CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Traiter de la question des inégalités dans l’éducation selon le genre se heurte, dans le cas du Mexique, à trois difficultés. La première réside dans le manque de données qualitatives locales : les données différenciées par sexe sont relativement rares pour l’enseignement supérieur et la recherche. Ainsi, le chercheur intéressé par la question de la place des femmes dans le milieu scientifique en termes de production, de modalités d’exercice de la recherche, ou de fonctions exercées, ou par la différenciation dans ce milieu selon le sexe en termes de lois, de dispositifs, et de normes, ne dispose que de peu d’éléments. Ces éléments sont de surcroît soit englobants (données nationales), soit locaux mais partiels (études menées au sein d’universités sur des échantillons réduits d’enseignants-chercheurs), rendant les comparaisons difficiles. La compréhension des mécanismes de différenciation entre les sexes dans le milieu scientifique bute sur une seconde difficulté : alors qu’il est nécessaire, pour traiter de ce sujet, de se reporter aux données quantitatives existantes, celles-ci prennent appui sur, et prolongent les dispositifs et catégories existantes en termes de carrières universitaires et scientifiques. L’évaluation de la part respective des femmes et des hommes dans l’enseignement supérieur et la recherche, en termes d’activités, de responsabilités, et de production scientifique, s’adosse ainsi nécessairement sur les données du Système national des chercheurs (SNI), de l’Association nationale des universités et institutions d’enseignement supérieur (ANUIES), ou du Secrétariat à l’enseignement public (SEP). Or ces catégories ne révèlent jamais que ce qui est mesurable, donc visible, travestissant par là l’une des logiques possibles de la discrimination auxquelles les femmes seraient sujettes : celle de les rendre invisibles, elles et leurs travaux scientifiques. Et ces catégories occultent une dimension essentielle des rapports de genre dans le domaine scientifique – a fortiori les inégalités dont souffriraient les femmes : les conditions de production de ces inégalités. Celles-ci sont pour ainsi dire « naturalisées » en tant qu’éléments consubstantiels des systèmes dans lesquels exercent les chercheurs, indépendamment des conditions sociales de leur insertion dans le milieu scientifique ou, plus encore, dans les autres milieux sociaux – dont la science semble toujours être considérée comme indépendante.

2Le troisième obstacle, enfin, a trait aux connaissances produites sur le sujet, qui sont pour une bonne part biaisées par la posture adoptée par leurs auteurs. Dans leur majorité, ces connaissances sont traversées par la dualité et les oppositions indissociables de l’objet de l’analyse, dont le machisme, d’un côté, l’infériorité et la soumission de l’autre, constituent les figures paradigmatiques. La place, le statut et le rôle des femmes dans le milieu scientifique sont ainsi le plus souvent appréciés à l’aune de ceux des hommes, et les progrès qu’elles accomplissent évalués en termes de gains par rapport aux désavantages dont elles seraient traditionnellement victimes.

3Poser la question de l’égalité dans le domaine scientifique bute ainsi sur la prégnance du schéma de la domination, sur la dualité de l’objet et, in fine, sur le caractère binaire de cette problématique. Une telle recherche se heurte aussi à la difficulté de cerner les conditions sociopolitiques de production des rapports différenciés des hommes et des femmes à et dans la science. De fait, différents registres se mêlent au cœur des études consacrées à ce sujet : celui des rapports de genre (quelles positions occupent les femmes dans le milieu scientifique par rapport aux hommes ?), celui du temps (quelles positions occupent les femmes, aujourd’hui, dans le milieu scientifique par rapport à leurs aînées ?), et enfin celui des systèmes de science dans lesquels elles exercent (ces systèmes entérinent-ils la domination masculine ? Quels rôle et place concèdent-ils aux femmes ?). D’autres registres, qui permettraient de déplacer les perspectives, sont à l’inverse largement passés sous silence, comme celui des rôles, fonctions et pouvoirs des femmes dans la science, comparés à ceux qu’exercent les femmes dans les autres secteurs sociaux. En un sens, la domination masculine fait largement écran, dans les analyses, aux pratiques respectives des hommes et des femmes et aux facteurs de production de ces pratiques, comme si les femmes ne devaient jamais agir qu’en réponse à cette domination. Une telle perspective occulte ainsi, de manière paradoxale, deux volets au moins, inhérents à cette question du genre : d’une part ce qui, loin d’être le fruit de la domination, serait le produit social de la construction, hors science, d’une division sexuée des rôles et des fonctions et, d’autre part, les pratiques et stratégies éventuellement suivies, tant par les hommes que par les femmes, pour déjouer, dans la science, ces assignations différenciées.

4Cette question est précisément mise en évidence par le succès des chercheures qui sont parvenues au sommet du Système national des chercheurs (SNI), qui consacre l’activité et la productivité scientifiques de ses membres à travers la promotion et l’allocation de sursalaires. Et elle prend une résonance particulière à l’écoute de ces femmes, dans le discours desquelles est peu présente la question des inégalités. Ainsi, à rebours de ce que semblent montrer les indicateurs d’inégalités entre hommes et femmes dans la science, le cas de ces femmes semble attester de tendances possibles d’« égalitarisation » à travers le savoir dont elles sont porteuses, et qui est au cœur de leur reconnaissance scientifique. C’est cette hypothèse que nous avons suivie en amont de l’analyse exposée ici. Il nous a paru indispensable de chercher à comprendre dans quelle mesure la relative absence d’inégalités dans le discours de ces femmes reflétait, ou non, une absence d’inégalités dans les faits.

5Pour tester l’hypothèse d’une « égalitarisation » des rôles et statuts des femmes et des hommes par le savoir, nous tenterons d’identifier quelques traits des inégalités en examinant la place respective des femmes et des hommes dans les différents degrés de l’enseignement et dans la recherche, tels qu’ils sont présentés dans la littérature scientifique sur le sujet, à partir d’une exploration quantitative de la base de données du SNI et à travers une série d’entretiens qualitatifs réalisés auprès de femmes-chercheurs à l’Université autonome de Mexico en 2010. Nous chercherons ensuite à mettre au jour les facteurs de production de ces inégalités, qu’ils soient liés étroitement au système national des chercheurs ou qu’ils en soient indépendants. Les conditions de production des inégalités seront analysées à partir de trajectoires féminines et masculines : celles-ci apparaîtront comme le produit d’une division sexuée des destinées, et non pas comme celui du SNI, qui n’en est que l’émanation. Parallèlement, si les barrières ne tombent pas encore, les frontières bougent. Des avancées certaines sont enregistrées en termes de représentation et de participation des femmes dans la science, qui conduisent à relativiser les inégalités auxquelles ces dernières seraient sujettes. Des chercheures parviennent désormais au sommet de l’échelle de promotion, et passent sous silence les inégalités dont leurs consœurs souffriraient ou qu’elles-mêmes auraient eu à surmonter au cours de leur formation comme de leur carrière.

Une inégalité croissante dans les progressions scolaires

6Au Mexique, et à la différence d’autres pays dits du Sud, comme les pays sahéliens [Lange, 1998], la question de l’égalité dans l’éducation de base, en termes de genre, ne peut être posée à la lecture des taux de scolarisation des filles et des garçons. L’examen des indices de parité entre les sexes dans les différents cycles montre que les filles ne sont pas sous-représentées dans le système éducatif mexicain (tableau 1), alors que, dans la population scolarisable globale, les garçons sont majoritaires. Les filles constituent même parfois la majorité des élèves, comme c’est le cas dans l’enseignement secondaire supérieur. Les filles passent ainsi les différentes barrières et les différents niveaux du système scolaire aussi bien que les garçons, au moins jusqu’à l’enseignement supérieur.

7Nombre d’auteurs signalent des facteurs de discrimination, comme les contenus scolaires, qui accordent aux femmes un moindre rôle dans l’histoire de la construction du Mexique, ou les « curricula cachés » [Lara López, 2010]. Pour autant, les taux respectifs de réussite et d’abandon des élèves et étudiants suggèrent que les facteurs de cette différenciation ne relèvent pas à proprement parler de l’ordre scolaire. À tous les niveaux, y compris au dernier cycle précédant l’enseignement supérieur, les filles ont en effet de meilleurs résultats et demeurent davantage dans l’enseignement que leurs camarades masculins (SEP [2008] et tableau 1).

Tableau 1

Indices de parité entre les sexes (IPS) et taux de réussite et d’abandon par sexe aux différents niveaux du système d’éducation mexicain en 2008

Tableau 1
Niveau d’enseignement IPS pour taux brut de scolarisation IPS pour taux net de scolarisation ajusté Taux de réussite Taux d’abandon Femmes Hommes Femmes Hommes Pré-primaire 1,01 1,01 Primaire 0,98 1,00 93,1% 91,1% 1,0% 1,4% Secondaire 1er cycle 1,21 83,3% 74,5% 6,7% 8,0% Secondaire 2e cycle 1,06 67,3% 56,2% 13,7% 15,9% Sources : Base de données en ligne de l’Institut de statistique de l’Unesco (ISU), consultée le 21 avril : http://stats.uis.unesco.org/unesco/

Indices de parité entre les sexes (IPS) et taux de réussite et d’abandon par sexe aux différents niveaux du système d’éducation mexicain en 2008

8L’entrée dans l’enseignement supérieur apparaît ainsi comme une première barrière pour les femmes. Deux remarques doivent cependant être apportées d’emblée : d’une part, l’écart entre les taux de scolarisation des femmes et des hommes à ce niveau (respectivement 7,2 % et 7,6 %) est relativement faible.

9D’autre part, cette barrière apparaît davantage sociale que scolaire : ce sont, plus que l’École, des normes sociales d’éducation qui semblent freiner leur scolarité. La littérature mexicaine met le statut de la femme et ses charges domestiques et familiales (la maternité, le soutien aux enfants, de même qu’à ses propres parents et à des parents proches atteints d’incapacités) au centre d’une logique perçue comme de relégation hors du système universitaire. Cette barrière, symbolisée par l’entrée dans l’enseignement supérieur, mérite cependant qu’on lui porte attention : elle permet en effet de repérer une logique sociale qui se prolonge et s’accentue aux différents cycles de ce niveau d’enseignement et, plus encore, dans le système de recherche. Ainsi, la poursuite des études jusqu’au plus haut niveau, a fortiori l’obtention des diplômes de master et de doctorat, est-elle également moins assurée pour les femmes qui parviennent à entrer dans l’enseignement supérieur que pour les hommes (voir graphique 1). Des différences plus nettes apparaîtront encore, cette fois au sein du SNI.

Graphique 1

Proportions d’hommes et de femmes dans les effectifs d’étudiants et parmi les chercheurs membres du SNI en 2008

Graphique 1

Proportions d’hommes et de femmes dans les effectifs d’étudiants et parmi les chercheurs membres du SNI en 2008

Source : Graphique construit par l’auteur à partir de SEP [2008], Urquidi, Gonzalez [2011] pour les données sur les étudiants, et Didou, Gérard [2010], pour les données sur les chercheurs du SNI.

10À chaque étape, de l’entrée à l’université jusqu’à l’appartenance au SNI, l’écart entre hommes et femmes se creuse davantage. Les femmes paraissent cumuler les difficultés à mesure qu’elles progressent dans les études universitaires, et plus encore au moment d’entrer dans le système élitiste de recherche. La majorité des études consacrées à cette question met en avant les contraintes et les charges familiales auxquelles doivent faire face les femmes, autant que les discriminations « machistes » dont elles font l’objet [Padilla-Gonzalez, Villaseñor Amézquita, Santacruz Oros, 2011]. Une revendication a d’ailleurs porté sur le recul de l’âge d’entrée dans le Système national de recherche, auquel les femmes pouvaient moins prétendre que les hommes en raison de leurs charges familiales. Depuis 1999, les futurs chercheurs bénéficient d’un tel report, et peuvent présenter leur candidature à l’intégration dans ce système jusqu’à 40 ans.

La parité hommes/femmes dans l’enseignement supérieur et la recherche : des inégalités qui tendent à se réduire

11L’examen des effectifs masculins et féminins, passés et actuels, dans l’enseignement supérieur met en évidence le fait que le ratio hommes/femmes tend à s’équilibrer. Aux différents stades de la carrière universitaire et de recherche, la proportion des femmes augmente en effet. Par exemple, les femmes représentaient 48,7 % des effectifs de licence en 2003, contre 40,3 % en 1990. Parmi les inscrits en master et doctorat, 50,9 % étaient des femmes en 2007-2008, contre 49 % en 2004-2005. La proportion des lauréates à ces niveaux n’a, elle aussi, cessé d’augmenter durant ces dernières années : elle est passée de 45,5 % en 2004-2005 à 47,4 % en 2007-2008 (tableau 2).

Tableau 2

Proportions des inscrits et des lauréats de masters et doctorats par sexe (%)

Tableau 2
2004-2005 2005-2006 2006-2007 2007-2008 Inscrits Hommes 51,0 50,9 49,8 49,1 Femmes 49,0 49,1 50,2 50,9 Lauréats Hommes 54,5 54,4 53,6 52,6 Femmes 45,5 45,6 46,4 47,4 Source : Urquidi, Rodriguez [2011], d’après des données de l’ANUIES et de la SEP

Proportions des inscrits et des lauréats de masters et doctorats par sexe (%)

12Cette amélioration de la représentativité des femmes est encore plus spectaculaire dans le domaine de la recherche. L’enseignement supérieur s’est ouvert, le système national des chercheurs également. Les données du SNI révèlent en effet une représentation très nettement accrue des femmes d’une génération à l’autre. Seuls 25,5 % des chercheurs aujourd’hui âgés de 70 à 79 ans sont de sexe féminin. Cette proportion est de plus de 30 % pour les chercheurs nés entre 1950 et 1959, et atteint 42,9 % pour ceux qui sont nés entre 1980 et 1989 [Didou, Gérard, 2010]. Le taux de croissance dans le système formel de science au Mexique dans la période 1984-2009 est ainsi beaucoup plus important pour les femmes (18,9) que pour les hommes (8,2) [Urquidi, Gonzalez, 2011].

13Les femmes commencent aussi à investir certains domaines scientifiques dont elles étaient traditionnellement absentes – à l’inverse de la médecine et des sciences sociales – ou y sont de plus en plus présentes. Tel est le cas des sciences agrovétérinaires, des sciences naturelles et exactes, ou encore de l’ingénierie et de la technologie, disciplines habituellement considérées comme masculines, et où leur participation a notoirement augmenté durant la dernière décennie (tableau 3). Vizcarra Bordi et Vélez Bautista suggèrent que c’est « peut-être parce que ce phénomène répond à la potentialité massive de femmes diplômées de différentes licences, masters et doctorats, dont certaines parviennent à rompre ou à traverser les barrières de discrimination professionnelle et les préjugés de genre (les sciences sont pour les hommes et le service pour les femmes), tandis que d’autres réussissent à se faufiler dans des équipes de recherche. Mais aussi parce que les espaces qui se sont ouverts dans les structures de l’enseignement et de la recherche sont le résultat de la lutte féminine qui s’est effectuée au sein des disciplines institutionnalisées. » [2007, p. 582]

Tableau 3

Évolution des effectifs et des proportions de femmes dans les différentes aires disciplinaires au niveau de la licence, entre 1990 et 2003

Tableau 3
Disciplines Nombre de chercheurs 1990 2003 Pourcentage de femmes dans la discipline Part de la discipline chez les femmes Nombre de chercheurs Pourcentage de femmes dans la discipline Part de la discipline chez les femmes Sciences agrovétérinaires 55 814 14,5 % 5,2 % 42 090 29,1 % 2,3 % Sciences de la santé 111 136 55,5 % 10,3 % 164 453 61,7 % 8,8 % Sciences naturelles et exactes 28 134 39,8 % 2,6 % 35 751 47,8 % 1,9 % Sciences sociales et administratives 507 937 50,3 % 47,1 % 901 213 58,0 % 48,3 % Sciences humaines 33 635 60,6 % 3,1 % 93 780 66,7 % 5,0 % Ingénierie et technologie 341 535 22,8 % 31,7 % 628 188 30,7 % 33,7 % Total 1 078 191 40,3 % 100,0 % 1 865 475 48,7 % 100,0 % Source : Données fournies par R. Grediaga, sur la base d’une étude représentative réalisée en 2001 auprès d’un échantillon de 3 861 enseignants-chercheurs et chercheurs de 64 institutions d’enseignement supérieur du Mexique [Gérard, Grediaga, 2009].

Évolution des effectifs et des proportions de femmes dans les différentes aires disciplinaires au niveau de la licence, entre 1990 et 2003

14La théorie du « plafond de verre » repose, dans le domaine scientifique entre autres, sur l’impossibilité pour les femmes d’accéder aux plus hauts niveaux de la hiérarchie des chercheurs et sur leur « absence » – en tout cas leurs moindres représentativité et visibilité – dans les instances « de pouvoir » que sont les différents conseils et postes de responsabilité, comme ceux de directeur de département, de recteur d’université [González García, Pérez Sedeño, 2002]. Si elle se vérifie largement à travers la moindre représentation des femmes aux niveaux supérieurs du SNI et dans les organes de pouvoir (rectorats par exemple), elle doit cependant être relativisée. Les femmes, par exemple, prennent peu à peu place dans les instances d’évaluation du système national des chercheurs, parfois au-delà de leur représentation proportionnelle dans la discipline correspondante. C’est en particulier le cas en physique, mathématiques et sciences de la terre, où elles constituaient, en 2009 et 2010, 35,7 % des membres de la commission du SNI pour cette discipline mais 18,2 % seulement des membres de ce corps disciplinaire [calculs de l’auteur, à partir des bases SNI 2009 et CONACYT 2007-2010]. Cette exception suggère la reconnaissance dont peuvent, en certains cas, bénéficier les chercheures, mais aussi le capital symbolique et les réseaux qu’elles sont parvenues à accumuler et à construire pour obtenir cette reconnaissance. Plus encore, n’est-ce pas le signe que les femmes parviennent parfois à constituer des forces de pouvoir ou d’opposition qui contrecarrent l’hégémonie masculine en vigueur au niveau global ?

15Participation accrue des femmes dans la recherche et ses instances d’évaluation (comme en sciences sociales) et féminisation de certaines disciplines « traditionnellement masculines » : ces progrès, qui peuvent paraître spectaculaires dans la mesure où ils signalent, en termes de représentation féminine et masculine, une tendance à la parité dans le domaine de la recherche, ne permettent pas pour autant de conclure à une quelconque amélioration de l’égalité des chances d’accès au système de science et de progression dans la carrière scientifique. Contrairement à ce que la relative démocratisation de l’accès au système national des chercheurs peut laisser penser en effet, des auteurs comme Urquidi et Rodriguez considèrent que la « […] parité de genre est encore lointaine. » [2011]. « Le visage féminin de la science [disent-ils] est naissant. » [Ibid.] En un sens, il n’y a pas de réduction des inégalités « par le haut » : le passage de la première barrière du système national des chercheurs ne s’accompagne pas de la possibilité, pour les femmes, de gravir les échelons au même rythme, ni dans les moindres proportions, que les hommes. Le système porte-t-il lui-même ces inégalités – comme cela serait le cas à travers des conditions et des dispositifs favorables aux hommes – ou ne fait-il que reproduire et entériner un ensemble de conditions sociales qui seraient défavorables aux femmes ?

De l’enseignement supérieur à la recherche : une succession de barrières sociales et institutionnelles

16De nombreux auteurs avancent l’existence de pratiques discriminatoires pour expliquer la moindre représentation des femmes dans le milieu scientifique ou leur plus lente progression dans la carrière. Sont ainsi évoquées les politiques inégalitaires de recrutement, de sélection et de promotion – évaluations biaisées auxquelles participent majoritairement les hommes – des charges de travail « invisibles » ou non flexibles à la différence des hommes qui, eux, disposent du temps nécessaire « pour générer des connaissances et parvenir au succès, en particulier pour occuper des postes de décision dans les institutions » [Vizcarra Bordi, Vélez Bautista, 2007, p. 582]. D’autres auteurs mettent en avant le manque de collégialité et la prévalence de styles de travail compétitifs ou individualistes, ou encore l’accès privilégié des hommes aux postes de leadership et de pouvoir [García-Guevara, 2004, citée par Padilla-González, Villaseñor Amézquita, 2010]. Les entretiens réalisés auprès de femmes physiciennes, ingénieurs, économistes et anthropologues, membres du SNI abondent également dans ce sens. Des chercheures de sciences dites « dures » comme la physique ou l’ingénierie nous ont par exemple signalé l’impossibilité pour elles de signer des articles dont elles étaient à l’origine, en raison de la pression exercée par leurs confrères masculins, ou la dépossession par eux de leurs propres travaux, parce qu’ils bénéficient d’une plus grande visibilité et d’une plus grande audience. Une biologiste, coordinatrice au musée de la science de l’Université nationale autonome de Mexico de la remise de distinctions à des femmes pour leurs apports scientifiques, déclarait ainsi en 2003 que, depuis un siècle, « les femmes ont beaucoup apporté à la science. Cependant, pour que leurs apports voient le jour, elles devaient donner leurs découvertes à leur mari, à leur frère, ou signer sous un pseudonyme masculin » [Notimex, 2003]. Est en ce sens avancé l’argument d’une « invisibilisation » des apports des femmes à la science et à la technologie, à laquelle lois et législation ont largement contribué [Peppino Barale, 2006].

17D’autres auteurs mexicains intéressés par cette question du genre dans la science s’accordent pour relever la difficulté, pour les femmes, de « trouver un équilibre entre les responsabilités familiales et les exigences du travail académique ». L’argument est redondant. À notre connaissance, aucune étude comparative n’a porté sur des échantillons de femmes respectivement intégrées dans différents milieux, de la recherche et autres. Sont relevés tour à tour l’impossibilité pour les femmes de se dédier à de longues études supérieures – a fortiori à la recherche – en raison de la maternité et des charges familiales, la nécessité de repousser leur mariage et quelque vie de famille que ce soit au-delà de leur insertion professionnelle dans la recherche, ou encore l’abandon ponctuel de leur activité professionnelle en raison de maternités, préjudiciables à leur progression dans la carrière : « la productivité de celles qui persistent dans ces deux registres d’activité peut baisser durant les étapes qui requièrent d’elles l’exercice de leur condition de mère », indique par exemple Peppino Barale [2006]. Vizcarra Bordi et Vélez Bautista notent, pour leur part, la moindre productivité des femmes entre 30 et 45 ans, par rapport aux hommes et à leurs aînées, signalant par là le désavantage que représente la période de maternité [2007, p. 584].

18D’après une enquête nationale sur la reconfiguration de la profession académique à Mexico (RPAM) en 2007 2008, les femmes membres du milieu académique et scientifique sont de plus issues d’un milieu social et culturel plus favorisé que les hommes, et ont des caractéristiques familiales, institutionnelles et professionnelles plus avantageuses : d’une part, elles sont davantage célibataires que les hommes, sont davantage sans enfants ou membres de familles moins nombreuses. D’autre part, une plus grande proportion de femmes a un père ayant un niveau d’études supérieures et elles sont, plus souvent que les hommes, liées à un partenaire ayant fait des études supérieures [Padilla-González, Villaseñor Amézquita, Santacruz Oros, 2011].

19Les barrières auxquelles les femmes ont à faire face et qui pourraient expliquer leur plus grande difficulté à entrer dans le système valorisé des chercheurs et leur moindre progression dans la carrière scientifique sont d’une autre nature. D’autres contraintes sociales, axiologiques celles-là, pèseraient davantage sur les femmes. Vizcarra Bordi et Vélez Bautista notent par exemple que, « considérant l’influence de la culture patriarcale sur les croyances et les valeurs des femmes et des hommes, […] la réussite pour le genre masculin et le genre féminin possède des perspectives différentes ; [c’est] un facteur qui influe sur les aspirations scientifiques et académiques des chercheurs femmes et hommes » [2007, p. 585]. Les jeunes femmes seraient ainsi moins « libérées » par leur milieu familial pour s’expatrier pour études.

20L’examen de trajectoires universitaires de femmes et d’hommes permet d’en rendre compte. Selon la reconstitution des trajectoires de 585 chercheurs pour lesquels nous avons pu collecter les données, sur les mille cas que nous avons extraits de la base des curriculum vitæ des chercheurs du Sistema Integrado de información sobre investigación científica y tecnológica (SIICYT), les femmes se forment moins à l’étranger que les hommes. Comme le montre le graphique 2, 15,2 % des femmes qui suivent leur licence au Mexique poursuivent au niveau du master à l’étranger (contre 21,5 % des hommes), et 23,2 % de celles qui suivent leur master dans leur pays se rendent à l’étranger pour leur doctorat (contre 31,1 % des hommes). Globalement, l’internationalisation de la carrière étudiante entre la licence et le doctorat concerne 30,9 % des femmes et 45,2 % des hommes.

Graphique 2

Trajectoires de mobilités étudiantes des femmes et des hommes membres du SNI, entre le Mexique et l’étranger, entre la licence et le doctorat (2009)

Graphique 2

Trajectoires de mobilités étudiantes des femmes et des hommes membres du SNI, entre le Mexique et l’étranger, entre la licence et le doctorat (2009)

Source : élaboration personnelle d’après la base de données SIICYT. N = 585.

21Les femmes-chercheurs du SNI ont donc été moins mobiles entre le Mexique et l’étranger durant leurs études que leurs confrères. Un simple regard sur le lieu d’obtention du plus haut diplôme (doctorat ou post-doctorat) de l’ensemble des chercheurs SNI abonde dans ce sens : 31,1 % des femmes sont lauréates d’un diplôme étranger contre 42,8 % des hommes. Nous avons pu montrer ailleurs [Didou, Gérard, 2010 ; Gérard, à paraître] l’avantage comparatif d’étudier à l’étranger : la proportion des chercheurs formés à l’étranger croît en effet à chaque échelon du système SNI. De 35,7 % à l’échelon 1, elle passe à 48,9 % à l’échelon 2 et à 57,5 % à l’échelon 3. Les entretiens semi-directifs que nous avons réalisés auprès des femmes-chercheurs nous permettent de souligner quelques facteurs de cet avantage comparatif : une socialisation plus importante, lors de la formation à l’étranger, aux codes et standards de la production scientifique la plus légitimée par le système national de recherche mexicain, l’accès à des réseaux scientifiques qui s’offrent comme autant d’opportunités pour obtenir des ressources inexistantes au Mexique (argent, mais aussi laboratoires et autres infrastructures de recherche), l’accumulation de capitaux (symbolique, social…) auxquels le milieu scientifique accorde une reconnaissance certaine, ou encore, comme c’est le cas dans certaines disciplines comme la physique, la possibilité d’acquérir des savoirs (didactiques et, pratiques, d’exercice de la science) dont sont pour partie privés les étudiants au Mexique, notamment faute d’infrastructures. Moins mobiles que les hommes durant leurs études, les femmes seraient davantage pénalisées. Ne disposant pas des mêmes conditions pour s’expatrier, elles ne pourraient pas non plus suivre des trajectoires ayant les mêmes avantages comparatifs au regard des conditions de progression dans la carrière scientifique.

22L’appréciation de la configuration des trajectoires, c’est-à-dire la succession des étapes de formation, qu’elles soient réalisées au Mexique ou à l’étranger, apporte d’autres enseignements. Trois possibilités s’offrent à chacun en termes de lieu d’études supérieures : réaliser tout son parcours au Mexique ; en réaliser une première partie au Mexique et une seconde à l’étranger, dans un ou plusieurs pays ; ou enfin, réaliser une première partie de ses études au Mexique, une seconde à l’étranger, puis terminer son parcours au Mexique. Nous avons examiné ces possibilités en retenant comme étapes du parcours les trois niveaux de l’enseignement supérieur : la licence, le master, le doctorat. Selon une trajectoire linéaire, les étudiants réalisent ces trois étapes au Mexique. Suivant une trajectoire double, ils réalisent l’un des trois cycles dans un pays, les deux autres dans un pays tiers. Le troisième type de trajectoire consiste à faire une licence au Mexique, un master dans un pays étranger, et un doctorat dans un autre pays étranger. Nous dénommerons ce dernier cas « trajectoire triple ».

23L’examen des trois types de trajectoires par sexe fait apparaître que les femmes ont des trajectoires plus linéaires et moins complexes que les hommes (graphique 3). Deux tiers d’entre elles réalisent toute leur formation au Mexique, alors que c’est le cas d’un peu plus de la moitié des hommes seulement. Les femmes sont également proportionnellement plus nombreuses à rentrer au Mexique après avoir fait un master à l’étranger. Enfin, moins de 1 % des femmes sont allées se former dans deux pays différents en plus du Mexique, alors que 2,5 % des hommes sont dans ce cas. En regard de leurs trajectoires, plus endogènes et plus linéaires que les hommes, les femmes ont, de fait, moins accès qu’eux aux capitaux nécessaires à la carrière scientifique, tant en termes de connaissances que de conditions de leurs production et valorisation.

Graphique 3

Types de trajectoires de formations supérieures, au Mexique et à l’étranger, pour les hommes et pour les femmes membres du SNI en 2009 (en %)

Graphique 3

Types de trajectoires de formations supérieures, au Mexique et à l’étranger, pour les hommes et pour les femmes membres du SNI en 2009 (en %)

Source : élaboration personnelle d’après la base de données SIICYT. N = 585.

24Faute de données supplémentaires, on ne peut ici expliquer le sens de ces trajectoires différenciées. Une double hypothèse peut cependant être avancée : d’une part, l’expatriation des femmes serait très fortement liée aux conditions sociales et économiques de leur milieu familial. En l’occurrence, celles qui parviennent à réaliser des études supérieures à l’étranger bénéficieraient de conditions dont ne disposent pas la majorité des étudiantes, voire les hommes qui, globalement, seraient plus enclins à s’expatrier, y compris sans ressources. C’est l’argument avancé par Padilla-Gonzalez, Villaseñor Amézquita, et Santacruz Oros [2010] : le capital professionnel des hommes et des femmes se distinguerait en particulier par le fait que les premiers développent davantage de réseaux sociaux. Comme nous l’avons signalé précédemment, ces réseaux permettent d’accéder à des ressources indispensables à la production scientifique, individuelle et collective, à la reconnaissance, nationale et internationale, et enfin à l’accumulation de capitaux symboliques (prestige lié aux titres scolaires notamment), sociaux, économiques, utiles à la multiplication des registres d’activités pris en compte dans les évaluations du SNI.

25Cette donnée pondère toutefois la précédente : si l’examen des moyennes d’âge des femmes et des hommes aux différents niveaux de l’enseignement supérieur et de la recherche pouvait laisser entrevoir une égalité de conditions pour intégrer le milieu de la recherche et y progresser, leurs trajectoires distinctes font état d’inégales possibilités de cumuler les capitaux utiles à cette progression. La reconstitution de ces trajectoires rend ainsi compte de facteurs dynamiques à l’origine de l’accès et de la progression dans la carrière scientifique sexuellement différenciés. Ces inégalités relèvent d’une conjonction d’éléments : à la fois de facteurs sociaux, préjudiciables à ceux, en partie les femmes, mais pas uniquement, qui ne disposent pas des conditions de possibilité de passer outre les différentes contraintes et barrières, d’une part ; et d’autre part, de facteurs structurels propres au SNI, qui choisit d’évaluer les chercheurs à l’aune de critères, comme l’internationalisation, auxquels peuvent difficilement satisfaire ceux qui ne disposent pas des capitaux nécessaires.

26Ainsi se dresse, comme à rebours, une barrière supplémentaire pour celles et ceux qui ne peuvent diversifier leurs trajectoires. Non pas que le système national des chercheurs ait mis par principe des barrières que ne pourraient franchir les différents chercheurs, selon leurs ressources ou leur genre. Mais les conditions respectives des unes ou des autres sont soit inconnues, soit ignorées par les tenants de ce système, de sorte que celui-ci ne fait que reproduire une tendance dominante à concevoir ses dispositifs en fonction des conditions dont disposent ceux qui, en son sein, ont un rôle pionnier – principalement des hommes – et à prédisposer celles et ceux qui ont toutes les dispositions requises à réussir selon ses critères.

27Au demeurant, les chercheurs eux-mêmes, en dépit de ces conditions, peuvent parvenir à contrecarrer des inégalités comme celles qui défavorisent les femmes scientifiques dans leur progression de carrière. En témoigne la tendance à la parité aux premiers niveaux du système national de recherche. Des exceptions quant à la représentation supérieure des femmes aux plus hauts niveaux du système attestent aussi de cette possibilité, et du rôle déterminant des réseaux et autres collectifs de recherche que les femmes, au même titre que les hommes, parviendraient à créer. Les femmes de l’État du Sonora, étudiées par Urquidi et Rodriguez, conduisent même ces auteurs à penser que « la face féminine de la recherche paraît initier une rupture avec la ségrégation verticale que l’on constate au sujet des femmes chercheures au Mexique ». De fait, dans cet État, elles représentent 41,7 % des chercheurs de niveau SNI3 ; et 4,85 % des femmes accèdent à ce niveau, contre 3,47 % des hommes.

Conclusion

28Pour être parvenus à intégrer le système méritocratique de la recherche ou, a fortiori, à en atteindre les plus hauts échelons, les chercheurs du SNI ont franchi nombre de barrières que ne parviennent pas à passer la grande majorité des étudiants qui entrent à l’université. Les femmes, plus encore que les hommes. Cela à double titre : en premier lieu, dans le SNI et à tous ses échelons, les femmes sont proportionnellement moins nombreuses que les hommes, alors que la part des unes et des autres au niveau d’études post-licence est quasiment égale. En second lieu, la mobilisation de ressources sociales et économiques s’impose d’autant plus aux femmes que le système requiert des types donnés de trajectoires de formation, auxquels elles ont moins accès que les hommes : une proportion moindre d’entre elles, en effet, parvient à se former à l’étranger alors que cette trajectoire conditionne l’accumulation de ressources et capitaux indispensables pour satisfaire aux critères du système méritocratique. Ces exigences « surdéterminent », pour ainsi dire, la nécessité, pour les femmes, de disposer de conditions socialement et économiquement plus aisées que les hommes pour pouvoir prétendre exercer une carrière de chercheur et y gravir les plus hauts échelons.

29Un tel système paraît ainsi doublement inégalitaire ; du point de vue du genre, mais aussi du point de vue social. Les femmes paraissent nettement désavantagées par rapport aux hommes, eu égard aux exigences du SNI, mais celles qui parviennent à y entrer et à y progresser semblent socialement plus favorisées qu’eux. Dès lors, un tel système méritocratique ne consacre-t-il pas la détention, préalable à l’intégration en son sein, d’un ensemble de capitaux dont la majorité des étudiants, hommes et femmes, ne sont pas pourvus ? Cela, aucune des femmes interrogées ne nous l’a dit. Le mérite paraît, à l’aune de ces silences, asexué : il caractérise les femmes-chercheurs, comme leurs confrères, selon des critères en apparence identiques. Les unes et les autres auraient à faire face aux mêmes obstacles, devraient franchir les mêmes barrières, comme si toutes choses – toutes conditions sociales et économiques de formation – étaient égales par ailleurs.

30Les scientifiques parvenues au plus haut niveau « taisent » ainsi largement les inégalités. Comme l’écrivent Urquidi et Rodriguez [2011], « Les femmes professeurs […] reconnaissent qu’elles n’identifiaient pas le biais du genre et considéraient que les difficultés vécues étaient le prix à payer pour faire partie d’une institution académique d’élite ». La neutralité du discours se pare des marques du succès auquel elles sont parvenues. En un sens, l’absence de l’inégalité, dans ces discours sur la science au Mexique, sur les conditions de la recherche, sur les possibilités sexuellement différenciées d’exercer, de progresser dans la carrière, d’arriver au plus haut niveau, est tautologique : membres de l’élite scientifique, ces femmes ont pu et su franchir toutes les barrières invisibles, faire valoir leurs compétences, porter leurs écrits scientifiques au même niveau que leurs confrères, prendre pied dans les instances de consécration de la recherche. Si des inégalités demeurent, si des discriminations de genre persistent dans la configuration des carrières, elles sont derrière elles et sont tues. Du moins sont-elles travesties par un discours opposé, de valorisation – figure symétrique de la discrimination – sur la capacité manifeste, prouvée, attestée, des femmes à être égales à leurs confrères, à obtenir des succès équivalents, à être également présentes aux postes de responsabilité, à être de plus en plus représentées dans la science, à être de plus en plus visibles. Les inégalités – auxquelles est préférée l’égalité de capacités – ne sont-elles pas mises au silence par les femmes précisément parce que leur savoir leur a permis d’être « égales », à leurs yeux comme à ceux de leurs pairs ? C’est en tout cas ce que, au-delà de leur discours, révèlent leurs trajectoires. Ce savoir, au demeurant, a manifestement un coût ; les femmes chercheurs attestent qu’il a été plus élevé pour elles avant leur intégration au SNI qu’il ne l’a été pour leurs confrères. Cette dernière assertion conduit à poser une hypothèse : par-delà l’inégalité liée au genre, l’inégalité la plus manifeste produite ou confortée par le système national des chercheurs ne réside-t-elle pas surtout dans l’écart social entre femmes elles-mêmes, socio-économiquement davantage différenciées par un tel système que ne le sont les hommes entre eux ? Des recherches complémentaires, comparatives, des écarts sociaux entre femmes d’une part, et entre hommes d’autre part, permettraient de tester cette hypothèse.

Français

Résumé

Au Mexique, et à la différence d’autres pays dits du Sud, la question de l’égalité dans l’éducation de base, en termes de genre, ne peut être posée à la lecture des taux de scolarisation. Nombre d’auteurs signalent un certain nombre de facteurs de discrimination. Pour autant, les taux de réussite et d’abandons suggèrent que les facteurs de différenciation entre filles et garçons ne relèvent pas à proprement parler de l’ordre scolaire. Sur la base d’un travail d’exploitation statistique de la base du SNI et d’enquêtes qualitatives auprès de chercheurs mexicains, cet article montre l’intégration, par le système, de normes et conditions sexuellement différenciées généralement en vigueur dans la société mexicaine. Alors qu’il ne fait que consacrer des mécanismes socialement partagés de différenciation selon le genre, le SNI semble accentuer le poids des conditions sociales au détriment des femmes dans la réalisation de la carrière scientifique, en particulier dans les suivis de trajectoires nécessaires à l’étranger.

Mots-clés

  • élites scientifiques
  • inégalités
  • genre
  • Système national des chercheurs (SNI)
  • Mexique

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Étienne Gérard [*]
  • [*]
    Sociologue, IRD (UMR 196 CEPED Paris-Descartes/INED/IRD).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 03/10/2011
https://doi.org/10.3917/autr.059.0075
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