CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le développement de programmes d’intervention, visant à prévenir ou contrer la négligence envers les enfants, et leur implantation à l’intérieur d’établissements dont la mission est de protéger les enfants, de s’assurer de leur bien-être et de soutenir les familles, sont particulièrement entravés par toute une série d’imprécisions sur le plan théorique. Ces imprécisions ont trait à trois aspects complémentaires : la difficulté à décrire les manifestations qui caractérisent le phénomène de la négligence envers les enfants, la difficulté à rendre compte de son étiologie et la complexité de ses conséquences. Étant données les lacunes dans l’état actuel des connaissances à propos de la négligence et de la nécessité de conceptualiser davantage (et mieux) ce phénomène, Zuravin (1999) recommande aux chercheurs et aux responsables du développement et de l’évaluation de programmes dans le domaine de la négligence de ne pas se limiter à quelques paragraphes, insérés dans des articles empiriques ou des manuels de programme sur le sujet, mais de publier des articles de fonds distincts, qui présentent en détail leur modèle théorique et les définitions opérationnelles sur lesquelles ils fondent leurs travaux. Cet article s’inscrit dans le prolongement de cette recommandation.

2L’article vise à décrire un modèle écosystémique de la négligence qui peut être appliqué, notamment, au développement de nouveaux programmes d’intervention et à l’évaluation de l’implantation et des effets de programmes existants. La première partie de l’article présente les principaux enjeux suscités par l’acte de définir la négligence envers les enfants, dans les sociétés occidentales et occidentalisées, et propose une définition s’appuyant sur l’état des connaissances scientifiques et cliniques actuelles, permettant de faire un diagnostic de ces situations (c’est-à-dire de les identifier de manière fiable, à partir des principales manifestations comportementales, psychologiques, relationnelles et sociales qui caractérisent la négligence). La seconde partie propose un modèle étiologique de la négligence (une pathogenèse) permettant de comprendre les principales conditions et les principaux mécanismes, connus à ce jour, qui contribuent à produire les situations de négligence dans les sociétés occidentales. La troisième partie fait le point sur les multiples conséquences qu’entraîne la négligence, de manière à rendre compte de la nature et de l’étendue des défis développementaux auxquels sont exposés les enfants négligés (ou l’ayant été) et à proposer des repères permettant de fonder un pronostic pour ces derniers, et d’élaborer des actions cohérentes avec ce pronostic, même lorsque la situation de négligence s’est résorbée. L’article fournit, en conclusion, des recommandations pour le développement et l’évaluation des programmes visant à prévenir ou contrer la négligence envers les enfants. Il faut, à ce sujet, noter que cette partie du texte est ancrée dans un contexte socioculturel spécifique : le Québec. Quoique les recommandations fournies sont suffisamment générales pour s’appliquer aux politiques et services de la plupart des sociétés occidentales, elles trouvent un écho plus précis au regard des pratiques ayant cours dans cette enclave francophone nord-américaine.

Définir la négligence envers les enfants

Considérations préliminaires

3Plusieurs chercheurs, au cours des trente dernières années, ont souligné les difficultés à définir le phénomène de la négligence envers les enfants (Allin, McMillan, 2005 ; Dubowitz, Black, Starr, Zuravin, 1993 ; Erickson, Egeland, 1996 ; Garbarino, Collins, 1999 ; Giovannoni, 1989 ; Lewis, 1969 ; Sullivan, 2000 ; Wald, 1976, 1982 ; Wolock, Horowitz, 1986 ; Wolfe, Werkele, 1993 ; Zuravin, 1999). Pourquoi la négligence envers les enfants est-elle si difficile à définir ? Pourquoi, après maints efforts sur les plans socio-juridique et scientifique, cela pose-t-il encore un problème aujourd’hui ? Les réponses à ces questions reposent sur la complexité inhérente au phénomène de la négligence des enfants. Cette complexité s’articule autour de trois axes : les besoins des enfants, le rapport entre la satisfaction des besoins et le développement des enfants et les réponses aux besoins des enfants.

Les besoins des enfants

4La négligence est intimement liée aux conceptions (ou théories implicites) qu’une collectivité, à une époque donnée, se construit des besoins fondamentaux des enfants et des jeunes [1]. Quelle est la nature et l’étendue de ces besoins conçus comme étant fondamentaux ? Si, actuellement, des consensus sociaux sont obtenus, de manière quasi universelle, autour de certains besoins (par exemple, besoin d’alimentation minimale, de protection contre des prédateurs ou de protection contre les éléments climatiques extrêmes), il en va différemment pour d’autres besoins dont le caractère « fondamental » est source de divergence (par exemple, le besoin d’hygiène corporelle ou d’expression d’affection envers l’enfant par les figures parentales).

5L’évolution rapide des représentations sociales à propos des enfants et de leur développement, de même que la diversité des appartenances ethniques ou la différenciation culturelle au sein d’une collectivité, rendent particulièrement difficile l’identification d’un ensemble fixe de besoins fondamentaux des enfants, faisant consensus et pour lequel des actions claires et opportunes peuvent être envisagées pour assurer leur satisfaction. On peut cependant souligner que deux catégories de besoins semblent susciter plus facilement des convergences d’opinions à l’intérieur de plusieurs sociétés à travers le monde : les besoins d’ordre physique (incluant, par exemple, le besoin d’être nourri, celui d’être protégé contre les dangers physiques et les rigueurs de l’environnement ou celui de recevoir les soins médicaux disponibles que requiert son état de santé) et les besoins d’ordre éducatif (incluant, par exemple, le besoin de disposer d’expériences d’apprentissage pertinentes au regard du développement et de la culture, ou celui de disposer de structures d’autorité, de limites ou d’attentes claires face à sa conduite).

6En revanche, même si les quelques exemples énumérés entre parenthèses suscitent de larges consensus dans les pays occidentaux, la liste complète et exhaustive, de même que la définition opérationnelle des besoins spécifiques appartenant à chacune de ces catégories demeurent encore des sujets de discussion, de débat et même de controverse. De plus, les besoins spécifiques d’ordre psychologique (émotionnel ou socio-affectif) suscitent des divergences d’opinion voire des prises de position diamétralement opposées, non seulement d’une collectivité à l’autre, mais aussi d’un groupe social à l’autre, à l’intérieur d’une même collectivité. Toutefois, un besoin particulier dans ce domaine semble faire consensus, autant dans la communauté scientifique internationale que dans la plupart des sociétés occidentales et occidentalisées. Il s’agit du besoin d’établir des relations affectives stables avec des personnes ayant la capacité et étant disposées à porter attention et à se soucier des besoins de l’enfant (Brazelton, Greenspan, 2000 ; Crittenden, 1999 ; Hrdy, 2000 ; Rohner, 1987). En fait, il s’agit d’un « méta-besoin » qui englobe la plupart (sinon l’ensemble) des autres besoins fondamentaux que peut avoir un enfant au cours de son développement. La satisfaction de ces derniers semble ne pouvoir être atteinte que dans le contexte de la satisfaction suffisante du premier. Par conséquent, la négligence à l’égard de besoins physiques ou éducatifs semble relever fondamentalement d’une défaillance ou d’un échec à combler ce besoin, qu’ont tous les enfants, d’attention ou de disponibilité psychologique de la part de leur entourage immédiat. En d’autres termes, les enfants ont besoin que les adultes de leur entourage immédiat aient une « théorie implicite » de leurs besoins. Dans la plupart des cas de négligence, les signes ou les symptômes de cette défaillance, ou de cet échec de disponibilité psychologique, s’expriment sous la forme « visible » de carences ou de lacunes dans la satisfaction des besoins d’ordre physique ou éducatif. À l’inverse, ces carences ou lacunes dans la satisfaction des besoins physiques ou éducationnels reposent essentiellement sur une difficulté ou une incapacité des adultes, appartenant à l’entourage des enfants, à porter attention et à se soucier des besoins fondamentaux (tels que la collectivité dans laquelle ils s’insèrent les définit) de ces derniers. La négligence caractérise donc les situations où la « théorie implicite » des besoins, utilisée par l’entourage immédiat d’un enfant, s’écarte de la théorie socialement validée et instituée des besoins des enfants dans une collectivité. Elle intéresse, par conséquent, une forme particulière de rapport (qu’on pourrait qualifier de conflictuel ou désaffilié) entre l’entourage immédiat de l’enfant (par exemple, son groupe familial) et la collectivité à laquelle il appartient. Ainsi, la négligence, sous l’axe de l’identification des besoins des enfants, réfère à une double perturbation : celle du rapport entre l’entourage de l’enfant et ce dernier, et celle du rapport entre l’entourage de l’enfant et la collectivité.

Satisfaction des besoins et développement des enfants

7Un second axe qui rend compte de la complexité inhérente à la définition de la négligence est le rapport entre la satisfaction des besoins d’un enfant et son développement [2]. Dans quelle mesure le développement d’un enfant est-il affecté (ou risque-t-il de l’être) si certains besoins ne sont pas satisfaits ? Encore ici, le sens commun nous permet d’apporter des réponses relativement claires à cette question pour certains besoins. C’est, d’ailleurs, sur la base d’une évaluation « empirique », fondée sur des faits démontrés, des conséquences probables pour le développement des enfants, que les adultes directement responsables de leur bien-être, appartenant à une même collectivité, fondent leurs pratiques envers ces derniers. Cette évaluation empirique s’appuie sur le bagage de connaissances culturelles que l’on pourrait appeler le sens commun. Par exemple, la plupart des adultes, de la plupart des collectivités dans le monde, vont considérer que le fait de laisser sans aucune surveillance un enfant de deux ans qui sait marcher, présente des risques significatifs pour sa sécurité et peut entraîner de graves conséquences (accident, enlèvement, décès).

8Pour d’autres situations, ce sont les connaissances scientifiques (découlant d’une forme particulière d’évaluation fondée sur des faits démontrés) qui permettent de mettre en évidence des séquelles développementales à court, moyen ou long terme, découlant de l’absence de satisfaction de certains besoins, parfois à l’encontre du sens commun. On peut citer, à titre d’exemple, l’exposition à des substances psychotropes (alcool, cocaïne, etc.) au cours de la période prénatale et l’utilisation de sièges d’appoint pour enfants dans les automobiles [3].

9Par contre, pour plusieurs autres situations, le lien entre les lacunes dans la satisfaction de certains besoins de l’enfant et leurs conséquences développementales, est particulièrement difficile à faire et semble relever davantage du système de valeurs de celui ou celle qui pose ce type de jugement, que des observations ou des connaissances empiriques disponibles (provenant du sens commun ou de la science). On pourrait parler ici d’évaluation « fondée sur la valeur » plutôt que « fondé sur l’évidence ».

10Ainsi, sous ce second axe, définir la négligence ne dépend pas uniquement des connaissances empiriques disponibles à propos des conséquences immédiates ou des séquelles développementales de la négligence des besoins des enfants, mais également des conceptions sociales à propos de ce que devrait être un enfant idéal. Évidemment, l’enfant idéal est notamment un enfant vivant, en bonne santé, possédant certaines caractéristiques physiques telles que la symétrie et apprenant, au moment opportun, les conduites sociales valorisées. Manifestement, plusieurs enfants d’une collectivité ne correspondent pas à cet idéal. La négligence ne repose pas directement sur les écarts entre un enfant particulier et l’idéal social d’enfant, mais plutôt sur le caractère évitable de certains de ces écarts (c’est-à-dire les efforts de l’entourage d’un enfant à endosser ou faire sien l’idéal social d’enfant, à investir des ressources personnelles qui augmentent les chances de réaliser cet idéal, ou de réduire cet écart avec chaque enfant pris individuellement, à rechercher et trouver des solutions aux obstacles qui se posent au cours de cette démarche, etc.) Tout cela se révèle particulièrement difficile à codifier et à opérationnaliser, à l’intérieur d’une définition de la négligence envers les enfants, d’une part, parce que ces conceptions de l’enfant idéal sont influencées par de multiples facteurs et évoluent rapidement dans le temps à l’intérieur d’une collectivité, et, d’autre part, parce qu’elles ne se distribuent pas de manière homogène parmi les différents groupes sociaux d’une collectivité. Ainsi, le rapport entre la satisfaction des besoins d’un enfant et son développement, doit reposer sur ce que Korbin et Spilsbury (1999) nomment la « compétence culturelle » d’une collectivité, c’est-à-dire sa capacité à prendre conscience et à tenir compte de la diversité des valeurs dans l’établissement d’un système de valeurs, socialement validé et institué.

Les réponses aux besoins des enfants

11Le dernier axe de réflexion, nécessaire à la définition de la négligence envers les enfants, a trait à ce qui doit être considéré comme une réponse adéquate, appropriée ou suffisante aux besoins de ces derniers, pour que leur développement se déroule normalement (c’est-à-dire tende, dans ce qu’il y a d’évitable, vers l’idéal social d’enfant). Ici, c’est le cœur du phénomène de la négligence qui est touché : l’omission d’agir (pour favoriser le développement individuel et pour contourner les écueils évitables) en fonction des besoins d’un enfant. De qui relève la responsabilité de répondre aux besoins fondamentaux des enfants ? En quoi consiste une réponse adéquate à ces besoins ? et à partir de quand considère-t-on qu’elle ne l’est plus ? Ces questions mettent en relief deux enjeux principaux, ayant trait aux déclencheurs ou causes immédiates de la négligence.

12D’une part, en tenant compte des exigences biopsychosociales, suscitées par la présence d’enfants au sein d’une collectivité humaine, on ne peut concevoir qu’un enfant soit négligé sans, préalablement, concevoir que d’autres personnes ont contracté des obligations (légales, sociales et éthiques) à son endroit. C’est dans le cadre d’une défaillance ou d’un échec à rencontrer ces obligations, par des personnes responsables, qu’apparaît la négligence. Qui sont ces personnes ? Une réponse simple est : les parents (ou les personnes ayant la garde physique) de l’enfant. En effet, la plupart des lois civiles, dans les pays occidentaux, imputent à la mère et au père d’un enfant la responsabilité première de son bien-être et de sa protection [4]. Sauf que les principes du droit ne sont pas nécessairement les seuls (voire les meilleurs) outils pour réfléchir aux responsabilités individuelles et collectives à l’endroit des besoins des enfants. Le caractère prescriptif des lois a tendance à imposer une vision réductrice de la complexité, des variations et des changements dans les arrangements sociaux suscités par la nécessité de répondre aux besoins des enfants. Les travaux en éthologie (animale et humaine), en anthropologie et en sociologie de la famille, en psychologie du développement, de même qu’en éthique, permettent d’élargir la perspective avec laquelle cette nécessité humaine de prendre soin des enfants peut être envisagée (Brazelton, Greenspan, 2000 ; Bronfenbrenner, Ceci, 1994 ; Singly, 1996 ; Garbarino, 1995 ; Hrdy, 1999). Ces travaux montrent que, lorsque des sociétés définissent la parentalité comme étant une responsabilité privée et personnelle, les probabilités de survie et de développement optimal de chaque enfant, pris individuellement, sont plus faibles que dans les sociétés qui définissent la parentalité comme étant une responsabilité collective et partagée (Garbarino, Collins, 1999).

13Ainsi, à la question « qui est responsable ? », c’est à l’ensemble des déterminants écosystémiques du développement de l’enfant qu’il faut penser (et non seulement aux déterminants parentaux). La négligence n’est donc pas simplement une question de parents négligents (et, en raisonnant de façon réductionniste, on pourrait dire une question de mères négligentes). C’est aussi un jugement, à propos des défaillances ou des échecs des plus proches à procurer du soutien, et de l’encadrement des figures parentales dans l’exercice de leur rôle de « premiers responsables » du bien-être de leur enfants, ce que certains ont nommé la « négligence communautaire ou sociétale » (Garbarino, Collins, 1999 ; Lewis, 1969). Paradoxalement, c’est dans les environnements sociaux favorisés (c’est-à-dire offrant un accès cohérent et continu à un ensemble de ressources, formelles et informelles, et de services spécifiques pertinents) que la négligence d’un enfant peut être le plus directement et clairement reliée à des lacunes dans les conduites parentales (difficulté ou incapacité à manifester une disponibilité psychologique à l’égard de l’enfant). Dans tous les autres contextes, la négligence est causée par un ensemble complexe de facteurs, incluant notamment des difficultés parentales (à manifester une disponibilité psychologique à l’égard de l’enfant), une fragmentation des ressources économiques, sociales et culturelles dont disposent les parents, des sources de stress contextuelles et des incohérences politiques. Contrairement aux autres formes de mauvais traitements, définir la négligence c’est, donc, d’être en mesure de considérer que, dans un nombre substantiel de cas, ce phénomène a des causes, mais n’a pas nécessairement de coupables.

14L’autre question soulevée sous le troisième axe – en quoi consiste une réponse adéquate aux besoins fondamentaux des enfants ? – met en relief le fait que la négligence est une défaillance ou un échec dans l’application des normes sociales minimales de soins et d’éducation aux enfants. Dans les sociétés occidentales actuelles, cet ensemble de normes est le résultat, plus ou moins cohérent et stable, d’une négociation entre, d’une part, des prescriptions découlant de valeurs culturelles collectives et, d’autre part, des prescriptions découlant de l’expertise professionnelle et scientifique (notamment dans les domaines du droit, de la médecine, de la psychologie et du travail social) (Garbarino, Collins, 1999). Ici, la difficulté à tenir compte des éléments de cet axe dans la définition de la négligence réside, en premier lieu, dans le degré de pénétration sociale de ces prescriptions (en particulier, celles qui découlent de nouvelles normes) et, en second lieu, dans le rapport que les individus entretiennent avec ces celles-ci. Ainsi, les membres d’une société ne sont pas exposés, de manière équivalente, à l’ensemble de normes minimales de soin et d’éducation aux enfants, surtout lorsque celles-ci se transforment et sont intégrées rapidement (comme c’est le cas dans les sociétés modernes). Les personnes vivant dans des contextes sociaux éloignés de la culture dominante (par exemple, les individus vivant dans des conditionss socioéconomiques défavorisées ou provenant d’ethnies diversifiées), sont habituellement exposées à ces normes de manière moins fréquente, moins intense et moins régulière. Est-ce à dire que ces personnes ont moins de normes concernant les soins minimaux relatifs aux enfants ? En général, ce n’est pas le cas. En revanche, elles sont exposées à d’autres ensembles de normes qui peuvent se superposer, de façon plus ou moins cohérente, aux normes de soins et d’éducation aux enfants en provenance de la culture dominante. De plus, le rapport des individus aux normes sociales instituées peut s’établir sous forme de désengagement, de rejet, de contestation. Il serait surprenant de penser que, dans ces contextes, les normes minimales de soin et d’éducation aux enfants soient traitées sur un autre pied que les autres normes sociales auxquelles on demande aux individus de se plier. Définir la négligence envers les enfants dans les sociétés modernes exige, donc, de tenir compte d’une mosaïque complexe de normes, plus ou moins claires et articulées, régissant les pratiques de soins et d’éducation envers ces derniers, et du rapport que les personnes en position de responsabilité envers les enfants, établissent avec celles-ci.

15Ces trois enjeux relatifs à la définition de la négligence – l’identification des besoins, des effets développementaux et des pratiques appropriées –, ont un impact majeur sur ce que signifie protéger un enfant négligé ou au risque de l’être (Garbarino, Collins, 1999). Dans les cas des autres formes de mauvais traitements (abus physique, psychologique ou sexuel), la protection des enfants se traduit, en général, par une action concrète et ponctuelle : empêcher une ou des personnes spécifiques de se conduire de manière abusive envers l’enfant. Dans le cas de la négligence, il s’agit plutôt de « penser » la protection de l’enfant, non pas en termes d’actions ponctuelles à poser, mais plutôt en termes de processus à mettre en place, c’est-à-dire une suite continue et cohérente d’opérations permettant de construire et de soutenir le souci que les adultes ont à l’égard du bien-être des enfants [5]. Sauf quelques rares exceptions, le processus de protection sous-jacent à la négligence ne doit pas se réduire à des actions ponctuelles auprès des figures parentales (et, de manière encore plus réductrice, auprès des figures maternelles), mais doit, plutôt, englober les multiples plans du contexte (micro-, méso-, exo- et macrosystémique) à l’intérieur duquel s’inscrivent les relations entre les figures parentales et les enfants.

Définition de la négligence envers les enfants

16Sur la base de ces considérations préliminaires, il nous apparaît donc nécessaire d’intégrer deux points de vue dans la définition de la négligence : celui de l’enfant négligé, lui-même, et des conséquences qu’il subit, et celui du contexte de production de la négligence. Selon cette approche mixte, on peut donc définir les principales manifestations de la négligence envers un enfant selon les cinq éléments suivants. La négligence se manifeste par :

  • une carence significative (voire une absence) de réponse à des besoins d’un enfant, ceux-ci étant reconnus comme fondamentaux sur la base des connaissances scientifiques actuelles, ou, en l’absence de celles-ci (ou de consensus à leur propos), de valeurs sociales adoptées par la collectivité dont fait partie ce dernier ;
  • dans l’état actuel des connaissances scientifiques, ces besoins fondamentaux sont principalement d’ordre physique ou éducatif. Toutefois, la satisfaction de ces types de besoins repose sur un besoin primaire d’ordre psychologique, le besoin d’attention ou de disponibilité psychologique de la part de l’entourage de l’enfant. Ces trois types de besoins – psychologique, physique ou éducatif – varient, dans leur forme et leur intensité, notamment en fonction de la maturité (âge) de l’enfant ;
  • cette carence ou absence de réponse à des besoins doit entraîner un risque significatif (voire la présence effective) de conséquences négatives, connues empiriquement ou reconnues socialement, pour le développement de cet enfant ;
  • cette carence ou absence de réponse à des besoins de l’enfant est attribuable à une difficulté significative ou une incapacité (circonstancielles ou chroniques), du réseau social proximal de l’enfant, d’agir conformément aux normes minimales de soins physiques, psychologiques ou éducatifs, reconnues à l’intérieur de la collectivité dont cet enfant fait partie ;
  • cette difficulté significative ou cette incapacité du réseau social proximal de l’enfant est, en premier lieu, imputable aux parents (ou à tout autre adulte ayant la garde physique) de l’enfant. Toutefois, si ces derniers ne disposent pas de conditions minimales d’exercice de leurs responsabilités envers l’enfant, l’imputabilité de cette difficulté significative ou de cette incapacité du réseau social proximal de l’enfant doit, en second lieu, être aussi « diffusée » à d’autres acteurs faisant partie des divers contextes de développement de l’enfant.
Cette définition englobe la plupart des manifestations recensées dans la documentation scientifique et professionnelle nord-américaine et européenne. Elle fournit les principaux éléments qui doivent être considérés dans les multiples réponses sociales face à la négligence : prévention universelle, dépistage et prévention sélective, évaluation des signalements, identification des orientations cliniques, développement de programmes et de pratiques, planification de l’intervention et des services, évaluation des résultats de cette intervention. Il faut cependant souligner que cette définition ne « fixe » pas les critères qui permettent d’opérationnaliser les manifestations de la négligence. Elle fournit, en revanche, un protocole permettant à une collectivité (par exemple, par l’entremise de ses institutions de services sociaux, sanitaires et éducatifs) d’opérationnaliser ce phénomène en tenant compte des valeurs et des représentations sociales qui la caractérisent. Ainsi, avant d’être un outil pour identifier, de manière fiable et nuancée, des cas d’enfants négligés, cette définition constitue un instrument d’élaboration de consensus collectifs à propos des principales manifestations de la négligence. Elle permet, toutefois, d’évaluer la validité conceptuelle des instruments qui peuvent être utilisés. On peut citer ici en exemple l’« index de négligence » (Trocmé, 1996) qui évalue six dimensions pouvant aisément être regroupées autour de la réponse parentale aux besoins d’ordre physique ou éducatif.

17Les manifestations décrites à l’intérieur de la définition proposée permettent, sur la base des besoins spécifiques qui sont touchés, de distinguer au moins quatre types de négligence : la négligence physique, éducative, affective et complexe. La négligence physique se rapporte aux situations à l’intérieur desquelles ce sont, principalement, les besoins d’ordre physique qui semblent être l’objet de la négligence (alimentation, logement, habillement, soins de santé, etc.). La négligence éducative [6] se rapporte aux situations à l’intérieur desquelles ce sont principalement les besoins d’ordre éducatif qui semblent être l’objet de la négligence (stimulation, surveillance, supervision, encadrement, etc.). La négligence multiple se rapporte aux situations à l’intérieur desquelles autant les besoins d’ordre physique qu’éducatif semblent être l’objet de la négligence. Finalement, la négligence affective intéresse les situations à l’intérieur desquelles les besoins d’ordre physique ou éducatif semblent recevoir une réponse adéquate, mais les figures parentales (ou les personnes ayant la garde physique de l’enfant) échouent, par ailleurs, à manifester l’attention ou la disponibilité psychologique que la société attend d’elles. Ce type de manifestation de négligence est particulièrement difficile à opérationnaliser et repose, la plupart du temps, sur des actes de rejet, d’hostilité, d’intrusion ou d’indifférence psychologique. C’est pourquoi nous abondons dans le sens du Comité sur la révision de la loi sur la protection de la jeunesse au Québec (2004) qui classe ces manifestations dans la catégorie des mauvais traitements (abus) psychologiques.

Étiologie de la négligence envers les enfants

18L’étiologie de la négligence envers les enfants a suivi la même évolution que celle des autres formes de mauvais traitements. Les premiers modèles étiologiques de la négligence étaient typiquement unidimensionnels et mettaient l’accent sur les difficultés intrapsychiques des parents et, plus spécifiquement, de la mère (Polansky, Chalmers, Buttenweiser, Williams, 1981). Les modèles plus récents (par exemple, Black, 2000 ; Burke, Chandy, Dannerbeck, Watt, 1998) tentent, plutôt, d’intégrer de multiples déterminants sur les plans individuel, familial et contextuel. La théorie écosystémique de la négligence, proposée dans cet article, s’inscrit dans cette perspective. Elle se démarque des modèles multivariés actuels en tentant d’identifier ce que Crittenden (1993, 1999) nomme des mécanismes « critiques » du processus de production de la négligence envers les enfants. La figure 1 présente les principaux éléments de cette théorie écosystémique de la négligence.

Figure 1

Théorie écosystémique de la négligence envers les enfants

Figure 1

Théorie écosystémique de la négligence envers les enfants

19La négligence envers les enfants repose sur la combinaison de deux mécanismes distincts (voir Section B de la figure 1). Le premier de ces mécanismes relève d’une perturbation de la relation entre les figures parentales et l’enfant, perturbation caractérisée par la présence d’un faible taux d’interactions et, dans les moments où il y a interaction entre les figures parentales et l’enfant, de conduites réciproques principalement négatives (Bousha, Twentyman, 1984 ; Burgess, Conger, 1978 ; Crittenden, 1993). Le second mécanisme est du ressort d’une perturbation du rapport entre la famille et la collectivité à laquelle elle appartient, perturbation principalement caractérisée par l’isolement « fonctionnel » des figures parentales et de l’enfant (Coohey, 1996 ; Gaudin, Polansky, 1986 ; Gaudin, Polansky, Kilpatrick, Shilton, 1993). Lacharité et Éthier (2003) identifient quatre situations distinctes, ayant pour effet d’isoler fonctionnellement les membres d’une famille, et notamment les figures parentales, du soutien nécessaire à leur développement et à l’exercice de leurs responsabilités. Il peut s’agir de situations d’isolement social en tant que tel, c’est-à-dire l’absence (ou la quasi-absence) de contacts entre la famille et son entourage. Il peut aussi s’agir de situations à l’intérieur desquelles le réseau de soutien formel de la famille s’est développé, aux dépends du réseau informel. Dans ces situations, la vie sociale de la famille ne tourne pratiquement plus qu’autour des services professionnels qu’elle reçoit. Il peut aussi s’agir de situations d’insularité de la famille (c’est-à-dire un réseau de soutien social essentiellement refermé sur lui-même) qui restreignent considérablement la provision régulière, variée et contingente de soutien informel et formel. Enfin, il peut s’agir de situations à l’intérieur desquelles des conflits interpersonnels à répétition provoquent de l’instabilité sociale qui interfère avec la provision régulière, variée et contingente de soutien informel et formel.

20La documentation scientifique permet de faire le point sur les principaux facteurs qui augmentent la probabilité que ces mécanismes de négligence soient présents simultanément à l’intérieur d’une famille (Azar, Wolfe, 1998 ; Brown, Cohen, Johnson, Salzinger, 1998 ; Crittenden, 1999 ; Ethier, Lacharité, 2000 ; Gagnier, Lacharité, Pinard, Éthier, 2000 ; Garbarino, Collins, 1999 ; Mayer-Renaud, 1985, 1993 ; Schumaker, Smith-Slep, Heyman, 2001). Ces conditions de risque relèvent de trois catégories : des conditions associées aux caractéristiques du contexte de vie de la famille, des conditions associées aux caractéristiques des figures parentales, et des conditions associées aux caractéristiques des enfants. La figure 1 (Section A) présente la liste des principales conditions de risques, directement liées à la problématique de la négligence envers les enfants. Cette figure introduit également une hiérarchie dans ces conditions de risque, certaines constituant des facteurs plus fortement associés à la négligence que d’autres. Seuls les facteurs ayant démontré un effet modéré ou fort ont été retenus.

21Ainsi, les études montrent que les facteurs contextuels, notamment l’absence de soutien social et de ressources collectives (économiques, sociales ou culturelles), semblent peser particulièrement dans l’apparition des situations de négligence. Par absence de ressources collectives, on entend, notamment, le taux de pauvreté, de décrochage scolaire et de monoparentalité au sein du quartier dans lequel vit une famille. La présence de facteurs de stress chroniques, à la fois dans l’environnement dans lequel s’insère la famille et dans la famille elle-même, contribue au risque de négligence. Il faut noter ici que ce ne sont pas les sources de stress aiguës, en tant que telles, qui constituent un facteur de risque de négligence (modéré ou fort), mais plutôt les événements incontrôlables, quotidiens, qui contribuent à rendre la vie de la famille chaotique.

22Sur le plan des caractéristiques des figures parentales, la méta-analyse de Schumaker et coll. (2001) révèle que les deux principales conditions de risque reposent sur les situations de fertilité exacerbée ou excessive, et sur les problèmes de santé mentale. Le nombre de grossesses et de naissances, notamment lorsqu’elles sont non planifiées, constitue un important facteur de risque de négligence. Historiquement, une des premières caractéristiques, repérées par les chercheurs, chez les familles qualifiées de négligentes, a été le grand nombre d’enfants. Les problèmes de santé mentale des figures parentales, associés à la négligence, regroupent principalement les manifestations de toxicomanie, de dépression et de troubles de la personnalité. Les habiletés sociales déficitaires (notamment l’impulsivité, la méfiance et la faible estime de soi) de même que les faibles habiletés pour la résolution de problèmes (se manifestant, notamment, à travers des déficits cognitifs, voire un retard ou une déficience intellectuels) constituent des facteurs ayant un effet modéré sur l’apparition des situations de négligence envers les enfants. De plus, les enfants eux-mêmes, à travers la présence de caractéristiques négatives, telles qu’un tempérament irritable ou des problèmes de comportement, contribuent à augmenter les risques de négligence à leur égard.

23Il est important de noter que l’âge des figures parentales est associé à des résultats contradictoires. Dans certaines études, ce facteur est négativement associé à la négligence (le risque augmentant chez les jeunes parents) tandis que, dans d’autres études, il est y est positivement associé (le risque augmentant chez les parents plus âgés) (Schumaker et coll. 2001). Ces résultats indiquent la présence probable d’effets modérateurs, qui interagissent avec l’âge du parent, pour expliquer le risque de négligence. De plus, il faut noter que, dans les facteurs contextuels, les lacunes dans les ressources individuelles, sur le plan économique (faibles revenus, absence d’occupation du parent) et culturel (faible scolarité du parent), suscitent également des résultats difficiles à interpréter. Les résultats de ces études convergent pour montrer que ce facteur a un effet significatif sur la négligence, mais, pour certaines, cet effet est faible, alors que, pour d’autres, il est modéré ou fort (Sedlak, Broadhurst, 1996 ; Schumaker et coll., 2001).

24Sur le plan de l’étiologie de la négligence envers les enfants, une lacune importante doit être notée dans la documentation scientifique : aucune étude ne s’est attardée à identifier et décrire des facteurs de protection à l’égard de la négligence. C’est pourquoi la théorie de la négligence présentée ici est provisoire et que nous avons intitulé l’article « Vers une théorie écosystémique de la négligence ». Une compréhension globale de la négligence ne peut se faire sans s’appuyer sur une conception de ce qui contribue à réduire les probabilités des manifestations de négligence en présence des facteurs de risque. Ce travail reste à faire.

Conséquences de la négligence sur les enfants

25La section C de la figure 1 montre que les conséquences de la négligence sur les enfants se manifestent dans quatre domaines. Le premier a trait à une augmentation des risques de mortalité ou de morbidité sur le plan physique (Bonner, Crow, Logue, 1999 ; Chasnoff, Lowder, 1999 ; Dubowitz, 1999 ; Gaudin, 1999). Les risques de mortalité imputables à la négligence se manifestent, plus particulièrement, par des événements isolés portant atteinte à la vie d’un enfant, plutôt que par des situations chroniques de négligence d’ordre physique (par exemple, malnutrition extrême causant le décès). Il s’agit notamment d’événements tels que la noyade, la suffocation, l’empoisonnement et les chutes au moment où l’enfant est laissé sans surveillance. Ainsi, ces conséquences fatales semblent être particulièrement causées par une négligence de type éducatif (lacunes dans la surveillance et la supervision de l’enfant) ou multiple (éducatif et physique) plutôt que de type essentiellement physique. Les risques de morbidité physique englobent des conséquences telles que l’exposition prénatale à l’alcool ou à d’autres psychotropes (par exemple, syndrome d’alcoolisme fœtal), les retards de croissance (résultant notamment de malnutrition), les lésions et dommages cérébraux causés par des accidents ou l’absence de soins médicaux disponibles dont peut avoir besoin un enfant.

26Le second domaine des conséquences de la négligence a trait à une augmentation des risques d’être exposé à d’autres formes de mauvais traitements (Sedlak, Broadhurst, 1996 ; Trocmé, Tourigny, McLaurin, Fallon, 2003). Les situations de négligence constituent un creuset propice à l’apparition et au maintien d’abus physiques, psychologiques et sexuels, de la part des figures parentales ou d’autres adultes de l’entourage de l’enfant, qui, pour ainsi dire, ajoutent l’injure à l’insulte et rendent singulièrement complexes les défis développementaux auxquels doivent faire face les enfants négligés. Les résultats de Trocmé et coll. (2003) montrent que la négligence est le type de mauvais traitement le plus fréquemment associé aux autres types de maltraitance.

27Un troisième domaine de conséquences de la négligence sur les enfants porte sur les lourdes restrictions que doivent subir les enfants négligés à l’intérieur de leur « niche écologique » (Bédard, 1998, 1999 ; Gagnier et coll. 2000). Lorsqu’un enfant se développe, il a besoin d’une variété et d’une étendue d’expériences positives, à l’intérieur et à l’extérieur de sa famille, lui permettant de stimuler ses potentialités personnelles et d’explorer son monde. Les environnements négligents limitent considérablement les occasions normatives de développement cognitif, affectif et social pour les enfants. Cela se manifeste par un vide ou une fragmentation dans les expériences qu’ils vivent, dans leurs relations avec les membres de leur entourage immédiat (cela constitue le quatrième domaine de conséquences décrit plus bas). Cela se manifeste, également, par un vide ou une fragmentation dans les expériences avec le reste du monde social qui les entoure. En fait, l’enfant négligé devient une victime directe du second mécanisme de production de la négligence : une perturbation du rapport entre lui et la collectivité qui l’accueille. Sur ce plan, ces restrictions affectent directement l’accès, l’utilisation et la qualité des ressources de la collectivité mises à la disposition des enfants. Par conséquent, le « monde de la négligence » vient réduire considérablement les occasions de participation des enfants à une variété de contextes sociaux et éducatifs normatifs, qui contribuent, chez les enfants non négligés, à soutenir leur développement, en complément aux relations familiales. Ce monde de la négligence vient aussi réduire les alternatives relationnelles positives, qui peuvent jouer un rôle compensatoire face à certaines lacunes présentes dans la relation avec leurs figures parentales. En d’autres termes, les situations de négligence, en plus de fragiliser directement le développement global des enfants, interfère avec – voire annihile – les mécanismes de protection qui leur permettraient : 1o de réduire leur exposition à des conditions fragilisantes ; 2o de réduire l’impact négatif que ces conditions peuvent avoir sur eux ; et 3o de développer des stratégies positives pour y faire face efficacement (Rutter, 1987).

28Le dernier domaine a trait aux séquelles développementales, directement attribuables à la négligence par les figures parentales. Ce dernier domaine est influencé simultanément par les diverses manifestations parentales de la négligence auxquelles l’enfant est exposé (effets directs) et par les conséquences pouvant se manifester dans les trois premiers domaines énumérés (effets indirects). Cette combinaison d’effets directs et indirects constitue une des principales raisons qui rendent difficile l’étude des séquelles développementales de la négligence, parce que la trajectoire développementale des enfants négligés est souvent encombrée par la présence d’autres formes de maltraitance (notamment l’abus psychologique et physique), de problèmes d’ordre physique (notamment sur le plan neurologique) et d’occasions de développement manquées (absence de facteurs de résilience).

29Sur le plan des séquelles développementales, il est possible d’identifier quatre lignes développementales directement influencées par la négligence : le fonctionnement sensoriel et neurocognitif ; l’engagement social mutuel et la communication ; l’expression et la régulation des affects ; l’attachement et les représentations de soi et des autres (Cicchetti, Olsen, 1990 ; Gaudin, 1999 ; Hildyard, Wolfe, 2002 ; Mayer-Renaud, 1993 ; Nolin, 2003, 2004 ; Rosenzweig, Kaplan, 1996 ; Trocmé, Caunce, 1995 ; Turgeon, Nolin, 2004).

La découverte sensorielle du monde et le développement neurocognitif

30Les enfants négligés, dès la petite enfance, font face à un problème de taille, celui d’explorer le monde sans cadre social leur permettant de rendre celui-ci intelligible. À cette période, ils peuvent se sentir dépassés et envahis par ce qu’ils perçoivent, et vouloir se protéger en se retirant ou se désintéressant de ce qui les entoure. Ils peuvent aussi devenir avides d’exploration, mais celle-ci s’effectue de manière désordonnée et sans autre but que la stimulation en elle-même. À la période préscolaire et lors de l’entrée à l’école, ils ont déjà accumulé des retards dans certaines fonctions neurocognitives (notamment attention, concentration, mémoire, planification). Le caractère imprévisible du monde qui les entoure leur permet, difficilement, d’organiser de manière cohérente les relations de cause à effet. Si l’enfant, en plus d’être négligé, est violenté physiquement ou psychologiquement, son environnement devient imprévisible et hostile, une combinaison à laquelle il est particulièrement complexe et difficile de s’adapter. Au cours de la période scolaire, l’enfant négligé a de la difficulté à se concentrer et à planifier son travail. Les activités qui lui demandent des efforts sont vécues comme frustrantes et il préfère passer à autre chose. Contrairement aux enfants du même âge, il ne croit pas que la réussite est le résultat de ses efforts et s’engage peu dans des activités avec la motivation de les maîtriser. De plus, il manifeste souvent des problèmes de comportements qui interfèrent avec ses apprentissages. Il accumule ainsi, rapidement, les échecs scolaires. L’école devient un autre lieu imprévisible et parfois même hostile.

L’engagement mutuel et la communication

31Au cours de la petite enfance, l’enfant négligé prend rapidement conscience que ses tentatives d’engagement social avec les personnes dont il partage la vie se soldent par des échecs ; un peu comme s’il n’y avait personne au bout du fil pour répondre à ses appels. À d’autres moments, il est exposé à un déferlement de messages, de la part des personnes qui l’entourent, qu’il arrive difficilement à décoder. Cela le rend confus et parfois même suscite de la peur (surtout s’il perçoit de l’hostilité dans les messages). À la période préscolaire, l’enfant négligé a peu d’incitations pour apprendre et utiliser des mots afin de communiquer avec son entourage (de toute façon, on ne l’écoute pas !). En revanche, il apprend de mieux en mieux à utiliser son corps pour communiquer les idées qu’il a en tête ou les émotions qu’il ressent. Il apprend à s’exprimer par ses actions, parce que c’est cette forme de communication que l’on utilise principalement avec lui. Au cours de la période scolaire, l’enfant négligé a peu d’intérêt à s’engager réellement avec ses pairs. Personne ne s’est vraiment soucié de ce qu’il ressentait, pourquoi se soucierait-il de ce que ressentent les autres ? Une seule personne se soucie vraiment de lui : lui-même ! L’enfant négligé d’âge scolaire développe souvent une attitude égocentrique, ce qui, au mieux, l’amène à être négligé par ses pairs ou, au pire, à être rejeté. Ses faibles habiletés verbales vont aussi constituer une source de complications dans ses rapports sociaux. Quand il voit les autres enfants et les adultes utiliser de plus en plus de mots pour exprimer leurs idées et leurs émotions, cela peut susciter des sentiments de crainte et renforcer son retrait social ou, encore, susciter des sentiments de colère qu’il peut mettre en action en agressant les autres. Il crée, ainsi, une situation plus intelligible pour lui : quand il voit pleurer l’autre ou qu’il le voit se mettre en colère en retour, cela constitue une forme d’engagement et de communication qui lui est familière.

L’expression et la régulation affective

32La régulation des affects est le processus qui permet à l’enfant de maintenir (ou de retrouver) un état de bien-être et de confort, de contrôler la quantité de stimulation à laquelle il porte attention et de moduler son degré d’excitation en fonction des diverses situations qu’il rencontre (Bradley, 2000). Normalement, le jeune enfant apprend progressivement à maîtriser cette habilité, à l’intérieur d’un contexte de régulation mutuelle : ce sont les personnes, avec qui il vit, qui lui fournissent les premières structures de régulation. Au cours de la petite enfance, l’enfant négligé ne dispose pas de telles structures mutuelles (ou externes) de régulation affective. Il est donc exposé régulièrement à des états émotionnels négatifs qui sont intenses et prolongés. Il doit composer seul avec ceux-ci. Il doit se fier à ses propres systèmes d’action préadaptés (par exemple, fermer les yeux, tourner la tête) ou utiliser au maximum les maigres stratégies cognitives dont il dispose. Il lui est difficile de mettre en place des stratégies de régulation affective plus complexes. Au cours de la période préscolaire, contrairement aux autres enfants de son âge, l’enfant négligé va peu différencier les émotions. Son registre émotionnel s’élargit peu. Il joue avec les mêmes affects/émotions, peu différenciés, qui caractérisent la petite enfance : la colère, la peur, la surprise, la tristesse, la joie, l’intérêt. Par conséquent, dans ses relations sociales (avec des pairs non négligés ou des éducateurs), il reconnaît mal les émotions plus nuancées que les autres peuvent exprimer (par exemple, regret, envie, ennui, impatience). Sur le plan de la régulation affective, l’enfant négligé d’âge préscolaire est plus habile à moduler ses états émotionnels, mais le résultat est rarement ressenti comme étant confortable, satisfaisant et efficace. À la période scolaire, l’écart entre le registre émotionnel de l’enfant négligé et celui de ses pairs non négligés et des éducateurs s’accroît encore plus. Il développe davantage les stratégies peu efficaces qu’il a élaborées à la période préscolaire (retrait anxieux, passivité, inhibition, intimidation/agression). Cela crée des situations relationnelles difficiles qui « déroutent » les autres (notamment les éducateurs) et les incitent à se désengager ou encore, s’ils n’ont pas le choix, à prendre en charge et à contrôler la conduite de l’enfant.

L’attachement et les représentations de soi et des autres

33Dans ses relations d’attachement, l’enfant négligé acquiert, au cours de la petite enfance, la conviction qu’il n’est pas suffisamment important pour qu’on se soucie de lui et que les personnes qui sont en mesure de le protéger et de le réconforter, sont aussi des sources de peur et d’inconfort auxquelles il peut difficilement faire confiance. L’enfant négligé fait donc tout ce qu’il peut pour s’attacher à des personnes imprévisibles et peu sensibles à ses signaux de détresse (et parfois hostiles). Cela requiert beaucoup d’énergie et d’attention de sa part. Il oscille entre deux stratégies : d’une part, exprimer très fortement sa détresse, son besoin de proximité et sa colère de ne pas être réconforté et, d’autre part, inhiber ces puissants affects quand aucune réponse ne vient ou quand la réponse suscite une augmentation de ceux-ci. À la période préscolaire, dans ses relations d’attachement, l’enfant négligé continue de développer ces deux registres (par exemple, exprimer extérieurement autre chose que ce qu’il ressent intérieurement pour contrôler la réaction parentale ; manifester des conduites de contrôle et punitives envers une mère ou un père apathique). Ce type de relation d’attachement l’amène à développer des représentations clivées de lui et de ses figures d’attachement : image négative de soi et des parents, et image positive idéalisée de soi et des parents. Ce qui fait que, lorsque l’enfant négligé commence à aller à l’école, il a tendance à se percevoir plus compétent que ne le considère son enseignant. En revanche, à la fin de la période scolaire, il a tendance à se percevoir moins compétent et moins accepté par les autres, ce que confirme son enseignant.

34Cette brève description des multiples conséquences de la négligence sur l’enfant ne peut passer sous silence l’absence notable de connaissances portant sur les facteurs de protection et de résilience, qui agissent spécifiquement pour réduire ces conséquences. Peu d’études empiriques permettent actuellement de faire le point à ce sujet. Une théorie de la négligence doit arriver à tenir compte de ces aspects. Ce travail reste à faire.

Conclusion

35La théorie de la négligence proposée ici donne lieu à des applications directes pour le développement et l’évaluation de programmes d’intervention dont le but est de prévenir ou de contrer la négligence envers les enfants. Elle met en évidence trois principes sur lesquelles ces programmes devraient être fondés.

Intégration des services aux familles

36Le premier principe repose sur la nécessité d’inscrire les interventions face à la négligence dans une logique de services intégrés sur le plan local. L’intégration des services, autour des enfants négligés et des figures parentales responsables de leur bien-être, concerne des acteurs de l’ensemble des secteurs de services d’une collectivité locale (notamment logement, emploi, éducation, santé, réadaptation, services sociaux, justice) et provenant de tous les niveaux de services (généraux/spécifiques, spécialisés et sur-spécialisés). En conséquence, la pratique qui consiste à confier un enfant victime de négligence (et sa famille) à un professionnel du social, et de lui demander d’évaluer la situation et d’agir seul de son côté est contre-indiquée (DePanfilis, 1999). Il est donc primordial d’agir simultanément sur plusieurs cibles : l’enfant lui-même, les figures parentales, le groupe familial et la collectivité locale dans laquelle s’insère la famille. Intervenir face à la négligence signifie, donc, une intégration d’actions de type social/collectif, éducatif et clinique. Les interventions s’attardant à une seule cible, aux dépends des autres (par exemple, soutien psychosocial aux parents en l’absence d’une amélioration dans les conditions d’existence de la famille et d’un soutien direct à l’enfant), ont peu de chance d’être efficaces dans les situations de négligence. L’intensité, la cohérence et la continuité du soutien formel et informel offert aux enfants et aux figures parentales constituent d’importants indicateurs de succès dans l’évolution des enfants négligés et de leurs figures parentales. A contrario, des services insuffisants (par rapport aux besoins des enfants et des parents), fragmentés et discontinus sont d’excellents prédicteurs du maintien (voire de l’augmentation) des difficultés observées dans les familles aux prises avec la négligence.

37Cette logique d’intégration des services commande, également, que l’on porte une attention particulière à la construction d’un cadre commun, permettant de comprendre les besoins des enfants et le partage des responsabilités par les adultes appartenant à l’entourage immédiat de ces derniers. En conséquence, les pratiques qui font l’économie, ou même empêchent l’élaboration d’un portrait global des besoins d’un enfant, sont contre-indiquées. Même chose pour les pratiques qui dé-responsabilisent ou disqualifient une catégorie d’adultes ayant une responsabilité directe envers l’enfant (par exemple, les figures parentales) au profit d’autres catégories d’adultes ayant également ce type de responsabilité (par exemple, des professionnels).

Le soutien professionnel aux familles

38La nature des difficultés – perturbation des relations entre figures parentales et enfants, perturbation du rapport entre famille et collectivité –, qui jalonnent la vie des parents et des enfants aux prises avec des situations de négligence, implique que l’on porte une attention particulière aux relations interpersonnelles, qui se créent entre les membres d’une famille et les figures de soutien formel et informel qui gravitent autour d’eux. Cela inclut notamment de porter attention aux relations qui s’établissent entre les figures parentales et des agents professionnels du domaine du social, de l’éducation, de la santé et de la justice. Ces relations relèvent la plupart du temps d’une double logique : une logique d’autorité, dont le but est la normalisation des conduites parentales, et une logique de soutien, dont le but est de renforcer le potentiel des personnes et des collectivités à prendre en charge le bien-être des enfants. La combinaison de ces deux logiques soulève des enjeux éthiques importants (Bédard, 1998 ; Parent, 2000). Comment créer des alliances « opératoires » entre les agents professionnels et les figures parentales aux prises avec une situation de négligence qui, dans la plupart des cas, les dépassent les uns et les autres ? Probablement, comme le suggèrent Dunst, Trivette et Deal (1994), qu’une des principales charnières de ces alliances opératoires repose sur la construction d’espaces qui permettent, aux figures parentales et aux agents professionnels, de partager une réflexion à l’égard des besoins des enfants – leur identification, leur définition, leur évaluation, leur analyse et la planification de leur réponse. Comme la négligence semble indissociable du phénomène des besoins de l’enfant, c’est peut-être autour d’une pratique réflexive partagée, portant sur ceux-ci et impliquant les agents professionnels et les figures parentales concernées, que peut se construire une véritable réponse sociale à la négligence.

Intervenir directement auprès des enfants négligés

39Les enfants négligés nécessitent non seulement que l’on mette en place des actions cliniques spécialisées pour répondre aux multiples défis qu’ils présentent sur le plan cognitif, langagier, affectif et social, mais également des actions sociales et éducatives, pour leur offrir des contextes normatifs à l’intérieur desquels ils ont l’occasion de vivre, comme n’importe quel autre enfant de la collectivité, des expériences alternatives et complémentaires à ce que leur offre leur famille (introduction de facteurs de protection dans leur vie).

40Les enfants négligés peuvent avoir accumulé des retards développementaux multiples et leurs capacités adaptatives peuvent avoir été surchargées de manière précoce. Ainsi, en dépit des améliorations dans l’environnement familial, dans les relations parents-enfant et dans l’ouverture à des opportunités de développement, les enfants ayant été négligés peuvent poser des défis importants sur le plan du soutien à leur développement. Les figures parentales seules, même si elles ont amélioré leurs capacités à porter attention et à répondre aux besoins de leurs enfants, peuvent facilement être dépassées par l’ampleur et la complexité des problèmes manifestés par ces derniers. Les trois objectifs découlant d’une logique d’intégration de service – arriver à une compréhension commune des besoins des enfants, partager les responsabilités entre les adultes qui côtoient ces derniers et collaborer de manière cohérente –, ne sont donc pas seulement de bonnes idées, ce sont des nécessités dans la définition et la mise en place d’actions directes envers ces enfants.

Notes

  • [*]
    Département de psychologie, Université du Québec à Trois-Rivières, CP 500, Trois-Rivières (Qc), Canada, G9A 5H7. Téléphone : 1-819-376-5156. Télécopieur : 1-819-376-5195. <Carl.Lacharite@uqtr.ca>
    La rédaction de ce travail a été en partie financée par une subvention des instituts de recherche en santé du Canada et une subvention du Centre canadien d’excellence sur la protection et le bien-être des enfants. Des parties de ce travail ont été présentées dans le cadre du Congrès des Centres canadiens d’excellence sur le développement des enfants (Montréal, septembre 2003) et du Congrès « Être avec les enfants » (Québec, novembre 2004).
  • [1]
    Le terme « besoin » peut être défini comme un état subjectif ou objectif. Dans sa forme subjective, il se rapporte à un désir, une envie ou un état d’insatisfaction dû à un sentiment de manque. Dans sa forme objective, il réfère à ce qui est nécessaire ou indispensable pour atteindre un but. C’est dans cette seconde perspective que le terme « besoin » est utilisé dans les définitions de la négligence envers les enfants. L’expression « besoins fondamentaux » est utilisée pour souligner le caractère incontournable ou irréductible de la satisfaction de certains besoins pour le développement des enfants.
  • [2]
    Le terme « développement » se rapporte globalement à l’évolution et au déploiement optimal des potentialités dont dispose chaque enfant considéré individuellement. Ce terme englobe le maintien ou la préservation de l’intégrité physique d’un enfant, ce que l’on appelle communément, en Amérique du Nord, sa sécurité.
  • [3]
    Les gens de la génération du baby-boom se rappellent probablement leurs très agréables (mais très dangereuses) excursions, dans l’automobile familiale, au cours de leur enfance : quatre ou cinq enfants entassés sur le siège arrière d’une grosse cylindrée, fonçant à 150 km à l’heure sur une autoroute, et se demandant à quoi pouvaient bien servir ces sangles qui pendaient du siège !
  • [4]
    Dans les faits, la parentalité, dans les sociétés occidentales actuelles, a tendance à être conçue de manière asymétrique, attribuant à la mère une part plus importante des responsabilités envers les enfants, comparée au père. Cela d’autant plus que l’enfant est jeune ou vulnérable.
  • [5]
    Ces opérations peuvent, dans les faits, impliquer le maintien de l’enfant dans son milieu familial, le retrait temporaire ou définitif dans un milieu différent ou toute autre forme de suppléance familiale répondant aux besoins de l’enfant.
  • [6]
    Il faut souligner que le terme éducatif doit être pris ici dans son sens large et non dans son sens restreint (par exemple, scolaire).
Français

Résumé

L’article vise à décrire un modèle théorique de la négligence. La première partie présente les principaux enjeux suscités par l’acte de définir la négligence envers les enfants et propose une définition permettant de faire un diagnostic de ces situations. La seconde partie propose un modèle étiologique de la négligence. La troisième partie fait le point sur les multiples séquelles de la négligence. L’article conclut en présentant des recommandations pour le développement et l’évaluation des programmes visant à prévenir ou contrer la négligence envers les enfants.

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Carl Lacharité [*]
  • [*]
    Département de psychologie, Université du Québec à Trois-Rivières, CP 500, Trois-Rivières (Qc), Canada, G9A 5H7. Téléphone : 1-819-376-5156. Télécopieur : 1-819-376-5195. <Carl.Lacharite@uqtr.ca>
    La rédaction de ce travail a été en partie financée par une subvention des instituts de recherche en santé du Canada et une subvention du Centre canadien d’excellence sur la protection et le bien-être des enfants. Des parties de ce travail ont été présentées dans le cadre du Congrès des Centres canadiens d’excellence sur le développement des enfants (Montréal, septembre 2003) et du Congrès « Être avec les enfants » (Québec, novembre 2004).
Louise Éthier [*]
  • [*]
    Département de psychologie, Université du Québec à Trois-Rivières, CP 500, Trois-Rivières (Qc), Canada, G9A 5H7. Téléphone : 1-819-376-5156. Télécopieur : 1-819-376-5195. <Carl.Lacharite@uqtr.ca>
    La rédaction de ce travail a été en partie financée par une subvention des instituts de recherche en santé du Canada et une subvention du Centre canadien d’excellence sur la protection et le bien-être des enfants. Des parties de ce travail ont été présentées dans le cadre du Congrès des Centres canadiens d’excellence sur le développement des enfants (Montréal, septembre 2003) et du Congrès « Être avec les enfants » (Québec, novembre 2004).
Pierre Nolin [*]
  • [*]
    Département de psychologie, Université du Québec à Trois-Rivières, CP 500, Trois-Rivières (Qc), Canada, G9A 5H7. Téléphone : 1-819-376-5156. Télécopieur : 1-819-376-5195. <Carl.Lacharite@uqtr.ca>
    La rédaction de ce travail a été en partie financée par une subvention des instituts de recherche en santé du Canada et une subvention du Centre canadien d’excellence sur la protection et le bien-être des enfants. Des parties de ce travail ont été présentées dans le cadre du Congrès des Centres canadiens d’excellence sur le développement des enfants (Montréal, septembre 2003) et du Congrès « Être avec les enfants » (Québec, novembre 2004).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/02/2012
https://doi.org/10.3917/bupsy.484.0381
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