CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1En 1991, après vingt années de guerre civile (dont quatre années de désastre Khmer rouge) et suite à l’effondrement du Bloc soviétique, la signature des Accords de Paris marque le début d’une période de reconstruction pour la société cambodgienne. Les Nations unies organisent les élections de 1993 et ouvrent la voie à de nombreuses organisations non gouvernementales, qui mettent en œuvre des projets de développement au nom des droits de l’homme et de la démocratie. Les frontières s’ouvrent à l’économie de marché ; l’essor du secteur industriel et la montée de la « pression foncière » [Pillot, 2008] conditionnent une intensification des relations entre villes et campagnes, avec l’émergence d’une classe moyenne urbanisée ; la télévision, internet et les téléphones portables connectent les riziculteurs cambodgiens au monde globalisé. Au début des années 2000, si la population du Cambodge reste majoritairement paysanne, elle ne constitue plus la société de hameaux inscrits dans des réseaux de monastères qu’elle a longtemps été [Ovesen, Trankell, Öjendal, 1996].

2Thnaot Chum [1] est un village de riziculteurs situé dans l’est du pays, dans la province de Kompong Cham habité par près de cent trente foyers. J’y ai mené un travail d’enquête sur une durée totale de vingt et un mois pendant près de quatre années passées au Cambodge (de 2007 à 2014) [2]. Outre mon intérêt pour la vie ordinaire des habitants de Thnaot Chum, je côtoie régulièrement trois groupes familiaux du village, passe de nombreuses journées à l’école primaire du village voisin de Banteay Chmar (qui accueille les enfants de Thnaot Chum) et prends part à la vie sociale des enfants, notamment lorsqu’elle se déploie en marge de la « verticalité éducative ». Dans ces trois types de situations, mon intérêt ethnographique se resserre autour des questions d’enfance et d’éducation. Depuis les années 2005 à Thnaot Chum, le programme Child friendly school (sālā kumār metrī), la Convention internationale des droits de l’enfant (siddhi kumār) et l’approche pédagogique dite centrée sur l’élève atteignent les foyers et les salles de classe de l’école primaire. Cet article traite de la façon dont ces politiques de développement, promues par le ministère de l’Éducation, l’ONU et certaines ONG en charge de l’éducation des enfants en âge d’être scolarisés à l’école primaire, se réalisent à l’échelle locale. Après une définition du projet scolaire contemporain et de ces nouvelles politiques éducatives, je formulerai un problème relatif à l’éducation à Thnaot Chum, pour ensuite étudier les modalités de réception et de réalisation de ces nouvelles politiques à l’école primaire et dans la famille, puis les modalités de détournement et de résistance qui participent de la gouvernementalité éducative s’exerçant aujourd’hui sur les enfants du village.

Un projet institutionnel éducatif aux nouvelles valeurs égalitaires

3Le projet scolaire contemporain du Cambodge s’inscrit dans la filiation historique d’un projet colonial de l’éducation (1863-1953), puis d’un projet nationaliste de l’éducation (1953-1970), et enfin d’un projet « communiste » de l’éducation (vingt années de guerre de 1970 à 1991, voire plus pour les régions de l’ouest) [3]. Durant les années 1990, l’Unicef et l’Unesco travaillent avec le gouvernement pour reconstruire un programme éducatif destiné aux enfants, en étroite collaboration avec des ONG telles que Save the children Norway (SCN), Kampuchean action for primary education (KAPE, créée par un ancien responsable de SCN) et World education [4]. Les fonds les plus importants, en ce qui concerne la scolarisation dans le primaire, proviennent de l’Unicef, de la Commission européenne, des agences de développement des États-Unis, de la Suède et de la Norvège (USaid, Sida, Norad), de la Banque mondiale et de la Banque asiatique de développement. En 1996, une grande réforme touche le secteur de l’éducation [Va, 2006]. Outre de nouvelles décisions logistiques et budgétaires, il s’agit d’intégrer le programme international d’Éducation pour tous (EPT) lancé lors de la conférence de Jomtien en 1990, puis actualisé à l’occasion de la conférence de Dakar dix ans plus tard. Ce programme, intimement lié à la Convention internationale des droits de l’enfant, vise une scolarisation de tous les enfants de la planète d’ici 2015 pour les neuf premiers niveaux (primaire et collège).

4En 2001, le projet d’EPT est appuyé par le programme Child friendly schools (CFS), initiative de l’Unicef visant à favoriser l’élan de scolarisation, l’efficacité des enseignements dispensés en primaire et l’épanouissement des enfants à l’école. Pour que l’école primaire devienne un lieu attrayant, de plus en plus de cours de récréation sont équipées de bacs à sable, de toboggans, de balançoires et les salles de classe sont décorées d’affiches, guirlandes et dessins au ton à la fois sympathique et pédagogique. Le programme cherche à sensibiliser les enfants aux questions d’hygiène et de santé, à réduire les inégalités de genre et à promouvoir une pédagogie centrée sur l’enfant, tout en favorisant la formation de groupes de décision et d’associations d’élèves [MOEYS, 2006, 2007a]. Dans le cadre de la politique de décentralisation, le CFS revendique l’implication des communautés [5] dans la vie scolaire, autrement dit le déploiement d’une gouvernance qui mobiliserait mieux les acteurs locaux dans le fonctionnement d’une école primaire qui ne serait plus seulement celle de l’État, mais aussi la leur. En 2007, le ministère de l’Éducation adopte officiellement CFS comme modèle national pour l’éducation scolaire dans le primaire et déclare que les enfants sont « tous différents », que « personne n’est le même qu’un autre » [MOEYS, 2007b, p. 2-3].

5La pédagogie centrée sur l’élève (sis majjhamaṇḍal) [6] s’inscrit dans le cadre du programme CFS. Les professeurs n’ont plus le droit d’utiliser la baguette punitive, répandue au Cambodge et dont la plupart des enfants de Thnaot Chum ont fait la désagréable expérience. En outre, les professeurs doivent à présent écouter les opinions de leurs élèves, et ceux-ci doivent en débattre entre eux [MOEYS, 2007c, p. 1]. Cette approche valorise la créativité enfantine, la coopération dans l’activité d’étude, le développement de la pensée critique, de l’innovation, de la diversité des opinions et la capacité à résoudre des problèmes. Le corps professoral doit désormais inciter les enfants à participer activement aux cours et aux exercices, notamment par des ateliers de groupes durant lesquels les enfants sont censés se consulter les uns les autres (child to child education) sous le regard distant et périphérique d’un professeur bienveillant. Ils doivent coopérer (sahakār ruom gnā), apprendre ensemble (rīen sahakār gnā). Autrement dit, une place doit être laissée à la sociabilité horizontale. On retrouve là certaines idées de la pédagogie active, une remise en cause de la pédagogie classique qui, selon P. Freire [1980] exclut les enfants de la praxis. Une confiance pédagogique est ainsi donnée aux enfants. Le professeur n’éduque plus seulement l’enfant : le professeur et l’enfant coopèrent.

6Ainsi, le programme CFS traduit certaines valeurs éducatives, plutôt occidentales, que l’on peut qualifier de libérales et démocratiques [7], qui atteignent depuis 2007 les écoles primaires et les foyers du monde rural. CFS circule par l’intermédiaire des Centres de l’éducation des provinces et des districts, pour enfin atteindre les cluster schools, regroupements d’écoles qui, depuis la réforme de 1996 organisent les écoles de la commune autour de l’une d’elles, directement liée au Centre de l’éducation du District (souvent l’école la plus proche d’un axe principal de circulation). CFS se déploie aussi à travers la diffusion de manuels distribués aux professeurs, dans les centres de formation ou lors de réunions organisées à leur attention. Les professeurs sont régulièrement sensibilisés aux droits de l’enfant et à la pédagogie centrée sur l’enfant ; ils repartent équipés de fascicules, d’affiches et de manuels. Le jeudi est un jour où les écoles peuvent fermer, et les professeurs sont invités à se réunir pour discuter de leur travail et coopérer afin d’améliorer leurs pratiques pédagogiques. Les Droits de l’enfant sont également diffusés au village, par l’intermédiaire de la télévision et de la radio, notamment le jour de la fête nationale des droits de l’enfant célébrée à la capitale. Le chef et le sous-chef de Thnaot Chum ont déjà été convoqués à des réunions communales à ce sujet, puis chargés de redistribuer ces informations aux villageois : « On nous apprend la manière internationale, les organisations internationales nous demandent de reprendre leur modèle », explique le sous-chef du village.

7Avant d’engager une analyse des modalités de réalisation de CFS à l’échelle locale, je souhaite rendre compte, sous la forme d’un problème, des conceptions éducatives « vernaculaires » relatives aux enfants en âge d’étudier à l’école primaire partagées par les habitants de Thnaot Chum et affirmant un principe éducatif hiérarchique comme nécessaire à l’accomplissement de l’enfant.

Le problème de l’« enfant-vagabond » à Thnaot Chum

8En khmer, enfant se dit kūn kmeṅ. Dans l’usage à Thnaot Chum, le terme kūn est employé seul dans les situations où l’énonciateur cherche à signifier l’attachement filial de l’enfant (mon enfant, son enfant, etc.) D’un point de vue pragmatique, kūn peut être plus exactement traduit par « enfant de ». Il n’est donc pas étonnant que le terme serve aussi à désigner la progéniture, les petits-enfants (kūn cau), le gendre ou la belle-fille (kūn prasār), l’aîné de la fratrie (kūn cpaṅ) ou le benjamin (kūn bau). Le terme kmeṅ, en revanche, désigne plutôt « cet enfant », et plus largement la personne jeune [8]. Mais si kmeṅ n’implique pas de lien filial, son étymologie nous apprend qu’il a été formé à partir du khmer ancien kanmeṅ qui signifiait « qui est jeune, moins âgé que, inférieur ; qui sert les autres » [Lewitz-Pou, 1992, p. 76]. Ainsi, le terme enfant, en khmer, exprimerait d’un point de vue sémantique une certaine verticalité de la relation, un lien filial et hiérarchique. Par ailleurs, la fin de l’enfance correspond à l’entrée dans l’âge de la jeunesse nubile, appelé « l’âge plein » (beñ văy ; grap’ āyū). Vers l’âge de seize ans, les enfants, quittent une certaine incomplétude ou immaturité (kmeṇ kcī, kmeṅ lhak’, kmeṅ sdoer) et deviennent des « jeunes hommes nubiles » (kmeṇ kaṃloḥ) et des « jeunes femmes nubiles » (kmeṅ kramuṃ) [9]. C’est à l’âge plein qu’ils commencent à accomplir suffisamment de bienfaits (guṇ) pour pouvoir témoigner de leur dette à l’égard de leurs parents (saṅ guṇ) [10]. Et c’est parce que les enfants n’ont pas encore atteint l’âge plein, et donc accompli suffisamment de bienfaits, qu’en cas de décès ils ne peuvent prétendre à l’incinération (pūjā). Ces premières considérations vernaculaires laissent entendre que l’âge de l’enfance, à Thnaot Chum, est marqué du signe de la dépendance, de la dette et de l’infériorité. Les enfants du village sont des cadets en puissance et l’on attend d’eux qu’ils s’inclinent, se courbent lorsqu’ils passent devant certains aînés, tels que les personnes âgées ou les professeurs [11].

9Lorsqu’ils vagabondent (ṭoer leṅ), les enfants du village échappent dans une certaine mesure à cette verticalité relationnelle. Ils ne sont plus sur le territoire familial, ils ne contribuent plus à l’économie familiale, ils ne sont plus à l’école ; ils prennent part à une forme de vie sociale qui se situe en dehors de ces trois cadres institués. L’expression ṭoer leṅ signifie de façon générale « marcher pour le plaisir, sans aucun but ni raison précise » et renvoie ici au mode de vie des enfants de nombreuses sociétés rurales, qu’illustre notamment le roman français La guerre des boutons de L. Pergaud. Or, du point de vue des parents de Thnaot Chum, ce type de sociabilité enfantine fait courir un risque, comme en témoignent différentes expressions idiomatiques : cette sociabilité favorise une « association [entre enfants] » (seb gap’) qui peut créer une « [mauvaise] habitude » (dhāp’), amener l’enfant à « perdre la tête ; divaguer » (vak’ ; tap̎aeḷae), à « avoir un sommeil agité » (mamoe mamāy), à « oublier sa maison » (bhlec phdaḥ), à « se détacher du territoire familial » (gmān golṭau), à devenir « brutal et débauché » (bal ; bālo), à devenir un véritable « vagabond » (ṭoer leṅ po̎ḷae ; ṭoer leṅ āv̎sae). Le terme āv̎āsae, du sanskrit āv̎āsa « indépendant, libre », désigne l’individu sans attaches, sans refuge, vagabond, et a une connotation très péjorative [Lewitz-Pou, 1974, p. 159]. Le terme qualifie souvent les enfants qui sont en rupture du lien filial et s’organisent en bandes dans les rues de la capitale. On complétera enfin ce champ lexical du vagabondage par le terme plus formel et judiciaire anāthā, qui peut être traduit par « vagabond sans appui, hors-la-loi ». Lorsque les enfants vagabondent, ils sont perçus comme improductifs. On retrouve cette idée dans le travail de J. Rabain [1979], mené dans une société africaine où les enfants peu impliqués dans l’économie familiale sont appelés « casseurs de maison » [1979, p. 234]. Pour les parents du village de Thnaot Chum, la capacité de l’enfant à accomplir des actes productifs est non seulement importante d’un point de vue économique à court terme, mais elle est aussi une condition de sa future valeur de prétendant matrimonial : elle forge sa réputation. Une jeune personne nubile qui passe son temps à vagabonder met à mal sa réputation et celle de sa famille [12], et ne se place pas dans de bonnes conditions concernant son futur mariage. Cela concerne d’autant plus les jeunes femmes dont il reste à évaluer le « prix » [13].

10Cette vie sociale de vagabondage se déroule donc en dehors du territoire familial, échappant aux responsabilités économique et scolaire, et il reste de bon ton, par prudence éducative, de prêter une valeur négative à ce temps social. Les situations de répression parentale s’expriment souvent en termes de rappel à la verticalité filiale et hiérarchique. Lorsque les enfants vagabondent, ils occupent une marge morale incertaine, et sont quasiment hors-la-loi-parentale. Pourtant, il faut bien que l’enfant, à mesure qu’il s’émancipe du « giron maternel », se tourne vers ses compagnons d’âge et partage avec eux une certaine vie sociale. Le problème de l’enfant-vagabond, révélateur du système éducatif des paysans cambodgiens, exprime donc une tension à partir de laquelle émerge une injonction paradoxale, car l’enfant reçoit le message : « tu peux vagabonder tout en sachant que je ne l’approuve pas ». Les enfants de Thnaot Chum se trouveraient ainsi pris dans ce paradoxe éducatif, un double bind que l’on pourrait formuler de la manière suivante : « il faut bien que tu te sociabilises avec tes pairs pour t’accomplir (éloigne-toi de nous) ; [mais au-delà d’une certaine limite] ce type de sociabilité porte atteinte à ton accomplissement (ne t’éloigne pas de nous) ».

11Ce problème traduit un certain « sentiment de l’enfance », pour reprendre un concept de P. Ariès [14], dont on conviendra qu’il relève probablement moins d’une spécificité culturelle khmère que d’une « écologie de l’esprit » propre à de nombreuses sociétés paysannes. On peut aussi formuler l’hypothèse qu’il s’agit là d’un problème caractéristique de certains systèmes éducatifs « non modernes » [Latour, 1991], problème auquel les sociétés de la modernité auraient répondu en enfermant les enfants-vagabonds. Allusion faite à l’école bien sûr, mais aussi aux crèches, parcs, clubs, colonies de vacances, autant d’institutions qui surveillent l’horizontalité de l’âge enfantin. Quant à ceux qui échappent à cet enfermement, c’est la marginalisation qui les attend le plus souvent, avec toutes les complexités politiques et morales que cristallise une telle marginalisation. On peut se demander ce que « donnerait » une société dans laquelle les parents ne verraient pas d’un mauvais œil ces activités de vagabondage… Comment considérer la possibilité de « libérer » les enfants-vagabonds, autrement dit la possibilité de les sortir de ce paradoxe ? Dans cette logique, le problème de l’enfant-vagabond offre un cadre stimulant pour conjuguer le constructionnisme des Childhood studies[15] aux théories de la maturation affective (notamment psychanalytiques), théories qui rappellent la nécessité, dans l’accompagnement d’un enfant, de ne pas dissoudre l’ordre générationnel et de ne pas négliger les limites que cet ordre « doit » imposer au désir de toute-puissance de l’enfant [16].

12Mais revenons au village de Thnaot Chum, et considérons que ce problème vernaculaire se trouve aujourd’hui pris dans un nouveau jeu politique globalisé. Les politiques éducatives de développement international, avec le programme CFS, la Convention internationale des droits de l’enfant et sa pédagogie centrée sur l’enfant, viennent complexifier ce problème, dans la mesure où elles remettent en cause le principe éducatif hiérarchique et promeuvent un renforcement du « sentiment d’horizontalité » entre enfants. Comment les parents de Thnaot Chum, qui partagent une économie morale de contrôle des enfants-vagabonds, réagissent-ils aux valeurs libérales et démocratiques promues par les politiques éducatives de développement ?

Le programme Child friendly schools à l’intention des enfants de Thnaot Chum

Scènes de vie quotidienne à l’école primaire

13Comme c’est souvent le cas au Cambodge, l’école primaire de Banteay Chmar, fréquentée par les enfants de Thnaot Chum, a été construite à côté de la pagode [17]. Le terme grū, dérivé du sanskrit guru, désigne le maître de savoir et, dans le cadre scolaire, le maître, le professeur. À Thnaot Chum, le statut de professeur est celui d’un supérieur hiérarchique que les élèves doivent prendre pour modèle (gaṃrū) et à qui ils doivent vouer respect et soumission. Tous les matins, au centre de la cour et avant d’entrer en classe, les élèves forment des rangs, différenciés selon les grades et les sexes pour rendre hommage au drapeau national qu’un élève de 6e année [18] se charge de hisser, tandis que ses camarades, vêtus de l’uniforme scolaire, chantent l’hymne national. Puis les élèves vont se placer devant leurs salles de classe respectives pour y former des rangs, là encore différenciés selon les sexes. Commence alors la performance disciplinaire de l’entrée en classe, qui se déroule à chaque début de journée et à chaque fin de récréation sous la direction du président de classe (pradhān thnāk’). Ce dernier est le plus souvent un garçon ; il n’est pas élu, mais nommé par le professeur. Il est le plus fort, le plus grand et le plus costaud, il sait lire et écrire. Selon une fille de 10 ans :

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« Il sait, les autres font les élèves ; il est bon, quand il étudiera à l’université, il ira étudier loin, et quand il reviendra, il saura parler une langue occidentale. […] Le président de classe contrôle. Si on jette des papiers par terre, il nous demande de les ramasser, de les mettre dans la poubelle […]. Si on jette les papiers par terre, le professeur lui ordonne de nous donner un coup de badine. »

15Les élèves doivent ensuite s’assurer que leur rang est le plus aligné possible : « Le rang qui n’est pas bien droit, qui présente une courbe, entre en dernier. Il faut que le rang soit droit pour que l’on puisse entrer » explique un élève. Commence alors une chorégraphie aux allures martiales, tandis que le président ordonne : « Formez les rangs ! ». Chacun pose alors sa main sur l’épaule du camarade de devant, et le premier de chaque rang lève l’index à l’attention du président. Ensuite, leur chef leur intime de « se tenir droits en laissant tomber les bras le long du corps », puis d’« avancer un pied en joignant les mains derrière le dos », et enfin de « prêter attention en se tenant droit et les pieds joints ». Le président désigne alors le rang qu’il estime le plus discipliné, le laisse entrer le premier, et ainsi de suite jusqu’à l’entrée du dernier rang. Les élèves se plient à ce rite disciplinaire dans une ambiance mêlant sérieux et plaisanteries, un rite qui apparaît le plus souvent comme une compétition entre garçons et filles. Chargé du maintien de la discipline et du comptage des absents, le président de classe est un crieur qui donne des ordres. Également appelé garde, agent, il est chargé de faire des comptes rendus au professeur, il est « le nez et les yeux du professeur ». Cette pratique, très répandue dans les écoles primaires du Cambodge, résiste à une certaine conception démocratique de l’enseignement.

16Venons-en maintenant à une séquence significative, qui fait suite à une entrée en classe observée et filmée un matin de février 2014. Cette séquence se déroule dans la salle de classe, tandis que l’institutrice n’est pas encore arrivée. Un conflit survient entre le président de classe (A) et l’une de ses camarades (B), le premier reprochant à la seconde d’avoir manqué au rite de l’entrée en classe.

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– Toi le chef, tu es débile ! dit B.
– Comment ça débile ? Alors que t’entres pas dans les rangs ? Tu me fais crier !
– J’ai attendu trop longtemps ! […]
– Tu viens me dire que je suis débile hein ?
– Et toi ! Tu es le chef et tu ne sais pas surveiller ! dit un garçon à A.
– Et toi, tu veux prendre ce balai pour lui crever les yeux ? dit un autre garçon à
B. Tu viens étudier sur notre terroir, et tu te donnes des grands airs, espèce de folle !
– Et si je te dis que je suis née ici ? dit B.
– Ça n’a jamais été ton territoire de naissance, répond le garçon.
– Et alors ?
– Ici, ce n’est pas ton terroir, c’est tout !
– Pourquoi tu prends le bâton pour frapper ? dit une fille, depuis le fond de la classe, au président de classe qui vient de s’emparer d’une badine.

18Une bagarre éclate alors entre le président (sans la badine) et B, puis l’institutrice entre dans la salle.

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– Pourquoi criez-vous comme ça ? Il y a un conflit ici, et personne ne vient m’avertir ? Et ainsi vous en venez à vous battre ! dit l’institutrice.
– Ils se battent, et toi Steven tu n’interviens pas ? [19] dit une élève au fond de la salle, à côté de qui je me suis assis.

20L’institutrice ordonne ensuite aux deux bagarreurs de venir se placer devant le tableau, de montrer la paume de leur main, et donne à chacun trois coups de badine.

21La configuration de la salle de classe laisse apparaître deux tendances : les élèves se regroupent par affinité de genre et d’origine villageoise. Différentes images sont affichées aux murs de la salle : une photo du roi, une représentation du Bouddha, l’alphabet khmer, une carte du Cambodge, une opération arithmétique, une affiche de sensibilisation à l’hygiène et à la prévention des maladies. On trouve aussi différents dictons éducatifs, tels que : « C’est goutte après goutte que l’on remplit le réservoir de bambou » ; « Si tu es attentif, tu apprends vite » ; « Une main active, un estomac rempli » ; « Le temple d’Angkor est l’esprit de la nation ».

22Quant aux guirlandes et aux dessins qui décorent les salles de classe depuis l’importation du programme international CFS, j’ai fini par comprendre qu’ils avaient été réalisés par les professeurs et les quelques élèves jugés capables de les faire. Selon l’institutrice de 5e année, « cette façon de faire pendre des trucs n’importe comment pour décorer la classe, ils appellent ça Child friendly school ; alors moi j’ai fait les dessins, parce que les élèves ne savent pas dessiner. » On observe que la pédagogie centrée sur l’enfant est mal entendue, et que si les professeurs ont décoré les salles de classe, c’est davantage pour satisfaire aux exigences ministérielles que pour adopter une attitude de type CFS.

23Lorsque le professeur entre dans la salle de classe, tous les élèves se lèvent, joignent les mains et le saluent de façon respectueuse. Le professeur valide ce salut par un oui, puis leur ordonne de s’asseoir. Les élèves le remercient d’une seule voix, et s’installent plus confortablement à leur bureau. Les modalités de cet échange verbal de salutation expriment toute la supériorité hiérarchique du grū. D’un point de vue pédagogique, les enfants apprennent par cœur à lire et à écrire, par un travail de répétition et de recopiages minutieux. Les exercices courants consistent à lire à voix haute, individuellement ou collectivement, et à recopier les pages des manuels. On retrouve ce type de pédagogie dans l’enseignement religieux dispensé depuis des siècles à la pagode.

Une pédagogie centrée sur l’enfant qui convainc peu les professeurs

24L’approche centrée sur l’enfant cherche à atténuer la conception pédagogique qui fait du professeur un modèle à imiter. Pour les professeurs, cette pédagogie permet une meilleure implication des élèves dans les activités d’études, mais elle n’est pas convaincante, notamment parce qu’elle laisserait de côté, dans l’ignorance, les élèves qui éprouvent des difficultés :

25

« Les élèves qui savent, lorsqu’ils cherchent par eux-mêmes, ils savent ; […] les élèves qui sont ignorants, ils ne font que regarder le visage des autres [tandis qu’] auparavant, le professeur enseignait un peu, posait des questions à l’élève, l’élève pouvait comprendre rapidement ; [mais] si on demande à l’élève de chercher par lui-même, de penser par lui-même, ceux qui ont des idées y parviendront, [mais] ceux qui n’ont pas d’idées restent assis à les regarder ; mais maintenant [ceux du ministère], veulent qu’on fasse comme cela […]. Quand on leur demande d’étudier ensemble en plaçant les bureaux les uns face aux autres, ceux qui sont intelligents savent se poser des questions les uns aux autres, ceux qui sont fainéants attendent en les observant […]. Plus on rompt [avec les anciennes méthodes], plus les élèves sont faibles […]. [Certains élèves] ne savent pas bien lire, mais le professeur continue à les pousser [vers le grade supérieur] […]. Ce que les professeurs aiment faire pour que les élèves comprennent, c’est les faire répéter. »
(la directrice de l’école) ;

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« Avant, le professeur était plus actif que l’élève ; avec “centré sur l’élève”, les élèves sont plus actifs que les professeurs […]. Mais pour les élèves faibles, c’est compliqué. Celui qui ne sait pas, il n’arrivera pas à faire l’exercice, alors que celui qui est intelligent, avec “centré sur l’élève”, c’est facile […]. En fait, on est censé appliquer ces méthodes que le ministère nous impose, mais dans mon cas, je ne trouve pas utile de le faire […]. Avec “centré sur l’élève”, ça ne va pas, il fait ce qu’il veut, et dans le cas où il ne comprend pas, il restera faible. »
(une institutrice)

27Devant la salle des professeurs, tandis que j’aborde le sujet de ces nouvelles directives :

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– Tiens, là, voilà une institutrice centrée sur l’élève à 100 % ! [rires], dit une institutrice, ironisant et désignant une collègue.
– Ah bon ? dis-je en souriant.
– Oh, je n’y connais rien à ce truc […], répond l’institutrice désignée, qui arrive à ce moment-là. Centré sur l’élève, ça vient des donations, alors, je ne sais pas quelle organisation, mais elle vient aider, et ils nous demandent de faire comme eux, ils disent « développé » ; puis une autre organisation vient, ils enseignent quelque chose d’autre, ils disent aussi que c’est développé, et les suiveurs ne font que suivre [on est censé faire ce qu’ils nous disent de faire] […]. Moi, tous les jours, je n’enseigne pas de la façon centrée sur l’élève ; centré sur l’élève, ça ne va pas vers du « développé », c’est pour ça que j’enseigne de façon habituelle ; ce centré sur l’élève, quand on le fait, celui qui sait, il sait, celui qui ne sait pas, il reste assis passivement.
– Avant, il n’y avait pas ça, mais les organisations sont venues aider, dit une autre institutrice. Ils disent : « les élèves intelligents doivent aider les élèves faibles ». Ils les aident comme ça, à faire des efforts, pour qu’ils n’aient pas honte. Mais les élèves aujourd’hui, ils s’en moquent, ça ne les intéresse pas, celui qui est mauvais, il ne veut pas [faire d’effort de participation], il reste assis passivement. […]. Et ça ne le dérange plus d’échouer. Quand il a zéro, il est content !
– Qu’est-ce qu’il faudrait faire alors ? dis-je.
– On ne peut que les frapper […], dit-elle.
– Pourquoi y a-t-il eu ces changements ?
– Du fait des donations des autres pays, ces pays qui sont développés, alors ils veulent que le Cambodge soit développé aussi, mais on n’y parvient pas comme eux […]. Quand ceux du ministère ou des organisations viennent [visiter l’école], on doit appliquer « centré sur l’élève » à leur intention.

29Avec cette nouvelle pédagogie, le professeur doit accepter de se placer en périphérie de l’acte d’apprendre, tel un accompagnateur bienveillant, tandis que les enfants étudient entre eux. Ces directives onusiennes remettent en cause la conception d’une efficacité pédagogique fondée sur le sentiment de crainte du professeur. Finalement, confient les instituteurs, aucun d’entre eux ne met vraiment en œuvre ce programme pédagogique qu’ils considèrent comme inégalitaire, puisqu’il maintiendrait les élèves les plus faibles dans l’ignorance. Au cours d’un entretien, l’employé cambodgien d’une ONG située dans la ville de Kompong Cham, à sept kilomètres de Thnaot Chum, affirmait que les professeurs étaient à ce point réticents à l’expression centré sur l’élève qu’il avait cessé de l’employer dans les réunions et les formations. Du point de vue des professeurs, les enfants n’ont pas à former un groupe de pairs pour acquérir le savoir scolaire. Cette posture plutôt conservatrice résulte probablement d’un malentendu, d’un problème de communication entre les autorités et les villageois. Les professeurs ajoutent que depuis que les enfants les craignent moins, ils les écoutent moins et leur niveau scolaire en pâtirait.

Les droits de l’enfant et l’interdiction de l’usage de la badine

30D’une façon générale, les droits de l’enfant sont connus à Thnaot Chum parce qu’ils permettent de réduire certains risques. Selon les personnes questionnées, ces droits permettent de réduire l’enrôlement des enfants dans des activités économiques épuisantes qui les détournent de l’école. Les villageois ont aussi été avertis des risques de viol et de trafic des enfants. Ainsi, une mère de famille raconte qu’elle a expliqué à ses filles la nécessité de se méfier des inconnus qui pourraient venir les solliciter à la sortie de l’école. Il devient possible de porter plainte pour protéger un enfant qui serait victime de violence domestique. Du point de vue des parents, les droits de l’enfant sont donc plutôt positifs, même si ces risques restent pour eux lointains. Selon eux, les enfants de Thnaot Chum travaillent à la juste mesure. Leur participation principale à l’économie familiale consiste à assurer des activités de garde et surveillance des troupeaux et des cadets. Majoritairement masculine, la première tâche est une activité plutôt joyeuse : les enfants parcourent ensemble les environs du village équipés de leurs lance-pierres. Plutôt féminine, la seconde tâche n’est pas particulièrement contrariante. Elle constitue même une stratégie de vagabondage, puisque se promener avec son cadet sur la hanche c’est se débrouiller pour rester irréprochable : c’est vagabonder, certes, mais tout en accomplissant une tâche. Les enfants de Thnaot Chum n’arrêtent pas les études à l’école primaire pour des raisons économiques [Prigent, 2011]. Dans ce village où l’on pratique la riziculture de saison, la garde des troupeaux et des cadets n’entrave que peu les études, les enfants étant considérés comme trop jeunes pour pouvoir travailler dans les rizières. On leur confie des tâches périphériques au repiquage et à la moisson, qui les accaparent une quinzaine de jours dans l’année. Enfin, ces enfants grandissent dans un environnement plutôt pacifique. Leur enfance est ordinaire, et n’a rien à voir avec celle des bidonvilles, des rues, de la prostitution, de la grande précarité. Au village, un père alcoolique et violent sera le plus souvent contrôlé par l’entourage de l’enfant.

31Si les droits de l’enfant paraissent donc, pour les villageois, une bonne chose sur le plan moral, les risques qu’ils préviennent ne semblent pas vraiment concerner la vie quotidienne. Ce qui les interpelle plus directement, en revanche, c’est l’interdiction récente d’employer la badine évoquée plus haut, au motif qu’elle porte atteinte à l’épanouissement de l’enfant et incite de nombreux enfants à délaisser l’école. Pourtant, selon les parents et les professeurs, l’usage de la badine est d’ordre strictement éducatif et leurs coups restent mesurés ; ils estiment toujours y avoir recours dans l’intérêt de l’enfant. On peut comprendre que, dans ce contexte, renoncer à cette punition qui rappelle l’enfant à une certaine verticalité et qui prévient les risques du vagabondage est difficile à accepter de la part des adultes. « [Les employés des organisations] disent qu’on utilise de la violence domestique à l’attention des enfants », explique une mère de famille à propos de l’usage de la badine. « Ils [en] font la promotion, mais ils ne sont jamais venus au village, la police n’est pas encore entrée » explique un père de famille. « Ils ne nous laissent pas frapper, s’ils nous voient frapper, ils nous font payer une amende » dit une autre personne. « Ils inculpent les parents », ajoute un autre. On observe que du point de vue des habitants, le gouvernement s’immisce dans les pratiques éducatives parentales : il peut sanctionner juridiquement les parents pour avoir sanctionné physiquement leur enfant. Ils se trouveraient pris dans le paradoxe diachronique d’être punis pour avoir puni. Pourtant, disent-ils encore, « ceux qui veulent que leur enfant soit bon, ils le menacent […], si l’enfant n’est pas d’accord, il faut le frapper. » Les droits de l’enfant, « ça ne permet pas de guider les enfants » ; « si on ne le frappe pas, il n’a pas peur, il ne nous écoute pas ». « Depuis qu’ils ont voté les droits de l’enfant, que les enfants ont des droits comme ça, eh bien, c’est difficile ; les enfants ont arrêté de nous écouter. »

32L’opinion exprimée à l’école est la même :

33

« La badine porte atteinte aux droits de l’enfant, mais c’est difficile à éviter ; parfois, certains enfants, on leur parle gentiment, et ils ne nous écoutent pas, mais si on utilise la badine, si on les menace, ils se calment » explique une institutrice.
« [Avant,] si l’élève ne savait pas ou se trompait, le maître le frappait ; et s’il fuyait l’école, la mère le frappait […] ; ainsi il était obligé de venir, et il était obligé de savoir. [Mais aujourd’hui], on n’a pas le droit de les gronder, de les menacer, de les frapper […]. Avant, les parents s’en remettaient au maître […]. [Mais] avec les droits de l’enfant, on le frappe, on a une histoire, on hausse le ton, on a une histoire » argumente le sous-directeur de l’école primaire.

34Le sous-directeur parle ici de la nouvelle loi qui autorise les parents à porter plainte contre le professeur lorsque celui-ci a frappé leur enfant ou simplement haussé le ton. La loi semble être entrée en vigueur, puisqu’il affirme que des parents sont déjà venus se plaindre de l’un des instituteurs, qui avait frappé leur enfant. Ce changement juridique, qui vise à pacifier la relation physique entre le maître et l’élève, semble créer des tensions entre les maîtres et les parents d’élèves. Si les parents d’élèves se plaçaient auparavant du côté de l’instituteur contre leur enfant, ils se situeraient aujourd’hui du côté de leur enfant contre l’instituteur.

35

– Lorsqu’un élève quittait l’école, le professeur allait jusqu’à sa maison pour le frapper (expression métaphorique traduisant un partenariat éducatif entre les parents et les professeurs, selon lui aujourd’hui révolu). […] Et aujourd’hui, quand un enfant quitte l’école, on va voir ses parents, qui nous répondent qu’ils ne savent pas quoi faire, et le professeur n’a plus le droit de frapper ; c’est contre la loi, à cause des droits de l’enfant […]. Mais si on ne le frappe pas, [l’enfant] gagne en indifférence (vā pān cit).
– Mais alors, dis-je, comment voulez-vous faire pour qu’ils arrêtent de quitter l’école ?
– J’y pense tous les jours, mais je ne sais pas encore. Il faudrait trouver une façon de bien les « manipuler ». Par exemple, si on avait plus de moyens, on promettrait aux bons élèves des récompenses, ça les inciterait à étudier […]. Moi je veux bien que l’on arrête de les frapper [avec la badine], mais à condition que l’on nous propose une autre méthode.

36Les conversations menées avec les enfants au sujet de l’autorité parentale et de ces politiques de développement apportent de modestes éclaircissements. La question des droits de l’enfant et de l’approche centrée sur l’enfant les inspirait peu, probablement parce qu’elle était perçue comme une lointaine affaire d’adultes et que ces derniers ne l’apprécient guère. Au sujet de l’usage concret de la badine, les enfants ont fait des commentaires du type : « Le professeur frappe pour que l’on ait de la connaissance », « Ça fait mal, mais on ne peut que supporter », « Certains préfèrent fuir l’école », « Certains professeurs sont doux, d’autres méchants », etc. Thira, âgée de 10 ans, donne l’exemple suivant :

37

– Regarde, Lili par exemple, la fille de Professeure Pisey ; avant elle étudiait, mais ne savait pas ; alors sa mère l’a frappée tous les jours [avec la badine] et maintenant elle a de la connaissance.
– Mais c’est de la souffrance ! dis-je.
– Pas tant que ça, puisque ces coups permettent d’avoir de la connaissance, répond-elle.

CFS repris dans un système de patronage

38En 2012, lorsque la directrice de l’école a pris sa retraite, le sous-directeur, M. X, a été nommé à sa place. Je voudrais rapporter ici la description d’une réunion organisée par ce dernier à l’attention des professeurs, à laquelle j’ai assisté et qui s’est tenue en mars 2014. Ceci, afin de proposer une analyse du système politique qui sous-tend la pratique professionnelle de l’enseignement en primaire, système politique dans lequel s’inscrit le programme CFS.

Hier, le sous-directeur a été convoqué à une réunion au Centre du district. Aujourd’hui, il convoque les professeurs à une réunion. Tandis qu’il est assis à son bureau surélevé, les professeurs s’assoient autour d’une table, au centre de la pièce. Certains lui tournent donc le dos. Commence alors une séquence de recommandations et de remontrances, en ce qui concerne la surveillance du matériel, le maintien d’une école propre et agréable au regard, le bon remplissage des fiches rapportant les notes des élèves, la diminution de l’absentéisme des professeurs aux réunions, puis une invitation à s’investir dans son travail et à développer l’école. Puis il précise que sans cela, c’est lui qui se fait réprimander par ses supérieurs lors des réunions de district. Puis de conclure la réunion en déclarant : « Un grand merci. Je vous souhaite, à vous les instituteurs et les institutrices, d’avoir une bonne santé et de réussir votre travail avec succès ! » Puis, les professeurs, qui n’ont pas prononcé un mot durant la réunion, applaudissent, à l’instar de leur directeur.
Après que les professeurs eurent regagné leur salle de classe, j’allai le voir pour lui demander des renseignements à propos de cette réunion. Il m’expliqua que depuis quelques mois, le gouvernement exigeait davantage de rigueur de la part des professeurs, notamment un meilleur respect du temps et des horaires d’enseignement et de récréations. Il ajouta qu’il devait rapporter à ses supérieurs, toutes les semaines, le nombre de professeurs absents. Selon lui, ce renforcement récent du contrôle de la comptabilisation des absents était un moyen de dissuader les professeurs qui auraient souhaité prendre part au mouvement de manifestations qui touchait le pays depuis les élections de 2013, dont le parti du Premier ministre, au pouvoir depuis 1986, était sorti nettement affaibli face au principal parti d’opposition, en particulier dans la province de Kompong Cham. Bien que les professeurs du monde rural aient peu pris part à ces manifestations, cette directive ministérielle visait, selon le directeur, à renforcer la surveillance des fonctionnaires de l’éducation et à rappeler ces derniers à leur « devoir clientéliste ». Rappelons que la relation de patronage reste encore forte au Cambodge, et que la pérennité de M. X au poste de directeur dépend toujours des témoignages révérencieux (moraux et monétaires) qu’il fait suivre à l’attention de ses supérieurs du Centre de district. On ajoutera que la Croix rouge nationale, présidée par l’épouse du Premier ministre, ou encore l’armée, viennent parfois solliciter l’aide financière des professeurs. Une liste des donateurs est alors constituée, et chaque professeur y inscrit son nom, ainsi que le montant de la donation. Dans le contexte politique actuel, refuser de donner, c’est prendre le risque d’être suspecté d’affiliation au parti d’opposition. Ces listes peuvent être considérées comme des outils de statistiques et de discipline électorales. Quant à la destination de ces donations, tout le monde s’entend à la trouver obscure. Mais en accomplissant ces obligations révérencieuses, le directeur et les professeurs de Banteay Chmar assurent la pérennité de leur statut professionnel. Tous ces indices montrent que la structure ministérielle du secteur de l’Éducation conserve une forte verticalité et reste largement dépendante du parti du Premier ministre. Comment envisager que le programme CFS trouve un terrain d’ancrage réaliste tant que ce système politique se maintient ? Dans quelle mesure l’aide financière internationale octroyée à ce système politique pour déployer le programme CFS permet-elle, paradoxalement, à ce système de se maintenir sous une forme aussi hiérarchisée et centralisée ?

Conclusion. L’émancipation entravée dans un malentendu ?

39Le Cambodge est un pays d’Asie du Sud-est qui présente la particularité d’accueillir un nombre considérable d’organisations non gouvernementales, notamment spécialisées sur les questions d’enfance et d’éducation, ce qui n’est pas le cas des pays voisins qui conservent une plus grande souveraineté étatique en matière de politique éducative. Depuis 2007, le gouvernement cambodgien permet au programme Child friendly school, à la Convention internationale des droits de l’enfant et à la pédagogie centrée sur l’enfant de remonter jusqu’aux foyers et aux écoles primaires du monde rural. Outre le développement matériel et sanitaire des infrastructures scolaires qui a été mené ces quinze dernières années grâce à l’aide internationale, ces politiques cherchent à interdire l’usage « éducatif » de la badine en stipulant que les enfants doivent trouver en eux et entre eux l’essor de leur épanouissement. Ce sentiment de l’enfance libéral et démocratique promeut des valeurs d’émancipation enfantine, en particulier par rapport à l’emprise du droit d’aînesse et de l’autorité parentale. Il se confronte à un sentiment de l’enfance vernaculaire défini à partir du problème de l’enfant-vagabond.

40Les enquêtes ethnographiques réalisées à Thnaot Chum et à l’école primaire de Banteay Chmar ont permis de mettre à jour un faisceau de résistances au processus de réalisation de CFS. En effet, même s’il s’agit d’un programme éducatif promouvant des valeurs démocratiques et de décentralisation, il reste enfermé dans un système politique fortement hiérarchique et plutôt centralisé. En outre, ces valeurs éducatives convainquent peu parents et enseignants : l’entrée en classe est une performance disciplinaire effectuée sous la direction d’un garçon-président nommé au service de son professeur ; les professeurs réalisent les décorations de la salle de classe à la place de leurs élèves pour répondre aux attentes du ministère ; ils revendiquent une conception pédagogique qui les maintient comme des modèles à imiter, et considèrent que les enfants doivent leur témoigner respect et soumission ; l’usage de la badine reste de rigueur à la maison et à l’école. Selon les parents et les professeurs, les droits de l’enfant et l’approche centrée sur l’enfant portent atteinte à leur autorité : en donnant trop de pouvoir aux enfants, ils les rendent indisciplinés et les maintiennent dans l’ignorance. On comprend que la promotion de ces valeurs éducatives démocratiques disqualifie plusieurs savoir-faire vernaculaires relatifs à l’éducation des enfants, et pousse les villageois à adopter des positions conservatrices (qui peuvent avoir des répercussions électorales). La réalisation de ces actions de développement s’organise finalement autour d’un malentendu entre les autorités et les villageois, un malentendu que le gouvernement et ses consultants internationaux pourraient considérer plus sérieusement afin d’assouplir leurs politiques et d’en faciliter la mise en œuvre. Ainsi, CFS ne demeurerait pas une cosmétique gouvernementale.

41Pour autant, l’observation ethnographique apporte des éléments qui témoignent d’un certain changement social. Les enfants du village gagnent aujourd’hui en autonomie et partagent un plus grand sentiment d’horizontalité. Ce gain d’autonomie s’observe notamment dans les pratiques de consolation des enfants en bas âge, dans les jeux et les fêtes dansantes du Nouvel An, des pratiques qui, sous l’influence de la société de consommation, prennent une signification plus libérale [Prigent, 2012b, p. 89-97]. Les jeunes d’aujourd’hui adoptent, selon les parents, des comportements amoureux plus difficilement contrôlables. Ce ton alarmiste ressort au sujet de l’accès récent des jeunes au salariat ouvrier : leur solvabilité les rendrait à la fois plus autonomes et irresponsables. Sous l’influence massive des campagnes de publicité vantant les mérites virils et chaleureux de la consommation de bière, les jeunes hommes qui partent travailler sur des chantiers de construction s’adonneraient beaucoup plus souvent qu’avant à l’ivresse, au vagabondage, ainsi qu’à la violence (entre eux). Quant aux jeunes femmes, leur récent accès au salariat urbain leur permet d’accéder à la société de consommation, ce qui les conduirait à s’affranchir d’une norme de pudeur qui a longtemps caractérisé le genre féminin. Plus globalement, toujours selon les parents, les cadets oseraient contredire leurs aînés beaucoup plus facilement qu’avant. Cet affaiblissement de la verticalité participerait ainsi d’une inversion d’une règle de politesse répandue au Cambodge. Celle-ci consiste, lorsqu’une personne en croise une autre, à lui demander où elle va ou d’où elle vient. Une jeune personne doit toujours être celle qui engage cette salutation lorsqu’elle croise un aîné, comme me l’a expliqué le sous-chef du village. Or, cette règle n’est, selon lui, plus respectée par les cadets aujourd’hui. Afin d’éviter une rupture de cette relation de courtoisie entre les âges, les aînés se résigneraient à saluer les premiers.

42Ce que l’on peut donc considérer comme un affaiblissement de la relation de révérence entre les âges (sous l’influence de la société de consommation et du salariat des célibataires) peut ainsi laisser entrevoir la possibilité d’une réception plus conciliatoire des valeurs démocratiques relatives à l’éducation des enfants. Ceci d’autant plus qu’une nouvelle génération de jeunes professeurs, qui ont accompli un parcours scolaire complet et suivi une formation de deux ans à la sortie du lycée, investit aujourd’hui les écoles primaires du monde rural, et que le nouveau ministre de l’Éducation en poste depuis les élections de 2013, M. Chuon Naron, a décidé de promouvoir la « vérité des diplômes » (introduction d’une épreuve rédactionnelle, contrôle des fraudes et de la corruption, anonymat des candidats), ce qui a donné 25 % de réussite au Baccalauréat en 2014, contre 80 % les années précédentes. Mais pour le moment, les valeurs éducatives promues par CFS semblent bien peu intéresser les parents et les professeurs, et arranger plus que convaincre le parti au pouvoir. Dans ce contexte, on peut se demander comment les enfants de Thnaot Chum, sous l’exercice des gouvernementalités familiale, étatique et internationale et sous la pression morale de l’errance vagabonde d’une part et de l’immobilité subalterne d’autre part, parviennent à se positionner afin de s’engager sur un parcours d’émancipation et d’épanouissement.

Notes

  • [*]
    Anthropologue, université d’Aix-Marseille, membre associé de l’IrAsia (CNRS, UMR 7306).
  • [1]
    Afin de préserver l’anonymat des personnes, les noms du village et de l’école primaire mentionnés dans ce texte ont été modifiés. En ce qui concerne les transcriptions, le système de translittération établi par S. Lewitz-Pou [1969] a été utilisé. Par souci de clarté du texte, les transcriptions khmères ont été rapportées uniquement dans les cas où cela paraît pertinent. Les traductions en français ont été réalisées à partir de la transcription d’enregistrements de conversations en collaboration avec J. Hun, dont le khmer est la langue maternelle. Je remercie L. Benaiche, doctorant en histoire contemporaine du Cambodge (IrAsia, CNRS UMR 7306) pour sa relecture attentive.
  • [2]
    Ce travail a été engagé dans le cadre d’un doctorat entre 2007 et 2012 (EHESS).
  • [3]
    Pour une histoire des politiques éducatives du Cambodge, se reporter au travail de D. Ayres [2000], ainsi qu’aux chapitres 4 et 6 de la thèse de J.K. Reimer [2012].
  • [4]
    SCN a été récemment recouverte par Save the children international (SCI). On ajoutera l’implication importante de l’organisation britannique Volontary service overseas (VSO), ainsi que le réseau NGO education partnership (NEP), plateforme créée en 2002 pour faciliter la communication entre le ministère de l’Éducation et les différents partenaires non gouvernementaux qui travaillent dans ce secteur.
  • [5]
    L’usage onusien du terme est mis en perspective et critiqué par M.-H. Bacqué et C. Biewener [2013, p. 21-52].
  • [6]
    Cette traduction ministérielle relève d’un détournement sémantique un peu délicat dans la mesure où le terme majjhamaṇḍal désigne le centre en tant que bâtiment public, mais ne permet pas de signifier une action centrée sur quelque chose ou quelqu’un.
  • [7]
    Au sens de valeurs qui prônent une liberté individuelle et une égalité citoyenne.
  • [8]
    L’âge de la jeunesse (văy kmeṅ), à Thnaot Chum, est défini par le célibat. Lorsqu’une personne se marie, on dit qu’elle entre dans l’« âge mur » (văy cās’).
  • [9]
    Il fut un temps où des rites marquaient ce passage : une période de réclusion de la jeune fille à l’apparition de ses premières règles, et l’ordination à la pagode pour les garçons.
  • [10]
    Pour une approche plus structurelle de la dette que les enfants contractent vis-à-vis de leurs parents, se reporter aux travaux de G. Kourilsky [2007] et d’A. Testart [2006].
  • [11]
    Cette verticalité relationnelle m’est apparue clairement lorsque j’ai pris conscience d’un certain ethnocentrisme dans mon approche. Cette approche, particulièrement valorisée dans les sciences contemporaines de l’enfance, consiste à donner la parole aux enfants et à passer du temps avec eux ; elle pourrait être qualifiée de centrée sur l’enfant. Or, sa mise en œuvre est apparue incongrue aux gens du village, à tel point qu’ils considéraient qu’en me comportant de la sorte je portais atteinte à ma dignité d’adulte [Prigent, 2012a, p. 374-376].
  • [12]
    « Les parents ont une face de la taille du pouce », dit-on en ces circonstances.
  • [13]
    Paṅgāp’, aussi appelé le « prix du lait [de la mère] » (thlai ḍik ṭọh), désigne la compensation matrimoniale versée par l’époux aux parents de la jeune femme.
  • [14]
    À savoir la conscience, dans un groupe social et à une époque donnée, d’une spécificité de l’âge enfantin, dès lors distingué de l’âge de la jeunesse. En dépit des critiques qui ont pu être adressées à sa thèse d’une « découverte de l’enfance », ce qu’Ariès nomme le « sentiment de l’enfance » [1973, p. 29-186] reste à mon sens un outil conceptuel pratique et intéressant, à condition que l’on admette une diversité historique et culturelle des sentiments de l’enfance. C’est parce qu’il souligne un « sentiment de spécificité » que ce concept me paraît plus précis que le terme de « représentation ».
  • [15]
    À savoir l’entreprise scientifique qui traque l’exercice du pouvoir à l’encontre des enfants, et qui souligne les risques qu’encourt toute essentialisation de l’âge enfantin.
  • [16]
    G. Deleuze et F. Guattari [1973], de même que J. Butler [2005], ont sérieusement mis à mal le concept de complexe familial. Néanmoins, ces critiques n’empêchent peut-être pas de considérer que l’enfant, pour s’épanouir et développer sa puissance, doit apprendre à accepter sa place dans l’ordre générationnel (au sens psychanalytique). Plus prudemment, je souhaite ici interroger la pertinence d’une démarche qui essaierait de combiner le constructionnisme et les théories de la maturation affective, dans le cas où l’on admet la pertinence des secondes.
  • [17]
    La pagode désigne l’enceinte bouddhique délimitant le territoire d’un monastère.
  • [18]
    Le parcours scolaire en primaire s’étend sur six années tandis que le temps d’étude est de quatre heures par jour.
  • [19]
    Ce reproche souligne tout d’abord, de son point de vue, un manquement à ma responsabilité d’aîné, mais aussi le problème déontologique du voyeurisme ethnographique dont je choisis de faire preuve à ce moment-là.
Français

Au milieu des années 1990, l’ONU et le gouvernement cambodgien ouvrent la voie à des projets de développement dont les valeurs relatives à l’enfant et à l’éducation reposent sur la Convention internationale des droits de l’enfant et l’approche dite centrée sur l’enfant. En posant le problème vernaculaire de l’enfant-vagabond, cet article rend compte de la réalisation de ces actions de développement à l’échelle d’un village de riziculteurs et de son école. Comment les gens de Thnaot Chum, qui partagent une économie morale de contrôle des enfants-vagabonds, s’approprient-ils ces actions de développement promues à leur attention ?

Mots-clés

  • child friendly schools
  • Convention internationale des droits de l’enfant
  • pédagogie centrée sur l’enfant
  • problème de l’« enfant-vagabond »
  • rural
  • Cambodge

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Steven Prigent [*]
  • [*]
    Anthropologue, université d’Aix-Marseille, membre associé de l’IrAsia (CNRS, UMR 7306).
Mis en ligne sur Cairn.info le 09/07/2015
https://doi.org/10.3917/autr.072.0201
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