CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Chants funéraires des Mossi (Burkina Faso), Alice Degorce, Karthala, Classiques Africains, no 33, 2014, 318 p.

1Ce numéro 33 des « Classiques Africains » propose un recueil de chants funéraires mossi selon les exigences et les modalités habituelles de la collection qui imposent des éditions bilingues où sont mises en regard page par page, d’une part le texte dans la langue africaine, d’autre part sa traduction française.

2Conformément toujours à la tradition des « Classiques africains », ce corpus de chants est précédé d’une introduction substantielle de 33 pages, nourrie à la fois des observations personnelles de l’auteur et de la lecture des principaux travaux consacrés aux Mossi (Hilgers, Imbs, Izard, Kawada, Kohler, Luning, Schweeger-Hehel, Vinel, Yaméogo, etc.). Cette introduction générale présente tout d’abord l’organisation sociale, politique et le contexte plurireligieux complexe de la société mossi dans la région de Kindi, village situé à l’ouest de Ouagadougou où les chants présentés dans l’ouvrage ont été recueillis. Elle se focalise ensuite sur les rites funéraires ayant cours dans ce terroir spécifique depuis l’inhumation du défunt jusqu’aux veillées funéraires commémoratives ayant lieu plusieurs mois, voire plusieurs années après le décès. Sont expliquées les conditions auxquelles ces rites peuvent être accomplis : la mort doit être une « bonne mort », c’est-à-dire qu’elle doit n’être ni accidentelle ni violente et intervenir à un âge avancé des suites de causes naturelles (maladie, vieillesse) chez une personne mariée ayant une descendance. Puis sont décrites les modalités selon lesquelles ils se déroulent, avec quels acteurs, notamment dans leur rapport avec les sorties de masques de funérailles ou des masques de la famille du défunt, modalités qui diffèrent selon qu’il s’agit d’un homme ou d’une femme.

3Les funérailles mossi connaissent principalement deux phases : les funérailles dites de « souffrance » (kv-toogo) qui suivent immédiatement le décès et les funérailles dites de « réjouissances » (kv-landgo) qui donnent lieu à des veillées commémoratives intervenant beaucoup plus tard et qui sont nécessaires pour consacrer la levée de deuil de la famille (conjoints et descendants). Le nombre de ces veillées peut varier selon qu’il s’agit d’un homme ou d’une femme (en général trois pour le premier et quatre pour la seconde) et selon le statut du défunt. Ces veillées, dont certaines peuvent durer la nuit entière, sont le principal lieu d’énonciation des chants appartenant au genre consacré au rite, appelés en moré kvvryula (chants de funérailles). Ce sont des chants exécutés au cours de ce type de veillées commémoratives qui sont présentés dans le recueil.

4Le corpus se compose de deux larges extraits de veillées relevant de cette deuxième phase du deuil qui, pour des raisons techniques, n’ont pu être enregistrées dans leur intégralité. L’une a eu lieu à l’occasion des funérailles d’un homme, l’autre d’une femme.

5La première, celle de l’homme, un notable âgé du nom de Kouma, est la troisième et dernière veillée commémorative consacrant la « sortie du kvvre » (la sortie de deuil). Elle a été enregistrée dans la nuit du 22 au 23 février 2003. Elle se compose de trois grandes parties : tout d’abord des chants de femmes (1 à 7) qui sont les épouses des fils du défunt ainsi qu’il est d’usage ; puis une phase de transition où des voix masculines, notamment les neveux utérins, viennent seconder les belles-filles du mort, en entonnant quelques vers en alternance avec elles (chants 8 à 14). La séquence se termine avec le récital de Lenga, chanteur réputé dans le village et plus ou moins spécialiste du genre, dont la présence est particulièrement recherchée dans les veillées funéraires (chants 15 à 27).

6La séquence de la seconde veillée funéraire se rapporte à une femme du nom de Wampoko, décédée le 8 avril 2006 à l’âge approximatif de 85 ans, mère d’une importante descendance. Il s’agit également d’une figure connue et estimée qui servit à la cour du Lallé Naaba (chef du royaume de Lallé), d’où son surnom de Lalle. Les neuf chants du corpus, interprétés principalement par les femmes de ses fils, sont extraits de la première des quatre veillées commémoratives qui furent organisées en avril 2007, soit environ un an après le décès de Wampoko (9 chants).

7Les pièces de ce corpus font apparaître une thématique relativement variée et, si un certain nombre de chants traitent effectivement de la perte d’un être cher (veillée Kouma 5, 6, 9 ; veillée Wampoko 2), de la gloire du défunt et/ou de sa famille (veillée Kouma 2, 23 ; veillée Wampoko 1), de l’espoir de surmonter ce deuil (veillée Kouma 7, 22), bien d’autres abordent des thèmes divers dont certains, en particulier par leur ton humoristique ou satirique, sont parfois assez inattendus dans ce contexte : relations entre amants (veillée Kouma 19), relations familiales et/ou conjugales (veillée Kouma 10 ; veillée Wampoko 7 et 8), histoire du quartier (veillée Kouma 11), nécessité de la solidarité (veillée Wampoko 3 et 4), importance du rôle des femmes dans la société (veillée Wampoko 6)… Les chants des deux veillées sont titrés par l’auteur (à l’oral, il n’y a pas de titre), par reproduction de l’ouverture du chant ou d’un refrain significatif de son contenu, cela à des fins essentiellement pratiques et pédagogiques.

8Outre l’intérêt de ce corpus original d’un genre mal connu, qui présente ici l’avantage considérable d’avoir été recueilli dans des conditions naturelles, c’est-à-dire à l’occasion de vraies cérémonies funéraires et dans l’ordre de l’exécution des chants, ce qui est un gage d’authenticité, le trait le plus remarquable de cet ouvrage est la richesse et la qualité de son appareil critique.

9Chacune des deux veillées qui composent le corpus fait l’objet d’une présentation liminaire qui en précise le contexte, les modalités, les acteurs. En outre, chaque chant (ou parfois, groupe de chants) est accompagné d’un commentaire général qui le précède ou qui le suit pour en analyser la fonction dans ce contexte particulier et en préciser les enjeux souvent sibyllins pour qui n’est pas au fait des contingences de la performance. Lorsqu’elles ont trait à l’interprétation du sens des chants, les sources des informations données, le plus souvent obtenues auprès d’informateurs du cru, sont toujours indiquées avec la plus grande précision. Dans ce volume, ces contingences contextuelles, non seulement celles qui relèvent d’enjeux sociaux, mais aussi celles qui ont trait à l’oralité première des textes, font l’objet de la plus grande attention et toutes les informations à ce propos sont fournies avec un scrupule extrême : accompagnement musical, mélodie, danse, modalité d’énonciation (nature des interprètes, alternance de couplets et de refrains, énonciation individuelle/énonciation collective…). Un intérêt est de surcroît porté à la variabilité et à la relation entre répertoire et création individuelle des interprètes : il est précisé en effet que, plus la veillée avance, plus ces interprètes tendent à greffer des énoncés de leur cru sur le canevas des chants patrimoniaux, ce qui fait bien comprendre que nous sommes en présence d’un processus dynamique.

10Est aussi indiquée la politique suivie pour transposer le mieux possible ces événements énonciatifs à l’écrit dans le cadre d’un livre. Alice Degorce explique très pédagogiquement ses partis pris de mise en page et de présentation des textes : elle a choisi pour ses chants une présentation en « vers » qui ne sont bien entendu pas les séquences isométriques d’une certaine poésie occidentale, mais qui sont des unités de respiration, parfois différentes de celles relevant de la prosodie naturelle de la langue, dans la mesure où elles sont contraintes par une mélodie. De même, elle marque l’alternance des couplets et des refrains repris en chœur en mettant ces derniers en italiques. Elle indique aussi les pauses et, lorsque certains vers ont été inaudibles, à cause du brouhaha de la séance, elle le signale par une parenthèse spécifiant « vers inaudible(s) », afin de respecter au maximum la personnalité originelle de ces chants.

11En outre, de très nombreuses notes infrapaginales fournissent les informations ponctuelles dont le lecteur a besoin à propos d’une séquence particulière. Ces informations, d’ordre documentaire aussi bien que linguistique, permettent de mieux comprendre certaines traductions, d’orienter la lecture et de l’enrichir. Il convient de signaler enfin la très complète bibliographie sur les Mossi qui clôt le volume et qui a irrigué tout au long le développement de l’ouvrage.

12Certes, cette présence d’un appareil critique substantiel est une marque de la collection « Classiques africains » et Alice Degorce a suivi en cela la matrice archétypale qui s’est dessinée au fil des numéros. Il n’empêche que celui-ci est une réussite particulièrement probante en la matière et peut apparaître comme le modèle de ce qui est à faire quand on veut éditer un corpus de littérature orale dans une perspective ethnolinguistique. Grâce à cette haute tenue scientifique, au-delà de son intérêt monographique, son corpus possède toutes les qualités pour être disponible à l’investigation de chercheurs qui pourront s’en servir comme illustration en vue d’étudier tel ou tel aspect du fonctionnement de l’oralité.

13Jean Derive, Université de Savoie/LLACAN

Demography of Indonesia’s ethnicity, Aris Ananta, Evi Nurvidya Arifin,M. Sairi Hasbullah, Nur Budi Handayani, Agus Pramono, Singapore, Institute of Southeast Asian Studies, 2015, 404 p.

14Ce volume récemment publié par Aris Ananta et ses collègues risque fort de devenir la bible des études ethniques en Indonésie pour les années à venir. L’étude est aussi un témoignage de la forte transparence statistique de l’Indonésie. Afin d’apprécier la richesse de ce livre, il ne serait pas inutile de commencer par mettre l’Indonésie en perspective en comparant la manière dont elle rassemble et fait usage des données socioculturelles à celles de ses deux voisins les plus peuplés, à savoir la Chine et l’Inde. Les recensements sont en effet une occasion formidable, sinon unique, de recueillir des informations à caractère anthropologique, mais le problème de l’accès aux données reste considérable pour les chercheurs. La Chine, l’Inde et l’Indonésie, qui ont mené des recensements en 2010 (2011 pour l’Inde), présentent sous ce regard des situations fort différentes quand il s’agit de collecter et de partager des données ethniques.

15En Chine, les données recueillies sont limitées par la nomenclature officielle et l’ethnicité doit relever des 56 groupes ethniques reconnus depuis 1979. Les Han constituent un groupe unique, représentant 92 % de la population totale. En l’absence de toute donnée linguistique, nous n’avons toutefois aucune idée de la part des locuteurs des différentes variantes du chinois, par exemple celle des populations parlant la langue min ou le cantonais. Les données religieuses manquent également et on en est réduit à utiliser des données ethniques pour estimer par exemple la part de musulmans dans le pays (aucune estimation ne peut être faite pour les chrétiens). En Inde, les données linguistiques sont au contraire généreusement recueillies, mais les problèmes de tabulation de ces informations sont tels qu’elles ne sont en général publiées que quand le recensement suivant est en cours… En raison des controverses politiques, les données sur la religion sont publiées en Inde avec beaucoup de prudence (celles de 2011 viennent de paraître), et on dit en effet que le précédent directeur du recensement indien a perdu son poste après l’apparition pendant quelques jours sur le site des services censitaires de calculs légèrement erronés sur les musulmans en 2001. Quant à la classification ethnique, elle se réduit en Inde aux décomptes des hors-caste (Dalit) et des populations tribales. Le dernier recensement de caste a eu lieu en 1931, durant la période coloniale, et la tentative récente d’en réaliser un nouveau ne conduira sans doute qu’à des publications au compte-goutte pour éviter les émeutes.

16En comparaison, l’Indonésie émerge comme une authentique démocratie statistique. Notons en premier lieu que le questionnaire censitaire de 2010 couvre l’ethnicité, les langues, la religion et la citoyenneté. Tous ces thèmes font l’objet de questions ouvertes auxquelles les enquêtés peuvent répondre librement, à l’exception de la religion, qui tombe obligatoirement dans les six religions officielles depuis 1965 (l’islam, le protestantisme, le catholicisme, l’hindouisme, le bouddhisme et le confucianisme). Le recensement accepte toutefois les « autres religions », catégorie marginale qui ne concernait que 0,1 % de la population en 2010. Mais la plus grande richesse de ce recensement réside ailleurs. Elle tient au fait que le bureau de la statistique (Badan Pusat Statistik) a rapidement mis à disposition un énorme échantillon censitaire après la publication des premiers rapports officiels. De ce fait, n’importe qui peut accéder aux données brutes de 10 % du recensement, soit la bagatelle de 23 millions d’observations individuelles relatives à 6 millions de ménages enquêtés. À l’opposé, l’Inde, qui conduit pourtant des recensements depuis 1870, n’a jamais mis à disposition d’échantillon censitaire. Quant à la Chine, elle a fourni un échantillon à 1 % en 1990 et plus rien depuis. C’est à cause de cette transparence statistique que l’étude d’Aris Ananta et de ses collègues s’avère nécessaire et indispensable.

17Leur travail repose en effet sur cet accès aux données brutes. Ils ont pu traiter les données de l’ensemble de l’Indonésie et la taille de l’échantillon garantit que l’on peut analyser toutes les provinces, y compris la moins peuplée d’entre elles (Bharat Papua), qui compte plus de 75 000 enregistrements dans la base de données. Dans la plupart des autres provinces, il est même possible de faire des tris par « régences » (Kabupaten), le niveau inférieur dans la grille administrative. De ce fait, les auteurs ont produit un grand nombre de tableaux et de cartes que vous ne verrez nulle part dans les publications du recensement indonésien. Leur analyse de la diversité ethnique en Indonésie est unique du fait de leur usage de l’échantillon primaire.

18Leur étude s’avère en outre indispensable pour toute personne travaillant sur l’ethnicité, car ils ont au préalable procédé à un indispensable « remembrement ethnique ». Chacun pouvant décliner son appartenance ethnique (suku bangsa) comme bon lui semblait, le recensement indonésien a dénombré pas moins de 1 331 catégories après un premier effort de regroupement. Inutile de souligner que face à une telle jungle, une telle variable n’est guère utilisable. En outre, si l’on met de côté la multitude de microgroupes présents dans le pays, on note aussi que certains grands groupes bien définis se voient découpés selon des sous-catégories régionales. C’est le cas des Bataks, des Dayaks ou des Malais. Les Achinais sont ainsi artificiellement partagés en plusieurs groupes, et cela est encore vrai des populations des îles orientales. La reclassification menée par l’équipe d’Ananta est la condition indispensable pour une analyse détaillée et elle est présentée en détail dans une annexe afin que chacun puisse apprécier les regroupements opérés. J’avouerai humblement pour ma part que je n’aurais pu réaliser un récent travail sur les systèmes de parenté en Indonésie sans la grille de reclassification ethnique préparée par les auteurs [1].

19La reclassification ethnique se concentre sur les quinze plus grands groupes ethniques, soit 85 %de la population, mais les groupes numériquement plus petits sont également abordés dans l’ouvrage. Les Javanais comptent pour 40 % du total et les Sundanais pour les 16 % suivants. Les autres groupes représentent des ensembles plus petits et peu d’entre dépassent 3 % de la population à l’exception des Bataks, des Madurais et des Malais. On note avec intérêt que même si 92 % de l’ensemble de la population déclarent connaître l’Indonésien et 20 % le parlent à la maison, aucune ethnicité « indonésienne » n’a jamais encore émergé dans le pays.

20Munis de cette classification ethnique robuste, les auteurs proposent ensuite une analyse systématique de l’ethnicité en Indonésie, débutant par les provinces les plus homogènes de ce point de vue comme Java Central (avec 98 % de Javanais) ou Sumatra Occidental (avec 87 % de Minangkabau). Inversement, des provinces de peuplement très disparate émergent, en Papouasie ou dans les Moluques, dont le principal groupe ethnique représente parfois moins de 15 % de la population provinciale. Les auteurs examinent également la répartition spatiale des différents groupes, en particulier celles des Javanais et des Sundanais, mais aussi celles des Butongs, des Malais et des Chinois, qui font partie des communautés les plus dispersées à travers l’archipel. L’étude de leurs caractéristiques à la lumière des informations censitaires met en évidence les profils démographiques très distincts des groupes ethniques indonésiens. On peut ainsi opposer les populations les plus avancées en termes de transition démographique, notamment à Java ou à Bali, à celles installées à Sumatra ou dans les îles de l’est, dont les niveaux de fécondité et la croissance démographique globale sont les plus élevés. Mouvements migratoires et déséquilibres de sexe constituent deux autres marqueurs démographiques très contrastés entre communautés indonésiennes.

21Un chapitre complémentaire offre une approche plus diachronique en comparant les résultats récents avec ceux des enquêtes censitaires précédentes, notamment le recensement de 2000, mais aussi les chiffres du premier dénombrement de 1930. Même si la comparaison historique n’est pas possible pour tous les groupes ethniques en raison des définitions fluctuantes de leurs contours, la structure ethnique est restée relativement stable, à l’exception peut-être de la diminution progressive de la population malaise. Le cas des Chinois est intéressant puisqu’ils ont l’un des taux de fécondité les plus bas du pays. Ils étaient visiblement sous-estimés en 2000 (0,9 % de la population totale), ce qui s’explique aisément en raison des émeutes anti-chinoises qui ont accompagné le retour à la démocratie à la fin des années 1990. Leur proportion a aujourd’hui augmenté (1,2 %) et ils représentent 2,8 millions d’habitants. Il reste néanmoins probable que ce chiffre minore l’effectif réel de la population d’origine chinoise vivant en Indonésie.

22Un chapitre séparé aborde les décomptes linguistiques et religieux et une nouvelle fois, une reclassification s’impose pour remettre en ordre les données linguistiques. On relève que c’est la population chrétienne qui progresse le plus rapidement en Indonésie, voyant sa part passer de 7,4 % en 1970 à 8,9 % en 2000 et 9,9 % en 2010. Cette tendance découle avant tout du fort niveau de fécondité de ces populations habitant en majorité dans les parties les moins développées de l’archipel. Un des grands intérêts de ce chapitre réside dans l’analyse croisée de ces différentes données ethniques, linguistiques et religieuses, rendue possible par l’usage des microdonnées de l’échantillon censitaire. On note ainsi que de nombreux groupes ethniques sont directement associés à des groupes linguistiques et c’est notamment le cas des Sundanais, des Achinais, des Madurais, des Balinais, des Banjarais ou encore des Sasaks. Inversement, la correspondance est moins forte parmi d’autres populations : plus de la moitié des Chinois, des Bataks ou des Betawis parle ainsi l’indonésien plutôt que leur langue d’origine. De la même façon, on note qu’une majorité de Bantanais parle en fait sundanais. Quant au malais, il demeure la lingua franca pour de nombreux Indonésiens, bien au-delà de la part des populations se revendiquant de groupes ethniques malais.

23Avant d’achever cette recension, on souhaiterait offrir quelques suggestions aux auteurs. On aurait notamment aimé que l’ouvrage soit enrichi d’un plus grand nombre de cartes pour mettre en évidence les distributions ethniques, linguistiques ou religieuses, car les tableaux dissimulent souvent des concentrations géographiques. D’ailleurs, l’analyse à une échelle plus fine à l’intérieur des provinces pourra faire l’objet d’études complémentaires de la mosaïque socioculturelle indonésienne, fondées une fois encore sur les reclassifications proposées par les auteurs [2]. Une autre observation concerne l’absence d’une conclusion qui résume le point de vue des auteurs sur la structuration ethnique de l’Indonésie et fournisse des pistes sur son rôle dans l’évolution future de sa population. Il ne fait aucun doute que les variations ethniques en termes d’éducation, d’urbanisation, de migration et d’emploi vont fortement déterminer les dynamiques démographiques futures, notamment en matière de baisse de fécondité et de mobilité spatiale. Inversement, beaucoup de traits culturels, souvent résumés par la notion de coutumes locales (adat), restent très mal saisis par les variables du recensement. On aurait certes souhaité que les auteurs ajoutent quelques centaines de pages à leur étude, mais soyons certains que leur travail va devenir la référence incontournable sur l’ethnicité en Indonésie pour tous ceux qui veulent comprendre la formidable diversité de l’archipel.

24Christophe Z Guilmoto, IRD/CEPED, Paris

Notes

  • [1]
    Voir Guilmoto C.Z. [2015], « Mapping the diversity of gender preferences and sex imbalances in Indonesia in 2010 », Population studies, vol. 69, no 3, p. 299-315.
  • [2]
    Les auteurs ont d’ailleurs déjà commencé à publier de nouveaux résultats à partir de leur base de données : voir par exemple Arifin E. N., Ananta A., Wilujeng Wahyu Utami D.R., Budi Handayani N., Pramono, A. [2015], « Quantifying Indonesia’s ethnic diversity : statistics at national, provincial, and district levels », Asian population studies, vol. 11, no 3, p. 1-24.
Mis en ligne sur Cairn.info le 29/07/2016
https://doi.org/10.3917/autr.073.0198
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