CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les migrations en Europe par voie maritime représentent un pourcentage minime (environ 5 %) comparé aux voyages terrestres et aériens. Cependant, plus visibles et, à certains égards, plus instrumentalisées, elles attirent plus l'attention que les autres mouvements migratoires [Casas-Cortes et al., 2014 ; de Genova, 2017]. Parmi les pays directement concernés par les arrivées, l'Italie, avec sa position géographique au centre de la Méditerranée, joue un rôle de premier plan dans la gestion des migrants africains arrivant en Europe en bateau [1]. Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 181 000 migrants sont arrivés en Italie en 2016 par voie maritime, soit une augmentation de 18 % par rapport à l'année 2015 [OIM, 2016]. Malgré le nombre de plus en plus important de femmes parmi eux (13 % en 2016, + 6 % entre 2015 et 2016 selon l'OIM), les médias continuent de considérer la migration par voie maritime comme un phénomène majoritairement masculin. Le cas des femmes enceintes, qui représentent 5 % des arrivées en Italie en 2016, est particulièrement négligé [Grotti et al., 2017 ; 2018].

2Les travaux de Jane Freedman [2016], Anaïk Pian [2009] et Clara Escoffier [2006] ont montré que les politiques migratoires vouées à restreindre la liberté de circulation des migrants et des réfugiés africains ne sont pas neutres du point de vue du genre. En raison de l'externalisation des frontières européennes à l'aide de politiques de visas de plus en plus restrictives [Menjívar, 2014 ; Pian, 2016], la traversée illégale de la Méditerranée est le seul moyen de partir, et les violences caractéristiques du parcours migratoire se déclinent différemment selon que les migrants sont des hommes ou des femmes [Weis, Haldane, 2011]. Il en va de même pour les violences subies durant le séjour forcé en Libye, où les migrants se trouvent en situation d'esclavage avant d'avoir accès à la traversée de la Méditerranée. Cependant, ainsi que le soutiennent les théories de l'intersectionnalité [Crenshaw, 1991 ; Anthias, Yuval-Davis, 1992], l'exposition des femmes à différentes formes de violence, dont les violences sexuelles, qui sont la cause de grossesses non désirées, ne dépend pas que des facteurs de genre. Cette étude montrera en effet que l'identité de classe, la couleur de peau, la nationalité ou encore la confession religieuse entrent également en ligne de compte.

3L'article se concentre sur les expériences relatées par les Nigérianes arrivées en 2016 dans l'île de Lampedusa [2], puis transportées à Palerme, capitale de la Sicile, et en particulier sur celles des femmes enceintes. Le premier temps de la réflexion est consacré aux violences subies par les migrantes au cours de leur périple du Nigeria vers l'Italie. Le deuxième temps, aux difficultés d'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), ainsi qu'aux parcours de vie des migrantes nigérianes primo-arrivantes en Italie, où aux violences physiques et psychologiques liées à la migration s'ajoutent des violences institutionnelles découlant du fonctionnement de l'appareil législatif italien, mais aussi des représentations négatives circulant sur les Nigérians en migration [Carling, 2018]. Il s'agit donc de prendre en compte la présence croissante de femmes et de filles impliquées dans le trafic sexuel, ainsi que les conditions de vie des autres migrantes nigérianes ­ dont le sort potentiel est aussi la prostitution ­ et d'analyser comment ces femmes dans leur diversité vivent ces expériences, ainsi que leurs stratégies de survie et de résistance.

Méthodologie

4L'étude proposée est issue d'une enquête de terrain ethnographique menée sur l'île de Lampedusa et dans la ville de Palerme, en Sicile, entre 2016 et 2017 [3], principalement fondée sur les méthodes de la recherche qualitative. Elle a nécessité en amont une négociation avec le personnel médical et les organes de police, afin d'obtenir des autorisations d'accès aux espaces physiques et institutionnels traversés par les migrantes depuis leur arrivée à Lampedusa jusqu'à leur transfert dans les centres d'accueil extraordinaires (CAS) de Palerme [4]. En raison de l'absence d'interprètes, notre connaissance de la langue anglaise a facilité le déroulement de l'enquête dans les services de maternité, où nous avons souvent été sollicitées par le personnel médical pour simplifier les interactions avec les migrants. Le fait d'être une femme a également contribué à la construction d'une relation de confiance avec les migrantes, désireuses de partager leurs expériences avec une femme qui, quoique blanche et européenne, était en mesure de les écouter et de les transmettre au personnel médical. En revanche, faire comprendre notre profession aux migrantes, qui avaient plutôt tendance à nous identifier comme une interprète ou un membre de l'équipe médicale, a constitué l'une des difficultés principales. De même, il n'a pas été simple de conserver une neutralité axiologique, à savoir d'entrer en relation avec les migrantes sans nous laisser impliquer dans leurs expériences souvent dramatiques, quand il s'agissait de victimes de traite.

5L'observation participante a eu lieu dans le port de Lampedusa, où les migrantes débarquent après les opérations de recherche et de sauvetage en mer par les garde-côtes italiens, auprès du service de maternité de Lampedusa, de deux services de maternité à Palerme et d'un centre d'accueil extraordinaire (CAS) à Palerme [5]. Dans ce dernier, grâce à l'autorisation délivrée par le directeur du centre, nous avons suivi 15 femmes. Des entretiens ont été menés avec les migrantes et les professionnels de santé qui pourvoient à leurs besoins sanitaires durant la grossesse et au moment de l'accouchement : 20 avec des Nigérianes âgées de 17 à 34 ans et 6 avec des professionnels de santé, dont 2 avec des gynécologues du service de maternité de Lampedusa et 4 avec des gynécologues et des sages-femmes des services de maternité de Palerme. Un recueil de données statistiques a également eu lieu à Lampedusa : celles sur les arrivées des Nigérianes nous ont été fournies par les représentants des organes de police présents dans le centre de première réception (hotspot), celles sur les principaux besoins de santé des migrants ont été, quant à elles, rassemblées par nos soins à partir de la consultation des registres hospitaliers pour la période de 2015-2016. Ces données nous ont permis d'établir les pourcentages relatifs aux femmes enceintes par rapport à l'ensemble des femmes arrivées en 2016. Afin de préserver l'anonymat des personnes ayant participé à la recherche, les noms qui apparaissent dans l'article sont des pseudonymes. Les entretiens avec les migrantes nigérianes ont été menés en anglais, ceux avec les professionnels de santé ont eu lieu en italien. Leur traduction en français a été réalisée par l'auteure de cet article.

Migrations féminines du Nigeria vers l'Europe

6Selon les données de l'OIM [2016], les Nigérians sont la population la plus représentée dans les migrations maritimes. Ils représentaient 21 % des arrivées en bateau en Italie en 2016. Selon les statistiques fournies par les corps de police, les entretiens et les observations réalisés sur le terrain, les migrantes nigérianes accueillies à Lampedusa répondent à deux types de profil. Le premier groupe, environ 60 % des femmes arrivées en 2016, est constitué de jeunes femmes âgées de 16 à 20 ans. Pour la plupart, elles ont été incitées, voire forcées par d'autres personnes, à quitter le Nigeria. 90 % d'entre elles viennent de villages ruraux de la région Edo, dans le sud du Nigeria, ou de la ville de Benin City, la capitale régionale. Elles appartiennent aux groupes ethniques Bini, Esan et Ijaw et sont principalement de religion catholique. Leur enfance a été caractérisée par des conditions de pauvreté extrême et par un accès limité à l'éducation ; la plupart d'entre elles ont seulement fréquenté l'école primaire [Onyejekwe Chizene, 2005]. Certaines ont été vendues par leur famille à des femmes, qu'elles appellent mamas, ou à des hommes, qu'elles appellent oga (« chef » ou « leader » en langue yoruba). D'autres ont été enlevées par les mamas contre la volonté de leurs familles. Dans la plupart des cas, elles affirment avoir été soumises au joujou, un rituel vaudou durant lequel un accord économique est noué avec les mamas ou les oga [Guillemaut, 2008]. Ce rituel, considéré comme une religion dans cette région méridionale du Nigeria, place les jeunes filles dans une situation de dette économique, qu'elles promettent de rembourser aux mamas, ainsi que les frais du voyage, lorsqu'elles auront trouvé un travail en Europe. Autrement dit, elles sont la « propriété » des mamas tant que la somme prêtée (une somme souvent supérieure à 25 000 euros) n'a pas été remboursée. En l'absence de remboursement, les mamas peuvent s'en prendre à leur famille en demandant le remboursement de la dette et des intérêts, ou bien en tuant un membre de la famille. La majorité de ces jeunes filles disent avoir été trompées au sujet du travail qui les attendait en Europe, puisqu'elles n'ont été informées de sa nature qu'après avoir quitté le pays :

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Pour me convaincre à partir, la dame avec qui j'ai voyagé du Nigeria m'avait dit qu'elle me ferait travailler comme serveuse en Italie. Après avoir traversé la frontière, elle m'a expliqué ce que je devrais vraiment faire. À ce moment-là, je ne pouvais plus m'échapper. J'ai essayé de me rebeller, mais c'était mal : la dame m'a battue et ne m'a pas donné à manger pendant deux jours (Blessing, 18 ans).

8Des recherches [Lavaud-Legendre, 2003 ; Akor, 2011 ; Osezua, 2016] montrent que le trafic sexuel des Nigérianes originaires de la région Edo remonte aux années 1990, mais ses caractéristiques sont en train d'évoluer. D'une part, les femmes choisies pour entrer sur le marché de la prostitution forcée sont de plus en plus jeunes et de moins en moins éduquées, donc plus facilement manipulables par les trafiquants [Lavaud-Legendre, Peyroux, 2014 ; Plambech, 2016 ; OIM, 2017]. D'autre part, à la suite du renforcement des contrôles aux frontières, les moyens de transport utilisés pour leur trajet vers l'Europe changent aussi. Contrairement aux années 1990 et 2000, où les avions de ligne étaient le moyen de transport privilégié, les déplacements organisés par les trafiquants se font aujourd'hui principalement par bateau. De la sorte, étant mêlées à d'autres migrant·e·s africain·e·s, le déplacement des jeunes femmes impliquées dans le trafic sexuel, plus long et plus dangereux, est à la fois moins visible et moins coûteux pour les trafiquants.

9L'autre groupe, environ 40 % de migrantes nigérianes, est composé de femmes ayant décidé de leur propre chef de quitter le Nigeria pour rechercher un avenir meilleur en Europe. Elles ont un niveau d'éducation plus élevé (bac ou diplômes universitaires) et un âge plus avancé (entre 22 et 34 ans) que celles du premier groupe. Elles proviennent surtout des régions centrales du pays, telles que les régions d'Abuja et de Nassarawa, ou des régions du Nord, comme la région de Kano. Elles sont principalement de religion musulmane et appartiennent aux groupes ethniques Afo, Fulani et Hausa. Certaines ont laissé leurs enfants ou leur mari au Nigeria, d'autres sont parties avec leur conjoint. Pour justifier leur migration, elles mettent en avant la situation politique et économique du Nigeria qui s'est dégradée depuis plusieurs décennies déjà, mais qui a empiré ces toutes dernières années :

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Il y a quelques années, le secteur de l'industrie fonctionnait bien chez nous. Des gens d'autres pays africains venaient chercher du travail au Nigeria. Maintenant, les choses ont changé, le naira [monnaie nationale] s'est effondré, de nombreuses entreprises ont fermé et beaucoup de gens ont été licenciés. Avec la crise économique, la pauvreté a augmenté et le niveau de sécurité a diminué. C'est normal que beaucoup de gens décident de partir (Jennifer, 27 ans, diplômée en économie et employée dans un groupe industriel à Abuja, capitale du Nigeria).

11Des études sociologiques montrent que le ralentissement économique du Nigeria à la suite de l'effondrement du prix du pétrole en 2014 s'est traduit, entre autres, par l'augmentation des départs vers l'Europe [Adepoju, 2017]. L'accroissement des arrivées du Nigeria en Italie apparaît clairement quand on compare l'année 2016, où sont arrivés 37 551 Nigérians, dont 11 009 femmes et 3 040 mineurs non accompagnés, à l'année précédente ­ 2015 ­, où étaient arrivés 22 237 Nigérians, dont 5 633 femmes et 1 022 mineurs non accompagnés [OIM, 2016]. Les proportions sont les mêmes à Lampedusa, où parmi les migrants arrivés en 2016, les Nigérians sont le groupe le plus nombreux (1 878 sur 11 089 arrivées), dont un tiers de femmes (558). Les mineurs non accompagnés, dont 70 % de filles, étaient 166. Cependant, les facteurs économiques et le fait que le Nigeria est l'un des pays les plus peuplés d'Afrique de l'Ouest ne suffisent pas à expliquer l'augmentation des migrations féminines, liée également à d'autres problématiques : les violences conjugales et domestiques, ainsi que le risque d'être victimes des violences des milices armées. Ce risque a surtout été mentionné par les femmes provenant du nord du pays, devenu ces dernières années le théâtre du conflit armé entre l'État nigérian et le groupe terroriste Boko Haram.

Genre, couleur de peau et religion : les contours des violences dans le parcours migratoire

12Le voyage depuis le Nigeria jusqu'à l'Italie requiert la traversée de deux frontières terrestres ­ entre le Nigeria et le Niger et entre le Niger et la Libye ­ et d'une frontière maritime : la Méditerranée. Pour les jeunes filles destinées au marché de la prostitution forcée, le voyage jusqu'en Libye dure deux à trois semaines. En général, la planification des étapes est organisée par les mamas ou par les boga (« accompagnateurs », en langue yoruba), qui voyagent avec elles. Une fois en Libye, elles sont confiées aux milices locales, issues de différentes tribus, qui contrôlent les zones côtières (entre autres Misrata, Tripoli, Syrte) d'où ont lieu les départs par la mer Méditerranée [6]. Les frais pour la traversée maritime, payés d'avance par les mamas, s'ajoutent au montant de la dette contractée par les jeunes Nigérianes. Les récits des filles interrogées montrent que, malgré les accords entre les trafiquants qui voyagent avec elles jusqu'en Libye et ceux qui les attendent en Italie, l'accès à la dernière étape du voyage vers l'Europe n'est pas toujours immédiat. La durée du séjour en Libye dépend de nombreux facteurs, tels que le contournement des contrôles des garde-côtes libyens, l'attente de conditions météorologiques favorables, ou encore la décision des milices d'exploiter sexuellement des Nigérianes en échange de l'accès à la mer. Ainsi, pour certaines d'entre elles, le séjour en Libye a-t-il duré plusieurs semaines ou plusieurs mois, au cours desquels elles ont été prostituées auprès des milices armées et auprès de maisons closes.

13Pour les migrantes nigérianes circulant hors réseau, le voyage vers l'Europe est souvent plus long, en moyenne entre six et huit mois, et plus compliqué encore. Comme les travaux de Claire Escoffier [2008], Anaïk Pian [2010] et Kristin Kastner [2010] le montrent pour la traversée du Maroc, beaucoup de femmes parties seules cherchent la protection d'un homme dès la première phase de leur déplacement, et certaines se construisent provisoirement de nouvelles familles avec leurs compatriotes ou d'autres migrants subsahariens afin d'éviter les violences des trafiquants au Niger. Cette dépendance à un soutien masculin, indispensable pour poursuivre le voyage en raison des meurtres dans le désert et d'autres formes de violence dont sont surtout victimes les migrantes voyageant sans conjoint, est une cause de souffrance pour certaines des femmes interrogées. Leur situation empire lors de l'arrivée en Libye, où les structures où elles ont été tenues prisonnières par les milices paramilitaires, ainsi que les centres de détention administrés par la police libyenne sont selon leurs mots un véritable enfer. Les couples ayant voyagé ensemble sont souvent séparés, ainsi que les couples qui se sont formés en chemin :

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Quand nous sommes arrivés en Libye, les soldats nous ont demandé de former deux lignes. Les hommes d'un côté, les femmes de l'autre. Mon mari, avec qui j'avais quitté le Nigeria, ne voulait pas me laisser. Il avait peur que les soldats emmènent les femmes et les hommes dans deux villes différentes et qu'on ne puisse plus se retrouver. Quand un des soldats a vu qu'il me gardait serrée contre lui, il lui a tiré dessus. Il a tremblé, puis il est mort sous mes yeux. Je m'en souviens parfaitement. À ce moment-là, j'ai compris que le seul moyen de survivre en Libye était d'obéir aux hommes armés (Favor, 26 ans, qui a perdu son conjoint à Tripoli).

15La perte de la protection des conjoints ou d'autres migrants accroît le risque de violences sexuelles. Les derniers rapports d'Amnesty International [2016] indiquent que les migrantes subsahariennes y sont systématiquement exposées en Libye, ce que confirment les femmes interrogées, qui racontent avoir été victimes de viols répétés de la part de représentants de la police, de milices armées, et d'hommes dirigeant les prisons. Les violences multiples auxquelles les migrantes sont soumises dépendent parfois de leur profil :

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Le premier problème est que la plupart des hommes abusent des femmes pendant la migration. Un autre problème également très important est qu'en Libye, comme ailleurs en Afrique du Nord, les Noirs sont considérés comme des animaux et traités comme des esclaves. Si un homme arabe doit abuser d'une femme, il choisira une Noire plutôt qu'une Arabe, surtout si elle n'est pas musulmane (Osas, 24 ans, de religion musulmane et originaire de la région de Nassarawa).

17Si le risque de violence est avant tout lié au genre, les violences subies par les migrantes nigérianes sont aussi liées à leur couleur de la peau et à leur confession. Les musulmanes, bien que noires, semblent être moins exposées à la violence sexuelle. C'est pourquoi les catholiques décident parfois de se faire passer pour musulmanes. Le stratagème repose principalement sur le port du voile pendant leur séjour dans les prisons et les centres de détention libyens, mais aussi par la dissimulation de tout objet ou symbole religieux évoquant leur foi catholique, tels que les chapelets utilisés pour prier et se protéger pendant le parcours migratoire. Cela les aide parfois à échapper aux violences sexuelles, mais, à l'inverse, elles sont d'autant plus exposées à la violence si leur véritable confession est découverte. Contrairement à la religion, l'origine ethnique est rarement mentionnée comme l'un des facteurs contribuant à un traitement différencié, c'est la couleur de peau qui prime : « Les hommes arabes ne font aucune distinction entre groupes ethniques africains. Ce qu'ils voient, c'est juste le fait que nous avons la peau noire » (Rose, 21 ans, originaire de la région d'Abuja). En revanche, le fait d'être orientées vers le marché de la prostitution forcée semble accroître la possibilité de subir des violences sexuelles en Libye : « À cause de notre métier en Europe, beaucoup d'entre nous sont déjà traitées comme des prostituées en Libye » (Gift, 19 ans, originaire de Benin City).

18Cependant, la porosité des profils et l'interchangeabilité des modalités du voyage qui émergent des récits interdisent d'opérer une distinction rigide entre les migrantes destinées aux réseaux de prostitution et celles voyageant de façon autonome. Certaines des femmes parties spontanément se retrouvent en cours de route dans les réseaux de prostitution dirigés par les mamas ou gérés par les trafiquants en Libye. Découlant généralement d'une volonté de raccourcir les délais du voyage, l'entrée dans ces circuits peut aussi être motivée par un besoin financier pour la traversée de la Méditerranée. Inversement, certaines filles insérées dans les circuits de prostitution depuis le Nigeria parviennent parfois à échapper au contrôle des mamas, grâce à l'aide de compatriotes nigérians, mais aussi de passeurs illégaux (smugglers), de représentants de la police et d'hommes qui dirigent les prisons en Libye. Plus les hommes avec qui les migrantes entretiennent des relations amoureuses ou sexuelles occupent une place de pouvoir, plus celles-ci arrivent à gagner en autonomie. Ces situations montrent que, même si les femmes sont objectivement soumises à des rapports de domination, elles peuvent aussi être actrices de leur destin lors de la migration. Le même discours peut être appliqué à celles qui commencent une grossesse en Libye. Bien que « tomber enceinte fasse partie du prix à payer pour arriver en Europe » (Joy, 29 ans), nombreuses sont les femmes à qui la grossesse a ouvert l'accès à la traversée de la Méditerranée. Le témoignage de Victory, 26 ans, résume l'ambivalence de l'état de grossesse, à la fois résultat des abus endurés et protection provisoire contre de nouveaux viols et échappatoire à une situation générale de violence : « Quand tu tombes enceinte, tu as plus de chances que les soldats te remplacent par une autre femme, et qu'ils te laissent partir. » Face à ce paradoxe, on peut donc avancer l'hypothèse selon laquelle l'augmentation du nombre de migrantes arrivant enceintes en Italie est certes liée aux taux élevés de violences subies en Libye, mais aussi à la prise de conscience que la grossesse représente une opportunité pour achever le parcours migratoire vers l'Europe. Sur 1 251 migrantes arrivées à Lampedusa en 2016, 558 étaient nigérianes, dont 79 (14 %) étaient enceintes. Parmi elles, plus de 80 % ont déclaré ignorer l'identité du père.

Besoins de santé et accès à l'IVG

19En 2016, sur les 166 migrantes examinées au service de maternité de Lampedusa, 79 étaient nigérianes ; plus de la moitié d'entre elles (43) ont demandé une interruption de grossesse et la plupart ont dit explicitement aux gynécologues qu'elles avaient été victimes de viols en Libye. Pour certaines, l'état de grossesse est une source de souffrance qui s'ajoute aux traumatismes physiques et psychologiques subis pendant la migration. Leur refus de leur grossesse passe aussi par un langage non verbal : lors des consultations médicales, elles regardent généralement par terre, beaucoup d'entre elles pleurent devant la proposition des médecins d'évaluer l'état de santé du f tus, d'autres montrent un état d'agitation. Étant donné qu'il leur était impossible d'accéder à un établissement hospitalier en Libye, l'échographie réalisée à Lampedusa est souvent le premier test diagnostique depuis le début de leur grossesse. Cependant, dans la plupart des consultations auxquelles nous avons assisté, les femmes n'ont pas voulu voir le f tus : la plupart du temps, elles regardaient dans la direction opposée à celle où se trouve l'écran. Quand les gynécologues détectent des problèmes cliniques, la majorité des femmes demandent d'arrêter la grossesse. Si, au contraire, l'état de santé du f tus est bon, elles restent silencieuses et ne posent pas de questions sur le sexe du bébé. La naissance d'un enfant qu'elles considèrent comme un étranger est parfois à l'origine d'un sentiment de honte. Lors de son examen échographique, Rita, 25 ans, déclare : « Je me demande de quelle couleur sera la peau de ce bébé après tout ce qui s'est passé en Libye. » Pour sa part, Precious, 27 ans, présente la possibilité de mettre fin à sa grossesse comme « le début d'une nouvelle vie en Europe ». La grille analytique constituée par l'opposition entre mort physique et mort sociale proposée, entre autres, par Philippe Charlier et Jacques Hassin [2015], forme un cadre pertinent pour approcher ces discours : étant donné la situation qu'elles connaissent en Libye, les migrantes considèrent la grossesse comme un état leur permettant d'échapper à la mort physique et à d'autres formes de violence ; cependant, une fois arrivées en Italie, la grossesse devient un état synonyme de mort sociale, dont il faut sortir pour gagner une nouvelle étape du parcours migratoire et renaître comme personnes.

20Même si elles le souhaitent, les Nigérianes ne peuvent pas toujours bénéficier d'une interruption de grossesse. D'une part, selon la législation italienne (loi 194/1978), la demande d'IVG doit être soumise aux gynécologues avant la fin du troisième mois de grossesse. Pour toutes les migrantes arrivées en Italie après ce délai, l'IVG est légalement exclue. D'autre part, le centre de santé de Lampedusa, qui ne propose que des consultations, n'est pas équipé pour les IVG, et les hôpitaux de référence pour l'IVG sont ceux de Sicile, en premier lieu les hôpitaux de Palerme. Cependant, les migrantes ne sont pas libres de quitter l'île en fonction de leurs besoins sanitaires. Les transferts de migrants en Sicile, y compris pour les femmes arrivées à Lampedusa enceintes de moins de trois mois, sont organisés par les représentants de l'État et de la police :

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Chaque fois que je fais un certificat médical en faveur de l'interruption de grossesse, je me demande s'il va vraiment aider les patientes. Vu le temps que prennent les transferts avec les autres migrants, beaucoup de femmes perdent le droit d'interrompre leur grossesse. Il est absurde de ne pas faire une exception pour ces patientes qui ne peuvent pas se déplacer de façon autonome, ne connaissent pas la loi italienne et ont vécu des expériences horribles. En tant que gynécologues, nous sommes pieds et poings liés. Parfois, on essaye de faire pression sur les préfets, mais la machine de l'État n'écoute pas toujours les médecins (Cristina, gynécologue au centre de santé de Lampedusa depuis 2015).

22Le système administratif de gestion des migrants limite donc l'autonomie des patientes au point de contrevenir à leur droit à ne pas poursuivre leur grossesse, subordonné aux délais exigés par l'État pour le transfert des migrants. On peut le considérer comme une des formes de violence institutionnelle perpétrées sur les migrantes enceintes. Comme le montre le témoignage de Cristina, l'influence des médecins sur les procédures mises en place par l'État est limitée. Les urgences médicales, pour les patientes ne pouvant pas attendre les transferts collectifs, transportées en Sicile par hélicoptère sanitaire, forment la seule exception. En 2016, seules 5 patientes nigérianes entraient dans ce cas, à cause du risque immédiat de fausse couche. Les 43 femmes ayant demandé l'IVG ont quant à elles été incluses dans les transferts collectifs, car ce besoin médical n'est pas considéré a priori comme une procédure d'urgence [7]. De ce fait, seules 9 (20 %) d'entre elles ont obtenu une IVG dans les hôpitaux palermitains. Cette difficulté d'accès des migrantes à l'IVG dépend de plusieurs facteurs, tous assimilables à la catégorie des violences institutionnelles. En premier lieu, les IVG sont pratiquées par peu de médecins en Sicile, où le taux de gynécologues objecteurs de conscience atteint 90 % dans les hôpitaux publics. Dans les deux maternités où la recherche s'est déroulée, seuls 3 gynécologues sur 27 pratiquaient l'IVG [8]. Il en résulte une nouvelle « mise en concurrence » pour l'accès à l'IVG entre les patientes italiennes et immigrées, mais aussi entre les patientes immigrées elles-mêmes, comme dans le cas des Nigérianes victimes d'exploitation sexuelle, qui, selon les médecins, sont discriminées pour l'accès à l'IVG ou, à l'inverse, considérées comme prioritaires. L'accès à l'IVG est rendu d'autant plus compliqué pour les migrantes qu'elles n'ont pas la possibilité de s'adresser à des centres hospitaliers, souvent éloignés des centres d'accueil, en toute autonomie. Celle-ci crée une dépendance à l'égard des travailleurs des centres d'accueil pour les déplacements à l'hôpital, à laquelle s'ajoute la nécessité d'être accompagnées par un interprète pour communiquer avec les gynécologues.

La vie des migrantes dans les centres d'accueil en Italie

23Le concept de « vie nue » introduit par Giorgio Agamben [1998] en opposition à la « vie qualifiée », ainsi que les théories du gouvernement des corps développées par Michel Foucault [1976] se révèlent particulièrement utiles pour analyser la vie des migrantes dans les centres dits d'accueil en Italie [9]. Bien que ceux-ci aient été pensés comme des lieux de résidence temporaire voués à la toute première réception des migrants, les femmes enceintes y passent toute leur grossesse, jusqu'au début du post-partum. L'enfermement dans ces centres renvoie aux catégories foucaldiennes de biopolitique et d'anatomo-politique, où la souveraineté contemporaine de l'Europe s'exerce à travers un contrôle sur la vie et les corps des migrants [Fassin, 2011]. La vie quotidienne dans les centres d'accueil se résume à une simple satisfaction des besoins physiologiques : « On ne fait que manger et dormir, ici. On passe des journées entières sans rien faire d'autre » (Miracol, 24 ans, arrivée en Italie en novembre 2016). L'absence de « vie qualifiée » réduit donc les personnes au statut de corps biologiques où seules comptent les fonctions physiques. Comme les analyses de Didier Fassin [2005] le suggèrent pour d'autres contextes en Europe, la vie dans les centres d'accueil correspond avant tout à une « survie » biologique. En même temps, le séjour dans ces lieux se caractérise comme une « vie en suspens », où les semaines se succèdent dans l'attente du traitement de la demande d'asile par les tribunaux italiens. Dans la continuité de travaux de Fassin, la vie des migrantes interrogées peut être décrite comme une vie « hors du temps », où les journées sont toutes les mêmes. Pour les femmes enceintes qui n'ont pas pu obtenir l'IVG, elle correspond à une condition de « double enfermement », où à l'isolement physique s'ajoute le sentiment d'emprisonnement lié à l'état de grossesse.

24Les conditions de vie au sein des centres d'accueil semblent difficilement compatibles avec l'état de grossesse. Le faible niveau d'hygiène dû au surpeuplement en est un exemple. Les structures où les femmes interrogées vivent accueillent de 20 à 40 personnes et les chambres où elles passent l'essentiel de leurs journées comprennent quatre ou six lits, avec une seule salle de bains par étage pour dix ou douze personnes. Le peu d'attention accordée à leur alimentation, la même que pour les autres, est également représentatif : « On mange des pâtes tous les jours. Les médecins nous disent qu'on doit manger d'autres choses, mais on ne nous donne que des pâtes » (Mary, 26 ans, arrivée en Italie en septembre 2016). Ce quotidien a une incidence sur leur santé globale : il est à l'origine de maux de tête, gastrites, dermatites, mais aussi de symptômes dépressifs. Bien que la législation italienne prévoie la présence d'un psychologue dans tous les centres d'accueil, la barrière de la langue pose problème. Ceux qui parlent anglais sont rares, et les services de médiation linguistique aussi. Ainsi, en raison des carences internes du système d'accueil, les échanges entre les femmes et des professionnels susceptibles de les aider dans les moments de difficulté ont rarement lieu dans les faits.

25L'isolement physique et la marginalité sociale n'empêchent pas l'existence de formes de résistance. Après avoir tenté de parler en vain avec le directeur du centre où elle se trouve, Estelle, 26 ans et enceinte de quatre mois, a arrêté de manger pour protester contre l'absence d'autorisation de mettre fin à sa grossesse. Lors de son deuxième jour de grève de la faim, trois femmes se sont jointes à elle pour pousser le directeur à se tourner vers un nouvel hôpital où essayer d'obtenir une IVG. Par ailleurs, des conflits ont parfois lieu avec les travailleurs des centres. Ceux-ci peuvent être liés au fait que le malaise manifesté par les migrantes tend à être pris à la légère et que leur souffrance est sous-estimée, ou même que la crédibilité de leurs propos est mise en question, ce dont des remarques telles qu'« allez-vous vraiment si mal ? » ou « faut-il vraiment que vous en fassiez toute une histoire ? » témoignent, selon elles. D'autres fois, le préjugé selon lequel la nationalité nigériane signifie une sexualité féminine plus active, si ce n'est une tendance plus développée à la prostitution, conduit certains travailleurs des centres à adopter un langage vulgaire et agressif. Ainsi, des migrantes arrivées en Italie hors du circuit du trafic sexuel racontent avoir entendu des remarques telles que « c'est peut-être un hasard, mais ce sont toujours les Nigérianes qui tombent enceintes ». Dans de rares cas, face aux attitudes essentialistes des agents administratifs et à l'impossibilité d'accéder à l'IVG, des femmes s'enfuient des structures d'accueil. D'autres, au contraire, vivent la grossesse dans les centres d'accueil comme un moment qui leur permet de rester dans un espace « protégé » où la violence est plus larvée, avant de se replonger dans l'inconnu. Dans ces cas, il est possible de parler d'une réappropriation de la grossesse. Cette tentative se traduit par une série de comportements « réparateurs » qui dénotent l'acceptation progressive de l'enfant. Par exemple, certaines femmes se consacrent au tricot pour la confection de bonnets ou de couvertures pour l'enfant à naître. D'autres demandent au personnel administratif d'être emmenées à l'hôpital pour des tests diagnostiques initialement perçus comme une obligation imposée.

26Plusieurs situations observées au cours de la recherche incitent à une réflexion sur la qualité de l'assistance sanitaire proposée aux migrantes. La distance géographique entre les centres d'accueil et les hôpitaux réduit le nombre de rencontres entre les femmes et les médecins. Ainsi, la plupart des femmes interrogées n'ont fait qu'une échographie pendant la grossesse, contrairement aux trois examens diagnostiques prévus par les protocoles médicaux en Italie. Pour ce qui concerne l'assistance à l'accouchement, les obstétriciens optent en général pour l'hypermédicalisation. Cette tendance, distinctive des hôpitaux du sud de l'Italie, et de Sicile en particulier [10], transparaît dans l'assistance aux patientes primoarrivantes d'origine subsaharienne. Par exemple, les taux de césariennes auprès d'elles sont plus élevés en Sicile (37 %) que dans le reste de l'Italie (28,1 %). Selon les sages-femmes interrogées, la préférence pour une médecine défensive, qui renvoie au débat contemporain autour des violences obstétricales [Ravaldi et al., 2018], s'explique par la perception des immigrées comme des patientes peu expérimentées d'un point de vue médico-légal. Les avis des obstétricien·ne·s sont, quant à eux, assez divisés. Pour certain·e·s, la césarienne représente une solution opérante face aux barrières linguistiques et à la méconnaissance des dossiers médicaux des migrantes, surtout si ces dernières sont arrivées en Italie à la fin de leur grossesse. Pour d'autres, ce recours provient du préjugé selon lequel ces patientes sont plus susceptibles d'être porteuses du VIH en raison de leur prédisposition supposée à la prostitution [Sauvegrain, 2012]. Contrairement au premier groupe, ce deuxième groupe de gynécologues se montre critique face à la faible quantité d'informations fournies aux migrantes autour de la césarienne. Leurs opinions politiques, leur propre expérience de la migration, ou encore la connaissance ou méconnaissance d'autres cultures participent aux différents positionnements des professionnels vis-à-vis de la médicalisation des soins à l'accouchement. Pour leur part, les femmes interrogées décrivent la césarienne comme « une mauvaise façon d'accoucher » ou encore comme une « source de souffrance supplémentaire », et perçoivent la cicatrice laissée sur leur corps comme une « mémoire incarnée » des violences endurées en Libye. Cette situation constitue un autre exemple de violence institutionnelle subie par les migrantes au sein du système de santé en Italie.

Nationalité et parcours juridiques des femmes

27Selon les conventions internationales sur le droit d'asile, telles que la directive européenne 2011/36, la légitimité de la demande d'asile dépend en partie de la nationalité des migrants [Schuster, 2011]. Le Nigeria, comme la plupart des pays d'Afrique subsaharienne, ne figure pas parmi les pays officiellement considérés comme « zones à risque » pour la population locale. La seule exception concerne les victimes du groupe terroriste Boko Haram dans le nord-est du pays, minoritaires (moins de 5 %) dans l'échantillon étudié et dans la population nigériane arrivée en Italie ces dernières années. L'obtention du statut de réfugiées (loi 24/2014) pour les femmes et les jeunes filles impliquées dans la traite des êtres humains dépend de leur capacité à démontrer leur condition de « victimes » lors des audiences prévues à intervalles réguliers avec les juges italiens. Dans la plupart des cas, elles sont informées de cette possibilité par les représentants des organisations internationales telles que l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et aidées dans la constitution du dossier par des associations italiennes luttant pour les droits des femmes [11]. L'entrée dans des programmes de protection sociale se traduit par leur transfert depuis les centres d'accueil vers des centres spécifiquement dédiés aux victimes du trafic sexuel, qui ne les protègent que partiellement des réseaux de la prostitution forcée. Le nombre limité de structures de ce type ne permet pas d'accueillir le nombre croissant de Nigérianes considérées comme victimes potentielles de la traite des êtres humains. Selon l'OIM [2017], elles représentent environ 80 % des femmes et des filles arrivées en Italie en 2016, c'est-à-dire 8 277 personnes (elles étaient 3 380 en 2015). Par ailleurs, les contrôles menés par la police dans les zones adjacentes aux espaces de sécurité offerts par l'État restent limités, et il n'est pas rare que dans ces lieux se trouvent des complices ­ trafiquants ou intermédiaires ­ qui mettent les migrantes en relation avec les mamas. Ainsi, la résidence dans ces espaces a priori sécurisés ne permet pas à de nombreuses femmes et de jeunes filles d'échapper aux griffes des trafiquants.

28Pour les femmes arrivées hors du trafic sexuel, la suite du séjour en Italie après les centres d'accueil varie selon qu'elles ont arrêté leur grossesse ou qu'elles ont choisi de garder leur enfant. Dans le premier cas, la plupart d'entre elles sont classées par les juges italiens dans la catégorie des migrant·e·s économiques, c'est-à-dire des personnes qui n'ont pas accès au permis de séjour ni au droit d'asile. Grâce à l'aide des associations militantes qui luttent pour les droits des immigrés, certaines contestent cette décision et se présentent à nouveau aux tribunaux italiens avec un dossier comme victimes de la traite des êtres humains. Toutefois, le permis de séjour pour des raisons humanitaires leur est habituellement refusé, et elles ont alors deux possibilités : rentrer dans leur pays d'origine, comme le demanderait la législation italienne [12], ou rester en Italie en situation irrégulière. L'absence de suivi à la sortie des centres d'accueil et la clandestinité les exposent à de nouvelles formes de violence. Le risque principal, qui concerne beaucoup de Nigérianes vivant sans papiers en Italie, est l'entrée sur le marché de la prostitution, parfois farouchement refusé pendant leur voyage vers l'Europe. Comme plusieurs migrantes l'ont évoqué, cette situation, produite par les lois et les politiques migratoires, contribue à alimenter les stéréotypes négatifs à l'égard des Nigérianes [Jaksic, 2016]. La clandestinité et la prostitution ont aussi pour conséquence le recours à l'avortement clandestin à la suite d'autres grossesses non désirées. Lorsque les migrantes n'ont pas les moyens de payer leur avortement, elles tombent sous la coupe des mamas qui gèrent ce marché clandestin. Par ailleurs, si le recours à l'avortement clandestin a lieu à un stade avancé de la grossesse, les risques sont plus élevés et les traumatismes plus grands. À l'inverse, quand les migrantes n'ont pas réussi à obtenir une IVG ou ont choisi de poursuivre leur grossesse, à leur sortie des centres d'accueil, elles sont transférées dans des foyers de mères célibataires, où elles continuent d'être assistées par l'État en tant que parent unique d'un mineur sur le territoire italien. Le statut parental ouvre l'accès à un permis de séjour temporaire, mais implique de nouvelles formes de contrôle et de surveillance de l'État sur leur vie, par de fréquentes visites des assistants sociaux. Pour éviter de perdre la garde de leur enfant, et de ce fait de se retrouver dans la même condition de clandestinité que les autres migrantes, elles doivent se montrer de « bonnes mères ». En cas d'abandon de l'enfant à la naissance ou durant sa prime enfance, elles perdent leur titre de séjour et les assistants sociaux placent généralement l'enfant dans les circuits d'adoption, en Italie ou à l'étranger.

Conclusion

29Les femmes et les jeunes filles nigérianes accueillies ces dernières années en Italie sont confrontées à différentes formes de violence à la fois physiques, psychologiques, symboliques, institutionnelles et systémiques. Leur vie peut être décrite comme un continuum de violence [Kelly, 1987 ; Krause, 2015] avant, pendant et après la migration. Les violences physiques et psychologiques subies avant d'arriver en Italie représentent une première strate de souffrances souvent indélébiles. Les violences symboliques perpétrées par les agents administratifs dans les centres d'accueil ainsi que les restrictions imposées par la législation italienne en matière d'interruption de grossesse forment, pour leur part, des obstacles à leur tentative de s'opposer à une condition physique non désirée. De même, le fait que, parmi les critères juridiques utilisés par les tribunaux, la nationalité ait plus de poids que les expériences et les histoires de vie est représentatif de la violence systémique des politiques migratoires à l'égard des migrantes nigérianes, et subsahariennes plus généralement. Tout comme les restrictions en matière d'interruption de grossesse, cette forme de violence institutionnelle redouble les expériences négatives vécues pendant la migration.

30La pluralité de formes de violence vécues par les femmes migrantes est un phénomène où aux rapports de domination liés au genre se combinent d'autres éléments, tels que la classe économique, la couleur de peau, la religion et la nationalité elle-même, tous facteurs de discrimination. L'articulation entre ces éléments est à géométrie variable en fonction du contexte. Ainsi, en Libye, la violence sexuelle dépend, outre de la couleur de peau et de la domination de genre, de la confession catholique ou musulmane des migrantes, alors qu'en Italie la « réputation » liée à la nationalité pèse sur les parcours juridiques des Nigérianes.

31Malgré cela, une interprétation victimaire des expériences vécues par les migrantes correspondrait à une lecture réductrice d'histoires plus complexes et ambivalentes. Plusieurs éléments montrent que les femmes et les filles rencontrées sont certes victimes de violences, mais sont aussi sujets et actrices de leur destin avant et après leur arrivée en Italie. Leur recherche d'un compagnon et d'autres formes de protection en constituent un premier exemple. La porosité des profils et des expériences des migrantes met aussi en lumière leur agentivité lors des différentes étapes du parcours migratoire : certaines réussissent à échapper aux circuits de la prostitution forcée ; d'autres, au contraire, décident d'entrer dans ces circuits. En aucun cas, les migrantes vivent passivement leur grossesse commencée pendant la migration. Leurs réactions à leur nouvelle condition physique et la valeur qu'elles y attribuent dépendent du contexte. En Libye, la grossesse est considérée comme une planche de salut, qui les aide par ailleurs à arriver en Europe. En revanche, en Italie, la grossesse est vécue comme un poids dont il faut se libérer pour pouvoir commencer une nouvelle vie. De même, les résistances opposées aux comportements discriminatoires des opérateurs des centres d'accueil, ou encore les collaborations entre les migrantes ­ qu'elles soient insérées dans des réseaux de trafic sexuel ou non ­ et les associations en mesure de les accompagner dans leurs interactions avec les tribunaux italiens témoignent de leurs ressources et de leurs capacités, individuelles et collectives. Plus généralement, l'agentivité des migrantes ressort de la grande diversité des façons de vivre leurs expériences et de les transformer ou non. Selon qu'elles arrivent à avorter (ou pas) quand elles sont dans les centres d'accueil, leur avenir ne se construit pas de la même manière. Qu'elles choisissent un parcours de « réconciliation » avec la grossesse subie, qu'elles se retrouvent avec des enfants non désirés, ou encore qu'elles soient amenées à avorter après avoir été enlevées des centres d'accueil, elles doivent toutes franchir des obstacles pour construire leur vie en Italie. Néanmoins, l'hypermédicalisation de l'assistance à l'accouchement, le fait de se retrouver sur le marché de la prostitution, le recours à l'avortement clandestin ou encore la dépendance au rôle maternel pour l'accès aux papiers montrent que, malgré leur agentivité, il est difficile pour les migrantes de sortir du circuit des violences au sens large.

Notes

  • [1]
    L'analyse fait référence à une période antérieure à l'accord Italie-Libye signé pendant l'été 2017.
  • [2]
    Bien que Lampedusa soit à plus de 200 km au large de la Sicile, elle en dépend administrativement. Cette île, peuplée d'environ 6 000 habitants, est le territoire italien situé le plus au sud dans la mer Méditerranée. Sa fonction de frontière méridionale de l'Italie, mais aussi sa forte proximité géographique avec les côtes d'Afrique du Nord en font un lieu historiquement traversé par les migrations du continent africain vers l'Europe.
  • [3]
    Ce travail de recherche a été réalisé dans le cadre du projet européen Erc Starting Grant (2015-2020), EU Border Care : Intimate Encounters in EU Borderlands : Migrant Maternity, Sovereignty and the Politics of Care on Europe's Periphery, dirigé par Vanessa Elisa Grotti à l'Institut universitaire européen de Florence, en Italie.
  • [4]
    Le système d'accueil italien est fondé sur trois niveaux. Le premier niveau comprend les centres de premiers soins et d'accueil (centri di primo soccorso ed accoglienza : CPSA ou hotspot) où les migrants sont accueillis dès leur arrivée en Italie. Il y a seulement quatre de ces centres en Italie, dont un à Lampedusa. Le deuxième niveau comprend les centres d'accueil extraordinaires (centri di accoglienza straordinari : CAS), où les migrants sont accueillis après leur transfert depuis les hotspots. Ces centres se trouvent principalement en Sicile. Le troisième niveau comprend des centres de premier accueil (centri di prima accoglienza : CPA) et des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (centri di accoglienza per richiedenti asilo : CARA), où les migrants sont accueillis dans un troisième temps, après leur transfert depuis les CAS. Des structures de ce type sont présentes sur tout le territoire italien, y compris en Sicile. À cet ensemble de structures s'ajoutent les centres d'identification et d'expulsion (CIE), où résident les migrants qui n'ont pas obtenu de permis de séjour et qui attendent le retour dans leur pays. Tous ces centres sont gérés par les représentants des préfectures, les principales institutions policières en Italie. Pour les populations migrantes qui arrivent à Lampedusa, la Sicile représente donc généralement une étape intermédiaire avant les transferts dans des CPA situés dans d'autres régions. Les préfectures décident souvent de faire rester les migrantes enceintes dans les CAS en Sicile, afin de leur éviter d'effectuer plusieurs déplacements pendant leur grossesse. Ainsi, avons-nous pu suivre dans le CAS de Palerme les trajectoires de vie des nombreuses migrantes enceintes que nous avions rencontrées à Lampedusa.
  • [5]
    Voir note 4.
  • [6]
    Depuis 2011, à la suite de la chute de Kadhafi, ces milices agissent en collision avec les garde-côtes libyens, mais aussi contre les politiques de contrôle des frontières mises en place par l'Europe et le gouvernement italien.
  • [7]
    Cela vaut également pour les Italiennes résidant à Lampedusa. Si elles ont une urgence médicale, elles sont transférées gratuitement en Sicile par hélicoptère. Dans tous les autres cas, les frais de déplacement pour recevoir des soins médicaux sont à leur charge.
  • [8]
    La possibilité, prévue par la loi, de procéder à un avortement thérapeutique après le troisième mois de grossesse dans les cas de graves problèmes de santé pour le f tus ou bien lorsque la grossesse est psychiquement insoutenable pour la mère est, elle aussi, rarement utilisée par le personnel médical.
  • [9]
    Voir note 4.
  • [10]
    Dans cette région, les taux de césarienne sont parmi les plus élevés en Italie (42,2 %).
  • [11]
    En Italie, la législation sur les luttes contre la violence de genre a été adoptée fin 2013 (loi 119/2013).
  • [12]
    Selon la législation italienne (loi 89/2011), les migrants qui n'ont pas obtenu un permis de séjour ni le droit d'asile doivent retourner à leurs frais dans leur pays d'origine. En 2016, l'Italie a conclu un accord bilatéral dans ce sens avec le Nigeria. En raison des coûts très élevés qu'il implique pour les deux pays, l'application de cet accord, qui va à l'encontre des principes internationaux de libre circulation des personnes, rencontre des obstacles. À ce jour, le retour forcé n'a été appliqué que dans certains cas, qui concernent essentiellement des migrants de sexe masculin.
Français

L'article prend en compte la présence croissante de femmes et de filles nigérianes impliquées dans le trafic sexuel en Italie ainsi que les conditions de vie des autres migrantes primo-arrivantes nigérianes ­ dont le sort potentiel est aussi la prostitution. Le premier temps de la réflexion est consacré aux violences subies par les migrantes au cours de leur périple du Nigeria vers l'Italie. Le deuxième temps, aux difficultés d'accès à l'interruption volontaire de grossesse ainsi qu'aux parcours de vie à l'étranger, où aux violences physiques et psychologiques liées au voyage à travers la mer Méditerranée s'ajoutent des violences institutionnelles découlant du fonctionnement de l'appareil législatif italien, mais aussi des représentations négatives circulant sur les Nigérians en migration. Il s'agira d'analyser comment ces femmes dans leur diversité vivent ces expériences, ainsi que leurs stratégies de survie et de résistance.

Mots-clés

  • violences de genre
  • intersectionnalité
  • IVG
  • migrations féminines
  • Nigéria
  • Italie
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Chiara Quagliariello
Post-doctorante, ANR-HYPMEDPRO, EHESS, Paris.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 08/01/2020
https://doi.org/10.3917/autr.085.0057
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