CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Catégoriser c’est segmenter le flux d’informations continu qui provient de l’environnement et aboutir à la création de classes d’équivalence ou catégories. Le processus de catégorisation a d’importantes conséquences sur le traitement des données (compréhension et réduction de la complexité des objets, mais également enrichissement des informations provenant de l’environnement grâce à la réalisation d’inférences), ce qui le rend central au sein des sciences de la cognition.

2En psychologie sociale, ces conséquences ont surtout été analysées en termes de « biais » perceptifs. Ces biais sont dus au fait que les éléments informationnels traités le sont au travers du filtre de l’organisation catégorielle adoptée par le sujet, si bien que deux éléments, qui sont en fait semblables, peuvent soudain apparaître très différents ou plus semblables encore, simplement parce qu’une perception catégorielle est activée dans la situation et qu’un critère de catégorisation est mis en saillance.

3Tajfel et Wilkes (1963) ont ainsi pu mettre en évidence l’existence d’un biais d’accentuation dans la perception de la longueur de différents stimuli. Ce biais consiste à percevoir des stimuli appartenant à des catégories différentes comme plus dissemblables qu’ils ne le sont en réalité et donc à accentuer leurs différences de longueur. Par la suite, ce sont deux biais qui seront distingués : le biais de contraste (qui consiste à percevoir des stimuli appartenant à deux catégories distinctes comme plus différents qu’ils ne le sont en réalité) et le biais d’assimilation (qui consiste, au contraire, à percevoir des stimuli appartenant à une même catégorie comme plus ressemblants qu’ils ne le sont en fait).

4De nombreux travaux, plus directement liés aux relations intergroupes, montreront que les sujets ont tendance à sous-estimer les différences existant entre les individus lorsqu’ils savent que ces personnes appartiennent à un même groupe social (Tajfel, Sheikh, Gardner, 1964 ; Taylor, Fiske, Etcoff, Ruderman, 1978 ; MacGarty, Turner, 1992…) et, au contraire, à exagérer les différences existant entre elles lorsqu’ils savent qu’elles font partie de groupes sociaux distincts (voir Doise, Deschamps, Meyer, 1978 ; MacGarty, Turner, 1992).

5Le biais de contraste se manifeste dans les rapports intergroupes par une tendance à favoriser son propre groupe (ce que l’on peut appeler « endofavoritisme »). Ce qui se traduit par l’attribution d’un plus grand nombre de ressources ou de traits positifs à l’endogroupe (Tajfel, Billig, Bundy, Flament, 1971) et d’un moins grand nombre de ressources ou d’un plus grand nombre de traits négatifs à l’exogroupe (Sachdev, Bourhis, 1991), ce que l’on peut appeler « exodéfavoritisme ». Plus récemment, Castel, Lacassagne (1993), Lacassagne, Sales-Wuillemin, Castel, Jebrane (2001, 2002), Sales-Wuillemin, Gilibert (2001, 2004), montrent que l’accentuation du contraste peut se faire par une discrimination implicite envers l’endogroupe, ce qui se traduit par la privation de traits positifs et l’effacement de traits négatifs. Il s’agit là de discrimination privative.

6Différents modèles ont été avancés pour apporter une explication à l’existence de ces biais, comme la théorie de l’identité sociale (TIS) développée par Tajfel (1978) (voir, aussi, Turner, Brown, Tajfel, 1979 ; Turner, Hogg, Oakes, Reicher, Wetherell, 1987). Cependant le favoritisme envers l’endogroupe et le défavoritisme envers l’exogroupe ne sont pas universels : ils semblent liés au statut des groupes concernés. Il est donc nécessaire de prendre en compte la place du groupe au sein du système social, dévalorisé ou valorisé, majoritaire ou minoritaire, doté de pouvoir ou privé de pouvoir… En effet, s’il apparaît que l’endofavoritisme est d’autant plus fort que le groupe est valorisé ou doté de pouvoir, lorsque les sujets réunissent les modalités négatives (c’est-à-dire s’ils sont dévalorisés, minoritaires et sans pouvoir), le favoritisme est inversé : les sujets ont tendance à traiter mieux l’exogroupe que l’endogroupe (Sachdev, Bourhis, 1991).

7Le biais d’assimilation ne se manifeste pas de la même manière selon qu’il s’agit, pour les sujets, de décrire les membres d’un autre groupe (exogroupe) ou les membres de leur propre groupe d’appartenance (endogroupe). Lorsqu’il s’agit de décrire les membres de l’endogroupe, les sujets auraient tendance à mentionner, globalement, un plus grand nombre de différences entre les membres (hétérogénéité endogroupe), que lorsqu’il s’agit de décrire les membres d’un exogroupe (homogénéité exogroupe). Le biais d’assimilation serait donc plus marqué pour l’exogroupe que pour l’endogroupe.

8Cet effet d’homogénéité exogroupe a été très souvent confirmé sur des groupes expérimentaux ainsi que sur des groupes naturels (Park, Rothbart, 1982 ; Mullen, Hu, 1989 ; Ostrom, Sedikides, 1992…). Plusieurs modèles ont été avancés pour expliquer ces résultats. Certains défendent une explication mettant en avant des différences d’encodage des informations relatives à l’endogroupe et à l’exogroupe – modèle par prototype (Posner, Keele, 1968 ; Rosch, 1976), modèle par exemplaires (Medin 1988 ; Hintzman, 1986). D’autres encore mettent l’accent sur le traitement des informations au moment du jugement. Par exemple, puisque le sujet considère qu’il appartient à un groupe majoritaire, les autres groupes sont donc considérés comme minoritaires, ils seraient donc perçus comme plus homogènes (Simon, Brown, 1987). D’autres enfin mettent l’accent sur les propriétés des traits attribués qui diffèreraient entre l’endogroupe et l’exogroupe : le sujet ne se positionnerait pas au même niveau d’abstraction. Selon le modèle basé sur les abstractions (Judd, Park, 1988 ; Park, Judd, 1990) le sujet évoquerait des traits généraux pour l’exogroupe et des traits généraux et particuliers pour l’endogroupe.

9Parallèlement, certains travaux, portant notamment sur les catégories sexuelles, ont introduit quelques turbulences au niveau des résultats : certains confirment l’existence de ce phénomène (par exemple, Park, Rothbart, 1982 ; Park, Judd, 1990 ; Ostrom, Carpenter, Sedikides, Li, 1993) mais d’autres ont montré qu’il pouvait être atténué, voire même inversé : l’exogroupe pouvant être perçu comme aussi hétérogène que l’endogroupe (Taylor, Fiske, Etcoff, Rudermann, 1978) et l’endogroupe de façon plus homogène que l’exogroupe – mais uniquement pour les sujets de sexe féminin (Lorenzi-Cioldi, 1993 ; Lorenzi-Cioldi, Eagly, Stewart, 1995). Les résultats de ces recherches semblent trouver une explication dans les rapports qui existent entre les groupes et plus exactement les statuts de chacun. L’explication avancée par Lorenzi-Cioldi et coll. (1995) repose sur l’idée qu’il existe une dissymétrie entre les groupes sexuels : les femmes occupant une position sociale plus basse auraient donc plus tendance à homogénéiser l’endogroupe. Cependant, même si le statut social des groupes considérés semble avoir un certain effet dans l’émergence de ces biais (voir Devos, Comby, Deschamps, 1996 ; Dafflon, 1999), les résultats ne permettent pas de conclure que c’est précisément ce facteur qui déclenche l’effet. Certains travaux semblent d’ailleurs montrer que, lorsque l’on fait varier le statut, il arrive que le biais d’homogénéité perçue de l’exogroupe persiste (Brauer, 2001).

10On ne peut donc que conclure à une tendance générale : la perception d’une variabilité moins grande pour l’exogroupe que pour l’endogroupe, même si certains facteurs, dont il reste à analyser précisément la portée, peuvent annuler, voire même renverser cette tendance.

11La contribution que nous apportons ici vise précisément à étudier ces effets. Elle repose sur une réflexion globale du Groupe de psychologie sociale des discours (GPSD) du LPCS (Sales-Wuillemin, 2005). Elle repose sur une réflexion globale de notre groupe de recherche. Nous pensons qu’une des réponses à la variabilité des résultats peut être rattachée à la nature de la partition qui est étudiée et, plus précisément, à la façon dont le sujet perçoit cette partition.

12Une analyse globale des études réalisées fait ressortir que les critères de catégorisation et, donc, le type de partition mis en saillance dans ces recherches n’ont pas tous les mêmes caractéristiques, sans que cet aspect fasse l’objet d’une analyse particulière. Or, ces critères ont une incidence directe sur la perception des objets et, par conséquent, sur l’apparition des biais perceptifs d’assimilation et de contraste.

13Ainsi, dans les études réalisées, certains critères correspondent de fait à des variables discontinues (comme pour la variable « situation familiale ») : il s’agit, dans ce cas, d’une partition que l’on pourrait qualifier de binaire parce que l’appartenance à une catégorie exclut l’appartenance à une autre. D’autres variables sont, quant à elles, des variables continues. Au sein de ces dernières, deux cas de figure doivent être distingués :

  • lorsque le continuum, bien qu’il soit progressif, oppose deux valeurs antagonistes (comme c’est le cas de la variable « appartenance à un groupe d’opinion politique » qui oppose les hommes politiques de « gauche » à ceux de « droite », les uns étant valorisés positivement, les autres négativement). Dans ce cas, le continuum peut être qualifié de « bipolaire » ;
  • lorsque le continuum correspond à une progression (comme c’est le cas de la variable « âge » qui se présente sous la forme d’une suite d’échelons qui part de zéro pour arriver à un maximum). Dans ce cas, le continuum peut être qualifié de « scalaire ».
La segmentation de la réalité en catégories n’est pas, en elle-même, comparable lorsqu’il s’agit de variables discontinues ou continues. Dans le premier cas, la segmentation opérée sera en adéquation avec la réalité (l’appartenance à une catégorie exclut l’appartenance à une autre catégorie). Dans le second cas, elle est forcée et l’apparition des biais d’assimilation et de contraste n’en est que plus saisissante. En effet, dans ce dernier cas, la détermination de l’appartenance catégorielle peut se révéler difficile, d’autant plus que les éléments sont proches sur le continuum. C’est cette situation (la plus extrême) qu’utilisent d’ailleurs Tajfel et Wilkes (1963) dans leur étude sur les biais perceptifs.

14Un autre point est à prendre en compte, il s’agit de la perception subjective que le sujet a de la partition qui est mobilisée dans la situation. Ainsi, une variable qui est en réalité de nature scalaire (comme c’est le cas de la variable âge, par exemple) pourra être perçue telle quelle par le sujet. Mais elle peut tout aussi bien être envisagée de façon binaire, si le sujet opère une dichotomie entre les « jeunes » et les « vieux ». Ou de manière bipolaire si sont opposés, par exemple, les « sauvageons » aux autres qui pour raient, par contraste, s’appeler les « conformistes ».

15C’est ce deuxième aspect que nous avons tout particulièrement étudié ici. Notre dispositif repose sur une partition d’opinion. Les sujets sont confrontés à des individus qui sont présentés soit comme membre de l’endogroupe (même communauté d’opinion que le sujet) soit comme membre d’un exogroupe (communauté d’opinion opposée). D’un autre côté, nous avons manipulé la perception que le sujet a de cette partition. Dans le premier cas, cette partition est présentée comme binaire : les éléments d’information donnés au sujet laissent apparaître que cette partition est radicale et se fait en termes de clans exclusifs. Dans le deuxième cas, cette partition est présentée comme bipolaire : les éléments d’information laissent apparaître que cette partition est nuancée et se fait en termes de degrés, l’appartenance à une communauté d’opinion correspondant à une zone, et le passage d’une zone à l’autre se faisant progressivement.

16Pour le sujet, la tâche consiste à prêter des arguments et des traits de personnalité au groupe d’individus présentés et ensuite à donner ses propres arguments et traits de personnalité le caractérisant. C’est au travers de cette tâche que nous avons analysé la variation perçue par le sujet au sein du groupe, la distance soi/groupe vue par le sujet et la valeur attri buée par lui au groupe.

Hypothèses

17H1. Le positionnement du sujet par rapport au groupe (endogroupe ou exogroupe) doit avoir une incidence sur :

  • la variation perçue au sein du groupe : on s’attend à un biais d’hétérogénéité pour l’endogroupe et d’homogénéité pour l’exogroupe ;
  • la valeur attribuée au groupe : on s’attend à la présence d’un biais de favoritisme pour l’endogroupe et de défavoritisme pour l’exogroupe ;
La distance soi/groupe perçue par le sujet : on s’attend à un biais de contraste soi/groupe plus élevé pour l’exogroupe que pour l’endogroupe.

18H2. La nature de la partition (en clans ou en degrés) doit avoir une incidence sur :

  • la variation perçue au sein du groupe : on s’attend à une accentuation du biais d’hétérogénéité lorsque la partition se fait en termes de degrés comparative ment aux conditions où la partition se fait en termes de clans et, à l’inverse, à une accentuation du biais d’homogénéité lorsque la partition se fait en termes de clans comparativement aux conditions dans lesquelles la partition se fait en termes de degrés.
La valeur attribuée au groupe : on s’attend à des valeurs moins contrastées (positivement ou négativement) lorsque la partition se fait en termes de degrés que lorsqu’elle se fait en termes de clans.

19La distance perçue entre soi et le groupe : on s’attend à un biais de contraste soi/groupe plus marqué lorsque la partition se fait en termes de degrés que lorsqu’elle se fait en termes de clans.

20H3. La variable type de partition doit avoir une incidence sur les biais endogroupe/exogroupe qui doivent être atténués lorsque la partition se fait en termes de degrés et maximisés lorsqu’elle se fait en termes de clans.

21H3.1. Compte tenu de ces éléments, si le groupe est un exogroupe et que la partition se fait en termes de degrés, le sujet doit inférer une homogénéité moins grande, affecter des valeurs moins négatives au groupe, marquer un contraste soi/groupe moins important, que si le groupe est un exogroupe et que la partition se fait en termes de clans.

22H3.2. À l’inverse, si le groupe est un endogroupe et que la partition se fait en termes de degrés, le sujet doit inférer une plus grande hétérogénéité du groupe, affecter des valeurs moins positives au groupe, marquer un contraste soi/groupe plus important, que lorsque le groupe est un endogroupe et que la partition se fait en termes de clans.

Dispositif

Sujets

23Deux cent quarante-cinq sujets (étudiants en première année de psychologie à l’université de Dijon, de Nancy II et de Paris VIII [1], âge moyen 19,5 ans) ont participé à cette expérimentation. Deux cent vingt-cinq sujets ont été retenus et répartis aléatoirement au sein de 5 conditions (4 conditions expérimentales et 1 condition contrôle hors plan). La répartition s’est faite comme suit : 50 sujets dans chacune des 4 conditions expérimentales et 25 sujets dans la condition contrôle.

24Pour des raisons tenant au protocole de recherche et, plus spécifiquement, à l’introduction de la variable appartenance, tous les sujets (N = 20) n’ayant pas une attitude « défavorable » ont été écartés. Les caractéristiques de ces sujets étaient les suivantes : 17 d’entre eux (soit 6,95 % de la population totale) étaient favorables à l’objet attitudinel proposé, 3 (soit 1,22 %) étaient « ni favorables ni défavorables ».

Scénario

25Affabulation : pour ce qui concerne les quatre conditions expérimentales, l’étude est présentée comme une enquête. Les sujets sont censés être recrutés parce qu’ils sont étudiants et que l’objet les concerne.

26Pour la condition contrôle : l’étude est présentée comme une recherche portant sur les théories implicites de la personnalité [2].

27L’objet attitudinel : les sujets sont invités à donner leur position concernant une nouvelle mesure gouvernementale (en réalité totalement imaginée pour la circonstance) à propos de la modification du critère d’attribution des bourses (critère pédagogique cumulé avec un critère social et non plus, comme dans le système actuel, le critère social seul). La présentation d’un objet attitudinel totalement nouveau pour les sujets nous a permis de contrôler le degré de connaissance de l’objet par les sujets, le sentiment d’appartenance à une communauté d’opinion, la position du groupe d’opinion au sein de l’ensemble social (majoritaire ou minoritaire) et la perception de la nature de la partition (en termes de clans ou de degrés).

28Consigne donnée aux sujets : « Les bourses sont actuellement attribuées sur critères sociaux, cela veut dire que les personnes les plus démunies peuvent obtenir des bourses d’un montant plus élevé.

29Le nombre d’étudiants boursiers augmente toute fois chaque année. Face à cet accroissement, plutôt que de supprimer ce système, le gouvernement envisagerait d’en limiter l’accès en ajoutant un critère pédagogique. La proposition qui est faite est de n’attribuer de bourse qu’aux étudiants ayant eu au moins une mention « Assez bien » lors de leur dernier diplôme ou partie de diplôme. Le critère social serait néanmoins maintenu, et les étudiants dont les revenus sont les plus modestes bénéficieraient d’une bourse d’un montant maximal. Ce montant pourrait être ainsi largement supérieur à celui actuel. Il pourrait passer à 9 146 € (60 000 F) par an pour les étudiants sans ressources extérieures satisfaisant par ailleurs au critère pédagogique. »

Déroulement de l’expérimentation

30L’expérimentation se déroule en trois phases.

Phase 1 : activation de la variable partition (uniquement pour les groupes expérimentaux)

31

  • Opérationnalisation de l’activation de la partition en termes de degrés : au moyen d’une échelle bipolaire en 7 points (de « Très défavorable » – 3 à + 3 « Très favorable »). L’échelle est introduite au moyen de la consigne suivante : « Pourriez-vous préciser quelle est votre opinion vis-à-vis de la mesure annoncée en entourant un des points de cette échelle, sachant que si vous entourez le – 3 cela veut dire que vous êtes très défavorable à cette mesure, et que si vous entourez le + 3 cela veut dire que vous êtes très favorable à cette mesure. Les échelons intermédiaires vous permettront de moduler votre jugement ».
  • Opérationnalisation de l’activation de la partition en termes de degrés : au moyen d’une échelle binaire (« Très défavorable » ; « Très favorable »). L’échelle est introduite au moyen de la consigne suivante : « Pourriez-vous préciser quelle est votre opinion vis-à-vis de la mesure annoncée. Positionnez-vous en cochant la case qui correspond à votre opinion. »
  • Condition contrôle : pas d’activation et pas de mesure d’attitude. La consigne est la suivante : « Vous êtes sollicités pour une étude qui porte sur les théories implicites de la personnalité. »

Phase 2 : introduction de la variable appartenance catégorielle (uniquement pour les groupes expérimentaux)

32Dans cette phase, une photographie représentant quatre personnages est fournie aux sujets : un groupe de trois étudiants censés répondre à l’interview d’une journaliste. Le groupe d’étudiants est composé de deux personnages de sexe féminin, qui encadrent un personnage de sexe masculin. Ils ont tous les trois une vingtaine d’années. Pour faciliter la tâche et rendre anonyme la situation, les personnages sont identifiés avec les lettres A, B et C (B étant le personnage masculin).

33C’est la même photographie qui est utilisée pour l’ensemble des conditions. Dans les conditions expérimentales, les personnages sont décrits comme étant soit défavorables à la mesure envisagée par le gouvernement, soit, au contraire, favorables à cette mesure. Dans le premier cas, ils font partie de la même communauté d’opinion que les sujets (seuls les sujets défavorables à cette mesure ayant été retenus) [3], ce qui fait d’eux des membres de l’endogroupe. Dans le deuxième cas, ils font partie d’une autre communauté d’opinion que les sujets, ce qui fait d’eux des membres de l’exogroupe.

34La mise en saillance de l’appartenance catégorielle a été renforcée au moyen de la consigne donnée aux sujets.

  • Consigne dans les conditions endogroupe : « Voici une photo qui a été prise alors qu’un groupe d’étudiants est sollicité par une journaliste de télé vision pour répondre à une interview concernant la proposition de modification du mode d’attribution des bourses, ce groupe est comme vous défavorable à cette mesure. »
  • Consigne dans les conditions exogroupe : « Voici une photo qui a été prise alors qu’un groupe d’étudiants est sollicité par une journaliste de télévision pour répondre à une interview concernant la proposition de modification du mode d’attribution des bourses, ce groupe est contrairement à vous favorable à cette mesure. »
  • Dans la condition contrôle, rien n’est précisé concernant l’attitude supposée des membres du groupe. La consigne est la suivante : « Voici une photo qui a été prise alors qu’un groupe d’étudiants est sollicité par une journaliste de télévision pour répondre à une interview concernant une proposition de modification du mode d’attribution des bourses. »
  • Tâche des sujets
La tâche des sujets est la même pour tous les groupes : ils doivent produire des arguments et imaginer des traits de personnalité.

35Pour ce qui concerne les arguments les sujets sont invités à :

  • Imaginer et écrire dans un tableau les arguments qui pourraient être donnés par les trois personnages du groupe d’étudiants (une colonne par personnage, une case par argument).
  • Chaque sujet doit ensuite spécifier quels sont, parmi les arguments attribués aux personnages du groupe, ceux qu’il assumerait (en faisant une croix dans la partie grisée du tableau).
  • Enfin, chaque sujet doit préciser quels sont les arguments qui lui sont spécifiques (dans un tableau qui ne comporte qu’une seule colonne).
Pour ce qui concerne l’attribution de traits, les sujets sont invités à procéder de la même façon que pour les arguments, c’est-à-dire :
  • écrire dans un tableau les traits qui pourraient être attribués aux trois personnages du groupe d’étudiants (une colonne par personnage, une case par trait) ;
  • spécifier quels sont, parmi les traits attribués, ceux qui pourraient s’appliquer à lui (en faisant une croix dans la partie grisée du tableau) ;
  • préciser quels sont les traits qui le caractérisent personnellement (dans un tableau qui ne comportait qu’une seule colonne).

Phase 3 : désaffabulation

36Compte tenu du caractère très impliquant de l’objet attitudinel, la passation a été faite collectivement, pour permettre un compte rendu immédiatement après la réalisation du recueil. Les sujets ont été avisés du fait que la mesure gouvernementale présentée avait été totalement imaginée pour la circonstance. Puis, une semaine après le recueil, les sujets ont été informés des véritables objectifs de l’étude sous la forme d’un cours sur la catégorisation.

Variables et plan d’expérience

37Le plan utilisé est un plan à deux facteurs S50<A2*P2>.

38La première variable indépendante est invoquée, elle concerne l’appartenance catégorielle des individus que les sujets étaient invités à juger. Ces individus pouvant faire partie de la même catégorie que le sujet (endogroupe) ou d’une autre catégorie (exogroupe). L’appartenance catégorielle a été opérationnalisée au moyen du partage d’opinion.

39La deuxième variable indépendante est manipulée, elle est relative à la nature de la partition activée. La partition pouvant être radicale (c’est-à-dire se faire en termes de clans) ou nuancée (en termes de degrés). La nature de la partition a été opérationnalisée au moyen des échelles proposées aux sujets pour noter leur attitude vis-à-vis de l’objet.

40Pour les quatre conditions expérimentales, une variable est contrôlée : l’attitude des sujets. Nous n’avons retenu que les sujets défavorables.

41Les variables dépendantes sont au nombre de trois :

  • La première est la variation perçue au sein du groupe : l’homogénéité perçue correspond au nombre d’arguments et de traits attribués de façon partagée à plusieurs membres du groupe (= arguments et traits communs [4]) ; l’hétérogénéité correspond au nombre d’arguments et de traits attribués à un seul membre du groupe (= arguments et traits spécifiques [5]).
  • La deuxième est la distance soi/groupe marquée par le sujet entre lui et le groupe : le contraste correspond au nombre d’arguments et de traits que le sujet s’attribue de façon spécifique sans les partager avec au moins un membre du groupe (= arguments et traits spécifiques [6]).
  • La troisième est la valeur attribuée au groupe : a été calculé le nombre de traits positifs, négatifs et neutres attribués au groupe par le sujet [7].

Résultats

42Les données ont été traitées par analyse de variance (Manova).

Tableau 1

Effets des variables appartenance (1) et partition (2)

Tableau 1
Effet Lambda R /Rao dl1 dl2 p de Wilks 1 (appartenance) 0,686751 10,71 9 212 .000000 2 (partition) 0,944288 1,65676 9 212 .1011 1*2 0,967297 0,79 9 212 .619992

Effets des variables appartenance (1) et partition (2)

43Cette analyse fait apparaître un effet global de la variable « appartenance catégorielle ». Il n’y a pas d’effet global de la variable « partition » ni d’effet d’interaction.

Effet de la variable appartenance (H1)

Arguments et traits spécifiques/communs aux membres du groupe

44Un effet de l’activation d’une appartenance à une communauté d’opinion est observé, il est significatif pour les arguments et les traits spécifiques à un membre du groupe. Lorsqu’une appartenance catégorielle à un groupe d’opinion est activée, les sujets attribuent moins d’arguments spécifiques dans les conditions expérimentales que dans la condition contrôle (F (1,220) = 7,72, p < .006). Ils attribuent également moins de traits spécifiques dans les conditions expérimentales que dans la condition contrôle (F (1,220) = 10,78, p < .0012). Parallèlement, les sujets attribuent moins de traits positifs dans les conditions expérimentales que dans la condition contrôle (F (1,220) = 20,18, p < .000012).

45L’activation d’une appartenance catégorielle a donc, par elle-même, une incidence sur la perception du groupe, qui est vu comme moins hétérogène et perçu de façon moins positive que lorsqu’il n’y a pas d’appartenance catégorielle activée.

46Un effet de la variable appartenance est observé, il est significatif en ce qui concerne les traits communs attribués aux membres du groupe. Lorsque le groupe est un exogroupe, les sujets attribuent plus de traits communs que lorsque c’est un endogroupe (F (1,220) = 4,69, p < .03.

47Conjointement, lorsque le groupe est un exogroupe, les sujets attribuent significativement plus de traits négatifs que lorsque le groupe est un endogroupe (F (1,220) = 25,08, p < .00001). Il n’y a pas de différence dans l’attribution de traits positifs, et une différence tendancielle dans l’attribution de traits neutres, l’endogroupe en est plus doté que l’exogroupe (F (1.220) = 3,69 ; p < .055).

Arguments et traits spécifiques au sujet

48Les résultats concernant le positionnement du sujet relativement au groupe d’individus présentés, selon que ce groupe est un endogroupe ou un exogroupe, font apparaître que, lorsque le groupe est un endogroupe, le sujet s’attribue moins d’arguments spécifiques que lorsque c’est un exogroupe (F (1,220) = 68,08, p < .00001). De la même manière, le sujet s’attribue dans ce cas moins de traits spécifiques que lorsque c’est un exogroupe (F (1,220) = 7,07, p < .0008).

49Nous pouvons conclure de ce premier ensemble de résultats que lorsqu’une partition d’opinion est activée et qu’elle oppose un endogroupe à un exogroupe, les membres de l’exogroupe sont perçus comme plus ressemblants entre eux (biais d’homogénéité) et plus négativement (biais d’exodéfavoritisme) que les membres de l’endogroupe. Lorsque le groupe est un endogroupe, le sujet accentue moins le contraste soi/groupe (en diminuant l’écart entre lui et le groupe) que lorsque c’est un exogroupe. Ces résultats confirment partiellement la première hypothèse.

Tableau 2

Effet de la variable appartenance sur les arguments attribués au groupe (spécifiques à un seul membre du groupe, communs au groupe), les traits attribués au groupe (spécifiques à un seul membre du groupe, communs au groupe, positifs, négatifs et neutres) et les arguments et traits spécifiques au sujet (*p < .10 ; **p < .05)

Tableau 2
Activation Arguments groupe Traits groupe Traits groupe Arg. sujet Traits sujet spécif. comm. spécif. comm. positifs négatifs neutres spécif. spécif. Endogroupe 2,55 0,32 2,19 1,09 4,87 2,12 1,64* 2,32 3,21 Exogroupe 2,36 0,48 2,38 1,50** 5,17 4,19** 1,12 4,66** 4,16** Contrôle 3,17** 0,56 3,29** 1,48 8,36** 3,12 1,60 2,76 4,56**

Effet de la variable appartenance sur les arguments attribués au groupe (spécifiques à un seul membre du groupe, communs au groupe), les traits attribués au groupe (spécifiques à un seul membre du groupe, communs au groupe, positifs, négatifs et neutres) et les arguments et traits spécifiques au sujet (*p < .10 ; **p < .05)

Effet de la variable partition (H2)

50Il n’y a pas d’effet significatif de la variable partition pour ce qui concerne les arguments. Cet effet apparaît sur les traits communs. Lorsque la partition se fait en termes de clans (échelle binaire), les sujets attribuent plus de traits communs que lorsque la partition se fait en termes de degrés (échelle bipolaire). Ce résultat est tendanciellement significatif (F (1,220) = 3,04, p < .08).

51Parallèlement, les sujets attribuent significativement plus de traits positifs au groupe que lorsque la partition se fait en termes de degrés (F (1,220) = 6,66, p < .011).

52L’activation d’une partition catégorielle en termes de clans a une incidence sur la perception que les sujets ont du groupe, cela renforce l’homogénéité perçue. Cette homogénéité se traduit uniquement sur les traits communs. Le groupe est, en outre, perçu plus positivement.

Effets d’interaction (H3)

53Le seul effet d’interaction observé concerne les traits attribués au groupe. Lorsque le groupe est un endogroupe et que la partition est en termes de clans, les sujets attribuent plus de traits positifs que lorsque la partition est en termes de degrés (F (1,220) = 4,10, p < .05). Une analyse plus approfondie fait toutefois apparaître des résultats qui présentent égale ment un intérêt.

Tableau 3

Effet de la variable partition sur les arguments attribués au groupe (spécifiques à un seul membre du groupe, communs au groupe), les traits attribués au groupe (spécifiques à un seul membre du groupe, communs au groupe, positifs, négatifs et neutres) et les arguments et traits spécifiques au sujet (*p < .10 ; **p < .05)

Tableau 3
Activation Arguments Traits spécifiques communs spécifiques communs positifs négatifs neutre Clans (échelle bin.) 2,44 0,44 2,28 1,46* 5,66** 3,19 1,41 Degrés (échelle bip.) 2,46 0,36 2,29 1,13 4,38 3,12 1,35 Contrôle 3,17** 0,56 3,29** 1,48 8,36** 3,12 1,60

Effet de la variable partition sur les arguments attribués au groupe (spécifiques à un seul membre du groupe, communs au groupe), les traits attribués au groupe (spécifiques à un seul membre du groupe, communs au groupe, positifs, négatifs et neutres) et les arguments et traits spécifiques au sujet (*p < .10 ; **p < .05)

Tableau 4

Effet d’interaction des variables « activation » et « appartenance » sur les arguments attribués au groupe (spécifiques à un seul membre du groupe, communs au groupe), les traits attribués au groupe (spécifiques à un seul membre du groupe, communs au groupe, positifs, négatifs et neutres) et les arguments et traits spécifiques au sujet

Tableau 4
Activation Arguments groupe Traits groupe Traits groupe Arg. sujet Traits sujet spécif. comm. spécif. comm. positifs négatifs neutres spécif. spécif. Binaire (clans) endogroupe 2,42 0,44 2,08 1,28 5,58 1,96 1,70 2,50 3,42 Bipolaire (degrés) endogroupe 2,68 0,20 2,31 0,9 4,16 2,28 1,58 2,14 3,00 Binaire (clans) exogroupe 2,47 0,44 2,49 1,64 5,74 4,42 1,12 4,88 4,24 Bipolaire (degrés) exogroupe 2,25 0,52 2,26 1,36 4,60 3,96 1,12 4,44 4,08

Effet d’interaction des variables « activation » et « appartenance » sur les arguments attribués au groupe (spécifiques à un seul membre du groupe, communs au groupe), les traits attribués au groupe (spécifiques à un seul membre du groupe, communs au groupe, positifs, négatifs et neutres) et les arguments et traits spécifiques au sujet

Arguments et traits communs/spécifiques aux membres du groupe

54Lorsque la partition se fait en termes de clans et que le groupe est un exogroupe, les sujets attribuent plus de traits communs que dans les autres conditions (F (1,220) = 4,43, p < .04). En revanche, les sujets n’attribuent pas plus d’arguments communs dans cette condition que dans les autres conditions.

55C’est dans la condition où l’activation se fait en termes de degrés et que le groupe est un endogroupe que les sujets produisent le moins d’arguments communs. L’analyse par contrastes fait apparaître que cet effet est significatif (F (1,220) = 3,98, p < .05). C’est également dans cette condition qu’ils produisent le moins de traits communs. L’analyse par contrastes fait apparaître que cet effet est significatif (F (1,220) = 5,81, p < .017).

Arguments et traits spécifiques au sujet

56Lorsque la partition se fait en termes de clans et que le groupe est un exogroupe, le sujet produit significativement plus de d’arguments spécifiques que dans toutes les autres conditions (F (1,220) = 32,03, p < .0000001). De la même manière, le sujet produit plus de traits spécifiques, ce dernier résultat est tendanciellement significatif (F (1,220) = 3,21, p < .08).

Valeurs positives/négatives/neutres attribuées au groupe

57Lorsque le groupe est un exogroupe et que la partition est binaire, les sujets attribuent significative ment plus de traits négatifs que dans les autres conditions (F (1,220) = 12,49, p < .0005).

58L’analyse de ce troisième ensemble de résultats fait apparaître un effet d’interaction très net. On note un endofavoritisme plus important lorsque la partition se fait en termes de clans comparativement à une partition en termes de degrés.

59D’un autre côté, une analyse plus approfondie montre l’existence d’un biais d’homogénéité maximal dans la condition où l’activation se fait en termes de clans et que le groupe est un exogroupe. Cet effet apparaît sur le nombre de traits communs qui est plus élevé que dans les autres conditions.

60Un biais d’homogénéité minimal se produit dans la condition où l’activation se fait en termes de degrés et que le groupe est un endogroupe. Cet effet apparaît sur le nombre d’arguments et de traits communs qui est le moins élevé comparativement aux autres conditions.

61Un effet de contraste maximal soi/groupe apparaît lorsque le groupe est un exogroupe et que la partition se fait en termes de clans. Cet effet apparaît sur les arguments et les traits propres au sujet, ils sont significativement plus nombreux dans cette condition que dans les autres conditions.

Discussion – conclusion

62L’étude que nous avons réalisée avait pour but la mise en évidence des biais d’homogénéité et de favoritisme dans une partition particulière, en ce sens que l’appartenance à une catégorie se fait sur la base du partage d’une même opinion à propos d’un objet. Les principaux résultats obtenus permettent de mettre en évidence le fait que :

  • lorsque les sujets sont conduits à percevoir des individus comme faisant partie d’une communauté d’opinion (quelle qu’elle soit), ils ont tendance à réduire les différences interindividuelles entre les membres du groupe, ce qui se traduit par un plus faible nombre de traits et d’arguments qui pour raient particulariser la position ou les caractéristiques d’un individu. Le partage d’une opinion fait ainsi bien l’objet d’une perception catégorielle ;
  • lorsque le groupe est un exogroupe, le sujet le perçoit de façon plus homogène et plus négativement, il marque également un contraste soi/groupe plus important que lorsque ce groupe est un endogroupe. Lorsque la partition se fait en termes de clans, le biais d’homogénéité est plus marqué que lorsque la partition se fait en termes de degrés. Lorsque le groupe est un endogroupe et que la partition se fait en termes de clans, le groupe est perçu plus positivement que lorsque la partition se fait en termes de degrés. Une partition en termes de clans renforce donc le biais de favoritisme endogroupe.
L’analyse plus approfondie fait apparaître qu’une partition radicale mettant en jeu un exogroupe renforce les biais d’homogénéité, de défavoritisme et le contraste soi/groupe, ils sont dans ce cas maxi-maux.

63L’étude réalisée permet d’apporter des éléments de réflexion nouveaux en ce qui concerne les biais consécutifs à l’activation d’une appartenance catégorielle. Alors même que le type de partition a été, ici, artificiellement introduit, il a une incidence sur la perception de l’endogroupe et de l’exogroupe.

64Ces résultats ouvrent des pistes intéressantes à la fois théoriques et empiriques :

  1. Pour l’analyse des biais perceptifs, il apparaît que, selon la perception que les sujets ont d’une partition (binaire versus bipolaire), les biais perceptifs se trouvent modifiés.
  2. La mise en évidence des biais perceptifs est réalisée ici à partir de différents paramètres caractérisant le groupe, sont ainsi pris en compte : la ressemblance (traits et arguments partagés) et la valeur (positive, négative, neutre), ce qui permet une analyse fine des biais visés.
D’autres perspectives apparaissent également en ce qui concerne des problèmes de terrain qui nécessitent un diagnostic, des préconisations et la mise en place de dispositif de remédiation à propos de situations mettant en jeu des relations conflictuelles.

65Seuls deux types de partition ont toutefois été testés ici, il resterait à mettre en évidence l’effet d’une partition de type scalaire. Enfin, l’analyse des résultats reste sommaire, une étude plus approfondie des données verbales est en cours (contenu et structure des arguments, analyse sémantique des traits de personnalité) ; elle sera d’une grande utilité pour saisir de façon plus précise les processus en jeu.

Notes

  • [*]
    Laboratoire de psychologie clinique et sociale (LPCS) (EA3658), Groupe psychologie sociale des discours (GPSD), pôle Apprentissage, acquisition, formation, éducation (AAFE), Université de Bourgogne, BP 26513, 21065 Dijon Cedex ; Laboratoire de psychologie sociale (EA351) UFR7, Psychologie, pratiques cliniques et sociales, Université Paris 8, 2, rue de la Liberté, 93526 Saint-Denis Cedex. <Edith.Sales-Wuillemin@univ-paris8.fr>
  • [**]
    ENESAD-Département Sciences de la formation et de la communication, Unité Didactique professionnelle, 2, rue des Champs-Prévois, BP 87999, 21079 Dijon Cedex. <Antonietta.specogna@educagri.fr>
  • [1]
    Un contre-balancement de la variable « Université de provenance » a été réalisé dans chacune des conditions.
  • [2]
    L’affabulation construite pour le groupe contrôle répond à deux exigences : il s’agissait de justifier la tâche à réaliser et de conserver une situation semblable à celle des sujets expérimentaux. Pour ce qui est de la deuxième exigence, le groupe contrôle est, tout comme les groupes expérimentaux, dans une situation où l’attitude est mise en saillance, néanmoins, contrairement aux autres sujets, ils ne peuvent se situer en regard des individus jugés, parce qu’ils ne sont pas informés de l’attitude de ces derniers.
  • [3]
    Pour équilibrer les temps de passation, les sujets favorables et médians ont été soumis au questionnaire de la condition contrôle. Leurs réponses n’ont pas été exploitées.
  • [4]
    Ont été regroupés sous l’appellation « arguments communs à deux ou trois personnages » les arguments partagés par A et B, B et C, A et C, ou A, B, et C. Un argument était considéré comme partagé par deux ou trois personnages s’il était directement repris par le sujet ou qu’une marque explicite permettait de l’inférer (flèche, mention « idem »…).
  • [5]
    Ont été regroupés sous l’appellation « arguments spécifiques à un personnage » les arguments spécifiques au personnage A, au personnage B, et au personnage C. La somme de ces arguments a été divisée par trois pour avoir une moyenne. Un argument était considéré comme spécifique dès lors qu’il n’était pas repris par le sujet pour un autre personnage ou qu’aucune marque ne permettait de l’inférer (flèche, mention « idem »…). Nous avons opéré de la même manière pour les traits attribués.
  • [6]
    Ces arguments et traits figuraient dans un tableau à part.
  • [7]
    Pour déterminer la valeur des traits prêtés au groupe par les sujets, nous avons utilisé la « méthode des juges ». Un ensemble d’individus (dix) a classé les mots et expression répertoriés en trois catégories. Les juges ont opéré seuls. Puis en groupe. Les cas de désaccord ont fait l’objet d’une discussion. C’est le résultat de cette discussion qui a servi pour le classement final.
Français

Résumé

L’expérimentation présentée a pour but la mise en évidence des biais perceptifs d’homogénéité, de contraste et de favoritisme dans une partition sociale particulière : le groupe d’opinion. Deux variables indépendantes sont manipulées, la caractéristique du groupe (endogroupe versus exogroupe) et le type de partition (en termes de clans versus de degrés). L’analyse des résultats fait apparaître un effet de la variable caractéristique du groupe. On note un biais d’homogénéité, de défavoritisme et de contraste soi/groupe plus important lorsque le groupe est un exogroupe que lorsque c’est un endogroupe. La variable partition a également un effet : il apparaît un biais d’homogénéité et de favoritisme qui est plus important lorsque la partition se fait en termes de clans que lorsqu’elle se fait en termes de degrés. Un effet d’interaction est également noté, le biais de favoritisme est plus important pour un endogroupe avec une partition en clans que pour un endogroupe avec une partition en degrés.

Mots-clés

  • groupe d’opinion
  • partition sociale
  • favoritisme/défavoritisme
  • biais d’homogénéité

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Édith Sales-Wuillemin [*]
  • [*]
    Laboratoire de psychologie clinique et sociale (LPCS) (EA3658), Groupe psychologie sociale des discours (GPSD), pôle Apprentissage, acquisition, formation, éducation (AAFE), Université de Bourgogne, BP 26513, 21065 Dijon Cedex ; Laboratoire de psychologie sociale (EA351) UFR7, Psychologie, pratiques cliniques et sociales, Université Paris 8, 2, rue de la Liberté, 93526 Saint-Denis Cedex. <Edith.Sales-Wuillemin@univ-paris8.fr>
Antonietta Specogna [**]
  • [**]
    ENESAD-Département Sciences de la formation et de la communication, Unité Didactique professionnelle, 2, rue des Champs-Prévois, BP 87999, 21079 Dijon Cedex. <Antonietta.specogna@educagri.fr>
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/02/2012
https://doi.org/10.3917/bupsy.477.0351
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