CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les minorités culturelles ont parfois eu besoin de chercher auprès d’organismes internationaux des formes de légitimité pour leurs productions artistiques. Dans le même esprit, il leur a fallu s’aider d’acteurs transnationaux pour obtenir une reconnaissance propre dans leur contexte national et s’engager dans un processus de patrimonialisation. Une labellisation extérieure peut ainsi contribuer à faire prendre au sérieux et à regarder par un autre prisme des artefacts et des créations esthétiques variées. Ce constat fait partie des stratégies quotidiennes des groupes minorisés et fonde une catégorie de l’action collective et individuelle. Elle constitue une ressource politique et identitaire, en particulier lorsque l’on se trouve devant des conflits et des mobilisations liés au territoire et à son usage [1].

2Plusieurs questions se posent alors : qui sont les individus – migrants, artistes, entrepreneurs culturels, militants politiques ou contestataires, associatifs, institutionnels – et les communautés transnationales qui participent à « transférer un objet ou une pratique de son cadre habituel au monde de la conservation et de l’animation culturelle ? » [Bondaz, Isnart, Leblon, 2012, p. 9] Ce faisant, ces processus dits de « patrimonialisation » – socioculturelle, juridique ou politique – donneraient « accès non seulement aux représentations et aux valeurs sociales et collectives qui fondent les pratiques patrimoniales, mais également aux processus matériels qui façonnent et donnent corps et consistance à ces représentations » [ibid.]. Quels sont les rôles, les positions et les fonctions de chaque type d’acteur dans cette « chaîne patrimoniale » [2] ? À partir de quelles ressources, de quels branchements régionaux, nationaux et transnationaux déploient-ils leurs actions [3] ? On s’intéressera également aux connexions qu’ils entretiennent avec les institutions patrimoniales, en particulier extranationales. Comment ces dernières œuvrent-elles envers les patrimonialisations effectuées en diaspora, à des échelles transnationales ?

3Autour de ces questions, je voudrais débattre ici des mutations patrimoniales qu’ont connues des productions plastiques indigènes, auxquelles j’ai consacré plusieurs écrits antérieurs dans une perspective « émique » [Hémond, 2003, 2013]. Je veux parler des créations picturales sur papier d’écorce appelées amates, réalisées par les peintres nahuaphones du fleuve Balsas, au sud-ouest du Mexique depuis plus d’un demi-siècle.

4J’aborderai dans un premier temps les formes de valorisation externe et interne de ces peintures entre les années 1960 et 1980. L’amate, selon ses degrés de qualité, est catégorisée au départ comme « artisanat » ou « art populaire » par les institutions culturelles mexicaines (FONART et Institut National Indigéniste) et comme « art » par certains amateurs et galeristes urbains, constituant ainsi une valorisation extérieure, de type folklorisant ou à l’inverse, en individualisant quelques artistes reconnus. Au début des années 1990, s’ensuit à proprement parler une patrimonialisation à dimension politique et territoriale de ces images, autour des mobilisations qui se cristallisent contre différents grands projets de captations des ressources hydroélectriques ou minières de la vallée du Haut Balsas. Dans un deuxième temps, je m’intéresserai au rôle des mobilités dans le processus de reconnaissance exogène de ces œuvres plastiques. Je me centrerai ici sur la rencontre entre des acteurs réseau [4] (artistes indigènes) et des amateurs, collectionneurs, anthropologues et institutions transnationales qui ont permis la reconnaissance et la patrimonialisation de ces peintures. Dans ce processus, le rôle des associations de migrants mexicains, des groupes artistiques hispaniques et, en particulier, de l’intervention du Musée national d’art mexicain de Chicago (NMMA) dans ses formes « d’extériorité légitimante » sera plus précisément analysé [5].

Territoire, identité et patrimoine local « disséminé »

5À partir des années 1960, la région nahua du fleuve Balsas-Mezcala (État de Guerrero) s’investit dans la production de nouveaux artefacts, dont le plus connu est sans conteste la peinture sur amate – le papier indigène d’écorce battue. Au plus fort de cette activité, vers l’année 1995, plus de 12 000 personnes, organisées en ateliers familiaux et en écoles artistiques sur sept villages, peignaient sur papier d’écorce, bois ou terre cuite, avec de vives couleurs acryliques appliquées en aplat.

6Tout d’abord produites pour un circuit économique extérieur, ces images – dont les premiers thèmes sont des fleurs, des oiseaux, des animaux – vont faire, en moins de dix ans, l’objet d’un fort processus d’investissement de la part des peintres. Au cours de cette nouvelle période, ceux-ci vont développer des thèmes auto-ethnographiques autour de leur mode de vie rural, dans lequel tout petit paysan pratiquant la polyculture du maïs peut en partie se reconnaître. Ces « histoires » (historias) de la vie agricole et villageoise sont liées à la construction de l’identité mexicaine nationale postrévolutionnaire. Celle-ci s’adosse à la double figure antagonique, d’une part de « l’Ancêtre national », « l’Indien glorieux historique » (le noble guerrier des hautes civilisations aztèques) et, d’autre part, de celle du petit agriculteur contemporain, dans un ensemble rural où prédominaient les paysans minifondistes indigènes et quelques « métis » [6].

7Dans le cas des amates, les personnages et les histoires dessinées constituent donc une « intersection thématique commune » et un creuset national facilement identifiable par tous les Mexicains, tout en y associant des contenus culturels plus spécifiques liés à des schèmes mythographiques et à la cosmovision locale. Croyances, rituels, visions oniriques ou apocalyptiques, représentations de l’histoire régionale ou bien satires politiques ou protestataires s’expriment tour à tour selon les peintres, les courants individuels ou collectifs qui se sont développés depuis lors. Des témoignages d’inventeurs ainsi que des récits communautaires valorisent collectivement en interne ces nouvelles activités. Elles se consolident tout au long des années 1980 dans une forme de « patrimonialisation intime », et selon un processus d’alimentation réciproque entre « l’image pour soi » et « l’image pour les autres ».

8Du côté « externe », on peut distinguer la période de 1960 à 1989 comme celle d’une valorisation extérieure de certains de ces peintres « ruraux, paysans » [Kerlow, 1983]. Ceux-ci réussissent à obtenir une reconnaissance individuelle de leurs œuvres dans plusieurs galeries d’art, en se rappelant comme lointains descendants d’un glorieux passé aztèque (appelé aussi Mexico) et non pas comme originaires d’une province notoirement sous-développée ou d’un groupe ethnolinguistique actuel. Durant les années 1980, le succès économique aidant, ces images fournissent un signe d’identité ethnique à leurs auteurs, permettant ainsi de les différencier des Mexicains non indigènes et de revendiquer un statut régional « d’Indien riche » [7]. Parmi les éléments d’identification, la langue – le nahuatl ou mexicano – qui était le principal élément fondant l’identité des habitants – se double alors d’un deuxième marqueur identitaire inédit construit autour de leurs activités de producteurs culturels, celui d’être des « Nahuas peintres de l’amate » (amateros) [Hémond, 2003]. S’enclenche un processus de reconnaissance de leurs œuvres comme « peinture ethnique » qui fonctionnent alors comme de véritables « biens identificateurs », tel que définis dans Taylor [2006] : « la capacité à indexer des relations sociales […] la valeur des choses et celle des personnes ou des groupes sont articulées l’une à l’autre ».

9Les activités de production plastique leur permettent également la mise en place d’un maillage de lieux stratégiques (villages de production, chefs-lieux, villes touristiques, zones de travail agricole migrant en Californie et faubourgs urbains de Chicago) entre les cellules familiales. Soulignons que le succès de leur entreprise tient au fait qu’ils gardent en bonne partie la maîtrise de la commercialisation en limitant les intermédiaires extérieurs.

10Ces processus de renforcement identitaire vont s’accentuer lorsque les peintres mettent leur art au service des contestations régionales qui se développent contre la politique nationale de grands projets de développement qui menacent leur vallée. En fin d’année 1990, la construction d’un barrage hydroélectrique dans la région amatera déclenche une très vive opposition de ses habitants et de fortes mobilisations politiques et culturelles d’acteurs locaux, mais aussi nationaux, et internationaux [Hémond, 2003]. Cet événement est à considérer comme le véritable embrayeur de la démarche de patrimonialisation stricto sensu. Un répertoire d’actions collectives – selon la notion de Tilly [1986] – se met en place, parmi lesquelles on peut isoler des « actions de communication », des « actions d’influence » et, surtout, des « actions de constructions patrimoniales ». Des projets communs se constituent, forgés dans l’interaction mutuelle entre tous les acteurs locaux (autorités politiques et religieuses du système des charges [8], nouvelles élites diplômées, femmes et « jeunes non mariés ») et les acteurs extérieurs (anthropologues solidaires, conseillers environnementaux, journalistes et organisations des droits de l’homme). Une nouvelle identité de la région naît qui privilégie l’autochtonie et son assise territoriale autour de l’appellation des « Nahuas du Haut – Balsas ». Les discours politiques, de leur côté, mettent l’accent sur la tradition et l’appartenance. La patrimonialisation de l’art et de la culture devient ainsi un volet fondamental du projet régional d’ensemble à partir de la lutte de protestation contre le barrage (1991-1995) et des nouveaux rapports politiques régionaux qui s’instaurent. C’est à cette occasion que l’on va voir émerger la notion de « patrimoine » qui va remplacer celle de « culture », car au départ, il existe bien deux notions distinctes :

  • une notion de patrimoine (patrimonio) qui est appliquée de manière spécifique au patrimoine archéologique et monumental olmèque menacé par la construction du barrage, utilisée tant par les acteurs locaux que nationaux ;
  • une catégorie de « culture ou tradition » : cultura ou tradición en espagnol. Le concept vernaculaire est xticotoniskeh, « ne brisons pas le fil », que l’on peut associer à la conscience d’une continuité historique [Good Eshelman, 2005, p. 87] ou, selon mon analyse, à la volonté de faire continuité. Cultura et tradición sont deux termes assez indistinctement employés, permettant dans leur renforcement réciproque de se caractériser comme « groupe ». Un aspect patrimonial immatériel des amates est également rappelé avec insistance : le papier d’écorce battue est un support historiquement indigène, qui a servi aux manuscrits pictographiques préhispaniques, ces fameux « codex » célébrant l’histoire des Mexicas (ou Aztèques). Cela permet dans la foulée « d’ancestraliser » les peintres nahuas d’aujourd’hui qui utilisent ce support.

11À l’arrivée, les coalisés – qui se sont regroupés dans une organisation indigène : le Conseil des villages nahuas du Haut-Balsas – forgent en coparticipation avec les anthropologues, journalistes et sympathisants une construction symbolique, un nouvel ensemble sémantique « ample » : « les biens et les personnes patrimoniales ». Cette opération argumentative joue sur la manipulation des termes en les associant de manière contiguë. Les protestataires construisent une catégorie commune autour des termes « sauver, sauvegarder » : sauvegardons notre patrimoine archéologique, sauvegardons les populations qui entretiennent un lien métonymique avec ce patrimoine puisqu’ils vivent historiquement sur le même sol, « sauvegardons ce patrimoine de culture et de tradition », « sauvegardons cet ensemble ». Le champ sémantique du terme « patrimonio » est ainsi double : il est immanent, en marche, incorporé dans le sol et la population, ce qui procède d’une grande habileté.

12Ces productions de récits discursifs et iconographiques permettent aux Nahuas amateros du Haut-Balsas d’acquérir une centralité en tant que « population patrimoniale », au cœur de la nation, comme le mentionne la constitution de 1992, qui établit dans son article 4 que la pluriculturalité nationale est fondée sur les descendants des « peuples originaires » ou indigènes. Dans un deuxième temps, l’équation qui s’est établie entre le territoire, l’identité et le patrimoine à la faveur de ces mobilisations, requiert des actions patrimoniales en vue de valoriser les productions plastiques au sein même du territoire. En effet, un point important, mis en avant par les peintres est ce que l’on pourrait appeler la conscience du manque. La plupart des amates sont en général des œuvres uniques, elles sont vendues sans aucune forme de registre et sont considérées par les peintres nahuas du Guerrero comme un « patrimoine disséminé » dont ils n’ont pas la maîtrise. Il ne reste plus rien sur place que quelques photos : « Nous sommes “dispersés” (regados) sur la terre […] Nous peignons, nous peignons, mais tout est dispersé. […] Cela [nos peintures] s’est perdu, nous ne savons même pas qui les a emportées » [9] sont quelques-unes des réactions relevées lors des forums qui vont se succéder de 1990 à 2000. « Nous voulons laisser à nos enfants une trace de ce que nous sommes, de ce que nous avons fait » [10]. Surgit alors la résolution d’édifier un musée communautaire, en sollicitant le rapatriement de certaines collections, notamment celle du Musée des arts populaires de la ville de Mexico ou celle du Musée d’Ixcateopan non loin de là, tout en créant un nouveau registre d’œuvres localement, ce qui permettrait une reconnaissance nationale. Tout cela suscite l’adhésion des élites indiennes locales et des nouveaux leaders politiques. Ce projet va connaître plusieurs étapes, mais il n’est toujours pas totalement réalisé du fait du manque d’investissement financier et de la lutte d’influence entre villages pour choisir le siège de cette nouvelle institution locale.

13Cet enlisement des projets culturels patrimoniaux locaux va être compensé par la mobilité internationale de certains des artistes nahuas et par l’exposition internationale de leurs œuvres (États-Unis, France, Allemagne, Belgique, Italie, Indonésie…). La circulation de ces peintures et de ces gravures et des principaux acteurs dans les espaces de migration transnationale, en particulier avec les États-Unis, va contribuer à ce qu’on pourrait appeler une « extériorité légitimante de retour ».

Associations de migrants et acteurs « nodaux » [11]

14L’un des enjeux de la patrimonialisation et de la circulation des œuvres et de leurs producteurs est d’arriver à se déployer dans le champ social binational.

15À partir de 1995, les amates comme « peintures indigènes du Mexique » se voient requalifiées sous d’autres formes, du fait de leur circulation et de leur reconnaissance dans les réseaux diasporiques états-uniens. Certains acteurs-clés – collectionneurs mexicains et nord-américains, anthropologues, communauté artistique hispanique de Chicago, peintres nahuas migrants aux États-Unis – vont distinguer et valoriser ces œuvres et établir le lien avec des institutions sociales, culturelles et muséales qui vont labelliser leur valeur patrimoniale. On connaît le rôle central des musées dans la requalification des œuvres, généralement envisagée comme étape favorisant la valorisation financière pour le marché de l’art. Les institutions muséales jouent aussi un rôle central dans la formation et l’affirmation d’identités collectives : « Les revendications identitaires contemporaines s’accompagnent ainsi d’opérations de patrimonialisation de la culture, notamment des productions à valeur artistique » [Taylor, 2006].

16Les peintres et leurs amates sont mis à l’honneur au National Museum of Mexican Art (NMMA) de la ville de Chicago (Illinois) au travers de la valorisation de la culture mexicaine (2014), ainsi qu’au Smithsonian’s National Museum of American Indian (NMAI, Washington D.C.) avec une exposition permanente panaméricaine sur les cultures amérindiennes, inaugurée en 2004, qui a été réalisée en coparticipation avec les artistes et les leaders politiques. Avec le NMAI, ces artefacts acquièrent la catégorie « de patrimoine graphique amérindien », dépositaire de processus mémoriels relatant la vision postcoloniale de l’histoire locale nahua. À l’inverse, avec le NMMA et la scène artistique hispanique de Chicago, les mêmes artefacts se transforment en emblèmes de « l’esprit du peuple mexicain » et favorisent le « dialogue civique » avec les autres minorités composant la nation migrante états-unienne. Rappelons qu’aux États-Unis, les membres de la communauté mexicano-américaine sont répertoriés administrativement comme « Hispaniques », de même que les migrants ou descendants de migrants d’autres pays latino-américains. De manière générale, ils ont en commun la langue espagnole et la religion catholique. Dans ce plus vaste ensemble, les origines indigènes sont gommées au profit de l’origine nationale.

17Mais concentrons-nous ici sur l’exemple de Chicago. Depuis 1995, la capitale du Midwest a connu un accroissement considérable de la présence de migrants d’origine mexicaine [Faret, 2001]. Les migrants nahuaphones qui participent à ce flux se retrouvent dans une position d’éparpillement et d’invisibilisation sociale dans l’agglomération urbaine, du fait de leur nombre moins élevé qu’en Californie, par exemple, où des centres urbains (à Ontario par exemple) permettent de recréer un maillage selon la provenance villageoise de départ. À Chicago, les familles ne se regroupent pas nécessairement entre elles, car elles sont tributaires du lieu de travail ou des opportunités économiques. Les quartiers dits « mexicains » (Pilsen, La Villita…) ne reproduisent pas de continuité villageoise stricte ou de famille élargie. Cependant, il existe une migration importante issue de la vallée d’Iguala (avec une surreprésentation du village de Teloloapan) – région voisine du Balsas indigène –, des terres chaudes centrales, ainsi que des régions de la côte pacifique (au nord et au sud d’Acapulco). Les associations de migrants les mieux structurées se fondent ainsi sur une base de regroupement régional ou microrégional par rapport à l’état fédéré de provenance – en l’occurrence, les États du Michoacán et du Guerrero, lieux de provenance principaux des migrants – et en aucune manière sur une base ethnique. Des deux fédérations principales représentant les migrants du Guerrero, l’une d’entre elles – Clubes unidos guerrerenses del Medio Oeste – est dirigée par Erasmo Salgado, entrepreneur et collectionneur d’art régional à ses heures, originaire d’une famille de propriétaires terriens et d’éleveurs de la vallée d’Iguala (village de Santa Teresa). Quant à la deuxième, la Federación de Guerrerenses radicados en Chicago, elle est issue de cercles liés aux fonctionnaires du gouvernement fédéré de la capitale de l’État, Chilpancingo. Ces modalités organisationnelles gomment en grande partie les divisions « Indien » – « métis » opératoires sur le territoire mexicain. Les migrants indigènes ne sont pas ou peu mentionnés et ne font pas entendre leur voix dans le débat migratoire du Midwest des États-Unis [12]. Si l’on fait allusion à eux, c’est plutôt en relation à leurs artefacts et à leurs productions culturelles, intégrés dans des « traditions régionales ». Ils sont donc considérés en tant que composantes de la patria chica (litt. la « petite patrie ») et comme producteurs de la « mexicanité régionale ». On voit ici que « […] les actualisations contemporaines locales de la nationalité [forment] autant de lectures spécifiques de l’appartenance à la nation [Lomnitz, 2001] ». Les variations identitaires et politiques de l’identité, les compréhensions différenciées de ce que c’est que d’être Mexicain ou Indien font donc l’objet de traductions au niveau local [Métais, 2014, p. 333]. Cela aboutit ipso facto à une forme d’invisibilité de ces sujets.

18Ces associations organisent nombre d’événements, kermesses, fêtes et loteries ayant pour base le folklore régional (danses, musique, fêtes gastronomiques), la vente d’objets d’artisanat d’art (laques et céramiques du Michoacán, peintures d’amates du Guerrero). L’argent recueilli permet de développer des projets politiques, culturels et d’amélioration des infrastructures publiques dans les espaces de départ. Cela déclenche à son tour une circulation des hommes politiques mexicains vers Chicago. Ils viennent chercher l’adoubement politique auprès des Mexicains des États-Unis [13] et récupérer la « manne » de l’argent migrant avec des propositions de « mise en commun » des ressources économiques à travers le programme « Tres por uno » (Trois pour un). Il s’agit du programme d’aide économique des migrants, gérés par leurs associations. Chaque dollar apporté volontairement par les migrants doit être compensé par un dollar de l’administration fédérée et un dollar de l’administration fédérale [Boruchoff, 2013]. C’est en particulier l’association dirigée par Erasmo Salgado, plus critique envers les politiques régionales, qui va organiser plusieurs événements pour diffuser le combat environnemental des amateros et organiser des ventes aux enchères à leur bénéfice. Ces informations se diffusent au sein de la communauté guerrerense de l’étranger et dans la presse hispanique de Chicago.

19Ces premiers résultats, et la connexion entre les amateros et les associations migrantes, sont dus aux mobilités d’un acteur nodal, le peintre et graveur nahua Nicolás de Jesús. Il s’agit du principal acteur transnational issu des villages nahuas du Balsas, dont la stature artistique est internationalement reconnue et qui s’illustre par son activisme social [14]. Le peintre va résider à Chicago de 1988 à 1993 et sa trajectoire artistique ultérieure est marquée par la circularité entre le Mexique et l’Illinois entre lesquels il effectue des trajets pendulaires réguliers.

20La capacité de se lier et d’établir des contacts de Nicolás de Jesús – « su don de gente » – lui a assuré des contacts fidèles à Chicago. Déjà bilingue en nahuatl et espagnol, il se débrouille rapidement en anglais. De ce fait, on peut le considérer comme le « passeur » principal [Ciarcia, 2011] entre les peintres, leaders et activistes nahuas du Balsas et la scène migrante, artistique et muséale de Chicago, avec un pied dans le monde anglo-saxon. En quelque sorte, il relie ces « mondes de l’art » [Becker, 2006] transnationaux.

21Peu de temps après son arrivée en décembre 1988, il apprend qu’il existe un groupe de graveurs rassemblés dans l’atelier-coopérative « Expressions Graphics » à Oak Park, un quartier résidentiel de la classe aisée de Chicago où les habitants sont principalement d’origine anglo-saxonne. Rapidement accepté comme membre du fait de sa grande maîtrise des différentes techniques de l’aquatinte, il réalise ses premières gravures et contacte des galeries et des collectionneurs, grâce à ce premier réseau social (notamment Bruce Kraig, Carol Friedler, Janet Schill, Beverly Keys et Antonio Martínez). Avec leur soutien financier, il fonde en 1990, avec René Arceo et d’autres artistes rencontrés dans la communauté hispanique de Chicago, l’Atelier mexicain de gravure (Taller mexicano de Grabado) à Pilsen. Cela lui ouvre les portes des galeries consacrées à l’art hispanique et au-delà. Il réalise plusieurs expositions et gagne le premier prix du concours « Festival Hispano » en octobre 1992, organisé au Musée des Sciences et de l’Industrie de la Ville, avec une aquatinte sur papier amate intitulée « Procession au firmament » (Procesión al cielo).

22Lorsque le programme de grands travaux hydroélectriques est percé à jour, dans le courant de l’année 1990, Nicolás a conscience que, pour bénéficier des formes de légitimation extérieure, les relais transnationaux sont primordiaux. Les artistes amateros doivent pouvoir bénéficier d’appuis individuels de la part des collectionneurs nationaux et internationaux, mais aussi institutionnels. Il va ainsi jouer un rôle clé dans l’association avec l’actuel musée national d’art mexicain (NMMA) avec l’appui de son directeur, Carlos Tortolero. Cette alliance va permettre la requalification des pratiques de contestation contre le projet de barrage hydroélectrique en « combat culturel et artistique » contre les institutions financières (FMI, Banque Mondiale) dont le siège est aux États-Unis.

Le NMMA à Chicago : valoriser et requalifier les amates

23Le Musée d’art mexicain de Chicago est une institution privée fondée en 1987 à Pilsen dans un quartier mexicain emblématique de Chicago, à l’initiative d’un groupe d’enseignants d’origine mexicaine ou chicana (première génération née ou élevée aux États-Unis) et qui prend tout d’abord le nom de Mexican Fine Arts Center Museum. Le but est « d’établir une organisation culturelle destinée à rendre accessibles l’éducation et la justice sociale. Le musée se propose d’apporter une influence positive pour la communauté mexicaine locale, d’autant plus que beaucoup d’autres institutions d’art n’ont pas inclus l’art mexicain (National Museum of Mexican Art, s.d.) ».

24Son directeur, Carlos Tortolero, et Cesáreo Moreno, directeur des arts visuels qui lui apporte son aide, vont participer de manière étroite à la légitimation du mouvement de révolte des amateros. Nicolás sait exprimer son émotion en tant qu’artiste et organiser ses discours en y mêlant des références aux traditions de sa région. Il fait vibrer également la corde de la lutte sociale à laquelle sont sensibles les milieux artistiques hispaniques qui comptent un certain nombre de réfugiés politiques (du Nicaragua par exemple). Beaucoup d’entre eux sont muralistes et ont mis leur art à profit pour des causes sociales. Ils se sont notamment investis dans le mouvement de revendication chicano dont le grand dirigeant a été le syndicaliste César Chávez [15], ce dont témoignent les peintures murales en voie de patrimonialisation qui balisent le quartier de Pilsen. En 1991, Carlos Tortolero propose à Nicolás d’organiser une grande exposition en prenant comme thème la menace du barrage hydroélectrique. Cela sera chose faite en 1995 avec l’exhibition des peintures d’écorce réalisées spécialement par les peintres pour le mouvement de protestation, le commissaire de l’exposition étant Jonathan Amith, anthropologue également mis en contact avec le Musée par Nicolás de Jesús. Un livre d’art avec des textes de synthèse et une riche iconographie bilingue en anglais et espagnol est publié dans la foulée [Amith, 1995].

25Interrogé en juin 2014 sur ces événements, C. Tortolero me précisait que, de son point de vue, la protestation contre le barrage était à la fois un mouvement social et un mouvement artistique et que cela rentrait dans les attributions du Musée de rendre compte et d’appuyer ce type de lutte créative. L’aspect de continuité historique des villages sur le territoire avait aussi entraîné son adhésion, car étant au départ professeur d’histoire, il considérait les Nahuas, comme étant descendants des Aztèques, c’est-à-dire l’un des creusets de la nation mexicaine dans la lignée de l’idéologie post-révolutionnaire forgée avec la constitution de 1917. Les Nahuas ont donc cette capacité à personnifier l’identité nationaliste mexicaine qui s’est forgée en réaction à la puissance coloniale espagnole, bien que les particularités culturelles des populations indigènes contemporaines soient généralement considérées comme un problème à l’intégration sociale et économique nationale.

26Les habitants du Haut Balsas ont parfaitement assimilé cette assignation à personnifier la nation par la figure de « l’Indien glorieux ». Historiquement, ils font en effet partie des descendants des groupes nahuas méridionaux (Nahuas-Coixcah) quand les Nahuas-Mexicah (ou Aztèques) peuplaient les vallées centrales. La variante linguistique du nahuatl parlée dans le Balsas, désignée sous le terme « mexicano », fait partie des classifications dites du « centre » qui sont fort proches de la langue classique [Canger, 1986]. L’appropriation de ces faits historiques et linguistiques conforte donc les Nahuas du Balsas dans cette représentation d’être au cœur de la nation, du fait de leur qualité de Nahuas ou « Mexicanos ». Ils sont les « vrais Mexicains », malgré la situation périphérique et de marginalisation de leur territoire. C’est cette conception qu’ils vont faire infuser dans des cercles plus amples de la société et jusqu’aux cercles transnationaux, de la communauté artistique hispanique de Chicago aux institutions et musées communautaires.

27Ce « versant aztèque » de la mexicanité est donc implicite pour la communauté mexicano-américaine dans son ensemble et constitue les formes symboliques d’identité du Mexicain à l’étranger, autour de la « Sainte Trinité » : Vierge de Guadalupe (patronne nationale du Mexique), fête des Morts (inscrite au Patrimoine culturel immatériel depuis 2008), figures héroïques telles Cuauhtémoc, dernier empereur Mexico vaincu par les conquérants espagnols [16]. Toutefois, ces constructions symboliques dans le contexte nord-américain ne revalorisent pas l’apport nahua/Mexico à la nation mexicaine, mais plutôt le récit identitaire de la diaspora mexicaine, toutes origines confondues, dans leur valorisation au récit multiculturel hispanique états-unien. On se trouve donc devant une forme d’articulation à l’échelle plus ample de l’ensemble identitaire américain.

28Enfin, dernier élément, cela entraîne aussi une reconnaissance de Nicolás de Jesús, peintre et graveur que le Musée mexicain soutient depuis le début. L’une des ambitions du Musée et de son directeur est de faire « monter » des talents des régions rurales, qui constituent la richesse de la nation mexicaine, à l’égal peut-être de peintres internationaux tels Rufino Tamayo ou Francisco Toledo ou de toute l’école d’Oaxaca. Le Musée a donc relayé tout le mouvement au travers d’une exposition, d’un livre, de différents événements – tables rondes, conférences – dans son auditorium, et d’ateliers pour les enfants en direction de l’éducation environnementale et du respect de la diversité culturelle.

29Toutes ces animations culturelles font l’objet d’une diffusion importante dans la presse en langue espagnole de la ville et, grâce aux « réseaux anglo » des graveurs, des anthropologues et des collectionneurs, se propagent dans les milieux anglo-saxons. Les communiqués d’appel à l’aide, les soirées de fund-raising (levées de fond) pour les peintres et leur combat environnemental vont se succéder. Après la première annulation du projet de barrage hydroélectrique par la présidence de la République d’alors en 1992 (Salinas de Gortari), les liens avec les artisans et peintres vont continuer, notamment pour fournir la boutique du musée en pièces de haute qualité susceptibles de plaire à une clientèle exigeante issue de la classe cultivée mexicano-américaine, mais également anglo-saxonne.

30Ces relations et réseaux vont être régulièrement sollicités jusqu’à nos jours. Des conférences ou présentations sont programmées dans l’auditorium et des artistes soutenus par le NMMA dans leurs activités à l’étranger (dont Nicolás de Jesús). Cette alliance du marché de l’art et de la promotion d’un artiste individuel se marie fort bien avec le rappel des combats environnementaux et des préoccupations patrimoniales des Nahuas du Balsas. La présentation en juin 2014 du livre retraçant l’œuvre peinte et gravée de Nicolás de Jesús devient ainsi l’occasion d’une série d’activités – à laquelle j’ai pu participer, précieux poste d’observation – qui va associer la communauté artistique et migrante de Chicago autour du plus prestigieux de ses membres et d’une forme de commémoration de l’action victorieuse contre le barrage. Ce livre en quatre langues (espagnol, nahuatl, anglais, allemand) a été publié par un collectionneur allemand, Harmut Zantke [2014], passionné par l’œuvre de Nicolás de Jesús ; il a ainsi conçu un projet éditorial, en proposant à l’artiste d’écrire des textes en espagnol et en nahuatl sur sa trajectoire artistique et son parcours de mobilité depuis son village jusqu’à la ville de Mexico et ses années à Chicago. Si l’on analyse le lien « artistes/mouvement social/musée » avec le recul du temps, on constate que le NMMA a tiré un certain profit d’avoir participé à la mobilisation artistique et aux revendications sociales et patrimoniales depuis les années 1990. Cela lui a forgé un capital de légitimité auprès de la communauté mexicaine et chicana, souvent critique par ailleurs dans le manque d’investissement politique du Musée [17].

31De ce fait, les amates sont requalifiées dans le contexte urbain de Chicago comme « essence de la mexicanité », entendue dans sa version forgée par la Révolution mexicaine.

Le NMMA, un pari transnational multiculturel

32À travers le choix du NMMA de soutenir les villages et artistes nahuas du Balsas, l’enjeu est également « la dispute continue qui se joue autour des acceptions différenciées de la nation et de la citoyenneté à l’heure du néolibéralisme et du multiculturalisme » [Métais, 2014, p. 333]. Ce multiculturalisme, précisons-le, est à entendre selon deux acceptions différentes. Le premier est celui que nous venons de retracer, au sens mexicain constitutionnaliste, qui établit les minorités nationales comme formant les bases multiculturelles de la nation métissée, c’est-à-dire produite originellement par la rencontre des Espagnols et des natifs. Il ne s’agit donc pas là de l’idée de prendre en compte directement d’autres racines de peuplement, comme les Afro-Mexicains descendants d’esclaves, les personnes d’origine étrangères ou les vagues de migrations successives (françaises, libanaises, nord-américaines, romanès, latino-américaines) vivant sur le sol national [Cunin, Hoffman, 2014].

33Le deuxième sens est à entendre au sens nord-américain. Les États-Unis considèrent être une nation de migrants, donc de « communautés », de « cultures et de croyances » différentes rassemblées sur un sol commun – rappelons-nous la devise du pays : e pluribus unum (« De plusieurs, un »). On exalte dans le principe la reconnaissance de ces différences et les politiques publiques « culturelles » s’emploient à faire comprendre la culture, considérée comme une source d’enrichissement participant du creuset national. À ce titre, les formes de patrimonialisation des minorités ont droit de cité dans le but d’une éducation et d’un dialogue interculturel. Ces positions propres à l’histoire politique du peuplement états-unien sont renforcées par les directives internationales sur la diversité culturelle et la nécessité du dialogue interculturel [Unesco, 2010].

34Il faut donc comprendre la position duelle qui va permettre au Musée mexicain de passer de la catégorie de Community Museum (« Musée d’une communauté » ou aussi « Musée de quartier ») à celle de « Musée National ».

35Sa mission de départ, en tant que Community Museum est de réunir la communauté mexicaine migrante autour de la culture et de l’identité mexicaine à l’étranger. Comme le fait justement remarquer Castellano [2011, p. 164], en considérant la section consacrée à l’exposition permanente intitulée « La Mexicanité » : « le récit du musée s’ajuste au récit national à l’exception de la partie de l’histoire contemporaine où le musée inclut le mouvement des Mexicains aux États-Unis et des personnalités comme César Chávez dans l’histoire nationale du Mexique. En effet, le Mexique ne considère pas que les Mexicains qui vivent aux États-Unis font partie de l’histoire nationale ». C’est justement cette corde sensible que va remuer Nicolás de Jesús dans une acception de la pluriculturalité spécifique au Mexique et aux pays hispano-américains, ayant défini constitutionnellement cette coexistence des communautés sur la base des descendants des civilisations originaires. L’artiste et ses œuvres, de même que ses compatriotes, incarnent donc par métonymie le socle le plus achevé de la mexicanité, cette notion qui englobe l’indéfectible continuité d’une population du Mexique aux États-Unis actuels (le mouvement chicano des années 1960 et 1970 se réfère également au mythe d’Aztlán, ce lieu originel de départ des pérégrinations des uto-aztèques) [18]. Nicolás, les amates et ses collègues peintres deviennent alors partie de cette vaste catégorie administrative de la « communauté hispanique » et se positionnent face à l’histoire nord-américaine dont le mythe national est celui d’une communauté de migrants. Le musée est donc directement dans les objectifs de sa mission comme Community Museum.

36Remarqué pour ses actions intégratrices et valorisantes pour la communauté mexicaine de la ville, ainsi que pour le potentiel de rassemblement collectif des fêtes mexicaines, le Musée est sollicité pour participer au dialogue interculturel. Le souhait de la ville et de ses édiles est de stimuler les échanges entre « communautés » et leur connaissance réciproque autour des particularités enrichissantes de la culture mexicaine. En 2006, il obtient la catégorie de « Musée national » (National Museum), malgré la faiblesse de ses collections patrimoniales. Au cours de cette trajectoire, ses publics ont évolué, de même que le rôle et ses objectifs autour de la communauté mexicaine et mexicano-américaine : « To showcase the beauty and richness of Mexican culture by sponsoring events and presenting exhibitions that exemplify the majestic variety of visual and performing arts in the Mexican culture ; to develop, conserve and preserve a significant permanent collection of Mexican art ; to encourage the professional development of Mexican artists ; and, to offer arts-education programs (National Museum of Mexican Art, s.d.) ».

37La négociation des notions d’autochtonie, de « métissage national mexicain » ; ses contributions au « modelage » des identités « ethniques » et à la connaissance multiculturelle vont petit à petit opérer une transition entre le pluriculturalisme à la mexicaine et le multiculturalisme états-unien [Davalos, 2001 ; Dancette, 2012-2013].

38À partir de son accession au statut de Musée national (2006) et des financements octroyés par la ville de Chicago et d’un cercle de donateurs privés, une part importante de sa mission va être de faire connaître un « patrimoine minoritaire interculturel » : celui de la communauté mexicano-américaine, de son apport enrichissant la diversité des expressions des minorités composant la ville, de sa contribution au « mieux vivre » à Chicago. Les questions d’éducation des enfants par des actions culturelles spécifiques deviennent centrales, la gratuité d’entrée est instituée pour tous les publics. Le but est en particulier d’entamer une meilleure connaissance entre les Mexicanos-Américains et les Afro-Américains qui entretiennent des relations tendues dans l’espace urbain, une ligne de conflit territorial étant située dans les limites de Pilsen (18th street). Une exposition de 2006, The African Presence in Mexico, scelle ce « pari transnational » du Musée (pour reprendre les termes de Castellano, [2011]). Elle contribue à la connaissance de l’histoire métissée mexicaine en redonnant une place aux racines africaines dans le peuplement colonial. Dans le même temps, cela permet de donner des gages de bonne entente avec les Afro-Américains dans l’espace états-unien. Cette exposition a donné lieu à un dialogue civique accompagné des édiles de la ville le 7 avril 2006, dont l’invité était le sénateur de l’Illinois, Barack Obama, dont on connaît la destinée ultérieure ! [Castellano, 2011, p. 196]. Cette mise en lumière stratégique va permettre l’obtention de programmes de crédits axés sur le développement des échanges constructifs entre les deux communautés de même qu’une représentation politique de leurs intérêts légitimes. « Les musées démontrent de cette manière qu’ils contribuent à l’harmonisation des conflits identitaires, et qu’ils participent au changement des processus hégémoniques » [Ibid.].

39Autre aspect qui va s’accentuer en liaison avec les dynamiques multiculturelles : la patrimonialisation des formes de vie et de la « culture mexicaine ». Certaines manifestations ont vocation collective, rassemblant les différentes composantes de la population de la ville comme la fête des Morts, qui s’est propagée de telle sorte que ses manifestations esthétiques (autels, fleurs, décoration, offrandes culinaires) finissent par faire partie des pratiques festives conviant tous les citoyens, et le Nouvel An chinois. Conscient de ce potentiel d’attraction, le Musée mexicain reçoit dorénavant des subsides pour organiser une forme d’exposition « hors les murs » dans Pilsen lors de la Toussaint, avec des autels d’artistes dédiés aux défunts. D’autres manifestations emblématiques sont également à signaler, notamment celle la fête de la Vierge de Guadalupe dont le culte a quitté la sphère privée pour devenir le point de ralliement de toute la communauté mexicaine et hispanique dans des festivités publiques à caractère culturel. Le Musée participe à l’organisation, aux ateliers et aux conférences dédiées. Les artistes participent aux expositions de calaveras et catrinas (papier maché), qui permettent des formes de critique sociale. Cette « artification » et « touristification » va de pair avec la logique de gentrification qui touche le quartier mexicain de Pilsen, situé près du centre (downtown) [Grams, 2010]. Son aspect de quartier historique de la communauté mexicaine, sa vie artistique développée, deviennent des ressources patrimoniales de même que les multiples peintures murales qui signent l’identité graphique mexicaine et qui font désormais l’objet d’un circuit touristique et d’une recommandation dans les guides. Les multiples restaurants de cuisine mexicaine et les nouveaux lounges de cuisine fusion, qui remplacent les ateliers d’artistes, attirent aussi les young urban peoples.

40Les enquêtes sur la fréquentation du public des expositions menées par Castellano [2011] avaient déjà montré que le public des expositions du musée n’était pas majoritairement mexicain. Mes propres observations m’ont conduite à penser qu’il fallait dissocier le public des expositions de celui qui se rend à des manifestations et des présentations dans l’auditorium, de celui des ateliers, ou encore des clients de la librairie ou de la boutique, chaque espace attirant un public spécifique. Dans la boutique du Musée, on constate une montée en puissance de « l’art de vivre à la mexicaine » (livres sur l’architecture coloniale, les arts plastiques, décoratifs et culinaires, objets autour des expressions culturelles et festives) font que, de nouveau, les artcrafts jouent leur rôle d’attracteur pour les classes moyennes et aisées qui souhaitent se familiariser avec la culture mexicaine avant d’entreprendre un voyage culturel, d’où le passage obligé à la librairie et à la boutique du Musée.

41Pour nous résumer, on visualise donc la place logique tenue par la peinture et les peintres nahuas de l’amate au « cœur » des premières actions du Musée d’art mexicain. Les artistes, notamment Nicolás de Jesús, ont trouvé là une « maison transnationale » et un écho de légitimation de leurs actions de contestation écologique et identitaire pendant toute la menace de construction du barrage hydroélectrique sur le Balsas (environ 1990-2000), puis dans des appuis ultérieurs ponctuels. Toutefois, si les actions du Musée sont perçues favorablement dans la communauté migrante, en particulier illégale qui y voit une « maison des traditions », cette opinion positive se délite à mesure que l’on monte dans le milieu lettré et artistique chicano de la ville. En filigrane de ces critiques, on trouve implicitement l’idée d’une ligne de partage et de tensions, entre « communautés », mais aussi économique, qui agirait désormais comme frontière au sein du Musée, en privilégiant notamment le goût du public anglo-saxon aisé.

Conclusion

42Un nombre significatif d’études sur les processus de patrimonialisation cherche à comprendre la descente dans les espaces locaux du discours et des normes internationales concernant le patrimoine matériel ou immatériel. À l’inverse, nous nous sommes intéressés ici à la « construction par le bas » d’un patrimoine graphique indigène, l’amate, et à la façon dont il est tout d’abord l’objet d’une « patrimonialisation » intime, avant qu’une situation d’urgence environnementale ne serve d’embrayeur de patrimonialisation externe. Le relais transnational offert par les institutions, les réseaux d’artistes et les circuits migrants mexicano-guerre-renses dans l’aire urbaine de Chicago va fournir les jeux de translation et de variation d’échelles nécessaires pour pouvoir requalifier les objets dans leurs mobilités.

43Dans ce processus, producteurs culturels et œuvres changent plusieurs fois de statut et servent à la fois les enjeux identitaires et environnementaux de l’espace de référence de départ et les préoccupations de mise en visibilité multiculturaliste de leurs hôtes. Tout cela passe par les formes de tissage de la continuité identitaire mexicaine au-delà du territoire national et également par des « formes variées d’énoncés du lien au passé et à l’identité » [Leblon, 2011, p. 51].

44Les amates, en changeant d’espace, du Balsas au Mexique, puis à Chicago, deviennent sujets de manipulation, de nomination, ou de transformation, de même que le statut de leurs peintres qui passe « d’Indiens nationaux » à « Mexicains ». Ces changements d’espaces permettent d’expliquer les différentes significations et, en particulier, différents contextes de la requalification de ces pratiques esthétiques comme « patrimoine ».

45Selon l’approche constructiviste, on pourrait dire que le « patrimoine mexicain graphique de l’amate » n’existe que parce qu’il est nommé comme tel par le Musée mexicain. Cette mutation s’opère en court-circuitant l’unité parfaite entre territoire national et identité mexicaine et en constituant l’amate comme un patrimoine propre à cette mexicanité transnationale, tout en gommant sa composante indigène dans l’espace d’arrivée. Cette circulation des artefacts, des acteurs et leur mise en liaison se sont accompagnées d’un processus de reconfiguration et de resignification d’un patrimoine hyperlocal en un patrimoine transnational, symbole de la mexicanité profonde. Mutatis mutandis, le Musée mexicain a permis de requalifier dans son propre espace d’action le statut des peintures et de leurs créateurs, créant ainsi un espace de traduction propre à la participation de la communauté hispanique à Chicago et à la réception dans les espaces sociaux caractéristiques du multiculturalisme aux États-Unis.

46Pour clore cette analyse, il reste à se demander toutefois si, aujourd’hui encore, il serait dans les ambitions du NMMA d’accueillir une grande exposition autour des mobilisations d’une poignée d’indigènes d’une région reculée du Mexique. L’accès à la citoyenneté et à l’histoire sociale du pays est toujours une visée éducative importante du Musée, mais ces objectifs ont aujourd’hui comme toile de fond le multiculturalisme à l’américaine, c’est-à-dire la compétition entre « communautés ethniques » états-uniennes pour démontrer leur richesse culturelle et leur apport à la grande nation américaine. Cette capacité à mieux s’insérer dans les politiques états-uniennes de quotas permet d’en tirer certains bénéfices et reconnaissances et de trouver une place, certes instable, dans la ville.

Notes

  • [*]
    Anthropologue, unité de recherche EA 4287 Habiter le monde, université de Picardie-Jules Verne.
  • [1]
    Bondaz, Isnart et Leblon [2012, p. 10] notent à ce propos que « dans le contexte actuel de la globalisation, les projets patrimoniaux ne sont […] plus nécessairement liés au cadre étatique ou au projet national : plusieurs auteurs ont par exemple analysé leur importance dans des contextes diasporiques […] ».
  • [2]
    Je reprends ici l’expression de Heinich [2009, citée par Bondaz, Isnart, Leblon, 2012, p. 9].
  • [3]
    Sur une méthodologie en contexte religieux et politique, voir Argyriadis, Capone, De la Torre, Mary [2012].
  • [4]
    Par ce terme, j’entends la capacité de réactivité et de connectivité d’un ou plusieurs acteurs centraux, porteurs de contacts et de ressources symboliques, qui permettent de connecter des mondes sociaux qui s’ignoraient jusqu’alors. Ces ressources sont prises ici comme des « biens dormants » qui s’actualisent lors d’une « crise patrimoniale », permettant un processus d’action (mobilisation, organisation d’événements). Sur une proposition de « l’agir-en-réseau » [Dumoulin Kervran, Pépin-Lehalleur, 2012].
  • [5]
    Cette recherche est menée dans le cadre du projet FABRIQ’AM-ANR-12-CULT-005 – « La fabrique des patrimoines. Mémoires, savoirs et politique en Amérique indienne aujourd’hui » : http://fabriqam.hypotheses.org (page consultée le 29 mars 2017).
  • [6]
    Rappelons brièvement ici les terminologies « ethniques » courantes auxquelles nous ferons référence dans ce texte. Au Mexique, la catégorie officielle d’Indien (indígena ou plus récemment originario) est officiellement déterminée par le fait de parler une langue d’origine amérindienne. Depuis le recensement de 2000, on y a adjoint un deuxième critère « d’autoreconnaissance ». Les autres citoyens mexicains, souvent appelés « métis », sont ceux qui sont « non indigènes ». Sur les questions d’identification ethnique et de ses transformations récentes autour des catégories « d’Indien » et « d’Afro-Mexicain », on peut consulter Ariel de Vidas et Hoffman [2012].
  • [7]
    Ce qui constitue un paradoxe social, puisque le terme « indio », dépréciatif, implique dans les stéréotypes largement partagés par toutes les classes sociales, le fait d’être « pauvre » et « sale ».
  • [8]
    Dans la littérature anthropologique sur le Mexique, le « système des charges » fait référence aux différents postes administratifs, politiques, religieux et de justice de proximité exercés dans le cadre d’une communauté villageoise, généralement indienne. Bien que comportant de très fortes disparités régionales, ils sont généralement non rémunérés, fondés sur un système de prestige et de hiérarchie [Chance, Taylor, 1985].
  • [9]
    « Estamos regados sobre la tierra. […] Pintamos, pintamos y todo está regado. […] Se perdió, ni supimos quien se lo llevó. »
  • [10]
    « Queremos dejar a nuestros hijos huellas de lo que hacemos, de lo que nos hace. »
  • [11]
    Je reprends ici cette partie de la définition donnée par Argyriadis [2012, p. 58-59] sur l’acteur nodal : « Dans les déploiements réticulaires polycentrés “transnationaux” et “transgroupe” […] se détache une figure particulière, celle de l’acteur “nodal” : un personnage dont la fonction, la compétence et l’objectif sont de créer des connexions originales, dont la combinaison lui permet de soutenir son propre projet religieux, identitaire et/ou culturel, en mettant à profit une situation d’intersection unique dont il est le moteur incontournable. […] Ici, la maîtrise du savoir et la capacité à assimiler et à utiliser plusieurs codes culturels se révèlent plus pertinentes qu’une aisance matérielle qui s’acquiert souvent a posteriori ».
  • [12]
    Au contraire de la Californie, si l’on prend le cas des leaders, avocats et syndicalistes se revendiquant mixtèques [Lestage, 2008].
  • [13]
    Ceux-ci constituent des électeurs directs, car le vote des Mexicains résidants à l’étranger ou binationaux est autorisé pour les élections présidentielles. Plusieurs entités fédératives, tel le Michoacán, ont également permis le vote pour les élections sénatoriales ou pour le poste de Gouverneur ; ce sont également des électeurs « indirects » dans leur capacité à influencer le vote de la famille restée « au pays ».
  • [14]
    Cet artiste met son art de la fresque murale au service de différentes causes comme la légalisation des migrants sans papiers, la justice et les droits indigènes, la lutte contre la corruption politique dans le Guerrero ou de « Occupy Wall Street ».
  • [15]
    César Chávez est un syndicaliste leader du mouvement chicano des années 1960, qui a lutté pour une plus grande reconnaissance des droits des travailleurs mexicano-américains.
  • [16]
    On se retrouve dans une position classique de la construction patrimoniale. Il s’agit de produire des références à un passé dont les acteurs vont s’appliquer à montrer la continuité jusqu’à nos jours dans le but de revaloriser un territoire, voire une activité économique [Chevallier, 2004, p. 279, cité in Leblon, 2011, p. 510].
  • [17]
    Le NMMA, conformément à sa charte, ne soutient pas d’organisation politique et est fortement dépendant des crédits octroyés par la Municipalité de Chicago à travers son funding board qui soutient préférentiellement des actions éducatives (pour les élèves du primaire et du secondaire) et culturelles.
  • [18]
    Le mouvement de la mexicanidad ou de la mexicayotl a ainsi soutenu de loin en loin la résistance amatera au Mexique depuis Chicago. Il s’agit d’un regroupement « spiritualiste », dorénavant transnational, qui se caractérise par la réinvention des traditions préhispaniques depuis le prisme du mexicain urbanisé. La référence au site d’Aztlán, lieu de départ mythique des Aztèques permet d’argumenter symboliquement sur une inversion des phénomènes migratoires contemporains, en établissant la prééminence du peuplement historique du nord vers le sud et le « retour légitime » des migrants actuels du sud vers le nord.
Français

Le présent article s’attache aux processus de constitution des patrimoines graphiques ethniques, en partant de l’exemple des créations picturales sur papier d’écorce appelées « amates » réalisées par les peintres nahuaphones du sud-ouest du Mexique. Après mes travaux doctoraux réalisés sur ce sujet il y a 20 ans dans une perspective émique, je m’intéresse aujourd’hui à la rencontre entre des acteurs réseau (artistes indigènes) et des amateurs, collectionneurs, anthropologues et institutions transnationales qui ont permis la reconnaissance et la patrimonialisation de ces peintures. On se centrera ici notamment sur « l’extériorité légitimante » du Musée national d’art mexicain de Chicago. Cette institution muséale a permis de requalifier dans son propre espace d’action le statut des peintures et de leurs créateurs, créant ainsi un espace de traduction propre à la participation de la communauté hispanique à Chicago et à la réception dans les espaces sociaux caractéristiques du multiculturalisme aux États-Unis.

Mots-clés

  • patrimoine minoritaire interculturel
  • musée de communauté
  • Nahua
  • amate
  • diaspora
  • image
  • Guerrero
  • Mexique
  • Chicago
  • États-Unis

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Aline Hémond [*]
  • [*]
    Anthropologue, unité de recherche EA 4287 Habiter le monde, université de Picardie-Jules Verne.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 13/09/2017
https://doi.org/10.3917/autr.078.0201
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