le profil de la névrose traumatique de guerre sur celui de la névrose narcissique. L’affect qui domine dans le cas de « shell-shock », soit l’effroi, ne trouverait pas sa source dans la répression d’une libido détournée vers des objets externes, mais de la partie narcissique de la libido, celle qui investit le moi.

Tausk et la psychose de guerre

35Si la plupart des psychanalystes ou des médecins amis de la psychanalyse, comme Rudberg, se référeront à la cure analytique pour soigner les névroses de guerre, mais en la réduisant à un modèle cathartique, peu ont su explorer le vécu du traumatisé de guerre. S’imposent ici les noms peu connus, Rivers et Simmel, et celui de Ferenczi, mieux connu, sinon reconnu, au sein du milieu psychanalytique. D’autres psychanalystes, dont Tausk, qui fut nommé expert psychiatre auprès d’une cour martiale à Lubin, furent impliqués dans les examens du psychisme du soldat traumatisé.

36La carrière de médecin militaire de Tausk est marquée par de nombreux changements d’affectation. Son activité débute en août 1915, à Rzeszov, ville du sud-est de la Pologne, située sur le Wis ?ok. En octobre, il change d’affectation et quitte ce premier poste, où il vécut des moments difficiles, et le voilà médecin responsable du service de psychiatrie de l’hôpital militaire de Kowel, une ville proche de la frontière polonaise. Ensuite, tout en restant affecté aux mêmes fonctions, il est transféré à Lublin, ville occupée par l’armée autrichienne, mais appartenant au territoire russe. Enfin, après avoir été traité pendant six mois pour une tuberculose, c’est à Belgrade, sur le front serbe, qu’il occupera, pendant deux années, un poste de neurologue.

37Tausk fait une communication, le 19 janvier 1916, à Lublin, intitulée : « Considérations diagnostiques concernant la symptomatologie de ce qu’on appelle les psychoses de guerre » (1969). Ce même jour, les membres présents de la Société psychanalytique de Vienne échangent autour de la psychose de guerre [16]. La grande élaboration théorique de Freud, où les conceptions de la psychose vont être discutées à l’aide de la théorie du narcissisme, recouvre les années de guerre [17], et elle se prolongera au-delà. La Société viennoise retrouvera l’occasion de parler de psychose de guerre, lors de sa séance du 7 juin, date à laquelle Tausk parvient à se rendre à Vienne. Il présente une communication sobrement intitulée « La psychanalyse des expériences de guerre ». Enfin, Tausk, présentera, à la société de psychanalyse, une communication sur la mélancolie, le 13 décembre 1916, soit la même année où il rapporte des cas de troubles psychiques de deux soldats, l’un souffrant d’agitation anxieuse, l’autre de difficultés sexuelles. Le diagnostic de psychose de guerre est malaisé, incertain et ambigu. Si Tausk évalue, à près de 1 500, les soldats psychiquement malades qu’il a pu rencontrer lors de son activité de médecin militaire, il ne semble guère que la proportion de tableaux classiques de grandes psychoses soit augmentée par la guerre, souligne Gilles Tréhel (2007). Sont plus nombreux les cas où la mélancolie anxieuse, alourdie d’idées de suicide, assombrit le tableau clinique. La discussion sur le trauma fait donc souvent place à des notations sur le deuil. En effet – ce point de clinique sera précisé par Ferenczi – si, dans le cas des réactions traumatiques, la mélancolie a partie liée avec le deuil, c’est aussi dans la mesure où la perte du camarade de combat, ce frère d’armes, au sens strict et fort du terme, étant brutalement soustrait par sa destruction à la vue du soldat survivant, il s’ensuit, pour le survivant, non seulement un chagrin, mais, bien davantage, une rage mélancolique, violente et impuissante. On pourrait mentionner ici autre chose que la triste complainte qu’irait porter, en litanie, un sujet endeuillé d’un être cher. La perte est d’une autre nature, et elle a un impact hémorragique pour la libido. Ce soldat mort, c’est aussi la disparition brutale d’un autre, qui entrait jusqu’alors dans l’économie pulsionnelle du survivant, qui stabilisait son regard et sa voix, calmait son angoisse, lui donnait une plausibilité spéculaire apaisée, lui faisait écho. C’est alors que, dans un mélange touchant de fureur et de consternation, se fait entendre ici l’impuissante rage du mélancolique à ne pas avoir pu sauver l’existence de cet autrui qui se laisse détruire sous ses yeux.

38Alors que de nombreux psychanalystes, face aux blessures psychiques causées par la première guerre mondiale, reconduisent la thèse canonique du trauma et de la névrose traumatique, Tausk, quant à lui, ouvre plus d’une brèche dans ce modèle trop fixe pour penser la force de destructivité des assises narcissiques primordiales du sujet. Ce n’est évidemment pas dans la psychiatrie de son époque qu’il va trouver un quelconque appui pour établir son raisonnement de thérapeute, mais bien dans la théorie psychanalytique des pulsions et de leurs montages, où s’inclut l’autre – ce que Lacan démontrera dans le séminaire des Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse (Lacan, 1964/1989).

39Quelques mois plus tard, ne partageant pas l’attitude, féroce et méprisante, des autorités militaires et de certains de ses collègues médecins vis-à-vis des déserteurs, il rédige, en 1916, un brillant article (Tausk, 1917/2000) sur la psychologie du déserteur, dont il donne lecture, le 3 mars, pour la neuvième série d’exposés de médecins militaires. Il relate comment l’étude de la psychologie du déserteur, faisant place à l’effroi ressenti par celui qui fuit le combat, rend compte des facteurs psychiques qui motivent une névrose de guerre. Voilà comment il débute son propos, rompant avec les condamnations morales expéditives de déserteurs, auxquelles les tribunaux militaires se trouvent fort accoutumés : « Vous avez déjà remarqué que je m’apprête à une critique peu bienveillante des fondements psychologiques que requiert la juridiction des crimes de désertion ». En effet, Tausk n’hésite en rien à brosser, des déserteurs, un portrait nuancé et juste, mettant en valeur la capacité dont ils font preuve pour « endurer dans leur fuite des souffrances certainement pires que n’importe quel service militaire ou danger » (Tausk, 2000, p. 138). Contrairement à Abraham, il exprime de solides réserves par rapport aux idéaux patriotiques et bellicistes au point d’avancer une thèse contraire à toutes les idées reçues dans les états majors, en effet, selon lui, c’est l’absence d’idéal qui autorise le soldat à tuer. De telles idées ne seront pas entendues lors du Congrès de psychanalyse de 1918 largement consacré aux traitements psychanalytiques des névroses de guerre, dont Tausk sera évincé.

40Puis, très peu de temps après la guerre, il reporte toute son attention sur les persécutions des schizophrènes, présentant, lors de la séance du 16 janvier 1918 de cette même Société, une communication qui sera publiée sous le titre : « La genèse de l’appareil à influencer dans la schizophrénie » (Tausk, 1917/2000).

41Il sera fait choix, maintenant, de faire place aux thèses moins connues de Rivers et de Simmel, supposant le lecteur davantage familier de l’apport d’un Ferenczi, dont je ferai une mention plus ramassée.

L’apport de Rivers, « la suppression »

42Qui est Williams Halse Rivers (voir Rivers, 1999 et Douville, 1999) ? Ce psychologue, psychanalyste et anthropologue commençe sa carrière médicale à Londres, avant de se consacrer à la recherche en psychologie expérimentale. Dès 1897, il enseigne à Cambridge, où il est titulaire de la première chaire de psychologie physiologique et expérimentale, créée en Grande-Bretagne, puis, en 1902, au St John’s College. La fameuse expédition anthropologique du détroit de Torres (Cambridge Anthropological Expedition to the Torres strait, 1898-1899), dirigée par A. C. Haddon, le compte parmi ses membres. Rivers est réputé pour ses travaux sur le totémisme et les rituels funéraires [18]. Seligman est aussi du voyage. Il a cinquante ans lorsqu’éclate le premier conflit mondial, qui le fait revenir au pays et le remet dans le champ de la psychologie expérimentale. Non uniquement affilié à cette discipline, comme cela fut affirmé un peu légèrement, Rivers se consacre à la psychanalyse et à la psychothérapie. Il examine alors plusieurs traumatisés des tranchées, publie et discute les thèses de Freud. Il rédige enfin plusieurs articles didactiques au sujet de la psychanalyse, tout en rédigeant des observations cliniques d’une fraîcheur et d’une intelligence peu commune. Lorsqu’il rédige son texte majeur, L’instinct et l’inconscient, Rivers travaille dans les deux centres psychiatriques militaires, au Maghull War Hospital, près de Liverpool et au Craiglockhart War Hospital, à Edimbourg, dans lesquels il servit de 1915 à 1918 (Gaudillière, 2000). Si le but spécial de Rivers est de construire une théorie biologique des psychonévroses, il en viendra à poser les bases d’une psychologie nouvelle, centrée autour de la notion de « suppression ».

43Différente de l’acte psychique qu’est l’oubli, la suppression est un phénomène automatique, une abolition du souvenir. Ce dernier ne se recompose pas selon les voies de la figuration, de la déformation et du déplacement. Il n’est pas traduit. La mémoire du sujet semble abolie, et cette perte sèche est tenue, par Rivers, comme un processus psychique important. Il est le processus que nécessite la survie dans des situations extrêmes de danger. La suppression qui intervient sans le secours de la volonté, a un caractère d’automaticité. « Les suppressions, écrit-il, qui constituent un élément si important dans les névroses de guerre n’ont pour but, elles aussi, que d’écarter les émotions immédiatement pénibles, sans égard pour les conséquences futures » (Rivers, 1920, p. 43). Rivers s’attaque à la question de ce que serait un refoulement non névrotique. Il cherche à établir les conditions qui permettent d’appliquer la théorie du refoulement freudien à la névrose traumatique de guerre. Il propose, selon l’expérience de transfert de ces traumatisés, plusieurs distinctions, établissant ce qui pourrait s’apparenter à un arbre décisionnel. Il propose de distinguer le processus par lequel un individu s’efforce de rejeter, hors de sa conscience, une partie de ses contenus psychiques, de l’état consécutif à ce processus, qui se présente comme une dissociation. Mais, là encore, faut-il séparer ce qui est purement et simplement inaccessible à la conscience, une forme d’inconscient non refoulé, du classique refoulé freudien [19].

44Qu’a de plus irréfutable l’apport de Rivers ? Il rédige une définition du trauma, qui en fait une construction psychique voulant cerner un impossible à dire, et échouant en cette tâche. Une parole erratique, sans sujet, vient alors sidérer la relation thérapeutique. Le modèle clinique de la phobie permet d’explorer les logiques d’une telle construction. Les transferts, tel que Rivers en parle, représentent et constituent un temps logique d’après l’évènement, qui donne un statut de trauma aux déchirures de l’évidence du monde, qu’ont provoqués l’accident, la blessure, le « choc ». Rivers tente de repérer les modalités par lesquelles un sujet, qui a vécu quelque chose de l’abolition de son humanité, peut néanmoins arriver à construire du trauma. Par la voie d’une clinique de la « suppression », Rivers introduit à une clinique du Réel. Il ouvre à la compréhension de ce passage entre le moment où un individu exposé a « tiré le rideau » et le moment où il est pris par l’effroi. Rivers sait que la scène matérielle de l’éveil de la parole ne se laisse pas limiter, contenir et définir par le dispositif technique d’une cure dite « standard ». En prise avec tous les espoirs et tous les préjugés théoriques et cliniques de son époque, Rivers entend qu’il doit rendre compte des symptômes avec lesquels le sujet entre dans l’enjeu possible du lien de parole. Psychanalyste, il découvre qu’il est aussi amené à rencontrer le symptôme, dont, lui, Rivers, procède dès qu’il se mêle de vouloir porter assistance à ces traumatisés. L’espace du transfert va non faire émerger des scènes, mais les créer, les faire revenir à ce point de réel où, forme épurée de la situation psychanalytique, s’il en est une, le sujet supposé savoir se déplie entre deux individus que sont l’analysant et l’analyste. Rivers intervient, aussi, avec ses tombes, ses morts et ses ancêtres, ses liens affectifs disjoints. Il se porte au plus près du sujet, se laissant questionner par lui, non au moment vif du surgissement de la violence, mais au moment clef de la subjectivation de cette violence, cette réversion inévitable. De même est inévitable la recréation d’une densité corporelle du signifiant. Revient ici la figure de Prior, un soldat des tranchées, un rude gaillard examiné par Rivers, qui était fixé à l’insupportable souvenir d’avoir tenu en ses mains et gardé un morceau de corps pulsionnel et réel, un œil, seul reste encore « à figure humaine », du corps de son compagnon d’armes, pulvérisé par un obus. Les inventions de Rivers dépassent ce à quoi il serait tentant de les réduire, soit un ensemble d’artifices et de recettes pour guérisseurs de traumas. Elles touchent un point existentiel et théorique décisif : la scène du trauma rejoint celle de la naissance de la parole au risque de la mort et de la folie. Au vif de bien des engagements cliniques avec la psychose, les thèses de Rivers ne peuvent que concerner les thérapeutes, qui cherchent à donner un bord et une orientation aux zones psychiques détruites dans la psychose et activent ainsi les processus de résistance à la terreur psychique. S’il s’agit de construction, dans l’analyse de ces traumatisés rivés à l’effroi, c’est moins, dans un premier temps, d’une analyse du refoulé et du symptôme qu’il s’agit, que d’une cure de cette horreur nue qui, lovée dans un no man’s land psychique, tétanise le sentiment d’appartenir à la communauté des vivants.

Ernst Simmel, de la névrose traumatique de guerre à la psychose

45Ernst Simmel dirige, dès 1918, l’Union des médecins socialistes de Berlin. Il est resté dans l’histoire de la psychanalyse pour deux principales raisons : avoir été un des fondateurs de l’Institut de Berlin, qui reçut de nombreux traumatisés de guerre, et avoir pris la direction du sanatorium du Schloss Tegel, en 1927 (voir Sokolowsky, 2010). Il dirigera ce qui restera le premier établissement mondial à pratiquer des cures psychanalytiques en institution pour les malades hospitalisés. L’aménagement de ce sanatorium, qui comportait 74 lits d’hospitalisation, a été confié au quatrième fils de Freud, l’architecte Ernst Ludwig Freud (tout comme pour la Policlinique de Berlin, sept ans auparavant ; par la suite il aménagera en 1933 le cabinet de consultation de M. Klein). Les principes de la psychanalyse y sont appliqués, tant pour le diagnostic que pour le traitement des maladies organiques, le propriétaire des lieux, le conseiller d’État Reinhold von Heinz, s’opposant fermement à la création d’une unité fermée d’hospitalisation de patients « psychiatriques ». Simmel fut le premier psychanalyste à supposer possible le traitement psychanalytique de maladies organiques. Son institution, en échec financier, devra fermer ses portes en 1931. Persécuté par les nazis, Simmel émigra à Los Angeles en 1934, en passant par Topéka et la clinique Menninger. Cofondateur des sociétés de psychanalyse de San Francisco et de Los Angeles, il en sera le premier président.

46Antérieurement, il dirigea, dès la fin des hostilités, l’hôpital de Posen (Silésie), où il introduisit les principes de la cure psychanalytique et de la cure cathartique dans le traitement des patients, dont de nombreux soldats que l’armistice n’avait point soulagés de leurs traumatismes. Il écrit Névroses de guerre et traumatisme psychique. Freud en fait un commentaire élogieux : « Voici pour la première fois un médecin allemand qui se situe entièrement, sans condescendance protectrice, sur le terrain de la psychanalyse ».

47Ultérieurement, Simmel fuit l’Allemagne nazie et trouve auprès de K. Menninger, aux États-Unis, l’accueil dont il a le plus besoin. Il revint sur sa carrière, dans un texte de 1937, publié en l’honneur de Freud (Simmel, 1937/2002) et précisa alors ce que les névrosés de guerre lui avaient appris. Citons-le : « Au cours de la première guerre mondiale, j’appliquais la psychothérapie psychanalytique dans un hôpital spécialisé dans les névroses de guerre. À cette époque, je fus frappé par la force des tendances destructrices des êtres humains qui n’avait pas seulement causé la terrible dévastation du continent européen, mais aussi une dévastation incalculable de l’âme de l’être humain. La structure libidinale de la psyché était, pour ainsi dire, brisée par la tempête de destruction qui avait renversé les barrières de la conscience, du fait des changements dans les conduites morales du temps de guerre. À cette époque, je décrivis la névrose de mes patients comme la dernière ligne de défense contre l’incohérence mentale et physique, c’est-à-dire une ligne de défense contre la désintégration mentale et physique, contre la psychose ou la maladie physique… Après la guerre, je ne pus me débarrasser de l’impression de la force intérieure terrifiante qui contraint les êtres humains à s’autodétruire ou à s’entre-détruire. » (Simmel, 1937/2000, p. 58).

48Le traumatisme est tenu, par Simmel, pour une défense du sujet contre la désintégration physique et psychique. S’énonce bien, par là, un des ressorts, qui mena le psychanalyste à penser la psychose comme la pétrification du psychisme du sujet, en réaction à l’effroi que susciterait la venue à la conscience de l’impulsion à tuer. L’effroi serait aggravé et difficilement traitable si cette impulsion à tuer équivaut à porter atteinte au corps de la mère. Des réactions d’autopunition pourraient surgir alors. Plutôt que de voir dans le traumatisme la réaction mécanique du psychisme à une situation de danger extrême et d’excitation non endiguable, il considère que le traumatisme repose sur un sentiment de culpabilité mélancolique, relatif au franchissement des digues morales et des interdits majeurs.

49Dans son bref hommage à Freud, Simmel trouve une occasion de revenir sur cette théorie originale du trauma et de la préciser. Toujours résolu à ne pas confondre le trauma et la réaction à un choc ou, comme on le dirait de nos jours, à un « stress », il y voit une défense du sujet contre ses tendances destructives du corps du premier Autre. Autrement dit, il plaide pour une allure mélancolique des conséquences psychiques les plus graves du trauma. S’il y satisfait le besoin de punition, le sujet se protège, toutefois, dans son rembardement traumatique de la déliaison, qui laisserait aller à vau-l’eau les étayages psychosomatiques. Simmel, instruit par son expérience de soin des névroses de guerre, orientait sa pratique à partir de la question de la férocité du Surmoi et du sentiment de culpabilité, lorsque le sujet, non seulement avait vécu des situations de danger extrême, mais, plus décisivement, lorsqu’il avait été le jouet (et parfois l’acteur) de franchissement de barrières morales – ce qui fut bien une des caractéristiques de cette guerre, en aucun cas perçue comme chevaleresque, nous l’avons vu. Il introduisait alors à une lecture du traumatisme, qui se situait au plan des rapports du sujet à l’éthique, en ceci que c’était bien le franchissement d’une barrière morale, craquant comme une digue sous la force d’une agressivité inconsciente réactivée par les circonstances de périls extrêmes, qui correspondait au trognon le plus irréductiblement hostile du Surmoi.

Ferenczi

50On le voit, les conceptions de Simmel, que l’on pourrait voir croiser celles de Lacan sur l’autopunition, ne sont pas sans faire écho aux travaux de Ferenczi, lequel, en tant que médecin militaire, fut confronté à près de deux cents cas de névroses de guerre (il en étudia en profondeur une cinquantaine). Tout comme Rivers, il met l’accent sur les particularités de la mémoire traumatique, toute faite de distorsions et d’amputations, qui sont difficilement attribuables à l’effet d’un processus de refoulement. Se fondant sur sa minutieuse description des symptômes post-traumatiques, il déduit que l’excès de douleur psychique amène le sujet dans des pseudo-psychoses, où il se dédouble, se voit parfois de loin, comme séparé de lui par une cage invisible. On trouve ici l’idée que cette partie intacte, éloignée, si elle se sent concernée par celle, éloignée et souffrante, horrifiée et régressée, peut, avec la meilleure grâce du monde, jouer une fonction de réparation, dans un élan de compassion primitive et de savoir-faire, qui sera celui du « nourrisson savant ».

51Les 28 et 29 septembre, Ferenczi et von Freund organisent le 5e congrès de l’IPA à Budapest, que K. Abraham préside. Le congrès se déroule à l’Académie des sciences, en présence des représentants des gouvernements allemand, autrichien et hongrois. Au congrès, l’importance des névroses de guerre, sur quoi Ferenczi a énormément travaillé, est mise en évidence par Freud (intervention sur Die Kriegsneurosen und ihre Psychoanalyse, Les névroses dues à la guerre et leur psychanalyse). Roheim intervient sur Das Selbst. Eine Volkspsychologie-Studie (Le soi, une étude de psychologie des peuples). Les travaux sont salués avec un enthousiasme, qui a pour conséquence de projeter la création de cliniques et d’hôpitaux psychiatriques sur la base de principes psychanalytiques, à travers l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. Apparaît alors un rôle nouveau pour la psychanalyse, avec des implications politiques : la volonté de remédier aux problèmes sociaux. Le traitement psychanalytique apparaît comme un droit et la précarité sociale est conçue, par certains psychanalystes, comme une cause des névroses.

Épilogue

52Lors de la guerre, des psychanalystes ont pu montrer la valeur thérapeutique de la psychanalyse et son bien-fondé théorique, mais tout en se livrant à des aménagements théoriques et pratiques. Ils contribuèrent à persuader les services publics de la nécessité de mettre en place des centres usant de la psychanalyse. Abraham, Rivers, Simmel, Ferenczi, la théorie du trauma passe par ces noms-là. Ils ont théorisé, au vif de leur pratique, sur le front, des traumas de guerre, que le traumatisme était une construction encore, un aménagement ultime pour la survivance. Du fait que le trauma maintient le processus des destructions à l’extérieur de soi, il est, pour le sujet, sa demeure paradoxale et son abri le plus ténu et le plus impérieux. Faute de quoi, les tendances autodestructrices et les effondrements mélancoliques risquent de dominer la vie psychique (Ferenczi, 1919-1926). De telles thèses préfigurent certaines rectifications freudiennes, mais les préfigurent seulement. Et, à moins d’opérer un forçage de l’histoire des idées et des thèses psychanalytiques, on ne les voit pas anticiper la grande découverte de l’« Au-delà du principe de plaisir » (1920), soit le caractère originellement traumatique du sexuel et qui est ce qui permet la mise en fonction du principe de plaisir. Il n’empêche, leur tranchant, leur actualité ou, du moins, leur fraîcheur, peuvent être soulignés ici, à l’heure où le risque de réduction de l’œuvre traumatique à l’événementialité du trauma, et de rabattement de ce dernier sur le stress, permet la promotion de thérapies trop brèves et de debriefings parfois expéditifs. En effet, toute lecture des élaborations métapsychologiques diverses, et parfois hétérogènes, qu’on doit aux psychanalystes, lors de la Grande Guerre, ne peut trouver consistance qu’à la condition d’établir quels furent les renouveaux que ces témoignages et ces travaux apportèrent à la théorie du traumatisme. Et c’est sans doute là que gît l’actualité de ces textes. En effet, sommes-nous face à une théorie unique et unitaire ou pas du trauma dans la métapsychologie ? Or, nous ne constatons pas une telle uniformité de point de vue chez Freud et les freudiens. En effet, à la théorie du trauma comme excès irruptif d’excitation, se surajoute une théorie du trauma comme moment d’indistinction entre ce que la vie psychique est censée départager, soit le mort et le vif. Or, il semble bien que ce ne soit qu’au modèle du trauma comme effraction que se réfèrent les systématisations des techniques de « de-briefing » (Behaghel, 2010).

53C’est à partir des travaux de ces pionniers que l’on voit se tenir debout une réflexion clinique sur le statut de la parole et de l’écoute. Trois grandes composantes de la parole traumatique peuvent y être discernées. Dans ce vaste panorama, où se déposent des histoires de cas et des vignettes cliniques, dues aux médecins, psychologues et psychanalystes, lors de la Grande Guerre, résonne encore jusqu’à nous tout l’aspect informe et obstiné de cette parole traumatique, lorsqu’elle commence à se recomposer. Elle le fait moins par une narrativité glacée, causée par l’obligation de témoigner, que par le cauchemar, la convulsion du corps ou sa pétrification. Survit et insiste là, tout ce langage corporel du traumatisé, qui semble faire corps avec le plus déshumanisé de l’organe. Défilent sous nos yeux des aspects compacts du corps meurtri et encore survivant dans son obstination biologique… Vient ensuite – et c’est là que les psychanalystes se sont engagés dans les aventures et les défis du transfert – une grande scène de la dualité, où le patient refait son nid dans les échanges plus ordinaires, mais, souvent, à la condition d’interroger le psychologue sur sa vie dite « privée », comme l’atteste Rivers – et sans doute, là aussi, Ferenczi, anticipant sur sa technique d’analyse mutuelle. Il est réducteur de réduire cette technique à la mise en acte d’une séduction agie ; elle répond bien davantage à une nécessité de « survivance ». En cela elle permet que lien thérapeutique se tisse dans une ambiance où le patient peut, à nouveau, parler à un autre bienveillant, il se retrouve une identité de survivant, capable de réinvestissement narcissique de sa parole, enfin éloigné de ce qui le faisait dépendre, lors des combats, d’une altérité meurtrière et meurtrissante au risque de l’anéantir. Le sens particulier du transfert est que le patient se sent apte à faire tenir la plausibilité d’un interlocuteur. L’autre du transfert n’est pas encore le sujet supposé savoir, mais un autre fiable qui n’est plus l’agent du chaos et de la destruction. S’indique, néanmoins, la fragilité de ce dépliement du transfert tant que cette gourmandise sporadiquement retrouvée pour la parole n’éloigne pas le patient traumatisé de la tyrannie du sur-moi. Ce dernier, bien plus férocité interne que guide moral, peut aussi pousser à un rapport mélancolique à la parole, exténuant, vidant le sujet. D’où la nécessité de parler au sujet traumatisé, de ne pas se tenir dans un silence meurtrissant qui rendrait par trop présente la menace que l’univers signifiant se soit aboli dans un mutisme dévastateur. Parler au sujet traumatisé pour faire pièce à la catastrophe et au vécu de fin du monde qui éternise la folie traumatique.

54S’indique, enfin, que toute une théorie psychanalytique de la psychose, et plus exactement de la psychose mélancolique, a pu naître et se développer à partir de l’étude des névroses de guerre.

Notes

  • [*]
    Laboratoire CRPMS, Université Paris-7 Denis Diderot, Association française des anthropologues, 22 rue de la Tour d’Auvergne 75009 Paris.
    <douvilleolivier@noos.fr>
  • [1]
    Un groupe de jeunes anarchistes serbes, bosniaques, croates.
  • [2]
    Jarhbuch der Psychoanalyse, 6, p. 1-24.
  • [3]
    Selon l’expression de Jones (1961, p. 322).
  • [4]
    Dont Johann Friedrich Wilhelm Adolf von Baeyer, Johannès-Ernst Conrad, Franz von Defregger, Richard Dehmel, Adolf Deissmann, Friedrich-Wilhem Doerpfeld, Friedrich von Duhn, Carl Hauptmann, Gustav Hellmann, Wilhelm Herrmann, Arthur Kampf, Karl Lamprecht, Philipp Lenard, Maximilien Lenz, Max Liebermann, Franz von Liszt, Ludwig Manzel, Joseph Mausbach, Wihelm Oswald, Wilhelm Roentgen, Max Rubner, Fritz Schaper, Adolf von Schlatter, August Schmidlin, Gustav von Schmoller, Reinhold Seeberg, Felix Weingartner, Théodor Wiegand, Wilhelm Wien, Wilhelm Wundt… Einstein, contacté refusa (voir Schwabe, 1969, p. 22).
  • [5]
    Dans (Freud, 1973). Deux essais composent ce texte, le second étant la reprise, réécrite, d’une conférence donnée en février 1915 devant l’association B’nai Brith. Ce texte trouvera une suite dans le célèbre Pourquoi la guerre ? (Einstein, Freud [1933], 2011).
  • [6]
    Jean Norton Cru, professeur de littérature française aux États-Unis d’Amérique, est arrivé au front en octobre 1914, comme caporal du 240e régiment d’infanterie. Du fond de sa tranchée, il lira tout ce qui a trait à la guerre, propagande comme témoignage, et, récusant les enjolivements empourprés d’un bon nombre d’écrivains affabulateurs et journalistes enjoliveurs et pressés, tentera une analyse méthodique des écrits de soldats. On lui doit Témoins, paru en 1929, et dont il donna une version condensée l’année suivante : Du témoignage.
  • [7]
    Un auteur comme Robert Weldon Walhen dénombre 570 000 Allemands tués pendant la guerre, ou immédiatement après, des suites de leurs blessures. Des « grands mutilés » ont pu leur survivre : 44 657 avaient perdu une jambe, 20 887 un bras, 136 leurs deux bras, et 1 264 leurs deux jambes, 2 547 étaient aveugles de guerre, tous ces revenants ne constituaient qu’une fraction de ceux qui avaient été gravement blessés à la tête et la plupart en moururent (Wahlen, 1984, p. 41).
  • [8]
    Jean Galtier-Boissière est un écrivain polémiste français. Il participe à la retraite de septembre 1914, puis à l’avancée de la Marne. Il laissera ses souvenirs de fantassin, égaré, marchant dans une direction puis l’autre, en fonction de directives incompréhensibles et absurdes, dans son livre En rase campagne, 1914. Un hiver à Souchez. 1915-1916, (Galtier-Boissière, 1917).
  • [9]
    Sur ce dernier point, on lira le premier chapitre du livre de Charlotte Lacoste (Lacoste, 2010). Je remercie Serge G. Raymond de m’avoir fait découvrir cet auteur.
  • [10]
    Dans son étude, Jay Winter (2008) analyse la façon dont la société inventa ses propres rituels et processus de deuil, une fois la paix revenue. Le cadre réthorique fut souvent ce qu’offrait ce qui subsistait d’imprégnation romantique dans la culture.
  • [11]
    Cela fut aussi constaté par Tausk (1917/2000, p. 133).
  • [12]
    Dont les travaux de Silas Weir Mitchell qui, durant la guerre de Sécession, est chargé des maladies et traumatismes nerveux au Turners Lane Hospital de Philadelphie, à la fin de la guerre il se spécialise en neurologie. Il se rendit alors célèbre en préconisant la cure de repos dans le traitement des maladies nerveuses, notamment l’hystérie (voir S. Weir Mitchell, Free Quacker. Sometime Brevet Lieutenant-Colonel on the Staff of his Excellency General Washington, 1897, http://www.gutenberg.org/files/6485/6485-h/6485-h.htm et Benjamin Tucker, S. Wier Mitchell, Boston, 1914).
  • [13]
    On se reportera à deux articles de G. Tréhel (2007, 2010) et, toujours à propos d’Abraham, mais aussi de Ferenczi et Simmel, à Douville (2009).
  • [14]
    En 1918, Abraham pouvait avoir en main la 3e édition du texte de Freud, paru, pour la première fois en 1905, chez Deuticke.
  • [15]
    Littéralement « choc de l’obus », en français « obusite », terme créé et utilisé lors de la Grande Guerre (N.D.L.R.).
  • [16]
    Les participants étaient : Pr Freud, Dr Hitschmannn, Dr Sachs, Dr Federn, Dr von Hug-Hellmuth, Dr Nunberg, Dr Kaplan, Dr Jekels, Dr Sadger, Dr Steiner. On note la presence de deux invités (Mme) Dr Schmiedel et le Pr Kraus. La Société psychanalytique de Vienne a fait très peu de place aux discussions portant sur les incidences subjectives du conflit. La lecture des Minutes de la Société psychanalytique de Vienne, tome IV, 1912-1918, Paris, Gallimard, 1983), étonne à cet égard ; il appert que seul Tausk apporte de quoi alimenter les débats et échanges cliniques à ce sujet.
  • [17]
    De 1914 à 1916, soit de Pour introduire le narcissisme à Introduction à la psychanalyse, la place de la réalité constitue un critère discriminant entre névrose et psychose. Dans le cas de la schizophrénie, le mécanisme du refoulement n’opérant pas, les mots sont substitués aux objets. L’article de 1915, « L’inconscient », précise que le traitement que la psychose fait du langage s’apparente, alors, à celui du rêve, la démence précoce ne saisissant des objets que leur « ombre », soit « les expressions verbales qui leur correspondent ». Le Freud de 1915 et de 1916 se souvient-il de celui de 1891, rédigeant son texte sur l’aphasie et explorant toute la complexité de la relation entre les mots et les choses ? La correspondance délicate entre mots et choses est explorée à nouveau. Les psychoses paraissent avoir donné au mot tout le privilège par rapport à la chose. Or, dans la psychose, le retrait de la libido du monde extérieur ne signifie en rien leur remplacement par l’investissement d’un objet intérieur. Les tentatives pour palier cette béance sont bien fragiles, et l’investissement du mot, au détriment de l’objet, est bien l’angle théorique, qui permet, encore une fois, d’opposer psychoses et névroses, ces dernières ayant refoulé les mots, alors que les premières ne peuvent conduire qu’à des tentatives de réinvestissement objectal de la réalité extérieure au risque d’une régression du moi au narcissisme. La mélancolie manifeste une telle régression, alors que la manie, ne pouvant se fixer sur un seul objet, les consume rapidement les uns après les autres.
  • [18]
    Le lien entre l’institution totémique et les rituels funéraires était fermement établi par les premiers anthropologues, l’écho de telles observations est net dans le texte de Freud Totem et tabou (1912-1913).
  • [19]
    Freud (1923) avait, toutefois, indiqué la possibilité d’un inconscient non refoulé, ou d’un trosième inconscient non refoulé dans « Le moi et le ça ».
Français

Cette brève présentation ne peut ni ne veut se hausser à un état des lieux du champ du travail clinique et de la recherche psychanalytique sur les névroses de guerre, lors du premier conflit mondial. Nous avons fait choix d’illustrer une hypothèse, celle selon laquelle l’élaboration de la notion de névrose de guerre emporte avec elle des repères pour des conceptualisations psychanalytiques ultérieures de la psychose. Aussi avons-nous, sans doute arbitrairement, mis davantage l’accent sur quelques indications relatives aux élaborations de quelques psychanalystes, dont, surtout, Abraham, Tausk, Rivers et Simmel, dans cette période qui débute avec le conflit et se prolonge quelques années après l’armistice, période où les soldats psychiquement blessés consultent encore.

Références

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Olivier Douville [*]
  • [*]
    Laboratoire CRPMS, Université Paris-7 Denis Diderot, Association française des anthropologues, 22 rue de la Tour d’Auvergne 75009 Paris.
    <douvilleolivier@noos.fr>
Mis en ligne sur Cairn.info le 25/06/2014
https://doi.org/10.3917/bupsy.531.0237
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