CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1En Afrique subsaharienne, l’accroissement démographique rend les États, déjà fragilisés par des crises politiques et économiques, de plus en plus dépendants de l’aide extérieure pour fournir des services sociaux de base aux jeunes générations. L’Organisation des nations unies (ONU) note par exemple que « [...] le nombre de nouveaux instituteurs dont aura besoin l’Afrique subsaharienne d’ici 2015 équivaut à la totalité du corps professoral actuel de la région » [ONU, 2010, p. 17]. Cette dépendance accrue vis-à-vis des financements extra-nationaux coïncide, depuis les années 1990, avec la formalisation à l’échelle internationale d’une nouvelle façon de penser le développement, formulée désormais en termes de lutte contre la pauvreté. Quatre-vingt-dix pays dans le monde ont déjà élaboré un Document stratégique de lutte contre la pauvreté (DSRP). À l’origine, ces documents servaient « [...] de cadre aux prêts concessionnels et d’allégement de la dette du FMI et de la Banque mondiale ainsi qu’à l’Initiative en faveur des pays très endettés (PPTE) » [FMI, 2010, p. 1]. Mais ces textes sont souvent devenus le principal outil de pilotage des États africains pour centraliser leurs orientations stratégiques et leurs programmations dans tous les secteurs. Les politiques de « lutte contre la pauvreté » ont ainsi pris une place considérable dans la façon de réfléchir et d’organiser les politiques publiques en Afrique.

2En matière éducative, les objectifs du millénaire résument bien la tendance adoptée à l’échelle internationale : la bataille contre la pauvreté est censée être livrée en concentrant les efforts pour « assurer l’éducation primaire pour tous » (Objectif 2 du millénaire). Malgré la rhétorique utilisée, l’éducation est ainsi souvent réduite à la scolarisation ; elle est centrée sur l’école primaire, et cette dernière est essentiellement perçue comme un outil de réduction de la pauvreté. Cette approche des relations entre éducation et changement social dans les pays non hégémoniques pose diverses questions. Pourquoi rechercher une réduction de la pauvreté et non des inégalités ? Quel est l’impact de ces politiques de lutte contre la pauvreté sur les inégalités scolaires et sociales ? La scolarisation a-t-elle uniquement des objectifs économiques ? Ces problèmes, déjà abordés par la littérature scientifique, sont complexes : cet article n’entend pas les résoudre, mais propose de les aborder à partir de la manière spécifique dont les politiques de lutte contre la pauvreté conduisent à envisager l’action publique, l’éducation et les inégalités scolaires en particulier.

3À cet égard, le cas sénégalais est révélateur : Dakar abrite les bureaux des principaux organismes multinationaux et bilatéraux intervenant en Afrique de l’Ouest dans les politiques de lutte contre la pauvreté et d’éducation. Une partie de ces politiques y sont non seulement décidées, mais aussi parfois expérimentées, avant d’être proposées à d’autres pays de la sous-région. Dakar est ainsi devenu un lieu de réception des normes éducatives internationales. Mais ces normes et ces options spécifiques ne sont pas acceptées sans renégociations par les différents acteurs impliqués, qui ne les partagent pas forcément. Des cercles de décision aux usages familiaux, en passant par la mise en place des réformes éducatives dans les écoles, c’est bien à une confrontation (frontale ou tacite) de normes et d’intérêts à laquelle se livrent les acteurs à toutes les échelles. Nous étudierons ainsi, dans un premier temps la manière dont les politiques éducatives sont décidées dans le contexte des politiques de lutte contre la pauvreté, et leurs effets sur les inégalités de pouvoir. Dans un second temps, nous analyserons la mise en place de ces politiques éducatives, en interrogeant tout particulièrement l’impact de la diversification et de la privatisation des écoles sur les inégalités scolaires. Enfin, l’article insistera sur les stratégies des familles en prenant, entre autres, l’exemple de l’enseignement arabo-musulman (écoles coraniques et écoles franco-arabes) comme révélateur des contournements de normes par des acteurs de base. Le texte se fonde sur la littérature scientifique relative à ce thème, ainsi que sur les premiers résultats d’une enquête en cours dans la ville de Dakar [1]. La capitale sénégalaise bénéficie en effet d’une offre d’éducation variée et dense, tandis que sa population est hétérogène sur le plan socioéconomique. Cette double particularité permettra de faire ressortir des éléments essentiels en termes d’inégalités scolaires. Le texte se concentrera sur l’éducation primaire (sur laquelle se centrent les politiques éducatives), et sur les inégalités sociales, économiques et politiques.

L’inégalité des groupes sociaux face à l’élaboration des politiques éducatives

4La Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) ont été fortement critiqués pour leurs Programmes d’ajustement structurels (PAS) des années 1980. Les critiques ont porté non seulement sur les effets des PAS, qui ont en particulier entraîné une stagnation ou une régression des taux de scolarisation en Afrique subsaharienne [Henaff, 2006, p. 8], mais aussi sur les procédures de leur imposition aux États africains. C’est l’une des raisons pour lesquelles les institutions de Bretton Woods proposent désormais dans leurs textes de politiques de lutte contre la pauvreté un nouveau mode de gouvernance, censé être plus démocratique. Formulé en termes de triptyque partenarial entre bailleurs, État et société civile, il insiste sur la participation de la société civile. Nous allons examiner la manière dont ce triptyque a été organisé au Sénégal, autour du Document stratégique de lutte contre la pauvreté (DRSP) et du Programme décennal de l’éducation et de la formation (PDEF).

DRSP et PDEF : un triptyque partenarial bailleurs, État, société civile en trompe-l’œil

5Au Sénégal, le DRSP a été adopté en 2002 (sa troisième phase est en cours d’élaboration). Sa programmation se répartit en quatre axes stratégiques : 1/ Création de richesse pour la croissance accélérée et favorable aux pauvres, 2/ Promotion de l’accès aux services sociaux de base, 3/ Protection des groupes vulnérables (axe devenu Protection sociale, préservation et gestion des risques lors de la seconde phase du DRSP), 4/ Bonne gouvernance dans le cadre d’un développement décentralisé et participatif [République du Sénégal, 2003]. « Pour l’essentiel, le DRSP complète les deux premières générations de programmes [d’ajustement structurel] visant à améliorer l’accès aux services sociaux de base en associant la société civile à la définition des mesures relatives à ces éléments de programme » [Daffé, 2008, p. 13]. Le Programme décennal de l’éducation et de la formation (PDEF) régit depuis 2000 l’ensemble des politiques éducatives du pays, et sa troisième phase a été élaborée en 2009. Les deux documents stratégiques (DSRP et PDEF) évoluent de manière coordonnée, les objectifs des documents étant harmonisés à chaque nouvelle phase de l’un d’entre eux, et hiérarchisée, le plan décennal d’éducation se déclarant au service du DSRP [République du Sénégal, 2003, p. 14]. Les principaux objectifs initiaux du PDEF sont « la scolarisation universelle dans l’élémentaire à l’horizon 2010, l’allocation de 49 % du budget de l’éducation à l’enseignement primaire, l’amélioration de l’accès et du maintien des filles dans le système éducatif, le renforcement de la qualité de l’enseignement et de la recherche dans le supérieur, et une forte réduction du taux d’analphabétisme » [Daffé, Diagne, 2008, p. 166].

6Les observations de Dahou sur la mise en place du DRSP [Dahou, 2008] et de notre enquête sur les nouvelles phases du DRSP et du PDEF permettent d’évoquer ce que nous appellerons un triptyque « partenarial » en trompe-l’œil. Le caractère factice de ce partenariat se révèle principalement de deux manières. Tout d’abord, la séparation des trois entités n’est pas nette. Pour reprendre l’expression de Chauveau, l’État présente une certaine « porosité », vis-à-vis notamment des bailleurs de fonds : « […] il y a des enclaves semi-privées, les “projets” ou les cellules de ministères en rapport direct avec les institutions “mondialisées”. Ces cellules remplissent de fait diverses fonctions étatiques tout en étant directement dépendantes d’organisations internationales et de bailleurs étrangers […] » [Chauveau, Le Pape, Olivier de Sardan, 2001, p. 152]. Dakar présente de nombreuses cellules de ce genre, qui sont souvent accompagnées par un assistant technique ou une autre figure étrangère chargée de veiller au « transfert de compétences » et à la bonne dépense des budgets alloués [2]. L’État présente aussi des interpénétrations avec la société civile, qui se déclinent notamment en termes de réseaux issus de parcours professionnels imbriqués : ainsi, l’actuel ministre de l’éducation nationale Kalidou Diallo est historien, enseignant d’université et ancien leader syndicaliste reconnu. Elles se réalisent aussi sous la forme de cumuls d’activités : par exemple, c’est un agent de la direction de la planification du ministère de l’éducation, travaillant également pour une organisation non gouvernementale, l’ONG ANAFA, qui organise le groupe « éducation » pour le Forum social mondial de 2011 (Dakar). Ces parcours professionnels permettent à certains agents de l’État d’appartenir à différents réseaux de la société civile mobilisables en temps opportuns. Inversement, des intellectuels qui ont, ou auraient pu, s’exprimer au nom de la société civile travaillent, à temps plein ou sous forme de missions, pour les cellules d’État financées par des bailleurs externes. « Il en résulte une imbrication bien plus grande qu’on ne l’imagine souvent entre le dispositif étatique et la société civile ». [Chauveau, Le Pape, Olivier de Sardan, 2001, p. 153]. La société civile, quant à elle, est loin de représenter un ensemble cohérent [Haubert, 2000] : elle regroupe à la fois le secteur privé à but lucratif et non lucratif, sans que les groupes les plus faibles de la société ne soient forcément bien représentés. Par ailleurs, un certain nombre d’entités, comme certaines ONG considérées comme faisant partie de la société civile, sont très liées financièrement et politiquement à des bailleurs de fonds bilatéraux. Les trois instances, bailleurs, État et société civile sont donc loin d’être imperméables les unes aux autres. Ceci contribue à créer une opacité des prises de décision [Vinokur, 2004] et à brouiller les échelles entre l’international, le national et le local : l’international traverse aujourd’hui toutes ces instances (notamment l’État et la société civile).

7Le triptyque partenarial est également factice dans la supposée participation de la « société civile » et des plus pauvres à l’élaboration des politiques. Il s’agit là d’un point essentiel : si l’on admet que la pauvreté, multidimensionnelle, est liée directement ou indirectement à un manque de pouvoir au sens large du terme, alors la pauvreté est nécessairement corrélée à la question des inégalités de pouvoir. Pour la mise en place des politiques de « lutte contre la pauvreté », la Banque mondiale préconise trois moments privilégiés de « participation » : de grandes enquêtes diagnostiques (Participatory poverty assessment, PPA), une élaboration concertée des DSRP, et la mise en place d’outils de suivi qui prennent en compte les « voix des pauvres ». Des enquêtes diagnostiques ont été réalisées dans une soixantaine de pays, mais certains auteurs (par exemple Razafindrakoto et Roubaud [2002]) questionnent la représentativité des groupes interrogés, et surtout la transformation de ces enquêtes en informations utilisables. L’élaboration des DSRP est, quant à elle, souvent réalisée dans une urgence qui favorise une approche technocratique. Ainsi, le groupe « éducation » d’élaboration du DSRP au Sénégal fait-il appel à des consultants, et les calendriers ne donnent-ils généralement pas le temps aux divers représentants, dont ceux de la société civile, d’examiner les documents. En ce qui concerne les outils de suivi des DSRP, des modules qualitatifs sont greffés sur des enquêtes statistiques. Au Sénégal, il s’agit d’une « Enquête de suivi de la pauvreté au Sénégal » (ESPS), réalisée tous les deux ans. Le questionnaire a été en partie conçu par la Banque mondiale, et n’a été que légèrement réadapté en concertation avec les cadres nationaux sénégalais, les techniciens du secteur social et de la recherche [ANSD, 2007]. Les résultats de ces enquêtes font face à une alternative fréquente pour les enquêtes qualitatives : servir d’illustration et de caution à des options préétablies, ou n’être pas prises en compte. On peut décrire sensiblement les mêmes phénomènes pour l’élaboration des politiques éducatives. Les grands moments de consultation, comme les États généraux de l’éducation et de la formation (EGEF) de 1981 et la rencontre de comparaison entre le PDEF et les EGEF de 2004, ont essentiellement servi à désamorcer des mouvements syndicaux, et n’ont pas été suivis d’effets majeurs sur les orientations éducatives [Unesco, 2001 ; Ndoye, Camara, 1991 ; entretiens d’enquête]. Depuis 2008, de nouveaux dispositifs de consultation ont été mis en place, mais il est encore trop tôt pour déterminer s’ils modifient radicalement la participation des acteurs sur la question éducative au Sénégal.

8Le manque de dialogue dans l’élaboration des politiques a laissé libre cours à des options technocratiques liées à la vision des bailleurs et des individus qui y sont associés au niveau de l’État et de la société civile. Ces options sont particulièrement visibles dans le choix des indicateurs de l’éducation.

Des indicateurs d’éducation qui reflètent mal la diversité des normes

9Comme le rappelle Brilleau, c’est un groupe d’experts de la Banque mondiale, du FMI, de l’ONU, et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui a défini en 2001 les 48 indicateurs de mesure des Objectifs du millénaire du développement, objectifs portés par l’ONU en 2000, avec pour objectif global de réduire de moitié la pauvreté dans le monde d’ici 2015. En matière éducative, la lecture des textes des différentes institutions internationales montre une grande variabilité dans les indicateurs utilisés : alors que l’Unesco présente une série complexe d’outils de mesure, la Banque mondiale a tendance à concentrer ses indicateurs [Brilleau, 2003]. Malgré cette différence importante, les écrits théoriques des économistes liés à la Banque mondiale montrent une forte capacité à intégrer les critiques. Les textes présentent la pauvreté comme multidimensionnelle, et évoquent le rôle multiple de l’éducation. Mais cette intégration des critiques reste souvent essentiellement rhétorique [Henaff, 2006]. Lorsqu’il s’agit d’élaborer les politiques éducatives et les outils de suivi statistiques nationaux, le caractère multidimensionnel de l’éducation et de la pauvreté a tendance à se réduire au profit de certains des indicateurs correspondant aux principales attentes réelles des bailleurs.

10Par exemple, pour l’initiative de mise en œuvre accélérée de l’éducation primaire universelle (Fast track), censée permettre aux États d’accélérer leurs plans nationaux d’éducation, les critères d’éligibilité concernent trois aspects. Il s’agit, d’une part, des performances éducatives mesurées à partir du taux brut de scolarisation et du taux d’achèvement du primaire. L’éligibilité est, d’autre part, basée sur les modalités de financement du secteur éducatif : taux de pression fiscale, dépenses courantes de l’État affectées à l’éducation, et en particulier à l’enseignement primaire. Elle est, enfin, appréciée sur la base des conditions d’enseignement, mesurées par le rapport entre le salaire de l’enseignant et le PIB par habitant, le pourcentage des dépenses courantes de l’État consacrées aux intrants hors masse salariale, le nombre d’élèves par enseignant, et la dépense courante de l’État par élève rapportée au PIB par habitant [Brilleau, 2003]. Pour continuer à bénéficier des financements associés au Fast Track, le Sénégal, éligible depuis 2006, surveille de près ces indicateurs. Comme les performances éducatives sont essentiellement mesurées dans ce cadre à partir du taux brut de scolarisation (TBS) et du taux d’achèvement du primaire [3], les dirigeants ont tendance à se concentrer sur des problématiques quantitatives d’accès à l’éducation, malgré les nombreuses réunions et écrits consacrés à la qualité de l’éducation. Ils restent « obnubilés par la scolarisation primaire universelle », comme l’a explicité l’un des auteurs d’un rapport récent sur les dépenses éducatives [AFRIMAP, OSIWA, 2010] lors d’une réunion de restitution patronnée par le Premier ministre, à laquelle assistait le ministre de l’Éducation nationale [4]. Ils mettent ainsi en place des stratégies pour augmenter rapidement les taux bruts de scolarisation et d’achèvement : encouragement à la création de nouvelles écoles privées, reconnaissance dans les statistiques de certaines écoles existantes (voir infra le débat sur les daara[5] modernisées), limitation des redoublements, etc. L’emploi de maîtres contractuels ou de volontaires d’éducation, et de classes double-flux ou multigrades mis en place avant le PDEF et conservés par le programme [6] permettent également aujourd’hui d’augmenter ces taux. Divers écrits institutionnels cherchent à démontrer que ces mesures n’ont pas d’incidence sur la qualité de l’éducation, mais en pratique, il s’agit bien de donner la priorité aux chiffres, comme le déclare publiquement le directeur de l’une des principales directions du ministère de l’Éducation nationale : « On préfère mettre les enfants devant un maître mal formé dans une case en paille que dans la rue. La Banque mondiale a récompensé ce choix courageux. Elle va nous donner les moyens pour former les maîtres […] Les autres pays viennent voir le fonctionnement des maîtres contractuels. » [Cérémonie de restitution de l’étude Gueye, Kane, Diop, Sy, 2010, Dakar, 15 juillet 2010]. Les politiques publiques d’éducation sont ainsi désormais organisées comme des programmes de développement, avec une réussite attendue à chaque étape, qui conditionne l’octroi des financements des phases suivantes [Lange, 2002]. Les États s’efforcent de produire des données dont les bailleurs se servent dans leurs propres rapports pour confirmer le succès de leurs hypothèses. Un cercle tautologique est ainsi créé, potentiellement de plus en plus en décalage avec le réel vécu par les populations concernées et les normes qu’elles proposent.

11Des écrits des économistes aux outils statistiques nationaux, en passant par les textes d’orientation stratégiques des États et leur mise en œuvre, les indicateurs et les priorités s’appauvrissent pour répondre aux principales lignes directives de certains bailleurs qui concordent avec les intérêts des décideurs en poste. La Banque mondiale devient ainsi aussi une « banque de connaissance », selon l’expression de son ancien président J. Wolfensohn, qui produit des concepts et des indicateurs théoriques, stratégiques, et techniques [Diop, 2008, p. 348]. D’une manière générale, ces derniers prennent peu en compte les spécificités des pays [Altinok, 2005], et n’octroient de place à la pluralité des normes qu’aux niveaux les plus théoriques. Par exemple, alors que différentes études ont montré que les groupes sociaux défavorisés reconnaissaient le caractère multidimensionnel de la pauvreté et de l’éducation [Lewandowski, 2007], ce caractère disparaît la plupart du temps dans les plans d’orientation pratiques. De la même manière, les enquêtes dites participatives qui entourent les DSRP font ressortir que les groupes les plus marginalisés sont en faveur de l’État providence : ce résultat, entrant en contradiction avec les normes libérales des principaux bailleurs et de certains gouvernements (comme l’actuel gouvernement sénégalais), n’est pas repris dans les orientations stratégiques des DSRP et des programmes d’éducation [Razafindrakoto, Roubaud, 2002 ; Dahou, 2008]. De la sorte, les indicateurs et les options de ces plans ne reflètent pas la diversité des normes, mais favorisent, au contraire, les intérêts et les positions symboliques d’une certaine catégorie d’acteurs.

Recomposition des inégalités de pouvoir autour des questions éducatives

12Chaque politique est porteuse de concepts, de logiques et d’outils de mesures appartenant à un univers cognitif qu’elle révèle et active tout à la fois [Muller, 1996]. Une des modalités de prise de pouvoir de certains groupes sociaux sur d’autres réside ainsi dans la captation de la légitimité à définir les questions abordées, par exemple, les liens entre éducation et pauvreté. Dans le contexte tout à fait spécifique d’internationalisation relative des politiques éducatives en Afrique subsaharienne, le monopole de la définition des notions de savoirs, d’éducation et de changement social est remis en jeu. L’État (comme entité) et les groupes sociaux les plus faibles sont distancés, notamment par des bailleurs de fonds et quelques individus situés à des interfaces normatives. Les organisations multilatérales, en particulier, ont une capacité importante de production de connaissances et de discours qui sont négociés et revisités dans certaines interfaces (par des marabouts, des agents de l’État, des cadres d’ONG, des experts), mais peu par des acteurs de base qui n’en ont parfois même pas connaissance. Par exemple, beaucoup d’enseignants n’ont jamais entendu parler du contenu des politiques d’Éducation pour tous et ignorent totalement les justifications officielles du statut de volontaire de l’éducation qu’ils déplorent. Les inégalités des différents groupes sociaux face à la construction, l’accès, et la négociation des normes éducatives internationales renforcent et restructurent des inégalités de pouvoir préexistantes. Par ailleurs, le manque de prise en compte des normes des acteurs de base dans les politiques éducatives induit, comme nous allons le montrer, des stratégies d’adhésion, de contournement, ou de syncrétisme de la part des familles.

Le renforcement d’un système scolaire à plusieurs vitesses

13Même si l’élaboration et le suivi des politiques se réalisent dans des processus encore inégalitaires, la mise en œuvre des politiques éducatives depuis le PDEF a indéniablement conduit à un accroissement du pourcentage d’enfants scolarisés. Le TBS élémentaire est passé de 54 % en 1994 à 68,3 % en 2000, puis à 82,5 % en 2005 [Daffé, Diagne, 2008, p. 167]. Mais il n’est pas certain que cette amélioration de l’accès à l’école primaire permette de réduire les inégalités éducatives et socioéconomiques [Sy, 1999]. Nous ne proposerons pas ici de mesure chiffrée de l’évolution des inégalités, car cette question est complexe [Combessie, 2004] et nécessiterait d’autres données. Nous tenterons plutôt de saisir les changements de type d’inégalités et les déplacements des lieux d’expression de ces dernières.

Un déplacement des inégalités d’accès à l’intérieur du système scolaire

14En 2005, l’État sénégalais assure le financement de 76 % des dépenses éducatives (investissement et fonctionnement tous niveaux confondus), les ménages 14 %, les bailleurs de fonds 8 % et les collectivités locales 1 % [Daffé, Diagne, 2008] [7]. La place de l’État dans le financement éducatif est due au choix stratégique de ce dernier de consacrer l’essentiel de ses fonds propres au symbolique secteur éducatif, au détriment des autres secteurs : « l’importance de l’aide publique au développement (APD) se lit aussi dans sa part dans le budget général de l’État dont elle finance le quart des dépenses totales et la moitié des dépenses d’investissement [Sur la période 2003-2005] » [Gueye, Kane, Diop, Sy, 2010, p. 119] [8]. Les orientations du PDEF semblent avoir favorisé également une répartition plus équitable des dépenses publiques éducatives, d’une part, en priorisant l’enseignement primaire, comme le montrent les analyses d’incidence [9] [Cissé, Daffé et Diagne, 2004 ; Niang, 2005], et d’autre part, en procédant à des ciblages en faveur des pauvres, par exemple avec la création de cantines scolaires dans des zones de pauvreté [République du Sénégal, 2003, p. 61]. La part de l’enseignement élémentaire dans les dépenses publiques d’éducation est passée de 38,1 % en 2000 à 42,8 % en 2005. Mais la part de l’enseignement moyen s’est réduite au cours de la même période, passant de 13,2 % à 9,6 % [Daffé, Diagne, 2008]. De plus en plus d’enfants issus de milieux populaires accèdent à l’école, mais le goulot d’étranglement constitué au niveau du secondaire les en exclut rapidement. Les inégalités scolaires, mesurées en durée de scolarisation, restent ainsi importantes [Unesco, 2010]. Les inégalités éducatives semblent se déplacer de l’extérieur à l’intérieur du système scolaire, comme Lange l’avait déjà souligné à propos d’autres pays [Lange, 2002].

Une offre scolaire de plus en plus hétérogène et inégale

15En prônant la diversification et la privatisation d’une partie de l’enseignement primaire, le PDEF crée une offre de plus en plus hétérogène à quatre niveaux : au sein de l’école publique, entre les écoles publiques et les écoles privées, entre les différentes écoles privées, et entre les écoles formelles (publiques ou privées) et non formelles. Au Sénégal, la diversité des écoles est ancienne, mais a connu un essor récent, en particulier à Dakar [Moguérou, 2009]. Les écoles publiques ont subi dans ce contexte diverses réformes : une utilisation accélérée du système de volontariat enseignant et des classes à double flux, de nombreux remaniements pédagogiques [10], et la limitation du redoublement [11]. La mise en place de ces réformes a déplacé les inégalités au sein des écoles publiques, entre milieux urbains et ruraux. Par exemple, ce sont les écoles rurales qui accueillent la plupart des maîtres dont le statut est précaire : 55,8 % des enfants de 5e année (CM1) des zones rurales ont un enseignant contractuel ou volontaire, contre seulement 18,4 % des enfants des zones urbaines [Confemen, 2007, p. 67]. Or les enseignants volontaires ou contractuels sont moins souvent titulaires du baccalauréat que les enseignants fonctionnaires (55,5 % contre 73,2 %), et ne bénéficient que rarement d’une formation pédagogique de plus d’une année (5,2 % contre 33,5 %) [ibid.]. Malgré les débats entre experts à ce sujet [Michaelowa, 2000], cette situation pourrait avoir un effet non négligeable sur les acquisitions scolaires. Les inégalités entre écoles publiques se révèlent également à l’intérieur du milieu l’urbain : par exemple, les écoles des banlieues dakaroises comme Pikine et Gédiaway ont de nombreuses classes à double flux, tandis que les écoles de Dakar ville n’en ont pratiquement jamais.

16Un écart important se creuse aussi entre les écoles publiques et les écoles privées. À l’échelle du Sénégal, le pourcentage des écoles privées reste encore faible [13 % selon la Confemen, 2007, p. 10], mais leur progression constitue un phénomène historique bien observable dans la capitale. « À Dakar, l’expansion de l’offre scolaire au cours des années 1990 est à attribuer quasi exclusivement au secteur privé. Alors que la part des classes privées dans l’élémentaire était quasi constante entre 1960 et 1990 (de l’ordre de 20 %), elle explose à partir des années 1990 (et atteint 40 % en 2000). » [Moguérou, 2009, p. 195]. Parmi les écoles privées, ce sont les écoles laïques et franco-arabes qui se développent le plus vite [op. cit. p. 197]. À tel point que dans la zone urbaine de l’inspection d’académie de Dakar, sur 924 écoles, il y avait en 2008-2009 davantage d’écoles privées laïques (427) que d’écoles publiques (371), et davantage d’écoles privées franco-arabes (85) que d’écoles chrétiennes (41) [République du Sénégal, 2009b, p. 27] [12]. Les résultats scolaires de ces différentes écoles sont très inégaux. Le Programme d’analyse des systèmes éducatifs des États et gouvernements membres de la Confemen (PASEC), malgré les critiques qui lui sont régulièrement adressées, est l’un des rares dispositifs d’enquête qui s’y intéresse. En prenant en compte à la fois le statut des écoles (public, privé), le niveau de vie de leurs élèves, et leurs résultats aux tests en français et en mathématiques, ce programme montre que les écoles privées sont globalement mieux dotées, et obtiennent de meilleurs résultats que les écoles publiques [Confemen, 2007, p. 45]. D’après le PASEC, « Les différences [de résultats aux tests] observées entre privé et public au Sénégal proviennent donc majoritairement des différences de profil des élèves et, notamment de leur niveau en début d’année. » [Confemen, 2007, p. 79]. L’orientation des familles possédant d’importants capitaux financiers et culturels vers le secteur privé, que souligne notre enquête à Dakar, peut expliquer en partie ce phénomène. Les réformes mises en place ont entraîné une forte perte de crédibilité de l’école publique : cette dernière a subi de nombreuses grèves en milieu rural comme urbain, souvent liées aux problèmes des statuts enseignants, qui ont conduit les familles qui le pouvaient à mettre leurs enfants dans le système privé [CREA, 2003 ; Charlier, 2004a]. Les observations que nous avons réalisées dans les écoles publiques de Dakar ville sont frappantes : si les classes oscillent entre 15 et 30 élèves, ce qui est dérisoire comparé aux classes de banlieues qui peuvent atteindre 90 élèves, c’est parce que les classes aisées désertent les écoles publiques qu’elles laissent aux classes plus populaires. L’école publique est ainsi devenue non pas « une école pour tous », mais une école pour les moins fortunés. À Dakar, les frais de scolarisation dans le privé varient d’environ 10 000 à 80 000 FCFA par mois, alors que les frais dans le primaire public tournent autour de 1 000 FCFA par mois, si l’on répartit mensuellement les cotisations et les frais annexes.

17La troisième forme d’hétérogénéité de l’offre scolaire s’observe entre les différentes écoles privées. Les résultats au Certificat de fin d’études élémentaires (CFEE) des écoles confessionnelles restent meilleurs que ceux des écoles publiques (88 % de réussite au CFEE de 2001-2002 dans les écoles confessionnelles, contre 53 % dans le public). Les écoles privées laïques présentent des scores inférieurs (39 %) [Moguérou, 2009]. Les faibles résultats de certaines écoles privées sont liés à leurs conditions de création. Nos entretiens montrent qu’à Dakar aujourd’hui, ouvrir une école devient une alternative à ouvrir une boutique ou un fast-food pour créer son propre emploi dans une période de chômage. Certains se contentent de créer des écoles privées illégales pour gagner un peu d’argent, les plus ambitieux cherchent à bâtir un institut complet de formation allant du préscolaire au supérieur. Se développent également des consortiums familiaux comprenant des écoles primaires, des librairies et des magasins pour enfants. Dans ce type d’écoles à but lucratif, les associations de parents d’élèves (APE) sont généralement dormantes. Ces écoles peuvent être laïques ou franco-arabes (les « arabisants » issus des écoles franco-arabes trouvant rarement, en dehors de l’enseignement, des débouchés qui valorisent leurs compétences linguistiques).

18La dernière forme d’hétérogénéité de l’offre scolaire se situe entre les écoles formelles (publiques ou privées confessionnelles ou laïques), clandestines, non formelles et informelles. Les écoles formelles sont des écoles publiques ou privées « autorisées » ou « reconnues » par l’État [13]. Les écoles clandestines sont des écoles privées non autorisées par l’État. Les écoles non formelles sont reconnues par l’État comme des « initiatives », mais ne sont pas comptabilisées dans les taux de scolarisation. Il s’agit par exemple des centres d’alphabétisation, des écoles communautaires de base, des formations coin de rue, et des centres de formation professionnelle alternatifs. L’éducation informelle, quant à elle, est intimement liée à la vie socioéconomique quotidienne des familles. Elle correspond concrètement à des initiations collectives fondées sur la classe d’âge, et à des apprentissages familiaux liés à la division sexuelle des tâches, mais aussi à des formations professionnelles individualisées (agriculture, métiers artisanaux, commerce, etc.), qui peuvent parfois se confondre avec des ateliers non formels. Les écoles coraniques sont tantôt classées dans l’éducation non formelle, tantôt dans l’éducation informelle : nombre d’entre elles ne sont pas répertoriées par les services étatiques. Les frontières entre les quatre catégories (formel, clandestin, non formel, informel) sont mouvantes. Depuis le début des années 1990, une partie du non formel tend à s’institutionnaliser : par exemple, les écoles communautaires de base sont en voie de transformation en écoles publiques classiques. Inversement, une partie des écoles tend à échapper au contrôle de l’État, comme le reconnaît le ministère de l’Éducation nationale : « la libéralisation de l’offre s’est traduite par une prolifération d’écoles privées qui échappent à tout contrôle » [République du Sénégal, 2003, p. 23]. Il s’agit là des écoles privées « clandestines », mais aussi d’écoles privées reconnues – voire subventionnées – par l’État, mais qui développent une forte autonomie face aux services déconcentrés du ministère. « Sans le privé, on ne fait rien » explique la responsable d’une IDEN qui déplore qu’une formation sur les nouveaux curricula n’ait pas prévu suffisamment d’argent pour obliger les enseignants du privé à la suivre. Le manque de coordination au niveau étatique de ces différentes formules éducatives favorise une grande variabilité de la qualité de l’enseignement, qui dépend en grande partie des individus, ONG, groupements associatifs ou religieux qui les soutiennent.

19Ainsi, les familles les plus fortunées et les mieux informées mettent-elles leurs enfants dans les écoles privées de bon niveau (catholiques, mais aussi laïques ou franco-arabes), tandis que les autres laissent les leurs dans les écoles de mauvaise qualité (publiques, privées laïques ou franco-arabes), ou les orientent vers des formations informelles et non formelles [14]. De la sorte, « En l’absence d’un système public de qualité, les effets escomptés de la scolarisation des groupes défavorisés risquent de s’avérer très limités » [Lange, 2001, p. 111]. Les politiques mises en œuvre par le DRSP et le PDEF ont également des effets imprévus, car les stratégies des familles ne dépendent pas uniquement de leur niveau de vie et d’information, mais aussi de stratégies socioculturelles diversifiées.

Stratégies familiales et éclatement des normes éducatives

20La perte de crédibilité de l’école publique conjuguée à une période de crise économique persistante provoque des réactions diverses de la part des familles. Certaines ont tendance à rejoindre les normes internationales en vigueur qui pensent l’école comme un simple facteur économique : elles adoptent des stratégies de convergence ou de contournement de « l’impératif scolaire », pour reprendre l’expression de Lange et Pilon [2009]. D’autres développent des stratégies alternatives qui reconsidèrent conjointement le rôle économique et social de l’école : leur positionnement est particulièrement visible dans le développement de l’enseignement arabo-musulman.

L’école utile : acceptation et contournement de l’impératif scolaire international

21Dans une période de troubles et de chômage massif [Diop, 2008, p. 364], la relation à l’autorité de la famille, de l’État, de la chose publique est modifiée au profit d’une culture de l’aléatoire, qui prend l’allure de la surenchère éducative dans les classes plus aisées et de la « débrouille » [Fall, 2007] pour les classes les plus démunies.

22Les familles appartenant aux couches sociales les plus aisées (hauts fonctionnaires, cadres supérieurs d’État ou d’organisations internationales, professions libérales), mais aussi à la classe moyenne (fonctionnaires, cadres d’ONG, commerçants), développent des stratégies de surenchère éducative. Leurs enfants passent d’activités en activités sans temps libre afin d’être « performants » à tous les niveaux : de l’école catholique au cours du soir en informatique et en anglais, en passant par le club de sport et le répétiteur coranique à la maison. Pour ce type de parents, la mauvaise qualité de l’école publique ne permet plus de répondre aux difficultés du marché de l’emploi. Ils sont prêts à se « sacrifier » pour les études de leurs enfants : « Par ces temps qui courent, si tu as un enfant, il n’y a que deux choses : tu te sacrifies pour qu’il réussisse ou tu ne te sacrifies pas, et voilà ! » explique un conseiller en sécurité, dont les propos laissent penser que le sacrifice est surtout financier : « Moi, père de famille qui souhaite que ses enfants réussissent, je paye à cause de cela ». Ainsi, beaucoup de parents dakarois consacrent peu de temps à leurs enfants, qui sont instruits et éduqués essentiellement par les enseignants, les répétiteurs et les « bonnes ». Face à cette mouvance de financement éducatif parental encouragé par les politiques éducatives actuelles, beaucoup de parents expriment un sentiment d’injustice : ainsi, 49 % des ménages estiment manquer de ressources pour l’éducation de leurs enfants [ANSD, 2007].

23Face à ces difficultés, les familles les moins aisées optent pour un contournement de l’impératif scolaire. À Dakar, le taux brut de scolarisation ne s’est pas amélioré entre 1990-1991 et 2000-2001 [Moguérou, 2009, p. 192], alors que l’offre scolaire augmentait, à cause d’une stagnation de la demande des familles. Cette situation est visible dans la mise à l’école, mais aussi dans le maintien des enfants dans l’institution scolaire. Selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie du Sénégal (ANSD), la cause principale d’abandon scolaire serait liée à une crise de confiance dans l’école : 21 % des personnes interrogées déclarent avoir arrêté l’école car elle était « inutile et sans intérêt » [ANSD, 2007, p. 26]. Ce chiffre est à prendre avec précaution, faute de précisions sur les conditions de passation des questionnaires. Mais il rejoint les résultats de notre enquête, au cours de laquelle les parents ont exprimé leur déception face à une école (en particulier l’école publique) qu’ils jugent incapable, non seulement de fournir un emploi, mais aussi d’instruire et d’éduquer. Certains parents défavorisés (petits vendeurs, travailleurs saisonniers, artisans, ouvriers, ou mendiants) cherchent coûte que coûte à mettre leurs enfants à l’école dans l’espoir que ces derniers sortent à terme la famille de ses problèmes : « Professeur, il faut bien suivre mon enfant, moi je ne sais pas le faire, mais je n’ai que lui pour [nous] aider, il faut bien le suivre » demande cette femme de ménage à un instituteur. Mais d’autres, plutôt que de scolariser leurs enfants, préfèrent les envoyer dans les daara et surtout au travail [Moguérou, 2009]. Les daara, dont les formes sont extrêmement variées [15], peuvent ainsi constituer une instruction refuge [Gandolfi, 2003, p. 267]. Certaines familles préfèrent payer une école coranique 1 500 FCFA par mois plutôt que d’envoyer leurs enfants à l’école primaire, officiellement gratuite : « Là-bas si tu n’as pas de cahiers, tu n’apprends pas, et puis il te faut des habits, des chaussures » explique une mère. « Ici, si tu n’as pas un mois, ils ne te mettent pas dehors » renchérit une grand-mère. « Si tu n’as pas les moyens, il ne faut pas essayer [d’envoyer tes enfants à l’école], ça va te retarder » conclut une autre femme [16]. Mais l’usage par les familles de l’enseignement arabo-musulman (écoles coraniques et écoles franco-arabes) n’est pas toujours un choix contraint. Il peut représenter des stratégies d’affirmation de parcours de vie et de normes différentes par des familles de catégories sociales moyennes et aisées.

Le développement de l’enseignement arabo-musulman, entre volonté populaire et politique

24Les écoles « françaises », comme on les appelle encore aujourd’hui, ont eu à s’imposer au Sénégal face aux écoles coraniques. Comme le rappelle Ndiaye [1982], à la fin des oppositions militaires contre le colonisateur, ce sont les écoles coraniques qui ont servi de bastions de résistance, notamment avec l’action éducative des guides des deux principales confréries actuelles. Pour briser les réticences indigènes vis-à-vis de l’école française, les colons ont usé de différentes méthodes, que l’on retrouve en partie aujourd’hui bien que sous d’autres formes. Par exemple, la langue arabe a été introduite dans le primaire en 1893, et des « pôles d’attraction » ont été créés sous contrôle des colons, comme l’école franco-mouride de Diourbel ou la daara de Malika.

25Aujourd’hui, le PDEF prône le « développement de l’enseignement de l’arabe », « l’introduction de l’éducation religieuse [dans l’école publique] », et la « création d’écoles franco-arabes publiques » [République du Sénégal, 2003]. La langue arabe a été maintenue dans l’école publique après l’indépendance, et l’enseignement religieux y a été introduit en 2002, suite à la demande des États généraux de l’éducation et de la formation de 1981 [17]. Les écoles franco-arabes fonctionnent comme les écoles publiques sur six ans, et visent à terme le CFEE français. Mais elles dispensent leurs cours en français et en arabe, peuvent aussi présenter leurs élèves au CFEE arabe [18], et consacrent davantage de temps à l’apprentissage du Coran, des hadith (paroles, enseignements) du Prophète et des fikh (pratiques de vie religieuse quotidienne). Ces écoles sont soutenues par l’État sénégalais (lorsqu’elles sont reconnues), ainsi que par des associations islamiques sénégalaises ou internationales, des États étrangers (comme l’Arabie saoudite), des institutions comme l’Organisation islamique pour l’éducation, la science et la culture (ISESCO), et surtout des confréries [19]. Par exemple, à Touba, ville créée par le fondateur de la confrérie mouride, Cheikh Ahmadou Bamba, à son retour d’exil du Gabon, il existe de nombreuses daara, écoles franco-arabes, centres de formations professionnelles et réseaux pour des études supérieures dans des pays islamiques, mais aucune école « française » : ces dernières n’y ont jamais été acceptées par la lignée des marabouts. Cette zone de résistance symbolique est toujours actuelle et n’est pas unique (zone de Médina Gounass dans la région de Kolda, par exemple) : elle illustre « […] la cohabitation au Sénégal de modèles et de systèmes éducatifs à vocation universelle, exclusifs, engagés dans des rapports frontaux et évoluant de manière séparée » [Unesco, 2001, p. 6].

26À la promotion de l’enseignement religieux et de la langue arabe dans les écoles formelles (« françaises » et « franco-arabes ») s’ajoute un programme de « modernisation des daara » accompagné d’une campagne de sensibilisation contre la mendicité infantile. Cette « modernisation » a quatre aspects : l’introduction du trilinguisme (arabe, langue nationale comme le wolof, et français), la dispense d’une formation professionnalisante, l’amélioration des conditions de vie et d’apprentissage des talibés (disciples), et l’aménagement de passerelles avec le milieu professionnel et avec les écoles franco-arabes officielles. L’État sénégalais justifie ainsi le programme : « Les daara, dans leur version moderne, constituent véritablement une affaire de souveraineté nationale car ils offrent l’opportunité d’une école sénégalaise qui favorise la promotion effective des valeurs africaines et sénégalaises, de la religion et des sciences islamiques, mais qui reste ouverte au reste du monde contemporain ; bref une école nationale ouverte aux technologies, sciences et langues étrangères » [République du Sénégal, 2009a, p. 10]. Pour le moment, aucune de ces daara modernisées n’est comptabilisée dans les statistiques éducatives car elles sont encore en phase d’expérimentation. Seules quelques daara, présentant des enseignements variés qui ont inspiré la réforme des daara modernisées, sont comptabilisées au même titre que les écoles franco-arabes « reconnues » par l’État selon les critères évoqués ci-dessus. Il est donc nécessaire de nuancer l’idée selon laquelle « les enfants qui reçoivent un enseignement religieux dans les daara, ou écoles coraniques sénégalaises, sont désormais considérés comme scolarisés, au même titre que les élèves inscrits dans l’enseignement formel » [Charlier, 2004b, p. 95]. Mais l’article de Charlier attire l’attention sur une situation future probable et sur une tendance sociétale majeure.

27L’essor actuel de l’enseignement arabo-musulman au Sénégal trouve ses racines dans les connivences entre les grands marabouts et les dirigeants du gouvernement [20], ainsi que dans la volonté d’accroissement des taux de scolarisation. Le ministère explicite ainsi l’objectif de contenter à la fois les lobbies confrériques locaux et les bailleurs de fonds : la modernisation des daara permettra « […] de respecter une option d’une frange importante de la société sénégalaise en répondant à leur demande d’éducation. Ce qui mettra fin à une injustice qui dure depuis l’avènement de l’école coloniale française. Mais également de régler définitivement la question importante du TBS et de l’EPT conformément aux OMD. » [République du Sénégal, 2009a, p. 9-10].

L’école syncrétique : réinterprétation de l’impératif scolaire

28Comme l’ont souligné Gérard [1997] et Brenner [2000], l’école franco-arabe permet à des familles de concilier chemin religieux, insertion sociale et réussite financière : « La médersa réussit là où l’école publique a échoué » [Gérard, 1997, p. 241]. Elle propose un « syncrétisme éducatif », une autre modernité. Se développent ainsi des écoles franco-arabes qui communiquent sur leurs critères d’excellence scolaire, les parcours professionnels « brillants » de leurs anciens élèves et le niveau social des familles qui fréquentent l’établissement. Nos entretiens avec des parents d’élèves de classe moyenne ou aisée confirment la présence de cette conception éducative à Dakar. Par exemple, plutôt que de fréquenter les médecins et autres cadres, parents d’élèves de l’école privée « Mamadou et Bineta » où il avait d’abord scolarisé son enfant, un commerçant interrogé préfère fréquenter des responsables politiques et intellectuels arabisants qui scolarisent leurs enfants dans l’école franco-arabe « Manar al Houda » fondée par la famille de Moubarak Lô, que son enfant fréquente aujourd’hui : « Mon objectif n’était pas que l’enfant puisse parler le français. Au fur et à mesure qu’on écoute la radio, on finira un jour par parler le français. Mon objectif, c’était qu’une fois devenu orphelin, c’est-à-dire qu’une fois qu’il ne verra plus sa propre mère ou moi-même son propre père, que l’enfant puisse avoir une éthique morale ainsi qu’un courage pouvant lui permettre de continuer dans la vie ». Un autre parent d’élève, qui a été formé à l’école « française » et a appris le latin et le grec, évoque tout d’abord une recherche « d’hybridité » au travers de l’école franco-arabe, puis affirme son appartenance au mouvement Ibadou Rahmane et son désir d’un État islamique sur le modèle iranien : « dans ces temps de crise, l’islam est une bonne chose, il permet de s’intégrer dans la vie sociale avec des valeurs ». Ainsi, paradoxalement, les politiques éducatives actuelles, financées par des bailleurs de fonds occidentaux qui prônent avant tout une augmentation des taux de scolarisation en faveur d’une croissance économique accrue, favorisent-elles le développement d’écoles confessionnelles, notamment arabo-musulmanes, dont les objectifs, bien que très variables selon les écoles et les usagers, restent fort différents des leurs.

Conclusion

29Les politiques de lutte contre la pauvreté et d’Éducation pour tous (EPT) ont repositionné l’État dans la question éducative. Elles ont imaginé une prise en charge collective de l’école : une école de société et non d’État, une école pensée comme une « responsabilité sociale » [Lange, 2001]. Mais la mise en place d’un partenariat factice entre État, bailleurs et société civile n’a permis ni un pilotage national de l’école, ni une démocratisation des décisions éducatives. De plus, les politiques de l’EPT, dans les applications quantitativistes qui en ont été faites, ont favorisé au Sénégal une perte de crédibilité de l’école publique en faveur des écoles privées confessionnelles (catholiques ou franco-arabes), qui servent désormais de garant moral et de référentiel éducatif pour les jeunes générations. Ce processus achemine le Sénégal vers « une école sans État », mais aussi peut-être, vers « une école sans société » pour reprendre l’expression de Ndoye et Camara [1991]. En effet, la répartition inégalitaire des familles selon le type d’école entraîne potentiellement non seulement de nouvelles formes d’inégalités scolaires et sociales, mais aussi la perte de la fonction intégratrice de l’école : « si, comme l’ont démontré les sociologues depuis Durkheim (1922), la fonction fondamentale de l’éducation est l’intégration sociale, on risque d’assister – du fait de la diversité des pratiques éducatives – à l’éclatement des sociétés africaines » [Lange, 1991, p. 113]. Par ailleurs, l’instrumentalisation régulière de la population dans les décisions éducatives a provoqué un désintérêt des familles pour une école pensée comme chose collective, et a favorisé une représentation utilitariste de la scolarisation. Beaucoup de ménages développent essentiellement des stratégies pour réussir ou s’en sortir (surenchère ou contournement) sans action sociale concertée. Certaines familles se détachent de ces normes au profit d’une approche plus syncrétique, qui associe finalité économique, sociale et religieuse de l’école. Mais ce courant en faveur de l’enseignement arabo-musulman ne constitue pas une dynamique fédératrice au niveau national. Ainsi, les politiques de lutte contre la pauvreté parviennent-elles en partie à imposer un « espace de sens qui donne à voir le monde » [Muller, 1996, p. 101] et qui présente l’école essentiellement dans sa fonction économique. Mais elles favorisent aussi indirectement une hétérogénéité des situations et un éclatement des normes éducatives.

Notes

  • [*]
    Sociologue, chargée de recherches à l’IRD (UMR 196 CEPED).
  • [1]
    Les données actuelles sont issues d’une cinquantaine d’entretiens qualitatifs réalisés en 2010 : 10 avec des décideurs (agents des ministères, experts internationaux, leaders religieux, syndicalistes), 24 avec des personnels éducatifs (enseignants, inspecteurs, etc.), et 34 avec des familles. Elles comprennent aussi une série d’observations dans des milieux décisionnels (comités d’élaboration de documents stratégiques, conférences internationales, etc.) et 24 observations de classe en cours d’initiation (CI) et cours élémentaire 1re année (CE1). Les données proviennent également de l’analyse des textes et des statistiques officielles (PDEF, DRSP, manuels scolaires du curriculum en français et en franco-arabe). Pour les écoles et les familles, l’enquête à laquelle se réfère l’article porte sur la ville de Dakar hors banlieue, avec une entrée par Inspection départementale de l’enseignement national (IDEN de Grand Dakar I, scindée depuis juin 2009 entre l’IDEN Plateau et l’IDEN Almadies), ainsi que par quartiers (aisés – Fann, Mermoz, Plateau – et plus populaires – Fass, Médina, Reubeuss). Vingt établissements ont ainsi fait l’objet de monographies (observations et entretiens) : 3 daara et 17 écoles dont les pourcentages de réussite au Certificat de fin d’études élémentaires varient de 18,5 % à 100 % en 2009 : 8 écoles publiques et 9 écoles privées formelles et non formelles (3 franco-arabes, 3 catholiques, 3 laïques).
  • [2]
    Les cellules de ce type ont tendance à voir leur nombre diminuer au profit d’« agences d’exécution » sénégalaises qui jouent un rôle d’interface entre l’État et les bailleurs de fonds (désormais appelés Partenaires techniques et financiers, PTF).
  • [3]
    Le taux d’achèvement du primaire sert de « proxy » à la Banque mondiale pour la mesure de l’acquisition [Brilleau, 2003].
  • [4]
    Source : observation Dakar 15 juillet 2010, d’après notes.
  • [5]
    L’enseignement arabo-musulman au Sénégal comporte des écoles coraniques (daara) et des écoles franco-arabes. Les daara ont un fonctionnement très variable (voir plus bas) mais elles visent globalement l’apprentissage oral du Coran en langue arabe. Les écoles primaires franco-arabes, elles, sont davantage semblables aux écoles primaires en français (voir infra), bien qu’elles dispensent les cours en français et en arabe jusqu’au Certificat de fin d’études élémentaires (CFEE). Elles disposent de manuels scolaires en arabe sur lesquels j’ai travaillé avec l’aide d’un traducteur.
  • [6]
    Les classes à double flux (CDF), créées dès les années 1980 et principalement utilisées en milieu urbain, font alterner deux cohortes d’élèves (par exemple le matin et le soir) devant un enseignant. Les classes multigrades (CMG), présentes surtout en milieu rural, accueillent différents niveaux scolaires dans une même classe.
  • [7]
    Au Burkina Faso en 2006, l’État assure le financement de seulement 64 % de son Plan décennal de développement de l’éducation de Base (PDDEB), niveau pourtant prioritaire pour les financements étatiques [MEBA, 2005, p. 18].
  • [8]
    Un article du bureau régional de la Banque mondiale mentionne que : « selon les statistiques publiées par l’OCDE, [le Sénégal] a reçu plus de 1 milliard de dollars en 2004, soit l’équivalent de 100 dollars par habitant ou 1 000 dollars par ménage […]. Dans le même temps, la moyenne en Afrique ne dépassait pas 32 dollars par habitant » [Sissoko, 2006, p. 2].
  • [9]
    L’analyse d’incidence permet d’imputer aux ménages utilisateurs d’un service particulier le coût de fourniture de ce service. La part de la dépense d’éducation imputée à un groupe dépend ainsi de la part du groupe dans le service total utilisé (liée au comportement des ménages), et de la part de la dépense publique dans les différents types de service (corrélée au comportement de l’État) [Niang, 2005, p. 3].
  • [10]
    L’introduction de l’Approche par les compétences (APC) dans l’ensemble du système connaît des aléas depuis une vingtaine d’années au Sénégal.
  • [11]
    Le redoublement intra-étape (par exemple entre le CE1 et le CE2) est interdit, et le redoublement inter-étape se fait sur autorisation de l’IDEN, selon un pourcentage maximum de redoublements défini à l’avance. Ces limitations des redoublements visent à diminuer les abandons scolaires, notamment dans les familles rurales [Unesco, 2003], mais nos entretiens montrent qu’elles sont l’une des raisons pour lesquelles certains parents, en milieu urbain, ne souhaitent pas scolariser leurs enfants dans les écoles publiques.
  • [12]
    La majorité des élèves continue à aller dans les écoles publiques, mais leur proportion est en diminution : en 2008-2009, 37,7 % des élèves de Dakar fréquentaient une école privée [République du Sénégal, 2009b, p. 37] contre seulement 18,2 % en 1995-1996 [République du Sénégal, 1996, p. 12].
  • [13]
    Les écoles sont autorisées en fonction notamment du profil académique du responsable, de la régularité du payement des enseignants, des normes des locaux et des programmes enseignés. Les écoles « reconnues » reçoivent des subventions de l’État : elles sont reconnues en fonction, entre autres, de l’adaptation de leurs contenus d’enseignement aux curricula officiels et de la déclaration officielle des enseignants, ainsi que du règlement des impôts et des cotisations sociales qui y sont liés.
  • [14]
    Auparavant, les écoles privées représentaient des dispositifs de seconde chance pour les enfants dont le redoublement n’était plus admis dans les établissements publics ; aujourd’hui, en particulier en milieu urbain, les écoles publiques deviennent les écoles des enfants qui n’ont pas pu être envoyés ailleurs faute de moyens.
  • [15]
    Possibilités ou non d’internat, obligation ou non de mendicité, châtiments corporels ou autres modes de punition, usages de livres et de cahiers ou seulement tablettes de bois, enseignement de matière comme l’économie et le droit musulmans ou seulement mémorisation du Coran, etc.
  • [16]
    Source : entretien réalisé par l’auteur en 2010 auprès d’un groupe de parents d’élèves wolofs d’une daara d’obédience Tidjane située dans le quartier de Fass à Dakar.
  • [17]
    Ainsi, un élève du CE1 en 2009-2010, suit, par semaine, 2 heures d’arabe et 1 heure d’éducation religieuse, contre 1 heure et demie d’histoire-géographie.
  • [18]
    Il existe au Sénégal un CFEE, un Brevet de fin d’études moyennes, et un baccalauréat « arabes » (passés dans la langue arabe).
  • [19]
    Les confréries sont en concurrence entre elles et avec le mouvement Ibadou Rahmane (qui prône notamment le retour au Livre sacré) dans la création des écoles franco-arabes.
  • [20]
    Abdoulaye Wade est le premier Président sénégalais à avoir fait officiellement allégeance à une confrérie religieuse (en l’occurrence la confrérie mouride).
Français

Résumé

Les pays d’Afrique subsaharienne élaborent aujourd’hui leurs politiques éducatives dans le contexte d’une « nouvelle » doxa internationale : les politiques de lutte contre la pauvreté. À partir du cas dakarois, l’article montre que les processus de décision et de suivi de ces politiques favorisent une recomposition des inégalités de pouvoir en défaveur de l’État et des groupes sociaux les plus faibles, dont les normes sont évincées au profit des cadres cognitifs des bailleurs de fonds et d’individus situés à des interfaces normatives. L’objectif de développement quantitatif rapide des taux de scolarisation conduit à un déplacement des inégalités au sein du système scolaire. Dans ce contexte, si certains ménages adoptent les normes internationales qui pensent l’école comme un simple facteur économique, d’autres reconsidèrent conjointement le rôle économique et social de l’école et militent en faveur de l’enseignement arabo-musulman. L’article révèle comment la volonté d’uniformiser le rapport à l’éducation dans un impératif scolaire spécifique peut paradoxalement induire un éclatement des normes éducatives dans des pôles urbains comme Dakar.

Mots-clés

  • lutte contre la pauvreté
  • politiques d’éducation
  • inégalités scolaires
  • privatisation
  • enseignement arabo-musulman
  • normes éducatives
  • Dakar
  • Sénégal

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Sophie Lewandowski [*]
  • [*]
    Sociologue, chargée de recherches à l’IRD (UMR 196 CEPED).
Mis en ligne sur Cairn.info le 03/10/2011
https://doi.org/10.3917/autr.059.0037
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