CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Dans la plupart des pays en développement, avec la baisse des taux de fécondité actuelle, le nombre de jeunes stagne désormais ou plafonnera dans les années à venir. Toutefois, ce plafond ne sera atteint que dans 20 ans ou plus dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, en Afghanistan, en Irak, en Cisjordanie, dans la bande de Gaza, ou au Yémen [Banque mondiale, 2006]. Malgré ces tendances à la baisse, la croissance démographique actuelle rend la question de l’emploi primordiale pour la croissance et la cohésion sociale, en Afrique subsaharienne en particulier. En effet, actuellement, les jeunes âgés de 15 à 24 ans y représentent 20 % de la population ; 17 millions de jeunes subsahariens entrent chaque année sur le marché du travail. Les prévisions les plus fiables estiment que ce nombre atteindra 25 millions en 2025. En cumulé, dans les 15 prochaines années, 330 millions de jeunes actifs arriveront sur le marché du travail en Afrique subsaharienne [Losch, 2012]. C’est la seule région où les flux d’actifs continueront à croître après cette date. La situation des jeunes face à l’emploi redevient ainsi un enjeu sociodémographique et politique majeur dans les années récentes, et plus encore pour les années à venir au vu des projections démographiques.

2Entre 1998 et 2009, la croissance de la main-d’œuvre jeune a été de 25 % en Afrique subsaharienne, 16 % au Moyen-Orient, 13 %, en Afrique du Nord et en Asie du Sud, 3,1 % en Asie du Sud-Est et Pacifique, et de seulement 1,5 % en Amérique latine et dans les Caraïbes alors qu’elle a régressé en Asie de l’Est, en Europe centrale et du Sud-Est (-3 %) et dans les économies développées (- 6,5 %) [OIT, 2012, p. 11 ; tableaux tirés de OIT, Tendances mondiales de l’emploi des jeunes, 2009].

3Les jeunes de 15 à 24 ans représentaient ainsi 18 % de la population mondiale en 2005 et 36,9 % de la population en âge de travailler [OIT, 2006]. Près de 90 % des jeunes vivent dans des pays en développement [OIT, 2013], soit 1 056 millions en 2013, ce qui représente 18 % de la population de ces pays : 20 % de la population des pays les moins développés et 17 % des autres pays en développement [United Nations, 2013] [1]. Dans les pays en développement, cette population de jeunes en âge de travailler devrait augmenter de plus de 400 millions dans la prochaine décennie et représenter 18 % de la population africaine en 2050 (14 % en 2100), 12 % de la population asiatique et latino-américaine en 2050 (11 % en 2100) [United Nations, 2013].

4La jeunesse est encore très concentrée en Asie, où elle représente 61 % de la classe d’âge des 15-24 ans, mais les jeunes africains représentent une proportion croissante de la jeunesse mondiale : on prévoit qu’en 2050, un tiers des jeunes vivra en Afrique (contre 18 % en 2013) et un peu moins de la moitié en Asie, continent qui continuera de concentrer la plus forte proportion de jeunes du fait du poids de l’Inde notamment, qui a actuellement le plus grand nombre de jeunes au monde [United Nations, 2013] [2]. La tendance du poids démographique croissant des jeunes dans le monde a été régulière entre 1950 et 2010 (taux de croissance annuel moyen de 1,09 % depuis 1950, chiffres United Nations, 2013) ; elle se modèrera dans les prochaines années et le nombre de jeunes se stabilisera autour de 1,312 milliard en 2050 (1,325 milliard en 2100) [United Nations, 2013].

5Ces chiffres globaux masquent des situations continentales, voire nationales, très contrastées. La transition démographique décalée des différents continents met les jeunes aujourd’hui face à des responsabilités et des opportunités d’emploi très différenciées.

6Dans les pays « émergents », en Amérique latine ou en Asie, où les plus de 60 ans représentent actuellement 11 % de la population, les jeunes vont avoir à supporter la charge d’inactifs de plus en plus nombreux : les plus âgés (60 ans et plus), qui représenteront 25 % de la population dans les deux continents, et les plus jeunes, qui « pèseront » relativement 18 % des effectifs, en 2050. Outre le fait qu’une partie des plus âgés reste à la charge de leurs descendants du fait de l’absence de systèmes de retraites généralisés, les cessations d’activité qui peuvent être tardives en fin de cycle de vie, en Asie notamment, mettent en concurrence les générations entre elles pour l’accès à l’emploi. Ces pays connaissent déjà des problèmes d’emploi des jeunes, en particulier des jeunes diplômés.

7Beaucoup de pays d’Afrique subsaharienne, qui commencent tardivement leur transition démographique, vont entrer dans une « fenêtre d’opportunités démographique », c’est-à-dire une période limitée permettant potentiellement une croissance rapide des revenus et une réduction de la pauvreté du fait du début de la baisse de la fécondité et par conséquent de la croissance démographique, « comme l’ont fait dès les années 1970 les pays qualifiés aujourd’hui d’émergents » [Guengant, 2011]. Le dynamisme de générations nombreuses d’âge actif, mieux formées que les précédentes, porteuses d’innovations, et qui bénéficient d’une baisse du nombre de personnes à leur charge – ce qui fait baisser les ratios de dépendance – est une chance à saisir pour les pays qui seront dans ce cas. Mais cette situation de bonus ou dividende démographique porte en elle-même également des risques d’instabilité sociale et politique si les jeunes sont mal formés, les emplois qui leur sont offerts peu porteurs ou en trop faible nombre, et les réalités professionnelles en deçà de leurs aspirations. Le risque est réel par exemple dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, qui ont débuté leur transition démographique plus tôt que l’Afrique subsaharienne, mais où les jeunes de 15 à 24 ans, qui représentent encore un tiers de la population (la plus forte proportion après l’Afrique), connaissent des taux de chômage particulièrement élevés (voir infra) [Banque mondiale, 2012].

8La montée massive de la scolarisation depuis deux décennies, la progression rapide des effectifs scolaires féminins et un accès à l’éducation plus égalitaire dans beaucoup de pays du Sud ne sont pas forcément allés de pair avec une baisse des inégalités scolaires [Henaff, Lange, 2011]. Indéniablement pourtant, les jeunes d’aujourd’hui sont de mieux en mieux éduqués. Sur la base des tendances actuelles, 59 % des 20-24 ans en Afrique auront par exemple un niveau secondaire en 2030, contre 42 % aujourd’hui [BAFD, OCDE, PNUD, CEA, 2012]. Malgré cela, alors qu’une part croissante de la jeunesse de 15 à 24 ans alloue plus de son temps à l’éducation et à la formation, le chômage [3] des jeunes est encore alarmant dans certains pays : plus de 40 % en Afrique du Sud depuis le début de 2008, autour de 25 % dans les pays arabes en 2010 [Banque mondiale, 2012 ; Chaaban, 2010]. Au niveau mondial, le taux de chômage des jeunes était de 12,6 % en 2013, soit à un niveau plus élevé qu’avant la crise en 2007 (11,5 %) et 2,7 fois supérieur à celui des adultes, de manière relativement stable depuis 2007 [OIT, 2013]. Plus particulièrement, il se situe selon l’OIT à des niveaux record au Moyen-Orient (28,3 %) et en Afrique du Nord (23,7 %), alors qu’il est plus faible en Asie de l’Est (9,5 %) et en Asie du Sud (9,3 %). La région Asie du Sud-Est et le Pacifique subissent quant à eux des taux de chômage des jeunes plus élevés qu’ailleurs en Asie (13,1 % en moyenne en 2012), un niveau proche de la situation des jeunes latino-américains et caribéens, qui reste préoccupante avec 12,9 % de jeunes chômeurs en 2012, soit 2,8 fois plus que chez les adultes [OIT, 2013].

9L’émergence des travaux sur la jeunesse à partir des années 1980 notamment et le regain d’intérêt actuel pour les questions d’emploi des jeunes sont à relier aux contextes de crise qui ont touché les pays du Sud durant ces 30 dernières années. Tantôt abordée en fonction de l’âge, comme un moment de transition d’un état à un autre, tantôt abordée comme une période de construction de l’autonomie, la jeunesse est devenue une catégorie incontournable pour penser les sociétés du Sud dans toute leur diversité. Le contexte de transitions démographiques plus ou moins achevées contribue à un renouvellement de la question ; qu’ils soient nombreux en âge de travailler ou avec de nombreuses personnes à leur charge, leur insertion dans l’emploi se pose avec d’autant plus d’acuité.

Les jeunes : groupe d’âge ou groupe social au cœur de la modernité

10Caractérisées comme un moment de transition entre la période de l’enfance et celle de l’âge adulte, la jeunesse et la catégorie « jeune » présentent des contours flous, en lien à la fois avec les conditions de leur émergence, relativement récente dans les pays du Sud, et les contextes dans lesquels elle est utilisée. Les jeunes n’apparaissaient en effet pas en tant que catégorie dans des sociétés, rurales essentiellement, où le passage de l’enfance à l’âge adulte s’effectuait par le biais de l’initiation [Pérez Ruiz, 2011 ; Marie, 1997] ; le rituel marquait alors la rupture et le franchissement entre deux états distincts. Historiquement, certains auteurs associent l’émergence de la catégorie jeune à la modernité, faisant de la jeunesse une « expression historiquement située de la modernité », suggérant ainsi que « si l’avènement du capitalisme industriel a d’abord créé les conditions d’émergence de la catégorie semi-autonome de “jeunes”, c’est bien dans les villes en pleine expansion de l’Europe moderne que les jeunes ont trouvé pour la première fois une réalité sociologique manifeste » [Comaroff, Comaroff, 2000, p. 98].

11La même association première entre jeune et espace urbain se retrouve dans la littérature touchant aux pays du Sud, malgré des temporalités décalées de la forte expansion urbaine en Amérique latine, en Asie et sur le continent africain. Cependant, ce lien historique entre jeunesse et espace urbain se double d’une association à un contexte de crise, en particulier pour ce qui est de la période post-Plans d’ajustement structurel, c’est-à-dire à la fin des années 1980 et au début des années 1990. « Groupe d’âge avant d’être groupe social, les jeunes ont cependant, dans les pays en développement actuellement, ce trait constitutif d’être produits par la crise comme groupe spécifique, parce que c’est la tranche d’âge la plus durement touchée par cette crise, même si les individus qui la composent se renouvellent » [Osmont, 1993, p. 59]. Alors que jusque dans les années 1980, les analyses situées pour l’essentiel en milieu rural portaient sur les relations entre les générations ou les rapports entre les aînés et les cadets, l’émergence de la catégorie « jeune » a conduit à « rendre compte de la situation d’une catégorie sociale particulièrement vulnérable aux crises désignée par référence à l’âge, mais considérée comme largement détachée des dispositifs traditionnels de régulation intergénérationnelle » [Chauveau, 2005, p. 17]. Par ailleurs, l’exode rural était considéré comme un processus inéluctable, devant conduire une majorité de jeunes ruraux vers les espaces urbains, contribuant ainsi à faire de la jeunesse une problématique spécifique aux villes. Or, alors que la transition urbaine est largement achevée en Amérique latine, la croissance des villes marque le pas en Afrique subsaharienne notamment, obligeant à reconsidérer les approches et à interroger la jeunesse aussi dans l’espace rural.

12Le contexte d’émergence de la catégorie jeune influe sur les différentes approches qui ont été développées, mais il n’en reste pas moins qu’être jeune signifie appartenir à un groupe d’âge particulier, dont les limites, plus ou moins établies, varient selon les contextes comme selon les périodes ou les institutions. Bien que d’un pays ou d’une enquête à l’autre, la définition opérationnelle de la jeunesse varie, les Nations unies ont établi les seuils de 15 et 24 ans, seuils que l’on retrouve dans la Convention de l’OIT sur le travail des enfants et son interdiction (en dessous de 15 ans) ; au-delà de 24 ans, l’individu est reconnu comme étant adulte. Une telle approche de la jeunesse, par le biais de limites d’âge, présente un intérêt pragmatique au sens où elle permet d’isoler une population que l’on suppose porteuse de caractéristiques et de comportements particuliers. Toutefois, elle ne suffit pas pour définir la jeunesse, dans la mesure où la variable de l’âge reste dépendante des contextes sociaux et culturels locaux.

13Ainsi, aux côtés de la référence à l’âge, qui reste importante, les approches insistent sur l’état de transition que constitue la jeunesse ainsi que sur la notion de dépendance des membres de cette catégorie face à un ou plusieurs de leurs aînés. Ces deux angles d’analyse se recoupent largement au sens où la transition est envisagée comme le franchissement de seuils permettant de sortir d’une situation de dépendance pour accéder à des formes d’autonomie caractéristiques de l’âge adulte. « L’entrée dans la vie adulte pourrait se définir comme le franchissement d’un seuil au-delà duquel on sort de la catégorie des personnes à charge pour prendre en main son existence et devenir un véritable acteur de la société, notamment en assurant sa reproduction » [Antoine, Razafindrakoto, Roubaud, 2001, p. 17].

14Si une telle approche permet de sortir de l’arbitraire que peut constituer l’établissement d’une classe d’âge, elle oblige à définir le ou les seuils dont le franchissement établira le changement de catégorie. Communément, quatre seuils sont identifiés : la mise en union (et/ou la naissance du premier enfant), la fin de la scolarité, l’accès au premier emploi et le cas échéant, l’accès à une résidence indépendante (de celle des parents). Les analyses s’attachent à observer l’ordre dans lequel ces événements se déroulent, la fréquence de leur enchaînement, ou l’absence de survenue d’un ou plusieurs événements. Cette approche interroge plus les modalités d’entrée dans l’âge adulte que la jeunesse en tant que telle, hormis le fait qu’est mesurée son étendue temporelle.

15Questionner les différents seuils et leur franchissement amène a minima à porter deux regards différents sur la jeunesse. Un premier type de questionnement consiste à délimiter a priori une classe d’âge – généralement celle des 15-24 ans – pour observer qui, dans cette classe et à quel moment, a franchi une ou plusieurs étapes conduisant vers l’âge adulte. Un autre type de questionnement consiste à l’inverse à ne préjuger d’aucune catégorie d’âge pour observer les différents seuils et événements tout au long des parcours de vie ; cette approche ne porte pas exclusivement sur les jeunes, dans la mesure où elle conduit à observer en même temps plusieurs générations d’individus, mais elle permet de construire a posteriori une définition de la jeunesse inscrite autant dans les contextes locaux et individuels que dans les temporalités de la société [Achin, Ouardi, Rennes, 2009].

16Dans certaines situations, questionner le passage des seuils peut s’avérer peu opérant. Par exemple au Mexique, l’accès à l’emploi s’effectue très jeune, bien avant la fin de la scolarisation, ne constituant pas ainsi un passage déterminant pour caractériser l’entrée dans la vie adulte [Echarri Cánovas, Pérez Amador, 2007]. Dans ce numéro, Zanuso, Roubaud et Torelli font le même constat en Haïti où, suite au séisme et malgré une scolarisation de plus en plus massive, les jeunes sont amenés à travailler précocement, conjuguant école et emploi. Non seulement en fonction des contextes économique, politique ou social, mais aussi selon les situations individuelles ou familiales, l’enchaînement, comme la fréquence des événements varient. Dans certains contextes ouest-africains, le mariage, et surtout la naissance du premier enfant, restent les éléments déterminants pour indiquer le passage de la jeunesse à l’âge adulte, avec des différences fortes entre hommes et femmes, qui tendraient toutefois à s’atténuer. Alors que le mariage intervient plus tardivement pour les hommes, la croissance de la scolarisation des femmes à tous les niveaux tend actuellement à contrebalancer cette tendance, comme le montre l’article de Calvès et Kobiané pour la ville de Ouagadougou dans ce numéro.

17Le contexte de crise économique et de précarisation croissante a également amené à remettre en question la pertinence de certains seuils ; par exemple, l’accès au travail via le secteur informel a été considéré comme le propre de la jeunesse, celle-ci se stabilisant progressivement via le mariage, la décohabitation et le passage dans le secteur formel de l’économie.

18La dimension de l’autonomie est plus largement mise en avant dans des travaux centrés essentiellement sur l’individu, qui réfutent le rôle central de l’âge dans une définition de la jeunesse, pour au contraire la replacer dans le champ du politique. « Être “jeune” n’est pas une affaire d’âge au sens biologique et statistique, mais de position relationnelle socialement et culturellement construite par rapport à d’autres générations, et par rapport à l’accès à des attributs et à des ressources qui confèrent une compétence sociale et un pouvoir de “prise de parole” » [Chauveau, 2005, p. 26].

19Si une telle approche de la jeunesse se rapporte au milieu rural, argumentant sur la nécessité de sortir de la vision d’un lien indéfectible entre jeune et crise, elle se retrouve aussi dans des analyses portant plus spécifiquement sur l’espace public, les formes et capacités de mobilisation et d’accession à l’autonomie pour cette catégorie de dominés. « La jeunesse n’est plus, dans cette lecture, un moment de transmission plus ou moins long ; elle ne renvoie plus à l’âge, mais à la condition de dépendance et l’absence d’autonomie vis-à-vis de la communauté ou de l’État » [Diouf, Collignon, 2001].

20S’appuyant sur des approches méthodologiques mettant en avant l’individu et les processus d’individuation, notamment dans les contextes africains et urbains, ces travaux se sont orientés dans un premier temps, vers des thématiques touchant aux questions de violence, de délinquance et à l’analyse des organisations sociales construites par les jeunes eux-mêmes, en regard de celles portées par la société dominante [Marie, 2003 ; de Boeck, 2000 ; de Latour, 2001]. Plus largement, de nombreux travaux ont insisté sur les dimensions politiques de ces mouvements de jeunes et leurs capacités créatrices en regard d’un ordre qui serait tenu et contrôlé par les aînés. L’analyse de la culture populaire et des cultures urbaines produites par les jeunes, que ce soit par l’entremise de la musique, de mouvements artistiques ou sportifs, a montré comment l’émergence de « figures de la réussite » est révélatrice de formes de négociation avec les garants de l’autorité et d’une affirmation de la présence des jeunes dans l’espace politique [Havard, 2001 ; Kolhagen, 2005]. Ces jeunes sont définis par leur inventivité, leur créativité pour imposer leur présence quotidienne dans l’espace public ; ils créent des formes de « prises de parole » originales [Banégas, Brisset-Foucault, Cutolo, 2012], démontrant ainsi leur capacité à intervenir dans l’espace public et le champ du politique, malgré leur position de subalternes. Ainsi, ils parviennent plus ou moins difficilement à s’imposer dans des processus sociaux, économiques ou politiques dont ils sont pourtant exclus a priori par leur condition. L’article de Koenig illustre cette capacité de certains jeunes, ici les « brouteurs », à s’imposer comme des « figures de la réussite », à l’égal de leurs aînés, par l’entremise d’activités économiques aux limites de la légalité.

21Au-delà d’une focalisation sur les dimensions politiques, les différents travaux sur ce thème ont quasiment tous en commun de mettre en exergue, d’une part le haut niveau d’inactivité des jeunes – qui participe en partie de ces formes de mobilisation politique –, d’autre part un contexte de hausse des niveaux de scolarisation des jeunes, qui concourt à accentuer les exigences en termes d’emploi et, parallèlement, les déceptions, frustrations lorsque le contexte économique ne répond pas à leurs attentes. La mise en avant du lien entre le politique, la capacité de mobilisation et le contexte socio-économique propre à la jeunesse trouve des prolongements dans des mouvements plus récents tels que les « révolutions arabes », en Tunisie notamment. Cette dernière est présentée comme le fait d’une jeunesse éduquée, ne parvenant pas à accéder à des emplois satisfaisants, tout en aspirant à des changements de logiques politiques et sociales ; elle résulterait d’un processus d’individuation ayant abouti à l’émergence d’un mouvement populaire qui ne serait pas parvenu pour autant à être porteur d’une idéologie forte liée à la condition de la jeunesse [Hibou, Khiari, 2011].

22Une telle interprétation a été reprise dans d’autres contextes, comme en Angola, pour expliquer des manifestations plus ponctuelles de jeunes réclamant un meilleur accès à l’emploi, une amélioration de leurs conditions de vie [Lima, 2013]. Par ailleurs, les États qualifiés d’émergents ne sont pas non plus à l’abri de ces mouvements, qui visent à mettre en cause la montée des inégalités. Au Brésil, par exemple, le mouvement des « rolézinho », qui a concerné surtout les villes de Sao Paulo et Rio de Janeiro au début de l’année 2014, investit pacifiquement des centres commerciaux réservés aux classes aisées ; les jeunes issus des quartiers populaires, qui d’ordinaire sont interdits d’accès à ces lieux de consommation, revendiquent une plus grande égalité sociale et économique.

23L’arrivée de la question de la jeunesse sur la scène publique est porteuse d’une ambivalence : abordée comme une « classe dangereuse », potentiellement porteuse de violence et de subversion, la catégorie jeune est aussi décrite comme mieux formée que les générations antérieures et par conséquent porteuse de changements. Cette ambivalence se retrouve dans la façon dont la jeunesse est prise en compte dans les agendas politiques nationaux et internationaux ; alors que l’emploi des jeunes constitue l’une des trois cibles des premiers Objectifs du millénaire pour le développement, le bilan de ces politiques reste à faire.

Le retour de la jeunesse dans les agendas politiques nationaux et internationaux : quel bilan des politiques d’emploi dans les Suds ?

24En Amérique latine, depuis les années 1980, le retrait de l’État de la sphère économique a sonné la fin d’un État social et de son caractère redistributif. L’Amérique latine est, d’une certaine manière, le continent des (premières) politiques « à ciblage large » s’adressant aux personnes les plus vulnérables, mais porteuses de capabilities au sens de Sen et, par là, réinsérables dans le circuit productif. Ces politiques sont destinées « à ceux qui, potentiellement, sont appelés à sortir par eux-mêmes de la vulnérabilité : femmes salariées-chefs de famille, travailleurs précaires alternant salariat non qualifié et petites activités informelles, etc. » [Lautier, 2013].

25Dans cette zone géographique fortement libéralisée et ouverte au commerce extérieur depuis les années 1990, on a attendu du virage libéral qu’il crée massivement des emplois pour les travailleurs non qualifiés. Les politiques d’emploi mises en place n’ont pas visé véritablement les jeunes, ces derniers faisant partie de la catégorie globale des « vulnérables » que les politiques sociales (Conditional cash tranfers) entendent protéger à travers une « action sociale compensatoire », selon l’expression de Ceballos [2009], censée gérer des risques divers (précarité des femmes, chômage de masse, insertion des jeunes, retraite des non-cotisants, absentéisme scolaire, etc.). En Amérique latine, les politiques publiques ont donc plutôt une dimension familiale [García, de Oliveira, 2011]. Il existe bien quelques programmes ciblés sur les jeunes désavantagés [4], mais très peu sont évalués véritablement, à l’exception notable du programme dominicain Juventud y Empleo, qui date de 1999 et dont différents chercheurs ont évalué les impacts en termes quantitatifs (taux d’emplois, salaires, qualité des emplois) avec un bilan assez mitigé, mais également qualitatifs (aptitudes à l’effort, capacités organisationnelles, comportements [Ibarrarán et al., 2012]).

26En Afrique subsaharienne, alors que l’emploi se trouve souvent au cœur des discours politiques, « les stratégies mises en œuvre pour relever ce défi se sont pour la plupart résumées à la mise en place de programmes à caractère “palliatif” de courte durée. Politiques de formation professionnelle, politiques de création d’emploi par les travaux d’infrastructures à haute intensité de main-d’œuvre et politiques de promotion de l’emploi autonome sont autant d’interventions qui ont connu un essor en Afrique subsaharienne depuis les années 1970, avec des résultats assez mitigés » [Beaujeu et al., 2011, p. 13]. Les programmes publics « travail contre salaire et/ou contre nourriture » pallient temporairement des situations de crise, agissant comme des filets de sécurité quand les autres sources d’emploi sont « bloquées ».

27D’une manière générale, s’il est impossible, faute de disposer de suffisamment d’évaluations, de tirer un bilan global des expériences africaines en matière de programmes ciblés sur l’emploi, l’intégration et l’employabilité des jeunes, une vision intégrée combinant des services de formation qualifiante, de promotion de l’esprit d’entreprise et de traitement des questions sociales est conseillée par les bailleurs de fonds car porteuse de résultats.

28Le rapport de la Banque mondiale de 2008 sur les jeunes et l’emploi en Afrique rappelle, à la lecture de la synthèse des initiatives mondiales de Betcherman et al. [2007] [5], que les 11 programmes d’insertion qui ont été basés sur une approche multisectorielle intégrée ont, en moyenne, eu un impact plus probant que les autres. Ils ciblent la plupart du temps des jeunes disposant de faibles revenus, de faibles niveaux d’instruction, des jeunes femmes ou des jeunes handicapés. Mais le rapport souligne surtout que très peu d’évaluations sérieuses ont été effectuées sur ces programmes, quand ils ont été évalués (40 % des programmes recensés), en Afrique en particulier (29 programmes africains sont recensés dans l’inventaire). Le Kenya a expérimenté entre 1997 et 2001 un dispositif (Jua Kali) de chèques-formation subventionnés à 90 % par l’État et remis aux jeunes chômeurs qui ont eu, par ce biais, la possibilité de choisir leur prestataire de services de formation. L’évaluation de ce dispositif est plutôt positive, bien que reposant sur une population de petite taille qui ne permet pas de chiffrer quel aurait été son impact à une échelle nationale [Banque mondiale, 2008], échelle qui ne pourrait sans doute être atteinte sans une disposition des bénéficiaires à assumer les frais de formation. En 2008, l’Ouganda a mis en œuvre et évalué sérieusement un programme à destination de jeunes ruraux (NUSAF) dans le Nord du pays. Ces jeunes ont bénéficié de transferts d’argent de manière inconditionnelle par le biais de petits groupes de jeunes femmes et de jeunes hommes sans emploi, désireux de bénéficier de formations professionnelles ou ayant besoin de couvrir des frais de création d’entreprises. Les impacts sont jugés positifs, tant en termes de revenus (+ 50 % par rapport au groupe de contrôle) qu’en ce qui concerne l’emploi (doublement des heures travaillées en dehors du ménage) [Blattman et al., 2012].

29Des initiatives internationales récentes sont par ailleurs mises en place ; l’OIT a adopté en 2005, durant la 93e session de la Conférence internationale du Travail à Genève, une résolution qui présente les normes internationales du travail se rapportant aux jeunes et au travail décent. La liste des événements relatifs au travail des jeunes dans le monde est longue [6] et la recension des publications des institutions internationales sur le sujet est impossible à établir. Le premier Forum pour l’emploi des jeunes du Bureau international du Travail s’est tenu à Genève en mai 2012. Le quatrième Sommet panafricain des jeunes leaders des Nations unies pour les Objectifs du millénaire pour le développement s’est déroulé à Dakar en janvier 2014, sur le thème du chômage des jeunes dans l’agenda post-2015 des Nations unies. Du côté de la société civile, les « journées internationales des travailleurs » dans le monde francophone sont aussi l’occasion pour les médias de rappeler que les jeunes rencontrent des difficultés à trouver un emploi stable, qu’ils forment le gros des effectifs de chômeurs, même lorsqu’ils sont diplômés. Depuis les années 2000, l’emploi des jeunes est une priorité dans les agendas des institutions internationales. La Banque mondiale a consacré son rapport annuel aux investissements nécessaires en direction des jeunes en 2007 et un rapport en 2014 spécifiquement dédié à l’emploi des jeunes [Filmer, Fox, 2014].

30Roubaud, Torelli et Zanuso [2014] relèvent deux initiatives internationales : « La première, intitulée Understanding Children’s Work (UCW) a été lancée en 2000 par le BIT, l’UNICEF et la Banque mondiale. Coordonnée par l’Université de Rome, elle comprend une importante composante de recherche. […] Initialement exclusivement consacrée au travail des enfants, elle s’est progressivement tournée vers les liens qu’il entretient avec l’éducation, les migrations, et l’emploi des jeunes. […] La Banque mondiale a mis en place en 2008 avec d’autres partenaires (dont le projet UCW) une nouvelle initiative : le Global Partnership for Youth Employment. Dédiée à promouvoir l’emploi des jeunes (essentiellement en Afrique et au Moyen-Orient), elle a également une forte composante de recherche, à côté d’activités plus pratiques, comme la définition et la mise en place de projets de promotion de l’emploi des jeunes » [Roubaud, Torelli, Zanuso, 2014, p. 5].

31La relative inefficacité des politiques d’emplois qui ciblent les jeunes ces dernières années est lisible dans les taux de chômage, qui restent très élevés, les taux d’oisiveté des jeunes qui varient selon les pays entre 10 et 50 % [OIT, 2013]. 621 millions de jeunes dans le monde ne sont ni à l’école, ni en formation, ni en emploi, ni à la recherche d’un emploi. Précarité, vulnérabilité de l’emploi, pauvreté caractérisent la situation d’une grande majorité de jeunes pourtant de mieux en mieux éduqués, en particulier en Afrique subsaharienne.

Mesurer l’emploi et le chômage

32Selon l’Organisation internationale du Travail (OIT), la population pourvue d’un emploi regroupe les personnes ayant travaillé ne serait-ce même qu’une heure au cours d’une période de référence. Les chômeurs au sens du BIT regroupent les personnes (i) n’ayant pas travaillé au moins une heure au cours d’une période de référence (généralement la semaine ou le jour qui précède l’enquête), mais (ii) qui sont disponibles immédiatement et (iii) cherchent activement un emploi [7]. La population active regroupe, elle, les travailleurs – à temps plein et à temps partiel –, et ceux qui recherchent un emploi (les chômeurs au sens strict). Ces deux définitions sont de loin insuffisantes pour décrire la diversité des situations vécues par les personnes en âge de travailler (15-64 ans) vis-à-vis de l’emploi dans la plupart des pays, comme le montre le diagramme qui suit : outre le fait que la catégorie des travailleurs à temps plein regroupe des statuts dans l’emploi très différents (salariés, indépendants ou personnes travaillant à leur propre compte, travailleurs familiaux souvent jeunes et non rémunérés), les actifs travaillent parfois à temps partiel, soit de manière volontaire, soit parce qu’ils y sont « contraints ». On parlera dans ce dernier cas de personnes en temps partiel subi, ou en situation de sous-emploi, comme pour ceux qui sont à la recherche d’un emploi.

33Le taux d’emplois au sens strict du BIT défini précédemment n’est pas l’indicateur idéal pour appréhender la situation des jeunes. Dans bon nombre de pays en développement, le marché du travail « fournit de nombreuses opportunités d’occuper un emploi d’au moins une heure par semaine, mais qui n’est pas considéré comme tel par la personne qui l’occupe, ni d’ailleurs par la société (vente ambulante, menus services de gardiennage, aides ménagères ponctuelles, confection artisanale, etc.) » [Phélinas, 2014, p. 17 [8]]. De même, le taux de chômage ne donne qu’une idée très partielle du nombre de personnes sans emploi. Il y a plus de jeunes découragés qu’officiellement au chômage ; c’est le cas dans tous les groupes de pays africains étudiés dans le rapport de l’OCDE dédié au travail des jeunes [BAFD, OCDE, PNUD, CEA, 2012]. On préfère alors parler de chômage au sens large, en incluant ces travailleurs potentiels qui ne recherchent pas activement un emploi, par découragement face à une offre d’emplois insuffisante ou à des systèmes de mise en relation des travailleurs avec les employeurs obsolètes, inadéquats, voire quasi inexistants.

34Enfin, les jeunes sont fréquemment en situation de sous-emploi, de manière particulièrement criante sur le continent africain. Comme le rappelle Phélinas [2014], il existe deux formes de sous-emploi : le sous-emploi lié à un nombre insuffisant d’heures travaillées sur une période donnée, et « le sous-emploi invisible caractérisé par une faible productivité au travail associée à une rétribution médiocre » [Phélinas, 2014, p. 21]. On retrouve massivement ces problèmes de sous-emploi dans l’agriculture et le secteur informel urbain. Par exemple, sur 11 agglomérations africaines, Roubaud et Torelli [2013] comptent que 60 % des travailleurs informels sont en situation de sous-emploi invisible. Un autre indicateur de sous-emploi est le taux NEET (personne étant sans emploi, ne faisant pas d’études et ne suivant pas de formations, cf. diagramme 1 ci-dessous), qui prend en compte les personnes découragées, mais non comptabilisées par les mesures de sous-emploi, car ne travaillant pas – particulièrement pertinent pour les jeunes.

Diagramme 1

La pierre de rosette du marché du travail*

Diagramme 1
Situation Utilisation Situation vis-à-vis Travaille ? Qualité Travail des du temps de l’emploi de formel travailleurs l’emploi Dans la Temps Salarié Travaille Emploi Formel popula- plein salarié tion active Indépendant Emploi précaire Travailleur familial/ non rémunéré Informel Temps Travail à temps partiel partiel choisi Subi = sous-emploi Deman- Sous-emploi Chômage NEET* deur au sens d’emploi large Hors Inactivité Découragé popula-tion active ou travail à domicile Inactif Étudiant Étudiant Étudiant

La pierre de rosette du marché du travail*

* NEET : Not in Employment, Education, or Training (oisif : sans emploi, ne suivant pas d’études ni de formations).
Source : BAFD, OCDE, PNUD, CEA [2012].

35Partout, le taux de chômage est plus élevé chez les jeunes que chez les adultes. En 2011, près de 21,8 millions de jeunes en Amérique latine n’avaient jamais étudié ni travaillé, ce qui représentait 20,3 % de la classe d’âge des actifs ; parmi ceux-ci, 30 % étaient des hommes et 70 % des femmes [ILO, 2013]. La crise économique mondiale y a entraîné une forte hausse du taux de chômage des jeunes qui est passé de 13,5 % en 2008 à 15,4 % en 2009 pour ensuite reculer à partir de 2010 et s’établir à 12,9 % en 2012 [OIT, 2013].

36Les jeunes femmes sont plus touchées par ces situations de vulnérabilité sur le marché du travail que les jeunes hommes : par exemple, elles sont plus affectées par le sous-emploi que les jeunes hommes, quel que soit l’indicateur de sous-emploi considéré. Leur taux de NEET est deux fois plus élevé que celui des hommes en Afrique de l’Ouest, autour de 30 % en moyenne contre 15 % pour les hommes [Roubaud, Torelli, 2013, p. 89]. Entre la fin de leur scolarisation, parfois précoce et la maternité, les jeunes filles adolescentes se retrouvent parfois dans l’oisiveté, en milieu rural notamment, et n’ont pas d’activité professionnelle motivante en dehors des travaux domestiques.

37Même dans les pays où le taux de chômage des jeunes est faible, comme dans certains pays d’Asie du Sud (9,3 % en moyenne en 2012) et dans la plupart des pays africains (11,8 % en moyenne en 2012), les jeunes ont une probabilité d’être au chômage deux fois supérieure à celle des adultes, ou même davantage, avec une tendance à la hausse. Les taux de pauvreté sont en effet élevés dans ces régions et les problèmes d’emploi des jeunes sont plus liés à la médiocre qualité de ces emplois qu’au chômage : le travail, quelque forme qu’il prenne, est une nécessité pour beaucoup de jeunes, même s’il ne rapporte que très peu : en Inde par exemple, le taux de pauvreté au travail était de 33,7 % pour les jeunes en 2010 [9], contre 28,5 % pour les adultes [OIT, 2013, p. 16]. Les jeunes à faible revenu et peu instruits, sans soutien familial, n’ont pas d’autre choix que de trouver du travail, par opposition aux jeunes à revenu élevé qui pourraient compter sur le soutien de la famille pour la durée du chômage. « […] en l’absence de toute forme de protection sociale garantie par l’État, être chômeur est un luxe que les pauvres ne peuvent bien souvent pas s’offrir. […] dans les pays à faible revenu, le chômage ouvert [10] mesure le non-emploi des “riches” » [Phélinas, 2014, p. 20]. Ainsi, beaucoup de jeunes Africains sont actifs : en Afrique de l’Ouest, 57,9 % des jeunes de 15 à 29 ans des capitales étudiées [11] sont actifs [Roubaud, Torelli, 2013, tableau 4 p. 61]. Parmi les plus jeunes, âgés de 10 à 20 ans, 35 % en moyenne sont actifs dans ces mêmes capitales, avec des taux d’activité plus faibles (25 %) à Niamey et Bamako où ils sont pourtant plus nombreux. Seulement 15,2 % des 10-29 ans de ces villes africaines sont chômeurs au sens du BIT, ce qui n’empêche pas qu’un chômeur sur quatre a entre 15 et 24 ans (un sur deux à Ouagadougou), l’âge moyen des chômeurs étant de 30 ans [Roubaud, Torelli, 2013]. Cela dit, le constat change si l’on considère le taux de chômage élargi [12] des jeunes qui s’établit à 20,9 % sur les capitales ouest-africaines, atteignant 38,9 % à Kinshasa pour l’Afrique centrale.

38Dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, les exemples des révolutions du « Printemps arabe » commencées en décembre 2010 en Égypte et en Tunisie ont mis en exergue les aspirations des jeunes de plus en plus qualifiés sans emploi ou occupant des emplois qui ne correspondent pas à leurs compétences. Dans ces pays à revenu intermédiaire, plus qu’un problème de qualité des emplois, les dénominateurs communs aux mouvements sociaux impulsés par les jeunes sont le nombre insuffisant d’emplois que pourraient occuper les jeunes qualifiés, le nombre élevé de chômeurs en général (bien que beaucoup se découragent à chercher un emploi), de personnes sous-employées et de jeunes dans l’incapacité de fonder une famille, car au chômage.

39Dans ces pays, les taux d’emploi baissent à mesure que les jeunes sont mieux éduqués. Au Maroc, les jeunes avec un niveau universitaire faisaient face à un taux de chômage de 17 % en 2009, 3,7 fois plus élevé que ceux avec un niveau d’éducation primaire ou moins. En Tunisie, 23 % des diplômés de l’université étaient au chômage, contre 11 % pour les non-diplômés [Banque mondiale, 2012]. Ce paradoxe tient au fait que les jeunes continuent d’aspirer à trouver un emploi dans le secteur public (qui continue d’offrir un tiers des emplois en Égypte, en Irak, en Jordanie ou au Yémen) et se forment majoritairement de manière « académique » à l’université, délaissant ainsi l’acquisition de compétences qui augmenterait leur employabilité (un quart des effectifs d’étudiants en sciences, technologie, ingéniorat) [13], alors que 60 % des emplois restent dans le secteur agricole et celui des services, qui emploient majoritairement des travailleurs non ou peu qualifiés [Chaaban, 2010] [14]. Un paradoxe similaire est notable en Inde et en Asie du Sud en général, où les taux de chômage augmentent avec le niveau d’instruction des jeunes, en particulier pour les femmes [OIT, 2013]. On retrouve cette situation dans des pays africains (Tanzanie, Rwanda par exemple) où existe un petit secteur formel et où les demandeurs d’emploi recherchent la sécurité de l’emploi [OIT, 2013], « qui semble valider l’hypothèse du “chômage de luxe” en l’absence d’indemnisation » [de Vreyer, Roubaud, 2013, p. 36].

Une jeunesse aux emplois souvent précaires…

40Il n’est pas aisé de mesurer correctement ce que le BIT appelle le travail décent depuis 1999, du fait de la subjectivité des critères. La définition la plus courante désigne l’emploi précaire comme un emploi qui présente trop peu de garanties d’obtenir ou de conserver dans un avenir proche un niveau de vie « acceptable », et qui engendre un profond sentiment d’incertitude sur l’avenir. On peut également appréhender la notion d’emploi précaire à partir de ses caractéristiques. Selon le BIT, il existe quatre critères pour déterminer la précarité de l’emploi : la stabilité et la sécurité d’emploi ; les conditions de travail ; la nature et la stabilité des revenus du travail ; l’accès à la protection sociale.

41Les enquêtes les plus spécialisées permettent aux chercheurs d’appréhender distinctement, et dans toute leur ampleur, diverses situations de dépendance et de précarité qui concernent les jeunes au premier chef (aide familiale, apprentissage, travail domestique de jeunes apparentés ou non). Ainsi, dans le contexte post-séisme subi par Haïti entre 2007 et 2012 analysé dans ce numéro sur la base d’une enquête 1-2-3, Roubaud, Torelli et Zanuso observent une mise au travail généralisée des jeunes pour faire face à des situations d’urgence, mais dans des conditions d’emplois très dégradées ; la qualité des emplois occupés s’est profondément dégradée et ce, dans toutes ses dimensions (rémunération, conditions de travail, protection, etc.). La montée de la vulnérabilité des emplois s’explique par l’afflux massif des plus jeunes qui exercent comme aides familiaux.

42D’un autre côté, dans les pays en développement, 341 millions de jeunes se trouvent dans des situations d’oisiveté et donc de dépendance, dans la catégorie NEET, dans des proportions inquiétantes dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (41 % des jeunes en moyenne, le taux record parmi les 15-29 ans de 33 % étant le fait de la Tunisie [Banque mondiale, 2014]), en Amérique latine (21,8 millions de jeunes, soit 20,3 % de la classe d’âge parmi lesquels 70 % sont des femmes [ILO, 2013, p. 69 [15]]), en Afrique subsaharienne (23 % de la classe d’âge des 10-24 ans en Afrique de l’Ouest [Roubaud, Torelli, 2013, p. 90]), ce qui représente des situations à risque.

43Enfin, l’importance du secteur informel dans les économies en développement, et plus particulièrement pour les jeunes, est également souvent synonyme de précarité dans l’emploi. Bien que ce soit désormais bien connu, il faut redire ici la complexité du comptage des travailleurs dans le secteur informel et la multiplicité des situations d’emploi dans ce secteur qui ne se résume pas à des stratégies de survie, mais compte également de « véritables micro-entrepreneurs » [Rama, in De Vreyer, Roubaud, 2013, p. 9].

… Et en majorité informels

44Malgré la très grande diversité des situations dans le secteur informel, tant en termes d’activités, de conditions de travail que de rémunérations, on retrouve dans ce secteur la masse des emplois précaires, occasionnels, mal rémunérés, non régis par un contrat de travail ni assortis de protection sociale, qui sont occupés par une majorité de jeunes urbains dans les pays en développement. La prépondérance du secteur informel est désormais bien étayée statistiquement grâce à la multiplication des enquêtes 1-2-3 menées dans les capitales en Afrique de l’Ouest, dans les pays andins, au Vietnam et dans quelques autres pays au niveau national. Dans l’informel, un tiers des actifs a moins de 25 ans dans les capitales ouest-africaines ; 90 % des jeunes de 15 à 20 ans et 80 % entre 20 et 24 ans qui occupent un emploi sont dans l’informel [Roubaud, Torelli, 2013].

45Les autres continents n’échappent pas non plus à la prédominance du secteur informel dans l’emploi des jeunes, mais en Amérique latine et dans les Caraïbes par exemple, celui-ci a régressé pour toutes les classes d’âge entre 2005 et 2011, y compris pour les jeunes. Le BIT estime en 2011 que 55,6 % des jeunes latino-américains de 15 à 24 ans en situation d’emploi ont un emploi informel (62,7 % en 2005), ce qui représente tout de même 10 points de pourcentage en plus que les travailleurs de plus de 25 ans [ILO, 2013, p. 71]. Au Pérou en 2012 par exemple, la part du secteur informel désagrégée par classes d’âge montre que les jeunes de 14 à 24 ans représentent 21 % des emplois totaux (formels et informels) et 25 % des emplois informels (22 % dans le secteur informel et 34 % dans le secteur formel). Ils ne représentent encore que 9 % des emplois formels de l’économie péruvienne en 2012 [INEI, 2014].

46Depuis la seconde moitié de l’année 2012, de nouvelles enquêtes SWTS (school-to-work transition surveys) ont été mises en place dans le cadre du projet Work4Youth du BIT. Elles permettent de mesurer la transition des jeunes sur le marché du travail dans les pays en développement. Les résultats des enquêtes SWTS analysées par Shehu et Nilsson [2014] sur 20 pays appartenant aux différents continents confirment que les trois quarts des jeunes travailleurs âgés de 15-29 ans sont actuellement engagés dans l’emploi informel, qui peut être considéré comme un secteur « standard » d’insertion des jeunes sur le marché du travail dans les pays en développement, y compris dans les pays à revenus intermédiaires, qui présentent des taux élevés de jeunes employés informels dans le secteur formel.

47Le biais urbain des études sur le secteur informel est très prégnant dans les travaux sur le marché du travail, et sur le travail des jeunes a fortiori : nous manquons encore cruellement d’études sur la situation des jeunes ruraux, par manque de données comparatives notamment [DIAL, 2007]. L’informalité caractérise pourtant bon nombre de situations d’activité dans les milieux ruraux, dans l’agriculture où les contrats formels de travail de salariés agricoles ne sont pas la situation la plus fréquente dans une agriculture avant tout familiale, et hors de l’agriculture également dans toutes les activités de diversification des activités des ruraux (artisanats, commerces, travail des matériaux, réparations, etc.).

La tentation de la migration

48Sur la période récente, et notamment depuis la crise de 2008, les « bons » emplois ont diminué tandis que les emplois dans l’agriculture familiale et les activités informelles sont à la hausse. Il n’en reste pas moins que travailler dans le secteur informel est un choix par défaut pour beaucoup de jeunes peu satisfaits de leurs conditions d’emploi, sauf lorsqu’il permet d’échapper au secteur agricole, comme semblent le dire les jeunes vietnamiens lorsqu’ils sont interrogés sur leur satisfaction au travail [Razafindrakoto, Roubaud, Wachsberger, 2014]. Sur un autre terrain, en zone rurale burkinabé, l’article de Ouédraogo et Tallet dans ce numéro met effectivement en évidence l’existence d’un hiatus entre les entrepreneurs agricoles – des citadins ayant investi récemment dans l’agriculture notamment – qui entendent donner du travail aux ruraux et les jeunes réticents à s’engager dans ces emplois.

49Chez les jeunes femmes, la tentation de migrer en ville, même temporairement, est forte, parfois pour financer le prolongement de la scolarisation tandis que les jeunes hommes travaillent aux champs ou partent également en migration interne ou internationale. Ainsi, en ville du moins, les jeunes filles sont proportionnellement plus présentes sur le marché du travail que les jeunes hommes. « Entre 35 % et 43 % des jeunes habitantes de Cotonou, Abidjan et Lomé sont actives : 13 à 15 points de plus que leurs homologues masculins aux mêmes âges » [Roubaud, Torelli, 2013, p. 62] [16]. Comme le montre également l’étude de Calvès et Kobiané dans ce numéro, les jeunes Ouagalaises ont une forte activité économique durant l’adolescence, particulièrement parmi les moins scolarisées et les jeunes filles d’origine modeste. On retrouve ici le fait qu’en Afrique subsaharienne, alors que les garçons sont plus souvent apprentis lorsqu’ils sont déscolarisés, on attend plus souvent des jeunes filles qu’elles contribuent aux revenus des ménages ou qu’elles s’occupent de tâches domestiques. Beaucoup de jeunes Ouagalaises concilient activités domestiques et emploi, mais leur présence est visible sur le marché de l’emploi. Par ailleurs, les jeunes filles employées comme domestiques semblent récemment moins subir cette situation d’embauche, comme l’esquisse l’article de Blanchard sur les jeunes boliviennes de La Paz dans ce numéro : ces jeunes filles, et leurs aînées également, se construisent des carrières de domestiques et se professionnalisent davantage par le biais de formations.

50À l’instar de cet exemple, la migration est-elle une solution favorable à la situation professionnelle des jeunes ? Dans les capitales d’Afrique de l’Ouest, ainsi que dans les agglomérations d’Afrique centrale étudiées par Roubaud et Torelli [2013], le chômage frappe plus les natifs de ces villes que les migrants, ce qui est expliqué par le fait que les natifs sont plus jeunes, plus éduqués et donc à fort risque de chômage. Mais les situations sont contrastées : les travaux de Nguyen sur le Vietnam, dans la région du fleuve rouge proche de Hanoï, suggèrent au contraire que la population migrante est bien plus jeune que la population non migrante, avec une forte proportion de migrants âgés de 20 à 29 ans. Il apparaît que les jeunes migrants venant des zones rurales s’adaptent mieux aux exigences du marché du travail formel que les plus âgés [Nguyen, 2012]. L’article de Calvès et Kobiané sur le Burkina Faso dans ce numéro montre de même que « les migrantes entrent plus rapidement sur le marché de l’emploi que les natives de la capitale [ouagalaise, mais aussi que] l’obligation de gagner sa vie rapidement est clairement plus un enjeu chez les jeunes citadines issues d’un milieu pauvre et chez celles dont le père travaille dans l’informel que parmi les Ouagalaises plus favorisées socialement. […] Les jeunes migrants comme les migrantes ont des chances accrues de s’insérer dans le secteur formel de l’économie comparée aux natifs de Ouagadougou ».

51Finalement, on peut se demander si, malgré la spectaculaire progression du secteur informel depuis la décennie 1990 et le fait que les jeunes de plus en plus éduqués soient particulièrement présents dans ce secteur d’activités très diverses, les jeunes d’aujourd’hui s’en sortent moins bien que les générations précédentes.

Désirs de mobilités sociales, rapports entre générations : quelles évolutions ?

52On ne peut penser la catégorie de jeune sans la réinscrire dans une dimension temporelle forte, que ce soit celle du cycle de vie ou celle des générations. En effet, l’analyse des cycles de vie peut, par exemple, permettre d’évaluer la mobilité sociale, en observant rétrospectivement ce « point de départ » qu’est la jeunesse. L’approche intergénérationnelle, quant à elle, autorise à interroger des rapports de domination, entre aînés et cadets notamment, ou des rapports de transmission et d’héritage. Cette inscription de la catégorie jeune dans le temps permet par ailleurs de s’intéresser aux aspirations de la jeunesse, à la manière dont eux-mêmes s’inscrivent dans un futur qui apparaît comme relativement incertain en fonction des contextes.

53Cependant, l’étude en fonction du cycle de vie a des implications méthodologiques fortes, obligeant à disposer de données biographiques ou de récits de vie. L’approche biographique, telle qu’elle a été développée à partir des années 1980-1990, autorise l’analyse de trajectoires individuelles, que ce soit des trajectoires résidentielles, professionnelles ou familiales, ainsi que les interactions entre ces différentes trajectoires [GRAB, 2006]. Elle apparaît ainsi comme particulièrement adéquate pour mesurer les passages de seuils, les effets de transition entre la jeunesse et l’âge adulte. L’approche biographique permet de décrire le processus conduisant l’individu de la jeunesse à l’âge adulte et de comparer le comportement de chaque génération à ces âges.

54Ainsi, dans ce numéro, Calvès et Kobiané utilisent des données d’une enquête biographique menée à Ouagadougou et mettent en évidence les changements affectant l’accès à l’emploi urbain féminin. Ils montrent que si les jeunes filles, à l’adolescence notamment, conservent un fort taux d’activité en lien avec les activités domestiques, elles tendent à occuper de plus en plus des emplois stables, notamment dans le secteur privé ; la naissance du premier enfant reste cependant un facteur discriminant fort par rapport aux hommes. D’autres études ont mis en relation l’analyse des cycles de vie et celle de l’évolution des revenus, afin de mettre en évidence les éventuelles inégalités entre les générations à certains âges. À Madagascar par exemple, malgré une récession économique forte dans les années 1990, il apparaît que les individus jeunes à cette période connaissent de meilleures conditions que leurs aînés aux mêmes âges [Guénard, 2004].

55L’approche en termes de cycle de vie, dans la mesure où elle caractérise la trajectoire professionnelle et la replace dans le contexte familial notamment, permet également de mettre à jour des stratégies en matière d’accès à l’emploi, au niveau familial particulièrement. Plusieurs travaux font état d’un « cycle de vie triphasé » conduisant des jeunes actifs de moins de 25 ans dépendants de l’informel (aides-familiaux, apprentis, domestiques) vers des emplois plus stables dans le secteur formel, privé ou public entre 25 et 45 ans, alors que les générations plus âgées, de plus de 45 ans, seraient cantonnées à des activités indépendantes de nouveau dans l’informel (travailleurs à leur compte, micro-patrons) [Lautier, 1984]. Ce processus relèverait de stratégies familiales consistant à « placer » des membres de la famille en apprentissage ou comme aides-familiaux avant d’organiser leur passage dans le secteur formel. Comme le montrent Chort, de Vreyer et Marazyan dans ce numéro, une telle stratégie n’est pas automatiquement gagnante sur le plan financier. En effet, les aides-familiaux ou apprentis sénégalais, lorsqu’ils accèdent à un statut de salarié, se retrouvent avec un niveau de rémunération équivalent à celui de leur ancien statut. Toutefois, ce niveau de rémunération est plus de deux fois inférieur au niveau de rémunération des salariés entrant dans le monde du travail directement comme salarié.

56Plus qu’à des stratégies en termes d’accès à un emploi stable et rémunérateur, cette différence tient au niveau éducatif des uns et des autres ; l’apprentissage n’est que peu valorisable sur le marché de l’emploi formel, contrairement à une éducation plus classique. Un tel constat va dans le sens de l’article de Blanchard concernant l’emploi domestique à La Paz ; les migrantes internes, peu éduquées, sont cantonnées dans des familles et des quartiers où les niveaux de salaire restent bas, alors que celles qui parviennent à faire valoir leur expérience et à s’inscrire dans des formations spécifiques dispensées par les syndicats parviennent à des niveaux de rémunération et de reconnaissance supérieurs. L’accès de plus en plus massif à l’éducation, conjugué à une évolution favorable du marché de l’emploi a mis a mal « la belle articulation harmonieuse de l’économie formelle et de l’économie informelle […] : les jeunes “dépendants de l’informel” loin de devenir travailleurs formalisés, soit restaient ce qu’ils étaient, soit tombaient dans le chômage sans fin où l’inactivité, soit mouraient » [Lautier, 2005]. L’article de Kaba illustre cette impasse possible que constitue l’apprentissage pour un passage du secteur informel vers le secteur formel, comme le montrent les trajectoires des jeunes travailleurs des ateliers de métallurgie. Pris dans une relation complexe avec les contremaîtres, rares sont ceux qui parviennent à franchir les premières étapes de l’apprentissage qui leur permettrait de connaître une réelle ascension sociale et de changer de statut.

57L’analyse des relations intergénérationnelles apparaît à bien des égards comme complémentaire de celle en termes de cycle de vie. En effet, elle permet d’interroger non seulement la position des jeunes, leurs interactions avec les autres générations, mais aussi les changements sociaux à l’œuvre dans ces interactions. Plus spécifiquement, s’appuyant sur le constat de situation de crise, de montée des violences, de tensions grandissantes entre « les modèles de réciprocité intergénérationnelle et les modèles libéraux d’individus autonomes » [Gomez-Perez, Leblanc, 2012, p. 11], déjà évoqués, l’approche par les générations propose d’observer la capacité créatrice des jeunes à s’inscrire dans des logiques d’autonomie. En cela, nombre d’études mobilisent la notion « d’agentivité » (agency) qui « a permis de mettre en évidence que, malgré les conditions difficiles dans lesquelles les jeunes évoluaient, ces derniers ne sont pas complètement déterminés par les circonstances, mais sont plutôt dotés de capacités d’action sur leur environnement pour créer un espace d’affirmation politique et sociale » [Gomez-Perez, Leblanc, 2012, p. 12]. L’article de Koenig montre cette capacité de créativité de jeunes pourtant aux marges de la société et de l’économie abidjanaise ; bien qu’ils s’appuient sur des activités économiques aux limites de la légalité, ils démontrent une réussite économique qui leur permet de s’affranchir des impératifs sociaux qui pèsent sur eux.

58Capacité créatrice des individus jeunes et notion de « débrouille » sont alors mobilisés pour mettre en exergue les processus à l’œuvre au sein de la jeunesse qui auraient un impact en termes de changements sociaux et culturels. Dans cette relation complexe entre les générations, où les jeunes seraient caractérisés par la « débrouille » ou l’« informalité » dans l’accès à l’emploi, la figure du salarié constitue l’horizon indépassable de la réussite, devenu aujourd’hui inatteignable pour nombre de jeunes pourtant diplômés. Ainsi, alors que dès la période coloniale, l’introduction du travail salarié dans un contexte d’industrialisation, a constitué un premier pas vers des formes d’autonomie de la jeunesse, cette génération a été dans l’incapacité de transmettre ce statut, et ses avantages sociaux et économiques, à sa descendance aujourd’hui en quête d’emploi et de reconnaissance [Jewsiewicki-Koss, 2012]. L’exemple de la région minière du Katanga et des crises qu’elle a connues, avant son « renouveau » actuel dans des conditions d’exploitation et d’emploi très différentes, apparaît comme paradigmatique de ces ruptures générationnelles ; alors que la génération des pères a connu à la fois les avantages du salariat dans les mines et la retraite ou le licenciement, les jeunes se sont lancés dans l’exploitation informelle du minerai, amenant à des systèmes de valeur et des lectures du passé, du présent et de l’avenir divergents [Makori, Bach, 2013].

59L’article de Feudjio, dans ce numéro, même s’il ne met pas en avant une approche intergénérationnelle au sens strict, montre comment les jeunes urbains camerounais, devenus benskineurs faute d’emploi salarié ou à la hauteur de leurs qualifications, se sont tournés vers l’activité de moto-taxi, parvenant à s’imposer à la fois en termes d’activité, mais aussi comme groupe de résistance face à certaines contraintes formulées par les autorités. Le choix du métier de benskineurs, plus qu’un système de débrouille face au chômage urbain, peut se lire comme la capacité d’une génération à construire sa propre autonomie, en regard de formes d’autorité telles que les municipalités ou l’État plus globalement.

60Ainsi, interroger cette catégorie qu’est la jeunesse en relation avec les autres générations, notamment celle des aînés, conduit à questionner les formes d’autorité, de pouvoir qui s’imposent à ces jeunes, alors qualifiés de « cadets ». Une telle approche, mettant l’accent sur les hiérarchies sociales, s’appuie en partie sur une anthropologie d’inspiration marxiste. La catégorie des aînés est alors envisagée comme la « classe dominante », face à celle des dominés que sont les jeunes. « Si les aînés constituent une classe exploiteuse, chacun des membres qui la composent ne pourrait y parvenir qu’en ayant été au préalable membre de la classe inférieure exploitée, donc après avoir été lui-même exploité […]. Ils ne se perpétuent qu’en accordant aux cadets les moyens de la reproduction, c’est-à-dire une épouse » [Meillassoux, 2005, p. 123]. Même si les rapports de séniorité sont mis en avant, la position « d’exploités » est envisagée comme transitoire, l’accès aux femmes, et partant au mariage et à la fondation d’une famille, étant décrit comme le moment primordial de passage d’une classe à une autre. Cependant, cette relation entre aîné et cadet s’est complexifiée dans la mesure où non seulement le mariage ne peut plus être abordé comme le seul moment important dans le passage d’une classe à une autre, mais où le contexte de crise économique, de l’emploi ou, à l’inverse, des contextes d’émergence, ont pu bousculer ces hiérarchies héritées. Par exemple, le développement des migrations internes et internationales, pratiquées autant par des cadets que des aînés a conduit à des changements dans les rapports sociaux, allant d’une part vers des formes d’autonomisation malgré une position héritée de dominés [Timera, 2001], et d’autre part vers des renégociations du rapport d’autorité en lien avec de possibles réussites économiques en migration [Michel, Prunier, Faret, 2011]. La dimension familiale est alors mise en avant comme un espace de négociation, d’arbitrage des trajectoires et des rôles sociaux, économiques de chacun des membres.

61En marge de ces cadres familiaux qui instituent malgré tout des rapports hiérarchiques et d’autorité, d’autres espaces, en lien à la fois avec les migrations et l’urbanisation, transcendent ces héritages sociaux de la migration. L’article de Kaba fait ainsi état de la « disparition » des rapports hiérarchiques de caste et intra-caste sur les chantiers de construction réunissant des travailleurs de la métallurgie en Inde. Le partage de conditions de vie et de travail similaires, et surtout une certaine mise à distance par rapport au village et au cadre familial justement, sont autant d’éléments concourant à ce bouleversement hiérarchique. Cependant, il ne suffit pas à faire émerger une conscience de classe fondée sur ce que l’auteur qualifie de « culture de précariat », alors qu’une culture professionnelle basée sur les valeurs de l’effort physique, la maîtrise de savoir-faire techniques semble rassembler ces travailleurs de la métallurgie. La mobilité, en lien avec la pratique de certains travaux, ou avec la possibilité d’une réussite sociale, participe du changement social, mais elle ne suffit pas à remettre en cause durablement les rapports hiérarchiques hérités, fondés surtout sur la séniorité.

62Des approches plus larges touchant aux rapports hiérarchiques et aux formes de mobilisation et de contestation, ont mis en exergue la notion de « cadets sociaux » [Bayart, 2006], qui englobe l’ensemble des catégories sociales considérées comme dominées, qu’il s’agisse des jeunes, des femmes, des non castés… Réinscrivant ces rapports sociaux de domination dans la logique coloniale et ses formes d’héritage (dont la logique clientéliste portée par les États), la notion de « cadet social » met en avant le processus de marginalisation dans lequel l’ensemble des catégories de « dominés » est pris, limitant les possibilités d’ascension sociale. Cependant, la particularité de cette catégorie qu’est la jeunesse est d’une part qu’il s’agit d’un processus de transition – par conséquent, de cadet, les jeunes sont appelés à devenir des aînés – et d’autre part la mobilisation de stratégie, de tactique de la part de ces jeunes pour échapper à leur condition. L’analyse des logiques clientélistes qui prévalent dans certains rapports sociaux, notamment pour ce qui est de l’accès à l’emploi, montre l’ambiguïté des rapports de domination, et la possibilité qu’ils offrent ou non pour un jeune d’accéder à l’autonomie, d’un point de vue économique. L’insertion dans un réseau clientéliste peut constituer pour les jeunes une opportunité, supposée ou réelle, pour parvenir à leur indépendance économique. Par exemple, dans le cas des commerçants de la région de Maradi, « La promotion au sein de ces réseaux est lente et le résultat d’une longue mise à l’épreuve qui offre la perspective au jeune dépendant de s’installer un jour à son compte avec l’aide de son patron en signe de gratitude. Beaucoup de jeunes sont ainsi bercés dans l’image qu’ils deviendront, eux aussi, un jour, alhaji, c’est-à-dire un grand commerçant reconnu. […] De même, des jeunes scolarisés peuvent parfois trouver dans ces réseaux des opportunités que ne leur offre plus le secteur moderne » [Grégoire, 1993]. L’article de Feudjio traduit bien l’ambiguïté de la position des jeunes vis-à-vis de ce rapport clientéliste ; les benskineurs se constituent à la fois comme force collective à même de refuser l’application de certains règlementaires et n’hésitent pas, en même temps, à répondre positivement aux sollicitations de la part d’un État que l’on peut qualifier de clientéliste. D’une certaine manière, ils semblent faire preuve d’un certain opportunisme qui leur permet de conserver leur position sociale et économique.

63Les jeunes bénéficient également de leurs propres réseaux sociaux, pouvant leur permettre d’accéder à l’emploi sans avoir à s’en remettre à des formes de clientélisme. Parmi les formes d’organisation créées par les jeunes dans certaines villes d’Afrique de l’Ouest, les « fada » au Niger par exemple, sont à la fois des lieux de prise de parole, de débats, mais aussi des réseaux sociaux spécifiques aux jeunes hommes, pouvant être mobilisés pour des formes d’entraide, trouver un emploi [Boyer, 2014]. L’article de Nordman et Vaillant propose, dans ce numéro, d’analyser l’efficience de ces réseaux sociaux, qui dépassent le cadre familial, et peuvent favoriser l’ascension sociale.

64La capacité de mobilisation des jeunes d’un côté, les relations paradoxales qu’ils nouent avec les hiérarchies en place et les logiques clientélistes d’un autre côté, peuvent constituer un reflet des aspirations d’une jeunesse qui a de plus en plus de difficulté à parvenir à s’autonomiser. Les tensions, non seulement entre les générations, mais aussi entre les catégories de dominants et de dominés, s’accroissent dans un contexte où nombre de pays voient soit le nombre d’emplois disponibles se restreindre de façon importante, soit le nombre de jeunes croître fortement, soit les deux phénomènes se conjuguer. Alors que le salariat constitue un horizon lointain pour des classes d’âge entières, y compris de diplômés, certains comportements peuvent apparaître comme irrationnels. L’article de Ouédraogo et Tallet, illustre les incompréhensions entre classes d’âge, mais surtout entre des catégories sociales très éloignées les unes des autres. Les entrepreneurs urbains investissant dans l’agriculture semblent avoir des difficultés à stabiliser leur personnel, autant pour des raisons de faiblesse des salaires que pour des raisons de calendriers d’activités, d’obligations dans lesquels les travailleurs ruraux peuvent être pris et qui les conduisent à abandonner leur emploi. Certains n’hésitent pas à faire venir ces travailleurs agricoles de l’espace urbain, dans l’espoir qu’ils soient plus stables.

65Ainsi, interroger la jeunesse sous l’angle du cycle de vie, des relations intergénérationnelles ou des rapports de domination et des hiérarchies sociales permet de mettre en évidence une autre facette de cette catégorie sociale. Si la jeunesse est décrite comme un passage vers l’âge adulte et vers l’autonomie économique ou sociale, il s’agit aussi d’un moment où les acteurs concernés démontrent d’une capacité à se mobiliser, à mettre en œuvre des tactiques, des stratégies, jouant souvent de résistance et d’obéissance face aux aînés. Cependant, dans un contexte où l’accès à l’emploi, première étape vers une autonomie économique, est de plus en plus complexe, les tensions entre générations ou au sein de cette catégorie de jeunes ne font que s’accroître.

Pour conclure : place aux jeunes !

66Sont proposées aux lecteurs de ce numéro des analyses de situations « extrêmes » que connaissent les jeunes les plus précaires (jeunes ruraux, travailleurs informels urbains, jeunes mis au travail suite au séisme en Haïti) et quelques illustrations de tendances positives émergentes, à l’instar de celle des jeunes domestiques qui ont un meilleur accès à la formation professionnelle à la Paz ou encore de celle des jeunes Ouagalaises qui s’insèrent mieux que leurs aînées sur le marché du travail urbain.

67Les jeunes paient le lourd tribut de la crise actuelle, subissent de plein fouet la dégradation des conditions d’emploi, et cela malgré une massification impressionnante de la scolarisation partout ou presque. L’expansion massive de l’accès à l’éducation n’a cependant pas suffisamment amélioré le passage de l’apprentissage de très nombreux jeunes vers des situations d’emplois stables, ni résolu les problèmes de qualité de la formation pour acquérir les compétences de base (lecture, calcul) nécessaires pour être compétitifs au niveau international, alors que le développement de l’apprentissage formel et informel est jugé comme absolument prioritaire comme le souligne le rapport de Faber et Naidoo [2014]. Trop peu d’études portent encore aujourd’hui sur l’ampleur de l’apprentissage, surtout informel. Le travail de Chort et ses coauteurs sur le Sénégal et celui de Kaba sur l’Inde dans ce numéro, ainsi que celui de Nordman et Pasquier [2014] sur l’Afrique de l’Ouest en zones urbaines, comblent partiellement ce manque au niveau de la recherche [17].

68Pourtant, on ne peut que constater l’inadéquation des compétences avec les besoins du marché du travail. Or la demande d’innovations à forte intensité de compétences en Asie et en Amérique latine, notamment dans les industries exportatrices qui ont tendance à faire un usage disproportionné des jeunes [18], requiert de plus en plus de compétences techniques de leur part. Par exemple, seulement 2 % des étudiants sont spécialisés dans l’agriculture (niveau ingénieur) malgré l’importance, tant en emplois qu’en création de richesse, de ce secteur pour l’Afrique. Alors que la forte croissance des villes continue à attirer les populations et les activités, les jeunes Subsahariens restent encore massivement des ruraux ou vivent dans des petites villes. Aujourd’hui, 60 % des premiers emplois des jeunes urbains en Afrique subsaharienne sont encore dans l’agriculture et les demandeurs d’emploi y seront majoritairement ruraux jusqu’en 2035 [Losch, 2012]. Il est urgent par conséquent que les jeunes aient accès plus massivement à des compétences particulières en agriculture pour améliorer la productivité (traitement, commercialisation, fonctionnement et réparation de machines, transport, logistique, contrôle de qualité). Une diversification des activités agricoles et nonagricoles dans les zones rurales en Afrique subsaharienne est en cours, qui pose nécessairement des défis aux formations professionnelles jugées obsolètes, car trop axées sur des savoir-faire techniques qui « négligent la diversité des fonctions sociales que le producteur devra assurer dans le cadre d’une exploitation familiale » [Beaujeu et al., 2011] et des organisations de producteurs [Albaladejo, Arnauld de Sartre, Carricart, 2010].

69Par ailleurs, alors que le secteur informel offre aux jeunes des emplois majoritairement mal rémunérés et de mauvaises conditions de travail et ce, depuis son développement exponentiel au milieu des années 1980, alors que l’on parlait à l’époque de la saturation du secteur en matière de création d’emplois, toutes les préconisations internationales mettent désormais l’accent sur le développement de ce secteur multiforme pour répondre au défi de l’emploi des jeunes, non seulement à travers un effort particulier sur l’apprentissage, mais aussi par des aides au développement de l’entrepreneuriat. Il existe aujourd’hui une myriade de projets du type « facilitation de l’entrepreneuriat » [19] sans qu’il soit possible d’en avoir une vision synthétique, faute d’évaluation systématique.

70Lorsque des programmes publics pour l’emploi et la formation des jeunes existent, ils mettent l’accent sur l’acquisition de compétences comportementales, commerciales et/ou techniques – parfois combinées avec des mesures visant à lever les contraintes du crédit. Coûteux, ils sont fragmentés entre des administrations trop nombreuses, mal coordonnées et pas assez complets pour remédier à tous les écueils qui freinent l’activité des jeunes. Seul un environnement institutionnel porteur et à même de libérer le potentiel productif des jeunes entrepreneurs, même s’ils restent travailleurs indépendants et/ou informels, pourra permettre de soutenir le développement économique, comme le soulignent Dimova et Nordman [2014].

71Les contributions portent des éclairages inédits sur les conditions d’activité des jeunes dans quelques contextes originaux. Les recherches sur les jeunes appartenant aux classes moyennes dans les Suds ne sont cependant pas abordées, comme par exemple certains mouvements en Amérique latine notamment au Brésil avec les rolézinho. Les jeunes font pourtant parler d’eux dans l’actualité récente, à la suite de mouvements politiques et sociaux tels que « Y’en a marre » au Sénégal en 2011 et le « Balai citoyen » au Burkina Faso, à partir de 2013. Ces mouvements sont le fait de jeunes éduqués dont un trait commun, à travers les continents, est qu’ils sont en situation de chômage, voire de précarité malgré leur niveau d’études. Si les revendications sont essentiellement politiques et pro-démocratiques, il n’en reste pas moins qu’en filigrane, l’emploi est au cœur de ces mouvements qui entendent en finir avec les logiques clientélistes des élites. La capacité des jeunes à s’organiser en réseau constitue à la fois un moyen de contourner ces logiques et un mode d’organisation porteur de contestations des systèmes politiques en place.

Notes

  • [*]
    Géographe, chargée de recherche IRD, UMR 205 URMIS.
  • [**]
    Économiste, maître de conférences, université Paris 1, UMR 201 Développement et sociétés. Chercheure associée à DIAL, UMR 225 IRD/Université Paris-Dauphine.
  • [1]
    En juin 2013, les projections de population des Nations Unies prennent en compte 49 pays dans la catégorie de pays les moins développés : 34 en Afrique, 9 en Asie, 5 en Océanie et 1 en Amérique latine et dans les Caraïbes.
  • [2]
    Une grande partie de l’augmentation globale de la population entre 2013 et 2050 devrait avoir lieu dans les pays à forte fécondité, surtout en Afrique, ainsi que les pays à forte population comme l’Inde, l’Indonésie, le Pakistan, les Philippines et les États-Unis d’Amérique.
  • [3]
    Nous revenons sur les définitions relatives à l’emploi en seconde partie du texte.
  • [4]
    Voir par exemple le programme Jovenes péruvien, salué par la Banque mondiale, mais qui s’est vite avéré très coûteux. Il repose sur un modèle ciblé sur la demande, qui vise les jeunes économiquement défavorisés, encourage la participation du secteur privé et stimule la concurrence entre les prestataires de services de formation.
  • [5]
    Les auteurs font l’inventaire des interventions d’appui à l’emploi des jeunes à partir de 289 études relatives à des interventions entreprises dans 84 pays de toutes les régions du monde.
  • [6]
    Pour une recension des sommets du G20 (États), du B20 (organisations professionnelles) et du L20 (organisations syndicales) qui ont abordé la question de l’emploi des jeunes récemment [OIT, 2013, encadré p. 6].
  • [7]
    Quand un individu répond aux trois critères de la définition conventionnelle énoncés ci-dessus, il est en situation de « chômage ouvert » ou « chômage au sens du BIT » par opposition à des situations de sous-emploi.
  • [8]
    L’auteure rappelle également que les fortes variations saisonnières des activités agricoles ne sont pas non plus correctement appréhendées par la référence à une période de temps de travail hebdomadaire, de surcroît lorsque les enquêtes ne sont effectuées au mieux qu’une seule fois par an.
  • [9]
    Au niveau de pauvreté de 1,25 dollar EU.
  • [10]
    Définition du chômage au sens du BIT.
  • [11]
    Les enquêtes 1-2-3 phase 1 qui sont à la base de ces chiffres ont été menées entre 2001 et 2005 à Cotonou, Ouagadougou, Abidjan, Bamako, Niamey, Dakar et Lomé, ainsi que dans quelques agglomérations d’Afrique centrale (Yaoundé, Douala, Kinshasa) et dans la capitale malgache, Antananarivo.
  • [12]
    On ajoute aux chômeurs BIT les inactifs qui, bien que n’ayant pas cherché de travail au cours du mois de référence, restent disponibles si on leur en proposait un.
  • [13]
    Au contraire des jeunes asiatiques par exemple (40 % des effectifs étudiants dans ces filières techniques).
  • [14]
    Par ailleurs, le secteur pétrolier particulièrement important dans certains de ces pays est très intensif en capital et génère peu d’emplois.
  • [15]
    Parmi ces jeunes, un « noyau dur » de 4,6 millions d’exclus, en majorité de jeunes-hommes, ne travaillent pas, n’étudient pas et n’effectuent pas de tâches domestiques non plus [OIT, 2013, p. 69].
  • [16]
    Au contraire, dans les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, les jeunes femmes sont nettement plus touchées par le chômage que les jeunes hommes : en moyenne au Moyen-Orient, 42,6 % des jeunes femmes actives étaient au chômage en 2012, contre 24,5 % pour les jeunes hommes (OIT, 2013, p. 21).
  • [17]
    Il faut néanmoins souligner, en France, l’existence d’études de dispositifs particuliers de la part de professionnels du développement tel que le GRET, ou de bailleurs tel que l’AFD.
  • [18]
    En Indonésie par exemple, dans l’électronique et le textile, deux secteurs fortement tournés vers l’export, la part de l’emploi des jeunes est plus de deux fois celle de la moyenne nationale, à tel point qu’on peut parler de secteurs « à forte intensité de jeunes » [Filmer, Fox, 2014].
  • [19]
    http://www.youth-employment-inventory.org (page consultée le 2 février 2015).

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Florence Boyer [*]
  • [*]
    Géographe, chargée de recherche IRD, UMR 205 URMIS.
Charlotte Guénard [**]
  • [**]
    Économiste, maître de conférences, université Paris 1, UMR 201 Développement et sociétés. Chercheure associée à DIAL, UMR 225 IRD/Université Paris-Dauphine.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 16/03/2015
https://doi.org/10.3917/autr.071.0003
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