CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Si les recherches sur les rapports entre patrimoines et migrations ont principalement porté ces dernières années sur les manières dont l’histoire et les mémoires des immigrations ont été considérées dans les musées et prises en charge par les politiques publiques, elles ont dans le même temps peu considéré les migrants comme des « passeurs de mémoires » [Ciarcia, 2011] et des « hommes-patrimoine » [Adell, 2011], délaissant ainsi les initiatives de transmission et de circulation culturelle et mémorielle dont ils peuvent être porteurs. Partir des pratiques de transmission et des phénomènes de mobilisation mémorielle en migration pour questionner la fabrique patrimoniale et muséale a pourtant pour intérêt d’inscrire l’étude de la patrimonialisation dans une problématique plus large de la circulation [Ma Mung, Doraï, Hily, Loyer, 1998] et de recentrer les regards vers l’exploration des patrimonialisations profanes et des narrations émergentes [Bertheleu, Dassié, Garnier, 2014 ; Bertheleu, 2016] : quelles significations recouvrent les mobilisations qui émergent au « nom de la culture » en contexte migratoire ? Comment et dans quelles circonstances apparaissent-elles ? Sur quels mobiles et réseaux d’acteurs se fondent-elles ? En quoi témoignent-elles d’un désir de conservation et de perpétuation du culturel ? Et que nous disent-elles des liens entretenus avec les pays traversés ?

2Pour y répondre, nous partirons de l’ethnographie [1] d’un réseau de relations sociales constitué autour d’un projet « d’écomusée peul » [2] dans la région de Matam au nord du Sénégal. L’idée de ce projet muséal a émergé dans les années 1990 à l’initiative d’un groupe de travailleurs haalpulaaren, originaires de la vallée du fleuve Sénégal, alors installés en Région Centre et réunis dans une association de défense de la langue pulaar, qui s’est récemment reconfigurée jusqu’à fédérer une diversité d’acteurs, migrants et non migrants, autour d’une cause patrimoniale commune. Ce projet a connu plusieurs étapes de redéfinition, reflétant à la fois la place progressive accordée au patrimoine dans l’histoire des pratiques collectives associatives en migration, et les difficultés rencontrées par les porteurs du projet en France, pour faire entendre leur demande de « patrimoine » auprès des autorités politiques au Sénégal et maintenir une mobilisation nécessaire à sa réalisation. Les redéfinitions successives du projet, la recomposition des acteurs qui le maintiennent et le font vivre comme les difficultés qu’ils rencontrent pour « faire patrimoine », conduiront à nous interroger sur la continuité et les ruptures de cette mobilisation à différentes échelles ainsi que sur les tensions qu’elle suscite. Nous montrerons d’une part que les activités culturelles portées par ces migrants haalpulaaren ne sont pas nouvelles, elles puisent leur source dans un projet ancien de défense d’une langue (le pulaar), et d’autre part, qu’elles sont tributaires des positionnements individuels et collectifs de ceux qui les portent, des ressources qu’ils mobilisent et des contextes dans lesquels elles se déploient. En outre, elles révèleront les tensions entre les échelles locales et transnationales de la mobilisation.

S’engager au nom de la culture : un attachement ancien et transnational

3Bien que l’histoire des migrations contemporaines ouest-africaines en France soit bien connue [Adams, 1977 ; Quiminal, 1991 ; Timera, 1996 ; Manchuelle, 2004], les parcours migratoires des populations haalpulaaren issues du bassin du fleuve Sénégal (Mauritanie, Sénégal) l’ont été plus tardivement [Lavigne-Delville, 1991 ; Lericollais, Vernière, 1975 ; Dia, 2015], le modèle soninké a longtemps servi de référence à l’explication des dynamiques migratoires de cette région [Dia, 2015, p. 45]. Les Haalpulaaren connaissent pourtant une longue expérience de la migration. Des hommes de la vallée du fleuve Sénégal commencèrent à immigrer dès les années 1940 vers Dakar [Lericollais, Vernière, 1975], puis vers d’autres pays d’Afrique avant de partir vers la France dès les années 1950, le mouvement s’accélérant à la suite des sécheresses des années 1970 [Dia, 2015] [3]. Ces derniers étaient le plus souvent de jeunes hommes célibataires, les femmes rejoignant parfois plus tard leurs maris dans le cadre du regroupement familial [Ba, 2007]. À ces premiers ressortissants, succèdent des étudiants du Fouta Toro, passés par Dakar, des Sénégalais néo-urbains dans les années 1990 et 2000, des réfugiés mauritaniens [Dia, 2015]. Le rôle des jeunes filles nées en France, mariées à des cousins sénégalais, sera également important dans le renouvellement de ces dynamiques [Dia, 2015]. Comment, dans ce contexte de mobilité, l’idée patrimoniale est-elle investie par les populations haalpulaaren ? En quoi, l’expérience de la migration est-elle au fondement du regard réflexif porté par ces migrants, aux parcours divers, sur leurs cultures, ses transformations et les moyens de la conserver au point de former, pour reprendre l’expression de Marie Rodet et Christoph Reinprecht [2013] de « véritables memoryscapes “performés” des rapports sociaux et politiques » ?

4Étudiant les phénomènes de mobilisation mémorielle en Afrique subsaharienne, certains chercheurs ont mis en évidence « la vitalité des mémoires dans leurs rapports aux phénomènes politiques » [Fouéré, 2010, p. 5]. À propos des populations haalpulaaren, il a été montré comment un mouvement social et politique de défense d’une langue commune, le pulaar, se mit en place en Afrique de l’Ouest au lendemain des Indépendances pour résister à la poussée des langues dominantes, le wolof au Sénégal et l’arabe en Mauritanie [Ciavolella, 2008 ; Bourlet, 2013 ; Humery, 2012]. Porté par des locuteurs pulaarophones mauritaniens et sénégalais, et par certains étudiants de retour du Moyen-Orient, avant d’être investi par les femmes, les jeunes et les descendants d’esclaves peuls restés au pays [Humery, 2012], ainsi que par les migrants en Europe, notamment en France, ce mouvement populaire en faveur du passage à l’écrit de la langue maternelle témoigne d’un désir de préserver une identité culturelle jugée menacée par les expansions linguistiques et le développement de la migration. L’engagement de ces personnes dans un processus reflexif sur leurs cultures dans un contexte de minorisation linguistique [4] et politique a ainsi été à l’origine du « mouvement pulaar ». Ce qualificatif désigne le réseau associatif qui se constitue, localement et transnationalement, autour de l’alphabétisation en peul, à travers trois espaces de circulation : l’Afrique de l’Ouest (notamment autour du Sénégal et de la Mauritanie), les pays Arabes et l’Europe (la France en particulier) avant de se développer dans d’autres pays d’installation comme l’Italie, l’Espagne, la Russie, l’Allemagne [Bourlet, 2013] et plus récemment les États-Unis. Marie-Eve Humery [2012] qui en a étudié l’histoire au Sénégal, identifie trois périodes constitutives de ce mouvement : la première dite fondatrice se structure dans la ville de Saint-Louis, à la fin des années 1950 jusqu’au début des années 1980, autour des membres de l’AJP (Association des Jeunes Pulaar), renommée ARP (Association pour la Renaissance du Pulaar) en 1964. Elle propose alors principalement des manifestations culturelles (soirée poésie, chant, théâtre, danse) valorisant des aspects de la culture peule en tant que patrimoine vivant.

5La deuxième période dite d’expansion se déploie dans les années 1980 et 1990, au moment où les processus de démocratisation des pays africains prennent leur essor. Elle se développe autour de la diffusion de l’alphabétisation et de l’édition en pulaar. À cette période, l’ARP tisse un réseau dense de sections [5] et de sous-sections locales à travers tout le Sénégal, autour de bénévoles, désirant diffuser les recommandations d’unification linguistique de la conférence de Bamako organisée par l’Unesco en 1966. Cette dynamique du mouvement pulaar est alors soutenue tout au long de cette période par l’activisme des étudiants fréquentant les universités du Moyen-Orient d’Égypte en particulier, pétris par les idées de la négritude et du panafricanisme [Schmitz, Humery, 2008, p. 58]. Elle sera également confortée par les collaborations entre les villageois et les ONG installées sur place [Schmitz, Humery, 2008], avant d’être relayée par les migrants en France qui s’organisent pour faire valoir la langue et la culture peule. Des cours d’alphabétisation se mettent ainsi en place dans les foyers de travailleurs et dans les sections locales des associations communautaires peules de la région parisienne, à Mantes-la-Jolie, les Muraux mais aussi à Bordeaux, au Havre, à Rouen, à Orléans, à Montargis.

6Enfin, une troisième période dite de « déclin de la filière pulaar » s’ouvre dans les années 2000 au Sénégal [Schmitz, Humery, 2008, p. 68 ; Humery, 2012, p. 288]. Le mouvement pulaar se transforme alors avec la constitution de l’association Tabital Pulaaku International (TPI), créée en 2002 au Mali. Héritière de l’association du même nom créée à la fin des années 1990 à Bamako et du vaste réseau d’associations de défense du pulaar déjà existantes en Afrique et en Europe, TPI est une organisation panafricaine qui a pour but de promouvoir la culture peule, en harmonisant les différents parlers peuls, et de sensibiliser à une participation effective des individus et des communautés à leur propre développement au plan international. Présente en Afrique (Niger, Guinée, Sénégal, Cameroun, Burkina Faso, Nigeria, Mauritanie, etc.) ainsi qu’en Europe (Belgique, France, Espagne, Portugal, Italie, Allemagne, etc.) et aux États-Unis, elle organise au sein de chaque section [6] des actions culturelles (journées culturelles, festival, soirée musicale, défilé de mode, théâtre, concerts, etc.) [Leblon, 2015], qui visent à transmettre des éléments tenus pour représentatifs de son patrimoine. Ces manifestations sont généralement centrées sur la transmission de la langue et de la culture, comme fondement de l’appartenance au groupe sans oublier le rappel de ce qui se « fait au village ». La restructuration de ces associations culturelles à l’échelle internationale ainsi que leur forte présence sur internet depuis quelques années a pour effet de transformer ce réseau associatif en un mouvement mondialisé, pan-peul, qui « visibilise » ce désir de reconnaissance et de rassemblement d’une communauté dispersée. Dans cette configuration, la culture, qui renvoie ici à la promotion de la langue, apparaît comme le support d’un « nationalisme culturel » [Humery, 2012, p. 289], voire d’un « nationalisme transnational » [7] [Bourlet, Lorin, 2014, p. 147 selon Kastoryano, 2006]. Il coïncide avec « la mise en place d’une forme d’organisation politique en réseau […] » [Bourlet, 2013, p. 109, note de bas de page 3] qui fonctionne grâce aux circulations de ses membres, notamment les « ngenndiyankooBe » [8], entre les villes d’Europe, d’Afrique et des États-Unis.

En quête de relais : de la défense d’une langue commune au projet « d’une galle pinal »

7Au-delà de ces enjeux politiques, cette mobilisation exprime aussi la relation que nouent les migrants haalpulaaren à l’idée de culture et de patrimoine. Pour ces derniers arrivés en France dans les années 1970, l’alphabétisation en pulaar ainsi que l’organisation de journées culturelles sont des activités importantes, qui leur permettent de maintenir des liens avec les pays d’origine ainsi que des références culturelles solides pour leurs enfants nés en France comme en témoignent les propos de ces militants associatifs rencontrés en région parisienne et en région Centre – Val de Loire :

« On a essayé de sauvegarder notre culture, de montrer aux jeunes comment vivaient les anciens, comment on vivait avec la solidarité, l’entraide… On n’est pas là-bas, au Fouta… On vit ici… On doit rester nous-mêmes. On est des Africains, des Peuls, on essaie de continuer à être ce que nous sommes depuis toujours. Tabital Pulaaku cela veut dire la langue, la culture, tout… On essaie de conserver pour continuer d’exister. […]. On veut que nos enfants qui sont là puissent apprendre le pulaar comme nous. Il y avait des anciens avant nous, on essaie de les suivre… »
(Sénégalais, Membre de TP Orléans, Orléans, 2014)
« […] quand on organise des journées culturelles, c’est pour faire voir, jaillir la culture […]. Surtout, ici, on sait qu’il y a des familles qui font partie de nous, mais que leurs enfants ne parlent pas le pulaar, le wolof et le sérère […]. On l’avait constaté même en Afrique, à Dakar, on allait dans des maisons, les gens ne parlaient plus. […]. La calebasse, les perles, les danses et tout cela. Il y a des enfants qui ne le savent pas. Nous, nos enfants le savent, mais il y a des enfants qui ne le savent pas, qu’ils soient sénégalais, guinéens ou maliens. C’est pour cela qu’à la journée culturelle, on insiste toujours sur les traditions, sur les habits, sur tout ce qui se faisait ou qui se fait au village. ».
(Sénégalais, Responsable de TP France, Les Muraux, 2012)
Ces discours montrent que l’expérience de la migration aiguise le besoin de considérer le passé, car elle fait prendre conscience des transformations sociales en cours dans les pays de départ comme des difficultés à transmettre en situation migratoire. C’est en effet dans le contexte de la migration en France, à la fin des années 1990, que l’idée de construire une « maison de la culture » peule (« galle pinal » en langue pulaar) en Afrique émerge au sein de la section orléanaise de l’association KJPF (Kawtal jaagoo9e pulaar fulfulde e windere).

Convoquer le patrimoine : pour quoi faire ?

8Si le projet de « galle pinal » naît d’un « constat de perte » de certaines pratiques et valeurs culturelles, ici et là-bas, par les « papas » venus s’installer en France, il poursuit également directement les activités de développement que les premières générations de migrants réalisent, à destination de leurs villages et régions d’origine depuis maintenant cinquante ans [Daum, 1998 ; Dia, 2008 ; Bertini, Gonin, Kotlok, Le Masson, 2008]. Cette « maison culturelle-développement », pour reprendre l’expression utilisée par un des porteurs du projet, membre de l’association TPF, rencontré en 2010, est pensée dès le départ comme un projet de territoire à double entrée : - la poursuite de l’aide apportée par la migration aux familles restées dans la vallée du fleuve Sénégal, « il faut arriver à développer des activités qui fassent vivre les gens sur place », la création d’un « lieu de référence pour la culture peule ».

9Après quelques échanges au sein de KJPF sur le lieu d’implantation du projet, le village d’Agnam Godo, situé au nord-ouest du Sénégal, dans la communauté rurale d’Agnam Civol à une quinzaine de kilomètres de la frontière mauritanienne, est finalement choisi. Ce choix témoigne de la volonté de ces migrants de « localiser le passé » [Gensburger, 2013], rappelant l’importance de pouvoir énoncer une « histoire à soi » [Bensa, Fabre, 2001] pour construire le groupe et exister collectivement. Au-delà des controverses possibles, ce village est en effet présenté par ces derniers comme « la capitale spirituelle de la dynastie fondatrice du Fuuta Tooro » [Tabital pulaaku, Yeeso, 2012, p. 2] et lieu d’origine de la migration des Peuls vers les autres régions d’Afrique.

10En mars 2004, la pose symbolique de quatre pierres sur le terrain attribué par le village d’Agnam Godo, en présence de deux migrants originaires de la zone, dont un poète, particulièrement connu pour son implication dans la défense du pulaar en France et au Sénégal officialise le projet. Il sera cependant suspendu pendant quatre ans en raison d’une restructuration des mouvements associatifs de promotion du pulaar en Europe comme en Afrique. À cette période, certains membres de l’association orléanaise KJPF rejoignent l’association internationale Tabital Pulaaku (TPI) tandis que d’autres préfèrent garder leur autonomie.

11Le projet de « galle pinal » va suivre ce processus de restructuration du militantisme pulaar, en passant de Kawtal à Tabital Pulaaku en 2008. Au sein de Tabital, il est relancé par la section orléanaise, puis successivement adopté en assemblée générale par la section européenne et internationale de l’association, en 2010. À cette époque, la forme et le contenu de la galle pinal ne sont pas encore clairement définis. L’enjeu est alors d’arriver à concilier les objectifs de promotion culturelle des premières associations de défense du pulaar, essentiellement portées en France par des Haalpulaaren de la vallée du fleuve Sénégal (du côté sénégalais comme mauritanien) aux nouveaux engagements de Tabital Pulaaku International, qui œuvre à la fédéreration des populations peules. Le projet de « galle pinal » vise désormais, comme l’explique un des représentants de TPF, rencontré à Orléans en 2014, à « faire ressortir les similitudes, les convergences » entre les différents groupes peuls, à rassembler, « universaliser les Peuls » mais aussi à réfléchir aux formes que pourra prendre cette demande patrimoniale. Plusieurs membres de l’association internationale Tabital sont alors chargés de mobiliser des compétences et de réfléchir aux modalités de sa réalisation.

Entre Paris, Orléans et Agnam : étendre ses réseaux pour « faire patrimoine »

12La reprise par TPI du projet de « galle pinal » à la fin des années 2000 s’accompagne d’une transformation progressive des acteurs impliqués et d’un élargissement des réseaux qui reposent la question de l’engagement des migrants. En France, la mobilisation se resserre autour d’un représentant d’une section de Tabital en région Centre, qui joue le rôle de « passeur » entre différentes scènes locales et internationales. Dans le livre autobiographique qu’il publie en 1998 sous le titre Itinéraire d’un nomade. Du fleuve Sénégal aux berges de la Seine : une vie de plusieurs siècles, ce migrant, arrivé en France dans les années 1970, se définit lui-même comme un « militant sur deux continents » [Touré, 1998, p. 113] :

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« En fait, mes engagements militants depuis vingt ans répondent à deux objectifs principaux. D’une part, la défense des travailleurs africains immigrés en France et le maintien de la culture et de la langue peule chez leurs enfants, d’autre part, l’évolution économique et sociale, la promotion et le développement de la culture peule là-bas, dans la région d’Agnam, en Afrique. »
[Touré, 1998, p. 102-103]

14L’analyse de sa trajectoire est intéressante, car elle met en évidence le rôle des réseaux construits dans la mobilité, renforcés par des socialisations multiples au sein du monde associatif, syndical et politique pour comprendre les ressorts de l’engagement patrimonial. L’expérience de la migration, qui s’accompagne d’une sensibilisation à la cause pulaar dans les foyers, semble à l’origine de son implication pour la défense de la langue et de la culture peule sans qu’il perde de vue le développement de sa région d’origine. C’est en effet en France qu’il apprend la lecture et l’écriture du français, mais aussi du pulaar. À la suite de cet apprentissage, il participe à la création de la première école en pulaar de son village en 1983 et devient un membre actif de KJPF en France. De 1979 à 1984, il bénéficie de formations dans divers domaines : mécaniques, pompes artisanales, agriculture [Touré, 1998, p. 97]. Avec ses compagnons de migration, il crée à cette époque, l’ADASCAL (Association pour le Développement Socioculturel d’Agnam Lidoubé, son village d’origine) et l’ALDA (Association de liaison pour le développement des villages d’Agnam) qui regroupe les différents villages de la commune [9], dont l’objectif initial était d’intervenir dans le domaine de l’éducation et de l’assistance aux familles en cas de maladie et de décès, avant d’ouvrir leur champ d’action aux domaines de l’eau, de la santé, de la culture et de l’agriculture. Leurs actions sont secondées par les « Amis d’Agnam », une association de solidarité internationale, basée à Saint-Cyr-la-Rosière (dans l’Orne) depuis 1997, qui s’investit essentiellement dans le domaine de l’éducation. La capacité de ce militant à ouvrir son réseau et à solliciter des compétences expérimentées dans ses activités antérieures va être mobilisée au profit de ce projet de construction de l’écomusée.

15En 2009, sa rencontre avec une responsable d’un écomusée d’une région du nord-ouest de la France, ethnologue, fait basculer le projet vers la forme muséale aujourd’hui proposée. Dans le même temps, conseillé par une connaissance, il sollicite deux architectes d’un grand cabinet parisien qui acceptent d’accompagner le projet. Un second groupe du nom de Yeeso, signifiant « en avant » en pulaar, se constitue rapidement autour de ces nouveaux acteurs. Il rassemble des personnes aux statuts très divers : quelques migrants membres de Tabital Pulaaku France (TPF), les deux architectes, une responsable d’écomusée, des chercheurs [10], un agronome, une réalisatrice de cinéma, des professionnels du travail social et de la culture, etc. Au sein de ce groupe de travail, celui qui se définit comme un « militant sur deux continents » assure la liaison avec Tabital, prépare les réunions, informe de l’avancement du projet, ce qui en fait un intermédiaire indispensable. Il assure ainsi le rôle de l’« entrepreneur patrimonial » à la fois « passeur de mémoire » [Ciarcia, 2011] et entrepreneur de développement, dans la continuité des autres activités associatives qu’il a déjà menées et qu’il continue à mener.

16Au départ, d’autres professionnels issus des institutions culturelles et muséales françaises et internationales participent également à ces réunions, mais ils quittent rapidement le groupe en raison de conceptions divergentes du patrimoine : « Un des [leurs] arguments majeurs, c’est que les Africains en général ne connaissent pas le concept écomusée et que cela ne les intéresse pas du tout. » [Directrice d’un écomusée, 2015, Paris]. De fait, au-delà de la transposition du modèle de l’écomusée en Afrique, dans un milieu rural éloigné de la capitale qui plus est, ce projet d’écomusée cumulait plusieurs limites : il n’avait pas de collection, pas de projet scientifique défini, il était porté par des migrants, acteurs sans compétences en matière de gestion, de conservation de scénographie et muséographie, etc. Devant un tel défi, un des membres du groupe Yeeso souligne au contraire qu’« Il fallait avancer de manière plus souple, inverser les cadres de pensée, ne plus penser en termes de collection… » [Directrice d’un écomusée, 2015, Paris]. Le rôle de Yeeso, essentiellement composé de non migrants, ne parlant pas pulaar, a ainsi été de définir collectivement le projet muséal et architectural. L’écomusée, tel qu’il est alors repensé par ce collectif, se donne pour objectif de rendre compte de l’histoire et de la culture peule, par la création d’un « lieu de mémoire vivante » [11] qui traite autant du passé que des changements sociaux récents sous l’effet des migrations et des modifications climatiques, que des créations artistiques contemporaines et des projets d’avenir. Défini comme le musée de « tous les Peuls », sur l’instance des membres de TP y participant, il doit également permettre de valoriser le caractère migratoire de cette population et sa diversité en mettant en avant les éléments culturels communs. Afin de trouver une muséographie adaptée à un patrimoine essentiellement immatériel et de laisser la place aux créations, aux rencontres et aux performances, les architectes sollicités ont proposé de développer l’écomusée autour d’une serre pouvant abriter une série de cases, reflet de la vie nomade et de sa diversité mais également des collections d’objets de la vie quotidienne et de matériel multimédia pour la projection de film et la mise en réseaux des Peuls où qu’ils soient. Par son architecture légère et industrielle, ce lieu se veut ouvert et accessible, accueillant l’organisation d’événements à visée culturelle, artistique et éducative autant qu’économique et touristique.

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« Je crois que le bâtiment il est venu, à la fois pour dire, c’est pas ça qu’il faut regarder, c’est ce qui est dit dedans qu’il faut écouter, c’est les films qui seront montrés, qu’il faut regarder, donc c’était la plus grande neutralité […] essayer de trouver un système qui soit le plus neutre possible et après, cela devait servir aussi à faire une sorte de relation, d’échange, pour dire bon au-delà du musée, c’est un lieu où l’on se met à l’ombre, c’est un lieu d’échange avec le village, c’est une sorte d’interface entre la route qui passe et les gens qui sont dans leurs maisons. »
(Membre du groupe Yeeso, Paris, 2015)

18En évitant toute référence essentialiste aux sociétés africaines et aux Peuls en particulier, qu’ils soient nomades ou sédentaires, les architectes ont cherché à « neutraliser » le bâtiment afin de rendre son appropriation possible au plus grand nombre (habitants d’Agnam, personnes de passage, éventuels touristes, migrants de retour au pays, membres de la diaspora, etc.) et conserver une liberté d’usage des lieux. Un verger conservatoire de graines et une pépinière doivent également être créés à côté du musée afin d’inventorier les espèces arboricoles menacées par plusieurs années de sécheresse, de collecter des graines et de réaliser des boutures destinées à l’agriculture. Cette proposition vient ainsi réancrer le projet culturel dans un projet de développement rural. Dans sa conception, le projet d’écomusée est donc à la fois fortement inscrit dans le local par la valorisation de l’histoire et des spécificités culturelles, sociales et environnementales du Fouta Toro et tourné vers les autres îlots de l’« archipel peul » [Botte, Schmitz, 1994], constitués des diverses régions historiques en Afrique et des lieux de migrations dans le reste du monde.

Une patrimonialisation bloquée par une légitimité contestée

19Le projet d’écomusée tel qu’il a été formalisé par le groupe Yeeso semble avoir été accueilli avec enthousiasme par les habitants d’Agnam. D’après le porteur du projet, qui joue le rôle d’intermédiaire, il a donné lieu à la réalisation d’inventaire d’objets artisanaux et traditionnels et à la construction d’une première case, ainsi qu’à la mise en place d’un comité de suivi à Agnam. Cet engouement local a certainement bénéficié de la venue en 2009 et en 2011 de la responsable de l’écomusée français au village. Pendant son séjour, elle a pu rencontrer les autorités locales et les lycéens pour les « sensibiliser » à la cause. Pourtant, malgré leur investissement, à Agnam, à Paris et à Dakar depuis plusieurs mois, les membres de Yeeso et de Tabital n’arrivent pas à passer à sa réalisation effective. Au-delà des blocages financiers, s’intéresser aux motifs de ces empêchements à « faire patrimoine » permet d’interroger les enjeux politiques qui entourent la reconnaissance d’une population migrante œuvrant pour la valorisation de sa culture comme la continuité et les ruptures de la mobilisation des migrants.

20Un des premiers blocages évoqués par le groupe Yeeso au moment de l’enquête, fin 2013, serait dû à la non-reconnaissance par l’État sénégalais de ce projet muséal. À cette période, une entrevue avec le président Macky Sall, élu en mars 2012, est sollicitée, sans succès, depuis plusieurs mois par le porteur du projet et ses relais à Dakar (d’autres militants de la cause pulaar, des ressortissants d’Agnam et des hommes politiques) [12]. Les échecs successifs des courriers et des rencontres sollicitées, en France et à Dakar, avec des responsables politiques proches de la présidence, réaffirment l’éloignement des ressources publiques des habitants du Fouta [Dia, 2015, p. 114] et laissent penser que ce projet ne bénéficie peut-être pas du soutien politique local et régional attendu [13]. Les tensions qui parcourent alors l’ARP-Tabital Pulaaku Sénégal et le désaveu de son bureau exécutif s’ajoutaient certainement aux difficultés rencontrées. Néanmoins, la reconnaissance de l’État sénégalais est un enjeu fort pour TPI sur deux points. Elle paraît indispensable à l’obtention du soutien des grandes institutions internationales et nationales (Unesco, ministère de la Culture), mais surtout à celui des membres de la diaspora. Pour le représentant d’une des sections de Tabital France, seule cette reconnaissance nationale permettrait de recueillir les subventions des Peuls, migrants ou non.

21Dans le contexte national sénégalais, c’est parce que ce projet ne coïnciderait pas avec le « roman national », pour reprendre un terme utilisé par plusieurs membres de Yeeso, qu’il n’arriverait pas à être entendu aujourd’hui. Selon eux, il serait perçu comme trop particulariste, renvoyant à des revendications ethnolinguistiques et culturelles menaçant les choix de valorisation culturelle nationaux. Pour autant, un projet de valorisation mémorielle de la figure nationale El Hadj Oumar Tall, symbole de la lutte contre le pouvoir colonial et de l’empire toucouleur est actuellement soutenu par les autorités politiques locales dans la région de Podor. La construction d’un centre culturel, porté par le chanteur Baaba Maal, star internationalement reconnue et adulée par les Haalpulaaren, est également en cours dans cette région. À Thilogne, une autre petite ville située à une dizaine de kilomètres d’Agnam, un festival international « culture et développement » (Fesculd) dont l’objectif est la promotion du patrimoine culturel peul, est en place avec l’appui des autorités politiques locales, régionales et nationales depuis 2004.

22Face à la diversité de ces initiatives, le projet « d’écomusée du peuple peul » peut apparaître moins prioritaire ou potentiellement concurrent avec d’autres choix de valorisation nationale et régionale. Les difficultés que les mobilisés rencontrent pour se faire entendre découvrent ainsi le rôle qu’ils occupent dans le jeu politique local et national. Il semblerait alors, qu’à cette étape du projet, ils pâtissent d’un manque de relais et de soutien par des « figures » artistiques ou politiques ayant suffisamment d’influence à Dakar. Ce constat permet d’avancer dans l’analyse des rapports de concurrence symbolique qui se construisent entre Sénégalais, ici entre les élites et les travailleurs immigrés, regroupés en association. Ainsi au-delà de la difficulté posée par une revendication culturelle particulariste, la mise à l’épreuve de l’écomusée ne reflète-t-elle pas aussi la perception que l’État sénégalais porte envers ceux qui sont partis travailler en France ?

23Dans ses travaux sur les rapports entre imaginaire national et migration, Mahamet Timera [2014] montre comment la recomposition de l’imaginaire de la nation sénégalaise influe sur les relations collectives et les processus de reconnaissance mutuelle, qui participent à la construction du « Nous » à l’intérieur de la collectivité nationale, notamment entre ceux qui dans la société sont désignés de manière vernaculaire comme « ceux du dedans » et ceux qui sont désignés comme « ceux du dehors », de « l’extérieur ». Ces derniers désignent ici les migrants « qui sont loin » et « absents ». Jusque dans les années 1960 et 1970, la migration vers la France est perçue négativement par les groupes majoritaires de ces sociétés comme une « force laborieuse », un « terreau de contestation du pouvoir » et une « menace au projet nationaliste » [Timera, 2014, p. 31-32]. Elle n’est pas encore devenue une affaire collective. Il faut attendre les années 1980 pour voir émerger dans la société sénégalaise de nouvelles figures de l’émigré moins stigmatisées. Mais ces nouvelles figures promues par l’État et popularisées par les médias sont celles des élites artistiques ou sportives, presque toujours des musiciens, des footballeurs ou des personnalités intellectuelles. « A contrario, les communautés sénégalaises (les travailleurs immigrés avec ou sans leurs familles), maliennes ou africaines installées en France, et y organisant progressivement une vie sociale collective, font l’objet d’une relative occultation par et dans les pays d’origine » [Timera, 2014, p. 36]. Pour Abdoul Hameth Ba [2007], cette représentation négative du travailleur immigré ne favorise pas la reconnaissance de ses compétences dans le champ du développement local et de la solidarité, et pèse durablement sur les relations que les travailleurs immigrés entretiennent avec les élites de retour au pays et les autorités politiques nationales.

24En affichant une posture d’ignorance voire de méfiance vis-à-vis de ce projet, l’État sénégalais actualise, somme toute, la marginalisation de ses « fils partis » travailler en France, d’autant plus lorsque les projets qu’ils portent au nom d’une appartenance ethnoculturelle soutiennent les revendications d’une association panfulaniste qui contrarient potentiellement les États-nations ouest-africains et les définitions qu’ils ont de la « communauté imaginée » [Anderson, 1983]. Dès lors, ce qui semble se jouer dans ces « empêchements à faire patrimoine », c’est le rapport de la nation avec ses émigrés, notamment la manière dont ses « fils de la nation » [Timera, 2014] tentent d’y renégocier leur place.

Entre local et transnational : les défis posés à la mobilisation des acteurs associatifs

25Toutefois, les difficultés rencontrées par les « mobilisés » pour se faire entendre ne relèvent pas seulement des circonstances politiques, même si celles-ci ne favorisent pas, nous l’avons vu, la reconnaissance publique de leur projet. Elles semblent également étroitement liées aux « contextes d’expérience des individus engagés » [Cefaï, 2007], qui renvoient plus largement aux conditions sociales et idéologiques de l’activité patrimoniale [Bertheleu, 2016].

26Ces dernières années, malgré une information diffusée par le principal porteur du projet lors des assemblées générales et des manifestations de Tabital Pulaaku en France, pendant lesquelles il reçoit l’adhésion des participants – principalement des vieux immigrés militants de la cause pulaar, quelques jeunes, nés en France ou arrivés récemment – ces derniers sont absents des réunions organisées par le groupe Yeeso. Ils participent peu à la conception du projet et à sa mise en forme. L’absence des membres de Tabital et l’imprécision sur ses attentes conduisent la plupart des membres non migrants de Yeeso à se demander s’il ne conviendrait pas d’écarter Tabital, qui reste une association avec laquelle elle n’a pas su créer des liens pour, au contraire, privilégier le travail engagé avec les habitants d’Agnam. Cette invisibilité des membres de Tabital Pulaaku interroge l’interconnexion des réseaux, ainsi que la finalité de ce projet, notamment la façon dont il est compris. Dans le passage d’« une maison de la culture » à un « écomusée », auquel les fondateurs du projet des années 1990 ont finalement été très peu associés, se joue la confrontation entre des représentations diverses du patrimoine, de la mémoire et du développement territorial. L’adoption de la forme écomusée comme lieu de conservation, proposée et soutenue par les membres de Yeeso, est nouvelle pour les migrants comme pour les populations de la vallée du fleuve Sénégal. Pour le porteur du projet en France, le modèle du musée en Afrique constitue une référence ambivalente. Il renvoie à une forme d’institution « démodée », voire disqualifiée : « ça, c’est du passé » […] « On ne veut pas construire un musée comme celui de Dakar (musée IFAN), car c’est un musée mort. Nous voulons construire un musée vivant. » [Porteur du projet en France, membre de Tabital, Paris, 2012]. Plusieurs fois, lors des réunions de Yeeso, il revient sur l’idée d’associer des activités culturelles et festives à un événement public tel une grande foire, qui réunirait les habitants de la région et de la diaspora et conjuguerait manifestation culturelle, divertissement et activités économiques. En soutenant ce modèle de conservation, les membres du groupe Yeeso tentent de renouveler les logiques d’intervention en faisant du patrimoine un facteur du développement local alors que les actions des immigrés s’étaient jusqu’à présent essentiellement centrées sur l’éducation et la santé. Mais surtout, ce développement n’est plus promu sur la base d’une mobilisation des ressortissants du village à l’étranger et dans le « village multi-situé » [14], comme ce qui est communément réalisé en migration. La mobilisation se veut désormais transnationale, réunissant pulaaku, migrants ou non, habitants d’Agnam ou non, Haalpulaaren de la vallée du fleuve Sénégal et Peuls d’ailleurs par le biais de Tabital Pulaaku Internationale. Plusieurs chercheurs ont cependant montré comment les migrants originaires de la vallée du fleuve Sénégal ont développé des réseaux en fonction des liens de parenté et des situations géographiques, le partage d’une communauté d’origine étant décisif pour la vie en migration et l’organisation des aides destinées au village [Daum, 1998 ; Timera, 1996 ; Dia, 2015]. De ce fait, alors qu’Agnam Godo est institué en tant que « lieu de mémoire » par le groupe de migrants au sein de KJPF (originaires de la vallée du fleuve Sénégal, mais pas obligatoirement d’Agnam), et possède déjà toutes les caractéristiques d’un « village multi-situé », la construction d’un tel projet peut être perçue, à l’échelle internationale de TPI, au regard de sa localisation, comme le projet de certains migrants au bénéfice de leur région ou village d’origine. On peut alors se demander si les migrants qui cotisent déjà dans leurs associations villageoises sont véritablement disposés à reconvertir ou élargir leurs engagements pour un projet patrimonial de développement plus universel (qui concerne tous les Peuls) sans retombées pour leur propre village ou localité. C’est donc la localisation de ce projet, éloigné des grands centres urbains et faisant sens que pour quelques-uns, autant que sa nature qui expliquerait la difficile mobilisation des migrants et les freins à la patrimonialisation.

27Mais l’absence des membres de Tabital Pulaaku pose plus largement la question de la transmission et du partage des « convictions ». La génération de migrants à l’origine du projet au sein de Kawtal vieillissant, il n’est pas certain que la génération suivante poursuive les mêmes objectifs que leurs aînés. Jacques Barou [2012], à propos des migrants subsahariens en Europe, a montré le déclin de l’attachement au pays d’origine et de l’affirmation identitaire entre les premières générations et celles nées dans le pays d’accueil. Hamidou Dia [2010] fait le même constat d’effritement à propos de l’implication des membres de l’association des ressortissants d’un village de la moyenne vallée du fleuve Sénégal, base ethnographique de son analyse. Il montre notamment comment les étudiants et les migrants nés à Dakar, « représentatifs de la nouvelle configuration de l’association » du « village multi-situé » étudié aspirent à une autonomie qui fait perdre à l’organisation « sa capacité de mobilisation humaine et financière » [Dia, 2015, p. 317]. Il ajoute que si ces sections se renforcent par l’arrivée de ces nouveaux membres, « l’engagement est rarement transmis auprès des descendants » [Dia, 2010, p. 239]. Dans cette reconfiguration de l’engagement vers le pays d’origine, les associations de ressortissants, qui fonctionnent avec leur relais dakarois depuis les années 1980, grâce à la mise en place de partenariats avec des ONG et la coopération décentralisée, restent pourtant des acteurs importants du développement local.

28Face à l’effacement de la présence de TPI, c’est en effet vers ces acteurs, constitués des « Amis d’Agnam », et de l’ALDA dont il était question précédemment, que les membres de Yeeso ont décidé de se tourner pour redynamiser le projet. Cette ouverture à de nouvelles associations (les acteurs en restent plus ou moins les mêmes) est réalisée au nom d’un attachement « aux villages des Agnam » et à la nécessité de répondre à l’attente qui y a été suscitée depuis déjà plusieurs années. Le porteur du projet, représentant de TPI dans Yeeso, reste toutefois réticent à ce réancrage local. Mandaté par Tabital, il continue à défendre le partenariat avec l’association internationale ainsi que la finalité universelle de ce projet, « un musée pour tous les Peuls ». Pour les immigrés encore engagés, les attentes et le sens donné à l’action patrimoniale, même s’ils partagent tous le désir de favoriser le travail de mémoire est d’éviter la perte culturelle en créant des ressources utiles au développement local. Ils oscillent entre d’une part, une représentation de l’écomusée comme nouvel outil de développement rural et inter-villageois, s’inscrivant dans la continuité des opérations classiques de développement tout en en renouvelant les formes, la culture devenant désormais le support de ce développement, et d’autre part, une action patrimoniale, plus politique, soutenant un nationalisme culturel peul transnational. Le resserrage de la mobilisation autour des réseaux du codéveloppement habituels témoigne cependant de l’échec de la mobilisation transnationale portée par Tabital Pulaaku et de sa légitimité patrimoniale. Ceci d’autant plus que c’est justement la valorisation d’un transnationalisme culturel qui est alors évoquée comme un frein à l’obtention du soutien de l’État Sénégalais.

Conclusion

29Les reconfigurations successives du projet révèlent les défis que pose la mise en valeur d’une culture migrante, transnationale autant que la difficulté à territorialiser une mobilisation visant à construire une « communauté diasporique » [Barou, 2012]. Ses tâtonnements et ses blocages soulignent aussi plus largement la difficulté à maintenir et construire du concernement dans la durée. L’analyse des freins à la patrimonialisation en migration paraît en effet tributaire des dissensions à l’intérieur des réseaux quant aux modalités de l’action. Malgré ses revendications universalistes et le soutien qu’elle porte à ce projet, TPI peine à mobiliser ses membres au-delà de ces activités habituelles (alphabétisation et festivals culturels), qui peuvent être perçues comme des modèles de conservation pour un « entre soi », sans hybridation possible. Cependant, en interpellant les autorités politiques nationales et en soutenant la forme muséale, l’association internationale cherche aussi à acquérir une plus grande visibilité en valorisant son patrimoine devant un plus large public. Dans son message politique, l’association se heurte néanmoins à une tension entre sa volonté de défendre un particularisme culturel, ethnique et régional en même temps qu’une approche plus universaliste, pan-fulaniste de la culture. Pourtant, si les militants adhèrent dans l’ensemble à ce dernier message, ils restent peu mobilisés dès lors que les activités engagées ne concernent plus leur région ou leur village d’origine. La recentrement de la mobilisation autour des acteurs en France du « village multi-situé » et de ses réseaux constitués (les Amis d’Agnam, l’ALDA) pour pallier le manque d’implication de TPI (avec qui la plupart des migrants haalpulaaren rencontrés entretiennent pourtant des liens) pose la question de la dynamique des réseaux constitués par les immigrés, à la jonction du local, du régional, du national et de l’international, ainsi que la complexité des relations qui se tissent entre ces territoires comme la difficulté à définir des objectifs politiques communs de valorisation d’un patrimoine. Les effets conjugués des investissements multiples des migrants (à la fois dans l’association transnationale et dans leurs associations villageoises) comme l’effritement du concernement entre générations ont pour conséquence de provoquer une mobilisation fragmentée qui n’arrive pas à dépasser les ressorts d’une mobilisation qui s’est jusqu’alors effectuée sur la base des réseaux du « village multi-situé ». Autrement dit, si les actions patrimoniales sont en pratique réalisées grâce à la circulation, entre plusieurs espaces des acteurs investis, la volonté de patrimonialiser une culture transnationale et diasporique se heurte à la concurrence éventuelle des attachements des membres du mouvement pulaar à leurs lieux d’origine comme au cadre des États nation, ici celui du Sénégal. Dans ce contexte de restructuration interne du militantisme, les mobiles patrimoniaux qui animent les acteurs prennent des sens multiples, rappelant pour reprendre les travaux de Jean-Louis Tornatore [2011] que la relation au patrimoine n’est ni figée ni déterminée, mais sans cesse retravaillée par les valeurs de ceux qui s’engagent dans cette cause.

Notes

  • [*]
    Maître de conférences en sociologie, UMR 7324 CITERES, CNRS, université de Tours.
  • [**]
    Maître de conférences en anthropologie, UMR 7218 LAVUE, CNRS, université de Paris 8.
  • [1]
    Les données exploitées dans cet article sont issues d’une recherche en cours, commencée en France en 2009. Aujourd’hui, l’enquête se poursuit au Sénégal mais au moment de l’écriture de cet article en 2015, le terrain sénégalais dans la région de Matam n’avait pas encore été investi. L’enquête en France a consisté à s’impliquer dans des échanges, à s’engager dans des activités, au sens de [Cefaï, 2010] et à rendre compte de ce que les personnes font et de ce qui se passe dans l’interaction [Bensa, Fassin, 2008]. Dans cette perspective, une quinzaine d’entretiens (individuels ou collectifs) ont été réalisés auprès des principales personnes qui ont participé à l’émergence de ce projet, migrants et non migrants, issus du monde associatif ou impliqués dans les milieux du patrimoine et de la ville, installés en région Centre et en Île-de-France. Quatre entretiens ont ainsi été réalisés entre 2010 et 2014 auprès du principal porteur du projet en France, un militant sénégalais, venu en France dans les années 1970. Des entretiens complémentaires ont également été conduits avec des membres du groupe de travail qui s’est constitué en France autour du projet (des architectes, une directrice d’un écomusée). D’autres ont également été menés auprès de migrants, militants d’association culturelle peule. Pendant toute cette période, des observations ont été effectuées au cours de différentes réunions, assemblées générales et journées culturelles.
  • [2]
    Nous reprenons ici l’expression aujourd’hui utilisée par les acteurs du projet.
  • [3]
    Les années 1970 constituèrent de ce point de vue « un grand basculement (…) les sécheresses se succèdent dans le Sahel et détruisent les structures agricoles au fondement de l’économie domestique locale. Inspirés par leurs voisins Soninké, les Haalpulaaren se mettent définitivement sur les chemins des migrations africaines et internationales » [Dia, 2015, p. 184].
  • [4]
    Pour la linguiste Mélanie Bourlet : « […] des locuteurs du peul, sensibles à certaines idées nationalistes (notamment du Sénégalais Cheikh Anta Diop) décident de réagir devant l’exclusion du peul de la vie politique officielle du Sénégal et de la Mauritanie » [2013, p. 110]. Le pulaar est alors promu contre l’arabisation officielle instituée par le pouvoir maure en Mauritanie [Humery, 2012, p. 288 ; Bourlet, 2013, p. 109] et contre la wolofisation favorisée par le système colonial et le mouridisme émergent au Sénégal [Humery, 2012, p. 288]. Par exemple au Fuuta Toro : « […] s’est développé un sentiment diffus de menace d’acculturation au wolof, laquelle exposait à un double effacement : celui d’une culture peul forte, codifiée en un système bien établi de valeurs et d’ethos idéal – le pulaaku – et celui d’une langue peule adulée, ciment efficace des composantes humaines disparates qui, en s’agrégeant, ont constitué au fil des siècles les entités peul et haalpulaar » [Humery, 2012, p. 290].
  • [5]
    Abdoul Hameth Ba [2007] souligne l’importance de ces sections locales, en particulier la section dakaroise, qui occupe le rôle de relais entre les différentes sections, et entre ces dernières et les villageois.
  • [6]
    Le fonctionnement de TPI est pyramidal : à la base se trouvent les sections par villes, qui sont regroupées au sein d’une association nationale, puis régionale et internationale (TPI).
  • [7]
    Kastoryano définit le « mouvement nationaliste transnational » comme un type de nationalisme sans territoire porté par des revendications qui « s’inscrivent dans une logique double et a priori paradoxale : une lutte pour l’égalité – individuelle et collective – dans le cadre de l’État et de ses institutions, et l’affirmation d’une identité collective à travers un mouvement nationaliste qui cherche un soutien extérieur sur une base religieuse ou linguistique » [2006, p. 533].
  • [8]
    Hames définit les ngeendiyankooBe comme des « pulaar activist ». Ce terme se réfère aux grands orateurs de la cause pulaar, figure de la lutte pour la promotion de la langue [2010].
  • [9]
    Une dizaine de villages ont leur nom précédé du nom « Agnam » : Agnam Civol, Agnam Goly, Agnam Lidoubé, etc. et sont regroupés dans la commune d’Agnam Civol.
  • [10]
    Nous rejoignons alors le groupe en tant que chercheurs en sociologie et anthropologie.
  • [11]
    Expression utilisée dans le dépliant de présentation du projet édité en novembre 2012 par le groupe de réflexion Yeeso et Tabital Pulaaku.
  • [12]
    Macky Sall, élu en mars 2012, était pourtant considéré comme étant proche des Peuls. Surtout, les migrants du Fuuta Toro, comme les habitants de cette région, ont conscience d’être un enjeu électoral important [Salzbrunn, 2009].
  • [13]
    L’absence d’implication du député-maire d’Agnam, présenté comme un proche de Macky Sall fait aujourd’hui défaut.
  • [14]
    Le « village multi-situé » désigne selon Hamidou Dia des univers de sens, produits par les migrations, sur des territoires différents, reliés par une référence commune à un site rural originel. « Ce concept comprend les habitants du site original d’où sont partis les migrants, ainsi que les ressortissants vivant à Dakar, dans les grandes villes africaines d’installation ou de passage et dans les cités globales occidentales. Il implique les descendants des migrants, où qu’ils se trouvent dans le pays et dans le monde [2010, p. 235]. »
Français

Dans cet article, nous proposons d’explorer les rapports qui lient la fabrique « d’un patrimoine culturel » à l’expérience de la migration, celle-ci apparaissant comme un élément déclencheur de la patrimonialisation. Nous prendrons appui pour cela sur l’étude d’un projet d’« écomusée peul » dans la région de Matam au Sénégal, porté par un collectif de migrants ouest-africains en France : quels enjeux de signification recouvrent ces mobilisations qui émergent au nom de la culture en contexte migratoire ? Que nous disent-elles sur les collectifs et les réseaux qui s’y construisent ? Que nous apprennent-elles de l’articulation entre les échelles locales d’investissement des migrants et les circulations transnationales à l’œuvre, sur les difficultés à patrimonialiser en migration ?

Mots-clés

  • patrimonialisation
  • migration
  • associations
  • Peuls
  • Sénégal

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Julie Garnier [*]
  • [*]
    Maître de conférences en sociologie, UMR 7324 CITERES, CNRS, université de Tours.
Anaïs Leblon [**]
  • [**]
    Maître de conférences en anthropologie, UMR 7218 LAVUE, CNRS, université de Paris 8.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
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