CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Jadis considéré avec un peu de mystère comme « une pensée triste qui se danse [1] », le tango s’est récemment « mué en une identité culturelle caractéristique » à la faveur de son inscription au patrimoine culturel immatériel (PCI) de l’Unesco :

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« La tradition argentine et uruguayenne du tango, aujourd’hui renommée dans le monde entier, est née dans les milieux populaires des villes de Buenos Aires et de Montevideo, dans le bassin du Rio de la Plata. Dans cette région où se mêlent des immigrants européens, des descendants d’esclaves africains et des autochtones, les criollos, a émergé un mélange hétéroclite de coutumes, de croyances et de rituels qui s’est mué en une identité culturelle caractéristique. Parmi les formes d’expression les plus connues de cette identité, la musique, la danse et la poésie du tango sont à la fois le reflet et le vecteur de la diversité et du dialogue culturel. Pratiqué dans les salles de danse traditionnelle de Buenos Aires et de Montevideo, le Tango répand aussi dans le monde entier son esprit communautaire, tout en s’adaptant aux évolutions du monde avec le temps. Aujourd’hui, cette communauté rassemble des musiciens, des danseurs professionnels et amateurs, des chorégraphes, des compositeurs, des paroliers, et des professeurs qui enseignent cet art et font découvrir les trésors contemporains nationaux associés à la culture du tango. Le Tango est également présent dans les célébrations du patrimoine national en Argentine et en Uruguay, signe de la portée considérable de cette musique populaire urbaine. »
[Unesco, 2009]

3Changement d’époque, changement de reconnaissance, changement d’enjeux. Dans le joli mot de Discépolo, le tango, qui était d’abord incarné par la danse, côtoyait le monde des idées. Du poète à l’Unesco, sa dimension poétique se trouve dévaluée et la place de la danse devient secondaire. Vu depuis les capitales européennes, il était considéré comme « argentin ». C’est désormais une expression du Rio de la Plata, même si la référence pour les tangueros du monde entier demeure Buenos Aires. C’est dans cette ville que le processus de construction du tango comme patrimoine débute à la fin des années quatre-vingt-dix. À cette période, sous l’impulsion du FMI, les principaux secteurs de l’économie argentine sont privatisés. Comme l’atteste la création en 1985 des capitales culturelles en Europe, l’association du tourisme, de la culture et du commerce est en train de devenir un triptyque inspirant des modes de gouvernance pour relever le défi de la mise en concurrence des territoires. Les mondes de l’art sont identifiés par les gouvernants comme une opportunité pour rebondir face aux conséquences de la crise du fordisme en transférant aux industries culturelles des paradigmes et des attentes que le secteur manufacturier ne peut plus totalement assumer [Greffe, 2010] : dans les villes, des valeurs telles que la créativité, l’innovation et l’appropriation de l’espace public sont encensées ; dans les territoires ruraux, les noces du tourisme et de la culture sont célébrées sous les auspices du développement durable [Charte européenne du tourisme durable dans les espaces protégés]. Ce contexte permet à une nouvelle discipline d’émerger : le marketing territorial définit des stratégies pour devancer les concurrents et pour répondre au mieux aux attentes des « publics cibles ». En élaborant des critères de différenciation du territoire (« l’identité territoriale ») se traduisant par l’élaboration de « marques », l’objectif est de créer de la valeur ajoutée en optimisant l’offre afin de promouvoir le développement local. Parce que les expressions culturelles deviennent des leviers de développement économique, leur patrimonialisation acquiert une valeur stratégique sur le terrain pour les opérateurs impliqués dans la gouvernance, ainsi qu’à l’université comme objet de recherche et d’enseignement [Wierre-Gore, 2015].

4Lorsqu’est créée en 2001 une « marque Buenos Aires→ » pour développer l’attractivité touristique, le tango lui est associé. Parmi les images qu’il véhicule, la sensualité, l’érotisme et l’exotisme émanant de la danse, sont principalement retenus par les édiles de la ville. Elsa Broclain [2012] a retracé ce processus en montrant le rôle majeur joué par Hernán Lombardi, ancien directeur d’un cabinet de consultants en marketing, ex-secrétaire d’état au tourisme (1999-2001), devenu ministre de la Culture et du Tourisme du gouvernement de la ville de Buenos Aires en 2007. Comme d’autres opérateurs culturels et touristiques, il perçoit le renouveau du tango au début des années 2000 qui, en danse, se traduit par un rajeunissement des pratiquants, une circulation transnationale d’amateurs et de professionnels, le développement de l’enseignement et l’apparition d’une demande touristique spécifique ; et en musique, par le développement de la scène locale – orientée vers la demande touristique – et de scènes alternatives. Une tentative infructueuse d’inscription du tango dans la catégorie des « Chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité » de l’Unesco, est conduite par l’Argentine en 2000. Puis, en 2007, Mauricio Macri, le maire de Buenos Aires nouvellement élu, s’associe à l’Uruguay pour déposer une candidature à une inscription sur la liste du PCI de l’Unesco. En août 2009, au Mondial de tango, la « marque ville » est lancée. Sur la présentation graphique, à droite du mot tango écrit en majuscule est inséré le blason de Buenos Aires : le tango et l’emblème de la ville se trouvent littéralement associés. H. Lombardi déclare : « Aujourd’hui, nous demandons au tango qu’il soit notre plate-forme de lancement à travers le monde » [Broclain, 2012, p. 130]. Consécration, il est inscrit en septembre 2009 sur la liste du PCI, dont la définition demeure traversée par une contradiction interne entre une prétention à l’universalisme des valeurs conférées aux pratiques et leurs modalités d’enracinement et de déclinaison locales [Bendix, 2011].

5Bannière identitaire territorialisée et revalorisée sous l’angle de son authenticité, le tango vieux d’un siècle est soudainement devenu un enjeu touristique majeur [Marchini, 2007] destiné à produire des « externalités positives ». La source de cette qualification se trouve dans les modalités de sa mobilité. Ses allers-retours entre le Rio de la Plata et l’Europe, et son adaptabilité à d’autres contextes que ceux de la matrice d’origine ont largement motivé son institutionnalisation patrimoniale. Mais toutes les expressions du tango ne sont pas également concernées. Si au cours de leurs circulations, un « esprit communautaire » est apparu, il s’est réalisé principalement autour du goût pour le tango dansé : les dynamiques de circulation de la danse se sont particulièrement intensifiées à partir du début des années 1990. De Baltimore à Singapour et de Beyrouth à Rome, une multitude de scènes déterritorialisées se sont développées, réinventant le bal, codifiant l’enseignement et produisant de nouvelles segmentations stylistiques (« nuevo » vs « milonguero »).

6Quels décalages observe-t-on entre le texte de l’inscription du genre tango sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité et les modalités nomades de la danse observées à partir de la France [2] ? Confronter une pratique mineure [3] comme le tango dansé à un texte validé par une instance internationalement reconnue n’est pas sans risque. D’une part, le décalage est fort entre le texte écrit et une pratique, a fortiori non verbale comme la danse [Barthes, 1981]. D’autre part, les catégories de l’Unesco – telles que « tradition », « identité culturelle », « diversité », « dialogue culturel », « esprit communautaire » –, demeurent étrangères aux dimensions agissantes des expressions chorégraphiques [Frimat, 2010a]. Entre la pensée de la danse élaborée par les praticiens, et « les savoirs extérieurs à la danse », le dialogue est difficile [Louppe, 1997].

7Partons des conditions de circulation de cette danse dans un contexte transnational. C’est un fait, elle est assujettie à la musique, quand cette dernière peut se passer de la danse. Pourtant, si elles circulent parfois ensemble, elles ne le font pas de manière identique. Synonyme de circulation, le processus de résurgence a inégalement affecté l’une et l’autre. Alors qu’une hiérarchie implicite jouait en faveur de la musique, un retournement s’est opéré. Pourtant, l’Unesco place à trois reprises la musique en pôle position, tandis que l’iconographie mobilisée pour représenter le tango fait principalement appel à des moments de danse. De quelles ambivalences les effets de classement de la danse et de la musique sont-ils le signe ?

8Ces questions conduisent à examiner comment ses propriétés inscrites au PCI entrent en tension avec les expériences sensibles des communautés de pratiquants en France [4]. Quelles « traditions » sont en jeu à travers les processus de transmission et la segmentation stylistique qui caractérise ses circulations contemporaines ? Qu’est-ce qui est envisagé comme « caractéristique » dans « l’identité » du tango ? Quelles en seraient les propriétés historiques, soumises à variabilité [Guilcher, 2007] ? Comment les enjeux et les conflits qui les traversent sont-ils révélateurs des contours donnés à la « tradition », et des manières dont elle est défendue ?

Circulation et classement

9L’idée selon laquelle les musiques et les danses circulent de façon identique est sous-entendue dans le texte de l’Unesco. Leur association forcée n’est que le prolongement d’une hiérarchisation, où la danse est envisagée en rapport avec la musique. Au contraire, nous observons que leurs modalités de diffusion sont distinctes [Apprill, 2016]. L’ontologie de la musique [Szendy, 2001, p. 24] et de la danse détermine des conditions d’appropriation, et par conséquent, des échelles de grandeur distinctes pour ce qui est de leur mondialisation. C’est parce que la notion de pratique est centrale dans le monde des danses qu’elles échappent en partie à la rhétorique de la médiation [Hennion, 2004] pour se situer bien davantage dans une problématique de l’engagement. Compte tenu de « l’immanence de la danse au corps » [Monnier, Nancy, 2005, p. 28], la notion de médiation, tout comme celle d’attachement, ne détient pas pour les danses la vertu magique de rendre compte de la complexité qui gravite autour de l’engagement du corps. Dans le même registre, la chorégraphe Susan Buirge note que « la danse se pratique pour et avec le même corps avec lequel nous bâtissons notre quotidien. Le corps est mobile. Je peux donc emporter ma danse avec moi, marcher dix kilomètres et danser à nouveau. La danse nomade n’a besoin que du corps du danseur. Et parfois, peut-être, d’un musicien » [Bernheim, 1998, p. 139]. Quelle que soit la danse, la transmission de corps à corps [Faure, 2000] nécessite un processus pédagogique qui, le plus souvent, confronte directement le transmetteur à l’apprenti danseur à travers une interaction subjective.

Attachement ou engagement ?

10Au contraire de la notion d’attachement, la notion d’engagement présente plusieurs intérêts. Partant du constat des différences d’accessibilité sensorielle, elle pointe la spécificité de la notion d’écoute en musique [Szendy, 2001] et celle de l’investissement corporel en danse. Elle permet de resituer l’importance et la place du corps comme acteur, c’est-à-dire non plus seulement comme médiateur, mais comme producteur d’intelligibilité [Bois, Austry, 2007]. En valorisant les dimensions agissantes de l’expérience corporelle, elle souligne l’importance de la pratique au sein des milieux amateurs.

11Les enquêtes sur la manière dont le tango dansé s’est diffusé en France dans les années 1990 attestent de la différence entre l’attachement et l’engagement. Qu’il s’agisse de la diaspora argentine à Paris ou des Français amateurs de culture latino-américaine, les proximités avec la musique tango sont notables. Chez la plupart des précurseurs [Apprill, 1998], elle constitue un environnement familier : ils en apprécient les périodes, les tendances et les compositeurs, dans un contexte où les liens entre la danse à la musique sont complètement distendus [Apprill, 1999]. En effet, amorcé à la fin des années 1950, le divorce entre la musique et la danse est à son apogée dans les années 1980. Dans le contexte des régimes dictatoriaux, de l’engouement pour les musiques anglo-saxonnes, de la concurrence des danses et musiques folkloriques et des transformations urbaines, une génération entière s’est éloignée du tango dansé en Argentine et en Uruguay. Chicho, l’un des tenants de la nouvelle génération, le découvre ainsi dans l’ambiance d’une milonga déclinante et poussiéreuse :

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« Trois ans avant de commencer à danser le tango (en 1990), j’étais dans une milonga très connue qui s’appelle Salon de l’Argentina, avec une copine ; ce qui m’avait beaucoup “pris”, c’était l’image d’un corps qui ne corresponde pas à l’image universelle du tango, la photo de tango que tout le monde connaît. Pour moi, rentrer dans cette milonga, c’était complètement différent, c’était autre chose, c’était des vieux, des gens…, c’était plein, les gens dansaient dans un espace limité. Et ça m’avait pris beaucoup, parce que je ne dansais pas à l’époque, et la musique m’avait prise aussi, les visages, les gens, les corps, ces gens qui n’étaient pas des danseurs, des gens communs, des gros, des gens normaux. La Viruta, c’est la première milonga où j’ai été dansé. À l’époque, il n’y avait pas beaucoup de milongas pour les jeunes. J’ai commencé à prendre des cours avec tout le monde, j’étais dans toutes les pratiques, avec tous les professeurs jeunes et vieux aussi, et ça m’a pris la vie, ça m’a pris tout. Parce que vraiment le tango, si tu ne rentres pas avec tout le corps, le tango, ça ne dure pas beaucoup. […] Cela arrivait dans un moment où j’avais besoin de ça, je crois. Parce que j’avais pris le tango avec tout mon corps, vraiment, c’était un engagement. Je venais de me séparer d’une relation de dix ans. Le tango, c’est devenu ma famille, mes amis. » [5]

13La rénovation de la musique a précédé celle de la danse. En s’éloignant des sociabilités du bal, les musiciens tels que Gustavo Beytelmann, Gotan et Astor Piazzolla privilégient des compositions difficilement dansables. En France, l’intérêt des amateurs se porte vers ces formes rénovées, ainsi que vers la chanson engagée et le folklore (Cuarteto Cedron, Atahualpa Yupanqui…), tandis que subsiste chez le plus grand nombre une forte prééminence de Gardel et de Piazzolla. Si les musiques du tango continuent d’envoûter les Français, le tango dansé est jugé démodé, à la fois esthétiquement (« une danse de vieux ») et culturellement (« le musette, c’est ringard »).

14D’abord spontanée, puis institutionnelle, sa réappropriation par les villes de Buenos Aires et de Montevideo ne peut se comprendre sans faire référence au mouvement de diffusion qui s’est instauré à la fin des années 1980 en Europe et en Amérique du Nord [6]. Principalement porté par des initiatives individuelles, ce processus est redevable de l’influence décisive de passeurs [7] originaires d’Argentine et d’Uruguay, qui ayant incorporé cette culture corporelle, l’ont exposée avec leur corps à des publics subjugués.

15Ce sont les conditions de possibilité d’un engagement dans la danse tango (cours, stages et bals) que les précurseurs introduisent. Parmi eux, vivant entre Paris et le Gard, Henri Vidiella et sa compagne Catherine de Rochas ont joué un rôle significatif. Avant de découvrir le tango en 1984 au théâtre du Châtelet (Tango Argentino), Henri précise : « Je dansais beaucoup, c’était le seul moyen de rencontrer des filles… » Dans la période qui suit le spectacle, ils suivent des cours, mais en sont insatisfaits. Ils organisent d’abord un stage de bandonéon avant de fonder Tangueoando Alès, qui allait provoquer un essaimage d’associations de tango dans tout le sud de la France. Fondateur de l’association parisienne le Temps du tango (1994), Mark Pianko dansait depuis l’adolescence, mais c’est « une fille » admirée aux Trottoirs de Buenos Aires, qui lui donne envie de prendre des leçons de tango :

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« Un jour, je me promenais dans le quartier des Halles, et je suis passé par hasard devant les Trottoirs de Buenos Aires. Et comme très souvent à l’époque, la porte était ouverte, on entendait la musique… J’ai passé ma tête dans l’entrebâillement, j’ai regardé et j’ai vu des gens qui dansaient. Entre autres, il y avait une fille qui, que… ça m’a beaucoup plu. »

17D’une part, l’engagement dans la danse contient une dimension érotique absente de l’attachement à la musique. Cette distinction autorise à poser la problématique de la circulation du tango dansé en termes d’orientation sexuelle. D’autre part, si le goût pour le tango mobilise les différents aspects de cette culture (musique, danse, chanson, cinéma, poésie, littérature, engagement politique), une focalisation sur la danse caractérise le renouvellement de son nomadisme dans les années 1990. C’est cette dernière qui, portée par des amateurs en France et de jeunes professionnels en Argentine, institue un changement de régime dans l’équilibre des disciplines du genre tango.

L’assimilation habituelle de la danse à la musique

18Les différences en matière de circulation se jouent également autour des modalités d’appropriation, qui loin de dépendre seulement des propriétés formelles, varient également selon leur structuration institutionnelle et symbolique. Comme le montre la nature des liens entre le professorat et la vie d’artiste [Apprill, 2012], les milieux amateurs et professionnels de danseurs et de musiciens ne sont pas organisés de façon identique, si bien que les enjeux des pratiques amateurs n’y résonnent pas de la même manière. L’histoire sociale de ces disciplines rend également compte d’un certain nombre de différences, comme l’atteste la relation aux lieux, si faible en danse [8]. Les analyses de Jean-Michel Guilcher [2007] sur la géographie des danses bretonnes ont clairement démontré la variabilité et l’instabilité des aires culturelles en ce qui concerne l’étude des répertoires, ainsi que l’importance de la temporalité : les danses voyagent, certes, mais leur vitesse de circulation, hier comme aujourd’hui, est sans commune mesure avec celle des musiques. Ainsi, contrairement à l’idée reçue qui consiste à dire que ce qui vaut pour la musique vaut également pour la danse, il semble beaucoup plus réaliste de considérer que danse et musique sont, du point de vue de leur circulation, de faux frères.

19Assimiler la danse à la musique a pour résultat de dissimuler la persistance d’un classement hiérarchique. Comparables à ce que l’on observe entre les sciences, nos représentations de la culture des œuvres n’assignent pas une place égale aux disciplines. En France, depuis l’après-guerre, la danse est classée à un rang inférieur à la musique, ce qui se traduit par un moindre développement et une reconnaissance plus fragile, comme l’attestent le faible nombre de départements universitaires, et sa construction tardive comme objet de recherche en sciences sociales. En tango, l’écart entre musique et danse se traduit par leur statut dans les mondes de l’art. La danse est surtout une pratique de bal qui n’accède que ponctuellement et dans des contextes spécifiques – les fêtes de fin d’année à Paris par exemple – au statut de danse de représentation [9]. Tandis que la musique tango génère des contextes d’actualisation comparables à n’importe quel autre genre musical, sans que se soient développés en France des cercles de pratiquants. Cette divergence de statut se traduit également dans les discours qui accompagnent et médiatisent les pratiques : le premier colloque international dédié au tango organisé à Paris en 2011 avait permis de pointer la force et l’omniprésence du métalangage des musiciens sur leur pratique, et la rareté de celui-ci chez les danseurs.

20Malgré la montée en régime de la danse au sein de la culture tango depuis le milieu des années 1980, les discours restent marqués par la prééminence de la musique sur la danse. Dans l’inscription au PCI, la danse tango arrive en seconde position (« La musique, la danse, la poésie »). Dans la loi de 1996 sur le tango [10], elle arrivait en troisième position. Pourtant, lorsqu’il s’agit de « vendre » le désir d’Argentine à l’étranger, c’est un couple dansant qui illustre la première de couverture de la brochure éditée par le Secrétariat au tourisme en 2009, année de son inscription au PCI [Argentina turismo, 2009, p. 69]. La page consacrée aux sorties intitulée : « Tango et spectacles » y est illustrée par deux autres photos de danse et débute ainsi : « L’Argentine a toujours eu une grande offre au niveau des spectacles. Le tango, cette musique mélancolique née dans les faubourgs, déploie son charme dans des concerts, des spectacles, voire des classes de danse. » L’iconographie met en avant la danse alors que le texte privilégie la musique. Bien que la danse attire à elle seule plusieurs milliers de touristes chaque année à Buenos Aires [11], c’est donc d’abord la musique qui est valorisée dans ce document du Secrétariat au tourisme, comme si la puissance évocatrice de la danse ne pouvait être transcrite. La mentionner par écrit, serait-ce prendre le risque de ne pas symboliser comme il faut[12] l’identité culturelle d’un pays et d’une ville ? En filigrane, l’intention de valorisation touristique de l’Argentine est adossée sur la dimension spectaculaire du tango, incarnée par la musique [13]. De fait, si la danse tango peut être interprétée sur scène, elle n’est pas une danse de scène, comme on peut entendre cette notion en danse classique ou contemporaine.

21Mais l’imaginaire qui s’y rattache détient une puissance suggestive à laquelle la musique ne peut prétendre. Il s’agit objectivement d’une danse de couple hétérosexuelle [Apprill, 2009], dont les enjeux en termes d’orientation sexuelle dessinent un horizon d’attente comprenant une dimension sensuelle. Examinons cet attribut : peut-on dire que la sensualité « colle à la peau du tango », comme le bandonéon imprègne l’idée que l’on se fait de la musique ? Pas exactement, car dans les réactions que l’évocation du tango provoque, la présence du bandonéon n’est relevée que par les connaisseurs disposant d’une familiarité avec ce genre musical, au sein duquel ils sont en capacité de classer et d’identifier les instruments. En revanche, la plus petite mention du tango dansé suscite chez le plus grand nombre des commentaires entendus sur sa sensualité, voire sur son érotisme. Force est de constater que cet attribut concerne la danse et non la musique. En effet, si l’on fait abstraction de son arrière-plan, comment pourrait-on qualifier la musique tango de sensuelle ? Cette sensualité n’est pas contenue dans la forme musicale du tango ni dans les paroles des chansons. Plus que dans la poésie ou dans les paroles, elle est bien présente dans les moments de danse, qui génèrent une iconographie et un imaginaire stéréotypés fondés sur l’étreinte d’un homme et d’une femme. Autrement dit, le tango fonctionne aussi comme un concept en ce qu’il fait référence à un univers bien particulier constitué autour des représentations de la danse. C’est un semi-nom propre au sens de Passeron [2006, p. 130-131] : en faisant « référence tacite à des coordonnées spatio-temporelles », il énonce un certain nombre de propriétés génériques propres à la danse, mais non partagées par la musique.

22La résurgence contemporaine du tango dansé a légèrement modifié le rapport de subordination de la danse à la musique. Si certaines valeurs patrimoniales se sont renforcées, les transferts des sociétés rioplatense au contexte français n’ont cependant pas modifié en profondeur toutes les propriétés du tango.

Quel tango transmettre ? Valeur patrimoniale et circulation

23Impulsée par un réseau d’amateurs, la circulation du tango s’est aussi adossée sur une autre catégorie d’acteurs : des danseurs en voie de professionnalisation qui se sont intéressés à transmettre leur culture de la danse et du bal. Dans le contexte d’un marché dérégulé caractérisé par la faiblesse de l’encadrement institutionnel, les propriétés du tango s’en sont trouvées réinterrogées à nouveau frais.

Antagonismes stylistiques : nuevo vs milonguero

24Deux déclinaisons stylistiques se sont progressivement affirmées, incarnées chacune par une figure emblématique, Chicho pour le « nuevo » et Suzanna Miller pour le « milonguero ». Le « nuevo » est porté par le renouvellement générationnel qui traverse la scène tango des années 1990. Au côté de danseurs prestigieux comme Chicho que l’historiographie dominante aime citer (Pablo Verón, Gustavo Naveira, Fabian Salas), une nouvelle génération de danseuses, bien supérieures techniquement à la précédente, a rendu possible une analyse de la structure, nourrie par d’autres disciplines (danse contemporaine, claquettes…). En s’installant en Europe, ou à la faveur de tournées durant plusieurs mois, ces danseurs et danseuses ont aussi pris leurs distances avec le foyer rioplatense. La rénovation qui en découle recompose l’espace de relation entre les partenaires. En « nuevo », la danseuse ne « suit » plus, elle devient l’alter ego de l’homme : tantôt guidée, tantôt guidant, elle n’est plus rabattue au rang de muse inspirant le « maestro » ; elle devient une interprète à part entière. C’est dans ce contexte qu’au début des années 2000 en France, les danseuses acquièrent une reconnaissance inédite qui leur permet de rompre avec certains codes. En pantalon, chaussées de baskets, elles invitent « comme les hommes ». En face, plusieurs danseurs ont persisté à revendiquer leur attachement au privilège patriarcal : à leurs yeux, les danseuses qui se risquent à lancer une invitation sont dévalorisées (« Mais, pour qui elle se prend, celle-là ? »).

25Fondé sur une collecte minutieuse des manières de danser des vieux milongueros, le style du même nom a été inventé à Paris par Suzanna Miller lors d’un stage donné en 1994. Elle systématise une méthode d’enseignement fondée sur une posture fermée, où les bustes sont en contact. Comparativement au style « nuevo », le répertoire des pas est considérablement limité, de même que l’amplitude des déplacements. Sont en revanche privilégiées la recherche de jeux rythmiques et la valorisation de la sensualité. Cette forme détient plusieurs avantages pédagogiques. Tout en procurant des bénéfices immédiats, elle est riche en promesses de sensualité, et elle véhicule l’image d’une relation de couple fusionnelle. Elle ne remet pas en cause les stéréotypes, notamment en termes de rôles sexués (« l’homme guide et la femme suit ») ni les codes patriarcaux du bal. Ainsi, le leadership incontesté du danseur s’accompagne d’une surcodification de tous les instants. Le rituel de l’invitation (mirada, cabeceo) donne aux danseuses l’impression d’une parité. Enfin, là où les danseurs « nuevos » avaient transgressé les codes vestimentaires, les danseurs « milongueros » attachent un soin particulier à leur apparence (costumes, escarpins et jupes fendues). Parce qu’elle accorde une haute importance à « la tradition » et à « l’authentique tango de Buenos Aires », la communauté des danseurs européens valorise le pèlerinage à La Mecque du tango. Elle rêve à l’ambiance des années 1940 lorsque les nuits de la capitale argentine vibraient au rythme des milongas. Les sociabilités des milongueros disparus sont exaltées : la beauté du mort [de Certeau, 1974] sert de légitimation aux recompositions des pratiques [14].

26Quel que soit le style, le lien à la notion de patrimoine des amateurs et des professionnels évoluant en France apparaît très tenu. Elle n’apparaît pas dans leurs propos. Interrogés à propos de l’inscription du tango au PCI, Suzanna Miller et Chicho font la moue. La première note « qu’on en parle un peu plus, mais que ça ne change pas grand-chose… » Chicho observe que les couples qui ont été contactés au moment de la présentation du dossier et après l’inscription sont des cautions qui « n’ont pas d’importance dans le monde du tango ». Représentant pourtant des références mondialement connues des praticiens, ils n’ont pas été approchés à ce sujet ; et l’inscription du tango ne change en rien la donne dans leur pratique de l’enseignement dans un marché ouvert. Cette indifférence est consonante avec ce que nous avons noté plus haut : le développement du tango dansé s’est réalisé par le bas, porté par des amateurs et une nouvelle génération de danseurs qui ont créé par eux-mêmes les conditions pour transmettre leur savoir-faire [Apprill, 2012].

27Sur les réseaux sociaux, les pages des tangueros abondent en photos de couples composés d’hommes et de femmes enlacés dans une posture identique. Elles montrent comment les rapports entre les genres et les orientations sexuelles sont mis en scène à travers un ensemble de rituels, de codes et d’usages [Mégret, 2009]. La stabilité des formes de représentation traduit la pérennité d’un système et le maintien d’un ensemble de repères. Si son nomadisme le soumet à de multiples territoires et sociabilités d’accueil, partout, quels que soient les milieux, cette régularité s’observe. À force de répétition, elle est devenue la forme conventionnelle de cette « tradition ».

Une danse de couple passionnelle et hétérosexuelle

28La passion de la danse se confond avec la passion du négoce entre les personnes. Placés en face-à-face, hommes et femmes élaborent une performance. Aux antipodes de certaines créations chorégraphiques contemporaines qui s’efforcent de désexualiser le corps des interprètes [Frimat, 2010b], genre et sexe sont ici surlignés. Point de transgression, chacun est à sa place et tient son rôle en respectant une dissymétrie constante, surtout chez les professionnels : l’homme se doit d’être plus grand de taille, si bien que les danseuses qui approchent la taille moyenne des hommes de leur pays s’en trouvent complexées. Car sauf à danser en chaussures plates, les huit à dix centimètres des escarpins leur conféreraient une domination immédiate. Lors des démonstrations, il est rarissime que l’homme soit porté par la femme ; et les femmes sont souvent plus jeunes que leurs partenaires masculins. Comme ce qui a été observé dans le processus de formation des couples [Bozon, 1990], l’homme, expert en danse, procure un statut social à la danseuse en lui ouvrant des perspectives en termes de professionnalisation. Plus jeune, moins expérimentée, mais bénéficiant d’une formation en danse, la femme met au service de l’homme sa souplesse, sa technique et son potentiel érotique. Tout en étant soumise à ce dispositif, la danseuse le sert et lui assure sa pérennité : qu’il s’agisse du contexte du bal ou de celui de la démonstration, son aura érotique est d’abord entièrement dirigée vers le danseur, au service du bon déroulement de la performance. En s’articulant étroitement, l’encodage des sociabilités et les éléments stylistiques sont portés par des communautés de pratiquants qui semblent poursuivre une finalité partagée : faire vivre de façon dynamique ce qui permet de maintenir tolérable la supériorité des hommes sur leurs partenaires. Toutes ces formes de domination sont présentées comme « naturelles » par une majorité de danseuses qui ont intériorisé ce principe [Bourdieu, 1998]. Le couple tango apparaît ainsi extrêmement normatif. Quand des formes de parentalité homosexuelle s’intègrent dans le droit de certaines sociétés, elles perpétuent ailleurs principalement une image des « composants normaux de la famille » tel que le relevait Lacan en 1938. S’il existe des scènes alternatives comme celle du tango queer[15], elles sont parfois rattrapées par une prescription des rôles : il demeure encore le plus souvent un guidant et un guidé, soit une relation de subordination.

29Faite de transferts entre aires culturelles, de recompositions et d’adaptations, la mobilité transnationale n’a pas altéré la permanence d’un référencement au système des danses de couple fondé sur une configuration historique hétérosexuelle. Cette remarquable inertie peut être corrélée à l’engagement du corps évoqué plus haut. Davantage que dans d’autres lieux de sociabilités ouverts (tels que les cafés par exemple), les moments de bal, parce qu’ils engagent le corps, font vivre autrement le prisme des relations entre les genres. Implicitement, par une lecture intériorisée du monde social, le plus grand nombre effectue un codage et un décodage des sociabilités dansantes. Pour le chercheur, à moins de recourir à une enquête quantitative, il demeure difficile de préciser la teneur des orientations sexuelles des pratiquants d’un bal. Mais force est de constater qu’à la différence de certains espaces de loisirs [Ayral, Raibaud, 2014], la mixité est la règle dans les bals tango, et les relevés empiriques en Amérique du Nord, à Buenos Aires et en Europe montrent que le commerce hétérosexuel y tient une place majeure. Vécue, interprétée et défendue par les communautés de pratiquants, cette « tradition » constitue la valeur patrimoniale du tango, et elle fait l’objet d’une transmission par les professionnels.

30Si le désir et le plaisir animent les circulations des amateurs, c’est la possibilité de travailler et de vivre de la danse qui motive les professionnels. En raison du manque de régulation des institutions, les activités professionnelles rémunératrices résident principalement dans les moments de transmission. En l’absence de certification, ce marché est ouvert à toutes les initiatives : du rénovateur le plus talentueux à l’impétrant néodébutant. La scène sociale du bal, où se déroulent les démonstrations, est partagée par tous, et exige de se comporter en capitaliste sauvage [Latour, 1993], car les professeurs ne bénéficient souvent d’aucune garantie en matière de rémunération et de contrat de travail.

Plaisirs des amateurs et enseignement

31Les bals ne se réduisent donc plus seulement à des lieux de pratique « traditionnels » pour passionnés : ils sont aussi devenus des espaces où les professeurs viennent danser avec les amateurs pour se mettre en scène et faire leur publicité. Les valeurs vantées par les pratiquants (« le partage », « la gratuité », « l’humanité », « la complicité ») s’actualisent ainsi sur les mêmes territoires que les prouesses démonstratives des professeurs dont la finalité est de développer leur notoriété, dont dépend le remplissage de leurs cours. Ils s’y produisent aussi en démonstration, affichant des compétences qui se distinguent finalement assez peu des compétitions de danses sportives. Filmées, puis diffusées sur les réseaux sociaux, elles constituent un outil majeur de promotion.

32La viabilité des parcours de professionnalisation est étroitement liée à la demande des amateurs. En Europe et en Amérique, ils ont été particulièrement actifs pour organiser et soutenir la diffusion du tango. Dans le cas français, ils ont créé de toutes pièces un réseau d’associations 1901 dédié à sa promotion [Apprill, 1998]. Même si l’offre de cours est l’une des plus faibles parmi les danses du monde, ce réseau entretient des ramifications avec la scène tango européenne et avec le foyer rioplatense. Professionnels et amateurs circulent au gré des stages et des festivals. Figurant parmi les objectifs généraux de valorisation du patrimoine immatériel, la préservation et la stimulation de la danse sont donc essentiellement supportées par la demande émanant des communautés d’amateurs.

33Comparativement à la France, la professionnalisation apparaît plus avancée en Allemagne, où des écoles adoptent un cadre juridique commercial, et en Italie, où des partenariats avec des diffuseurs du monde musical et des entrepreneurs de lieux de nuits se développent. Dans l’hexagone, les structures de type associatif dirigées par des bénévoles demeurent largement majoritaires. Bien qu’il soit à l’origine de l’organisation de l’offre de cours et de bals, ce tissu associatif ne défend pas forcément les intérêts des professionnels. La chaîne de coopération se limite à l’organisation et au partage des plaisirs de la danse. Quand surviennent des questions liées aux intérêts des professionnels, cette finalité l’emporte. Ainsi, lors d’une étude nationale consacrée aux conditions d’enseignement des danses du monde et traditionnelles (2007-2008), dont l’une des investigations portait sur l’opportunité de mettre en place ou non une certification pour encadrer l’enseignement, le seul milieu de danse a s’être affiché ouvertement contre les enquêtes fut celui du tango. Le fait même d’enquêter a été considéré comme suspect par certains responsables d’associations qui se sont opposés à une réflexion sur la question de la certification, en mettant en œuvre un blog puis une charte pour en montrer l’iniquité [Charte de la communauté du tango argentin, 2008].

34Le 1er juillet 2016, cette charte était signée par 293 personnes physiques et morales. Les statistiques disponibles sur le blog montrent que la part de professionnels est marginale : 12 personnes physiques sur 237 ont adhéré aux principes de la charte, tandis que la majorité des signataires est composée de danseurs amateurs (195). Sur les 56 personnes morales signataires, 51 sont des associations. Si le nombre de signataires s’avère relativement faible proportionnellement au nombre d’associations actives dans ce domaine, ce groupe d’amateurs détient une certaine légitimité, due à sa place sur la scène tango et parfois à son ancienneté. En convergeant vers une défense de la « liberté », ils ont mis en avant leur attachement à la non-réglementation dans le contexte d’une société où « tout est réglementé ». La perspective d’une certification a été interprétée comme une atteinte à la naturalité de la danse, soit une menace pour les formes de transmission empirique, fondées sur la toute-puissance du professeur, qui serait porteur d’une « culture », d’une « authenticité » et d’un « vécu ». Les signataires « restent attentifs à la qualité de l’enseignement. Celui-ci doit rester ouvert, donner ses lettres de noblesse à l’expérience et au ressenti, et être mené par des personnes ayant le souci de transmettre les outils conduisant à l’improvisation. » (Article 2). Dans cette perspective, il n’est point besoin d’échauffement (« Le tango, ce n’est que de la marche »), de connaissances anatomiques (« Il suffit de s’enlacer ») et de pédagogie (« Il faut danser avec son âme »). Seule compte « l’histoire de la danse », non pas celle des historiens, mais celle des gens du cru. Une confiance aveugle est ainsi conférée à la matrice du tango et à ses autochtones dont l’aura ne faiblit pas : les Argentins et les Uruguayens sont adulés dans leur capacité à transmettre « leur art » ; tandis que le pèlerinage à Buenos Aires est assimilé à une immersion culturelle seule capable de révéler « l’essence du tango ».

35Référencée à la matrice et à l’origine des professeurs, cette quête d’authenticité tient une place centrale dans la structuration de la passion des amateurs. Mais elle les éloigne des enjeux liés à la professionnalisation de l’enseignement. Comme le précise la charte, c’est l’absence de régulation du marché qui offre à leurs yeux le contexte le plus favorable à l’assouvissement de leur passion : « Les signataires de la présente charte […] affirment que la transmission du tango passe aussi bien par l’échange, la pratique et le partage des expériences que par un enseignement libre. » (Article 1). Ils « s’engagent à ne reconnaître et à ne promouvoir aucune forme obligatoire de certification, diplôme ou formation. » (Article 2). Ils « se doivent de rechercher l’application de tarifs équitables permettant la juste rétribution des intervenants, le juste prix demandé aux participants et l’équilibre de leurs budgets. » (Article 4)

36En défendant leur hédonicité associée à une conception de la liberté, les responsables d’associations ont écarté a priori toute réflexion sur les conditions d’exercice des professeurs, telles que le cadre d’emploi, les rémunérations, le droit à la formation et l’équipement des salles. Les signataires de cette charte se définissent avant tout comme des bénéficiaires de l’offre, en minimisant le fait qu’ils interviennent également en tant qu’organisateurs, et parfois en tant qu’employeurs. En défendant l’exercice libre de leur passion, mais aussi celle d’organiser le marché selon des principes moraux qui revendique l’absence de régulation, ils promeuvent une apologie du libéralisme, tout en étant issus pour la plupart de professions jouissant d’un encadrement professionnel et de dispositifs assurantiels. À travers cet antagonisme entre leur cadre de référence et les critères qui entrent dans les conditions d’exercice du métier d’enseignant, la question se pose de savoir lequel des groupes d’acteurs peut être le plus entendu du point de vue de la sauvegarde du tango. Concernant la transmission, le « texte de la convention pour la sauvegarde du PCI » précise : « On entend par “sauvegarde” les mesures visant à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel, y compris l’identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, la transmission, essentiellement par l’éducation formelle et non formelle, ainsi que la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine. » [Unesco, 2003, article 2].

37Pour réaliser cette sauvegarde, les « États parties » (ici l’Argentine et l’Uruguay) peuvent faire appel à « une coopération et une assistance internationales » (point V de la convention, articles 19 à 24). Au-delà des modalités pratiques, les articles restent assez flous sur le fond de cette coopération, mais on peut présumer que l’intense circulation du tango en dehors des deux « États parties » puisse conférer quelques légitimités aux expériences conduites par les communautés de danse. Reste à savoir de quelles sensibilités se revendiqueront les experts et les praticiens mandatés. On voit bien comment les propriétés du tango, tel qu’il est décliné en France, sont traversées par des lignes de force contradictoires. Lors de la réalisation d’un inventaire, comment ces tensions peuvent-elles être interprétées en termes de sauvegarde ? Autour de la problématique de la certification et de la transmission, les contacts entre le ministère de la Culture et les acteurs du tango ont précédé son inscription en 2009. Mais depuis cette date, ils n’ont pas connu de revitalisation particulière. À ce jour, les relations entre ces acteurs et les tutelles institutionnelles sont faibles. Et la « valeur patrimoniale » du tango, telle qu’elle se dégage de cette charte, s’oppose très nettement aux principes et valeurs qui sont défendus pour les disciplines dansées qui relèvent d’une certification [16].

38La diffusion de « l’esprit communautaire » du tango s’est historiquement élaborée dans un va-et-vient entre le Rio de la Plata et la vieille Europe. Durant certaines périodes, le centre de gravité du tango dansé s’est parfois situé dans les capitales européennes. Prenant la mesure de l’essor contemporain du tourisme lié au tango, la ville de Buenos Aires l’a progressivement intégré à sa politique touristique pour en tirer des bénéfices symboliques et financiers. Avec la Cordillère des Andes, la viande et la Terre de Feu, le tango est devenu un argument du marketing culturel destiné à rendre le pays attractif. Dans cette perspective, les institutions se sont efforcées de brider son caractère nomade pour privilégier son assiette rioplatense [Morel, 2009, p. 161].

39En mettant en avant la « tradition », l’Unesco évacue une partie de son nomadisme pour privilégier une reterritorialisation. Il insiste sur l’origine, mais ne dit rien de son histoire ni de la puissance suggestive de la danse fondée sur un face-à-face des partenaires et leur enlacement. Par la primauté accordée à la musique, il laisse penser que cette sensualité est secondaire. Ainsi, la puissance symbolique du tango dansé demeure ambivalente, jouant tantôt comme un stimulant, tantôt comme un repoussoir.

40En réaffirmant la prééminence du berceau d’origine, cette valorisation ajoute une pierre dans le jardin de la « tradition » et de « l’authenticité » telle qu’elle est vécue et interprétée par les tangueros. Ce faisant, la danse tango devient le vecteur d’une critique de la conception européocentriste de l’histoire que les peuples d’Amérique du Sud doivent souvent subir : étrange retournement qui voit une sous-culture nomade servir de point d’appui pour reconfigurer l’historiographie. Mais qu’il s’agisse des artistes, des professeurs ou des amateurs, ce patrimoine relève bien davantage d’un entre-deux, soit d’un processus fluctuant, où circule du désir selon des configurations mouvantes.

41Les conditions de sa circulation transnationale conduisent à s’interroger sur le sens de son « identité culturelle caractéristique ». S’agit-il d’une tradition machiste, qui offre une tribune supplémentaire où peut se déployer la domination masculine ? Est-ce une passion où la présomption partagée de l’hétérosexualité fournit des repères tangibles, dans une période marquée par de multiples turbulences touchant à la redéfinition des identités de genre et à leur relation ? Vue sous l’angle d’une danse hétérosexuelle, la culture du tango semble peu abordée, alors que cette dimension rend compte depuis plus d’un siècle de ses propriétés historiques territorialisées et déterritorialisées. Clef de voûte du régime partenarial [17], cette configuration cristallise l’essentiel des dimensions qui font sens au-delà du microcosme de la danse. Comme le montre le développement de la scène tango queer, aborder autrement la répartition des rôles dépasse la simple question du style. Par une reconfiguration partielle ou totale des assignations genrées dans la danse, ce sont les propriétés historiques qui sont affectées.

42Par son assignation à la matrice, sa manière de ritualiser les relations entre les sexes autant que par la structuration libérale du marché, des versions normatives circulent de nos jours. Leur protection par les « gestionnaires du patrimoine » [18] est-elle destinée à les conforter ou à en montrer les limites ? Pour cette danse de participation, la question du rapport à l’écrit se pose. En voie de développement, la tangologie demeure sans comparaison avec l’appareillage critique qui accompagne les danses de représentation. Dans quelle mesure le tango pourrait-il être sauvegardé, plus ou autrement, que la création artistique en danse contemporaine ? À ce jour, on observe une coprésence de procédures internationales de sauvegarde et de soutien à la création artistique en France. La question reste de savoir si ce processus de patrimonialisation ne consiste pas à renforcer la dichotomie entre les danses de représentation et les danses de participation.

Notes

  • [*]
    Sociologue de la culture, URMIS, centre Norbert Elias.
  • [1]
    Enrique Santos Discépolo (1901-1951).
  • [2]
    Les matériaux proviennent d’enquêtes auprès de danseurs amateurs et de professionnels (professeur, coach, hôtelier, platiniste) impliqués dans la diffusion du tango entre 1990 et 2016. Elles ont été réalisées en France (Paris, Lyon, Marseille et Toulouse), en Europe (Bruxelles, Freiburg, Londres, Turin et Krakau), en Amérique du Nord (Trois-Rivières, Montréal, New York) et à Buenos Aires (1992, 1996, 2009, 2010 et 2012).
  • [3]
    Le fait que le tango soit inscrit sur la liste du PCI de l’Unesco n’oblitère pas totalement son statut de danse sociale, objet hiérarchiquement inférieur aux danses de scène en termes d’aura esthétique et artistique, et de professionnalisation.
  • [4]
    Selon l’acception de Ferdinand Tőnnie, les tangueros forment une communauté qui se réfère à des liens objectifs et détient une forte dimension émotionnelle.
  • [5]
    Entretien avec Mariano Frúmboli dit Chicho (né en 1970).
  • [6]
    Évoquer l’impact des scènes tango européennes sur sa résurgence à Buenos Aires ne consiste pas à minimiser l’importance des acteurs locaux qui, sur place, ont contribué à cette résurgence, notamment dans le climat d’effervescence culturelle qui suit la fin de la dictature. En analysant ce renouveau à partir des acteurs de Buenos Aires, Hernán Morel [2012] relativise la thèse de l’impulsion venue de l’extérieur. Il fait toutefois l’impasse sur les conditions d’essaimage du tango en Europe, et sur l’installation de grandes figures à Paris (Pablo Verón et Chicho Frumboli notamment), dont les trajectoires montrent qu’ils ne se sont nullement coupés du foyer rioplatense (voir le film « La leçon de tango », Sally Potter, 1996).
  • [7]
    Parmi ceux qui, en France, ont eu une influence décisive sur la résurgence de la danse dans les années quatre-vingt-dix, citons le cas des danseuses : Maria Cieri, Graziella Gonzales, Isabelle de la Preugne, Lucia Mazer, Victoria Vieyra ; et de danseurs tels que Rodolfo Cieri, Chicho Frumboli, Gustavo Naveira, Alfredo Palacios, Jorge Rodriguez, Tete, Pablo Verón, … Le parcours de Federico Rodriguez Moreno, professeur d’éducation physique de formation, rend compte de la créativité déployée pour élaborer une transmission formelle [Apprill, 2012a].
  • [8]
    « Je crois que la danse est par définition hors lieu en ce sens que – en Occident en tout cas – nous sommes condamnés à nomadiser. Il n’y a jamais eu ici de lieu spécialement conçu, construit, bâti, pour la danse. » Susan Buirge [Berheim, 1998, p. 138].
  • [9]
    « Danses de participation » et « danses de représentation » sont des catégories qui ont été formalisées par Adrienne Kaeppler [1978]. Sans neutraliser totalement la dichotomie entre danses savantes et populaires, elles présentent l’intérêt de partir des propriétés formelles des contextes et des usages. Les danses de participation sont par exemple la plupart des danses sociales (valse, tango, cha cha, mazurka, bourrée, scottish, country, be-bop, swing…).
  • [10]
    « La Ley Nacional del Tango (N° 24.684), la cual […] declara como parte integrante del patrimonio cultural de la Nación la música típica denominada “Tango”, comprendiendo a todas sus manifestaciones artísticas, tales como su música, letra, danza, y representaciones plásticas alusivas (Ley 24.684/96 Art. 1). » [Morel, 2009, p. 159].
  • [11]
    En 2005, parmi les 815 000 touristes dont la motivation est le tango, 230 500 assistent au Campeonato Mundial de baile de tango et au Festival de tango. En 2006, parmi les dépenses liées au tango à Buenos Aires, 31 % provenaient des milongas, des cours et stages et des achats de chaussures et de vêtements [Marchini, 2007].
  • [12]
    « Comme il faut » est un tango écrit par Gabriel Clausi sur une musique d’Eduardo Arolas.
  • [13]
    En 2017, parmi les « 10 raisons pour visiter Buenos Aires », le site de la ville retient le tango. Quoique le titre s’ouvre sur deux musiciens qui ne sont presque jamais programmés dans les milongas, la danse est explicitement mentionnée : « Sensual y nostálgico, el tango es parte de la identidad porteña. Para los que se animen a bailarlo, la ciudad tiene milongas – lugares donde se baila tango – repartidas por los distintos barrios y también cuenta con numerosas tanguerías con orquestas y bailarines en vivo. Reconocida como la capital mundial del tango, Buenos Aires tuvo entre sus más renombrados intérpretes a los músicos Carlos Gardel y Astor Piazzolla. Dos domingos al mes se puede conocer más sobre este mundo en la visita guiada “Entre tangos y milongas”. » [Buenos Aires Ciudad, 2017].
  • [14]
    J’entends par sociabilité ce qui relève d’une culture de la danse, composée de savoir-faire techniques et de codes relationnels.
  • [15]
    « Dans ce qu’on appelle le Tango Queer, […] on ne veut pas forcément parler de couples homosexuels, mais plutôt de couples dans lesquels le rôle de chacun n’est pas figé. » [Salsa Tango, 2017]. Ce principe de réversibilité n’évacue pas totalement les présomptions d’orientation sexuelle [Liska, 2017].
  • [16]
    Une loi réglementant l’exercice de l’enseignement de la danse classique, jazz et contemporaine et instituant un diplôme de professeur de danse a été votée en 1989.
  • [17]
    À l’opposé de l’interprétation sexiste des moments de danses de couple, Véronique Nahoum-Grappe développe l’idée d’un partenariat nécessaire pour que soit réussie la séquence dansée. Danser implique de fait des formes de parité technique qui donnent aux femmes la possibilité « d’occuper un terrain spectaculaire, non pas en tant “qu’objet sexuel”, mais en tant que productrices d’une performance esthétique à égalité avec les hommes » [Nahoum-Grappe, 2000, p. 207].
  • [18]
    Le mastère international Choreomundus (Université Blaise Pascal) forme des étudiants à devenir des « gestionnaires du patrimoine » (héritage managers), dans le respect des critères de la convention de l’Unesco [2003]. La sauvegarde y est entendue « comme des mesures pour assurer la viabilité de la pratique, y compris l’identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la valorisation et la transmission, notamment par l’éducation formelle et non formelle, ainsi que la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine » [Wierre-Gore, 2015, p. 48].
Français

L’inscription du tango au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco en 2009 laisse entendre que danse et musique circulent de manière identique. Fondée sur une mobilité transcontinentale, la résurgence de la danse tango depuis les années 1990 atteste au contraire de modes spécifiques de diffusion qui ont déterminé une revalorisation de ce genre. Sur le terrain français, comment les interprétations institutionnelles du tango entrent-elles en tensions avec l’expérience sensible des pratiquants ? Quelles « traditions » sont en jeu à travers les processus de transmission et la segmentation stylistique qui caractérise ses circulations contemporaines ?

Mots-clés

  • circulation
  • tradition
  • style
  • hétérosexualité
  • professionnalisation

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  • Wierre-Gore G. [2015], « Choreomundus - mastère Erasmus Mundus “Savoir, pratique et patrimoine en danse”. Lieu de réflexion et de construction pour la sauvegarde et la transmission du patrimoine culturel immatériel », Les Cahiers du Centre français du patrimoine culturel immatériel, n° 2, p. 42-49.
Christophe Apprill [*]
  • [*]
    Sociologue de la culture, URMIS, centre Norbert Elias.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 13/09/2017
https://doi.org/10.3917/autr.078.0145
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