CAIRN.INFO : Matières à réflexion
à Jean-Louis Mérault ( †), musicien guadeloupéen (20 Octobre 1970- 9 Juin 2008).

1Je souhaiterais ici m’intéresser aux modalités de construction de l’identité masculine dans la population d’ascendance noire et africaine aux Antilles françaises (Guadeloupe et Martinique). La Caraïbe et l’Afro-Amérique sont, depuis les années 1930, l’objet d’études sur les relations familiales et les rapports sociaux de sexe qu’on y retrouve fréquemment. Des inégalités dans la construction du genre ont été rapportées dans de nombreuses sociétés post-esclavagistes [1], insistant sur les différences de modèles normatifs et éducatifs appliqués aux garçons et aux filles, aux hommes et aux femmes, modèles hérités de la période coloniale. Le souci de la conquête sexuelle des premiers tranche avec la supposée discrétion sexuelle des secondes. Or, les rapports de genre sont inscrits, encore aujourd’hui, dans une organisation familiale singulière – la matrifocalité – qui, si elle ne touche pas toutes les familles antillaises, représente cependant un type de structure et surtout de relations familiales courant et ancien.

2Travailler sur la masculinité en milieu antillais post-esclavagiste au début du vingt-et-unième siècle implique de resituer cette construction de l’identité sexuelle dans un contexte plus vaste de construction de l’identité « raciale », sociale et culturelle, en montrant comment s’articulent ces différents niveaux dans l’apprentissage des codes, des règles et des normes de genre. En outre, même si l’identité masculine ne se résume pas, loin s’en faut, à l’identité paternelle, sur ce terrain, la conception de la paternité détermine, même par défaut, celle de la masculinité.

3Le contexte de cette recherche est marqué par les débats publics houleux, les controverses scientifiques vives et le renouvellement des approches de l’identité de genre, dans un contexte d’analyse féministe et de posture post-colonialiste. Il s’agit ainsi de se défaire de multiples représentations et stéréotypes historiquement construits sur les hommes antillais [Dorlin & Paris, 2006], en analysant par exemple les mythes sur la sexualité masculine repris de façon émique aujourd’hui par les acteurs eux-mêmes. L’enjeu est aussi de sortir des postures coloniales qui ont parfois prédominé dans l’analyse des sociétés antillaises et des constructions de la sexualité [Giraud, 1999]. Enfin, les études du « black feminism » remettent en cause la domination masculine, mais surtout la domination coloniale [Dorlin, 2007]. Mon objectif est donc de faire une étude de genre qui dépasse l’analyse féministe, pour faire de l’identité masculine une construction sociale éventuellement contraignante et aliénante pour les hommes eux-mêmes, sommés ici de survivre à une castration coloniale et de répondre à l’injonction sociale de virilité.

4S’il est évident qu’il n’existe pas un « homme antillais », et qu’il existe diverses situations de construction de l’identité masculine aux Antilles, je me propose de revenir sur les aspects fondamentaux, qui représentent une forme de base de cette identité que l’on retrouve le plus souvent en milieu populaire, mais qui n’est pas sans concerner les classes supérieures. Puis, je m’interrogerai sur les nouveaux enjeux de cette masculinité dans des situations de remise en question ou de renforcement. Plusieurs lieux de cette fabrique de l’identité masculine antillaise peuvent être repérés : l’environnement domestique et les groupes de pairs, l’imaginaire et les mythes, la société et les médias. En effet, les médias, et notamment la télévision et Internet, sont devenus les vecteurs de nouvelles images de la masculinité, dont les plus spectaculaires figurent dans le rap et la pornographie, et contribuent ainsi à la transformation des modèles de genre.
Mon propos s’appuie sur plusieurs années d’études de terrain et d’ethnographie en Guadeloupe et en Martinique de 1991 à 2008. Mes premières recherches de 1991 à 2000 portaient en effet sur la construction des identités sexuelles, à partir d’une monographie réalisée dans la commune rurale de Trois-Rivières de Guadeloupe, dans un milieu social principalement populaire [Mulot, 2000]. Cette recherche doctorale fut aussi l’occasion d’étudier les discours identitaires et les politiques mémorielles à l’œuvre dans le carnaval afin d’y analyser une autre facette de la fabrique de ces identités [Mulot, 2003]. Mes recherches suivantes, dans le domaine de la santé, m’ont permis d’interroger notamment la façon dont ces identités masculines et féminines sont sollicitées et ébranlées par l’épreuve de la maladie, de la toxicomanie et plus particulièrement du VIH/Sida [Mulot, 2009], ou celle de la violence domestique. Plusieurs expériences en tant que formatrice de professionnels sociaux et médicaux m’ont permis de recueillir de nombreux témoignages concernant l’identité sexuelle et les rapports de sexe aux Antilles, dans des milieux très différents. Ils viennent nourrir ma réflexion, qui s’inscrit dans la lignée des travaux de Franz Fanon [1975] et ceux de Jacques André [1987].

Les normes du genre masculin en contexte matrifocal

Défendre sa réputation

5Le critère de « réputation » associé à celui de « respectabilité » est traditionnellement utilisé pour rendre compte des normes à l’œuvre dans la construction du genre aux Antilles et plus largement dans la Caraïbe. Suggéré comme catégorie d’analyse par Peter Wilson dès 1969 [Wilson, 1969], la dialectique réputation/ respectabilité qu’il développe dans son ouvrage fondateur Crab Antics en 1973, a largement été reprise depuis pour l’analyse des rapports de genre caribéens. Complétée par des études de terrain qui venaient éclairer par exemple la participation des femmes à la construction culturelle politique et sociale en Jamaïque [Besson, 2002], ou critiquée et dépassée par l’approche féministe [Cooper, 2004], cette dialectique qui fait continuum fut un outil essentiel pour comprendre les normes et les règles à l’œuvre dans la fabrique des identités sexuelles dans de nombreuses sociétés caribéennes. La respectabilité est présentée par Wilson comme un ensemble de valeurs et de normes héritées de l’organisation coloniale, qui se retrouve particulièrement dans les comportements des femmes, et qui a pour effet de distinguer les individus selon un ordre et une hiérarchie fondés justement sur leur capacité à reproduire ou non les valeurs de la société coloniale. La moralité, la religion, l’éducation sont a priori les piliers des cette respectabilité. Elle qualifie les classes moyennes et supérieures qui ont à cœur de se distinguer des plus populaires. À l’inverse, la réputation serait une règle de la communauté des pairs, fondée sur des relations plus égalitaires, présente chez les hommes, et qui regroupe les valeurs indigènes, construites par l’adaptation aux conditions de vie dans l’univers caribéen (post-)esclavagiste : la défense de l’honneur, la sagesse, les talents de parleur ou d’artiste font partie des valeurs de la réputation.

6Dans les études francophones, le couple respectabilité/réputation a été repris notamment par Jacques André [1987], Christiane Bougerol [2002], ou dans nos propres travaux [Mulot, 2000]. La respectabilité a ici été rapportée comme l’objet d’un contrôle social devant éviter aux femmes d’être l’objet des commérages publics. La discrétion sexuelle, l’inhibition, la moralité et la fidélité attendues chez elles tranchent avec la liberté sexuelle, la gouaille, l’exhibition et le multipartenariat attendus chez les hommes. La réputation sert alors à comprendre les logiques d’apprentissage de l’identité masculine, fondées sur la mise en exergue des capacités des garçons et des hommes à conquérir et séduire les femmes, et à parler de ces conquêtes dans les espaces masculins, dans une condamnation concomitante et virulente de l’homosexualité. Une emphase importante de la virilité contribue à favoriser le multipartenariat masculin afin d’effacer le spectre de l’homosexualité et d’apporter (aux autres hommes, à la mère, aux femmes) des preuves régulières des capacités de conquête. Elle repose sur une compétition masculine importante, notamment dans l’accès aux femmes, que Christiane Bougerol [2002] a pu repérer aussi dans les rapports de rivalité en prison en Guadeloupe. Ce qui est recherché est d’être l’objet de respect voire d’admiration par les pairs.
L’apprentissage de l’identité masculine s’effectue ainsi essentiellement dans le face-à-face avec les autres hommes, sous le regard maternel et celui des femmes que l’on cherche à conquérir. En effet, les « ti-mal » (petits mâles) et les jeunes hommes prennent l’habitude de se retrouver dans des lieux publics pour des rencontres informelles, où les activités essentielles sont la parole et l’observation. En premier lieu, c’est l’apparence qui est l’objet des discussions collectives : physique, couleur de peau, nature des cheveux, coiffure, tenue vestimentaire, attitude, langage sont soumis au regard minutieux des compères. Les voitures conduites, les chiens élevés et, dans une autre mesure, les femmes arborées sont aussi les media de la compétition masculine. Les autres hommes jouent ainsi une fonction probatoire ou invalidante dans l’apprentissage de la virilité. Les flatteries, les compliments ou les moqueries, les railleries voire les insultes sont utilisées pour signifier la conformité du jeune aux attentes du groupe. C’est dans ces liens que se construit la fraternité masculine, celle qui permet de trouver des « amis-frères » avec qui se soude une amitié dite incassable, même si la réalité est tout autre. Ces amis-frères sont aussi éventuellement les premiers rivaux auxquels les hommes se confrontent, notamment quand il s’agit d’être le premier à conquérir une femme, en montrant finalement la grande fragilité de cette virilité ostentatoire.

La valorisation de la puissance virile

7La sexualité et le sexe sont au cœur de la construction de la virilité antillaise, quasiment avant le travail et la solidarité. Etre un homme, c’est avant tout être capable de séduire et de conquérir des femmes, éventuellement plusieurs dans une même période, d’avoir des rapports sexuels dits performants ou puissants avec elles et d’être connu par les autres hommes et les femmes pour ces prouesses sexuelles. Ainsi, l’enjeu de la conquête consiste pour ces jeunes hommes à montrer qu’ils sont capables de faire céder les femmes, de les posséder, y compris les plus réservées, les plus respectables, les plus inaccessibles, puisque cette distance renforce d’autant plus leurs qualités, compétences et réputation de conquérants. Ainsi, cette virilité doit se prouver et se faire connaître non seulement par les actes mais aussi et surtout par la parole, comme pour démentir un dénigrement éventuel. Ici, les joutes verbales masculines évoquent plutôt le sexe et sa puissance que la sexualité. En effet, le vocabulaire utilisé est très cru, parfois violent : ni les sentiments amoureux, ni aucun attachement ne peuvent ni ne doivent se faire sentir. Dans ces récits, le détachement est de rigueur. Il s’agit de raconter des actes et non des liens, de faire valoir des compétences viriles et non de s’entacher de faiblesses sentimentales féminines, de montrer sa différence et sa domination sur le féminin, presque dangereux, et non sa sensibilité. Les termes créoles qui désignent vulgairement le fait d’avoir un rapport sexuel sont sans équivoque : « koké », « piné », « pilé », « gréné », « fouré », « raché », « krasé », « zayé », « koupé », « déchiré », « manjé », « fann’ li », « bat li », « bay on kou baton », (coquer, piner, piler, grainer, fourrer, arracher, écraser, couper, déchirer, la fendre, la battre, donner un coup de bâton)… Ce qui surprend, c’est ainsi la rapidité et la brièveté de l’acte désigné par un tel vocable, soulignant l’idée d’un « dérobé » [Glissant, 1981], d’un empressement, d’une nécessité de ne pas s’attarder dans le corps des femmes. La femme apparaît alors dans de telles images comme une adversaire à soumettre et à battre plus qu’une partenaire à honorer ou un corps à aimer. Le rapport sexuel devient un combat, une performance physique, le lieu d’un rapport de forces qui doit se solder à l’avantage de l’homme, par sa jouissance à lui, la satisfaction présumée et l’épuisement de sa partenaire. Le plaisir supposé de la femme, indépendamment d’un réel orgasme, vient prouver la puissance d’un partenaire qui se doit d’étouffer sa demande et son désir à elle.
À l’opposé de tels discours et pratiques, la relation amoureuse se développe dans le secret des alcôves. Ainsi, cette obsession de la conquête et de son récit ne doit pas faire oublier que seules les femmes avec lesquelles les hommes n’envisagent pas d’avoir de relations durables et respectables peuvent faire l’objet de telles conversations. Bien au contraire, le silence est de rigueur à propos d’une relation avec une femme que l’on souhaite garder et avec laquelle un quelconque investissement amoureux peut être envisagé. Dans ses situations, la sexualité est alors présentée comme un art précieux et délicat. Les seuls moments où le groupe d’amis pourra être informé du contenu de la relation sont les moments heureux et officiels (grossesse, mariage…) et éventuellement les complications (tromperie, scènes, et rupture). En effet, la situation de détresse, de rupture, place l’homme dans une fragilité à laquelle il n’est pas préparé et que seule la compagnie des amis-frères (et de la mère) semble pouvoir compenser.

Affirmer une respectabilité hétérosexuelle

8Parallèlement, les hommes sont eux aussi soumis aux critères de la respectabilité, notamment dans la prise de responsabilité et le souci de légitimité sociale. Le mariage, la fidélité, la reconnaissance des enfants, leur éducation, la contribution aux charges familiales sont ainsi des terrains où les hommes se distinguent selon leurs capacités à appliquer les normes de la respectabilité. S’il est communément admis que leur transgression est typiquement masculine, ceux des hommes qui les mettent enœuvre jouissent d’une admiration de la part des femmes et des hommes, même s’ils peuvent être parfois moqués de ne pas céder aux plaisirs de l’infidélité par exemple. Un « grand homme » (« on gran nomm ») se distingue par ces comportements rares, qui lui valent le respect. Cependant, le couple respectabilité/réputation fonctionnant comme un continuum, les hommes sont en permanence amenés à jouer sur deux tableaux : opter pour le mariage, tout en ayant une ou des maîtresses ; reconnaître les enfants légitimes, tout en s’occupant de l’éducation des enfants adultérins ; sortir avec sa femme dans les circonstances officielles et s’amuser avec sa maîtresse et ses amis dans les activités récréatives ; avoir une sexualité conventionnelle avec son épouse et adopter des pratiques plus licencieuses (fellation, sodomie…) avec sa maîtresse, qu’elle-même refusera avec son mari… Cette capacité à évoluer sur deux tableaux, que j’ai par ailleurs appelée la « compétence créole » [Mulot, 2008], témoigne de l’intériorisation de règles et de normes duales et complémentaires qui constituent la culture et l’identité créoles. Cette dualité peut être vécue de façon harmonieuse ; elle est parfois conflictuelle.
De la même façon, la dénonciation farouche de l’homosexualité masculine s’accompagne d’une pratique non négligeable de la bi-sexualité. En effet, le discours social antillais est extrêmement violent envers l’homosexualité, tout comme il l’est dans quasiment toute l’Afro-Amérique. Pour pouvoir vivre leur sexualité sans avoir à souffrir l’opprobre publique promise aux « makomè » (ma commère), les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes peuvent choisir soit de quitter les Antilles pour l’Hexagone, soit d’afficher une vie conjugale hétérosexuelle, qui permet de sauver les apparences, les relations sociales et d’avoir des enfants. La nécessité de se conformer aux règles hétéronormées n’empêche pas de développer des stratégies de contournement. Ainsi, l’identité masculine, qui se définit d’abord par la nécessité de la conquête sexuelle, se décline-t-elle aussi dans l’homosexualité, comme l’a montré D.A.B. Murray [2002].

Chronique d’une culpabilité annoncée : la faillite des hommes en tant que pères

9Cet apprentissage de la masculinité se fait dans un contexte antillais marqué par des relations familiales et sociales matrifocales. La matrifocalité désigne initialement l’organisation matricentrée des familles antillaises [2], les mères assurant avec leurs propres mères et éventuellement leurs sœurs l’éducation des enfants, en s’affirmant comme des « poto-mitan » (des piliers centraux de l’édifice familial), face à une absence des hommes dans la fonction paternelle. Le multipartenariat hétérosexuel auquel ils sont encouragés n’est pas toujours compatible avec l’implication dans une relation conjugale unique. Au contraire, il favorise la circulation des hommes entre les femmes, et leur difficulté à rompre l’amarre maternelle. La présence et surtout l’autorité paternelles sont secondaires face à la primauté du lien et de la parole maternels, et face à des postures de type sacrificiel des femmes qui proclament haut et fort « Je suis la mère, je suis le père ! » [Mulot, 2000]. Dans le même temps, les hommes sont constamment critiqués pour leur « irresponsabilité », et les femmes glorifiées pour leur « sacrifice » et leur dévouement. Le lien mère-fils est ici l’un des tuteurs essentiels de cette organisation, et il se construit dans une relation de dette imprescriptible entre le fils et sa mère, fondée sur l’entretien du « sacrifice » maternel. La gratitude qu’un fils doit offrir à sa mère passe alors par la démonstration de sa virilité, de sa réputation et de sa respectabilité. Montrer dans l’espace public que l’on est « un vrai homme », que l’on « est puissant », que l’on « assure sur la place » en ayant des conquêtes féminines vise notamment à contenter les espoirs maternels quant à la virilité des garçons. Ceci révèle le paradoxe des femmes qui induisent chez leurs fils ce qu’elles condamnent chez leurs compagnons, et les injonctions paradoxales dans lesquelles les hommes se construisent.

10Ce lien est d’autant plus étroit qu’il n’existe pas de tiers « castrateur » pour s’y opposer et le remettre en question [André, 1987]. Ce tiers est absent physiquement, lorsque le père n’est pas au foyer. Mais il peut être absent aussi fonctionnellement parce que le père n’est pas reconnu comme susceptible d’exercer une autorité et un pouvoir domestiques suffisamment forts pour limiter l’emprise maternelle [Mulot 2000]. Or, il existe aux Antilles un consensus global sur l’incompétence, l’irresponsabilité et la faillite des hommes dans les relations aux femmes (du fait de leur multipartenariat) qui rejaillit aussi sur leur défaite annoncée dans la relation aux enfants. Ce consensus ne reconnaît donc pas aux hommes les compétences, les connaissances, ni l’expérience qui leur accorderaient le droit réel et non fictif de s’imposer dans les décisions domestiques et éducatives au même titre que la mère, qui sait elle exercer pressions et chantages affectifs pour faire entendre son autorité [3]. Le consensus traverse la société et se nourrit du fiel des frustrations de femmes seules ou trompées qui n’hésitent pas à médire sur les hommes, dans une complainte victimaire reprise par la société tout entière et les médias, et intériorisée par les hommes eux-mêmes. À tel point que les hommes ne cherchent pas forcément à lutter contre cette autorité maternelle et conjugale que certains qualifient excessivement de matriarcale, convaincus qu’ils sont d’être forcément coupables, comme leurs pères. Il est même inconvenant d’envisager critiquer les comportements maternels, fondés sur ce sacrifice prétendument total. Au contraire, la culpabilité annoncée des pères entretient la sacralisation des mères [4].
Ce consensus sur l’illégitimité du pouvoir paternel constitue la grande différence entre la matrifocalité antillaise et la monoparentalité telle que la société française la vit aujourd’hui par exemple. Si dans les deux cas le code napoléonien a édicté la suprématie de l’autorité paternelle, dans la société antillaise, la période esclavagiste n’a pas permis son affirmation de la même façon. Au contraire, le Code noir a entériné la destitution paternelle des esclaves, puisque n’étant pas reconnus comme individus, ils n’avaient droit ni à la possession ni à la filiation ni à la transmission et ne pouvaient donc être reconnus comme les pères des négrillons qui naissaient. Ceux-ci étaient la propriété des maîtres et non des esclaves qui les avaient engendrés. Des propos très passionnés m’ont été tenus sur le terrain [Mulot, 2000] pour m’expliquer par cette « dépossession initiale et fondatrice » la difficulté des hommes à être pères [5]. La diffraction de la paternité entre le maître (père légal) et l’esclave (père géniteur) est au cœur de la dynamique matrifocale et des rapports de genre. Elle souligne la force des représentations selon lesquelles la paternité et l’identité masculine antillaises se seraient forgées et continueraient d’exister dans cette impossible unité des fonctions paternelles, orchestrée par le système esclavagiste.

L’identité masculine à l’épreuve de la domination raciale, sociale et de genre

Castration et efféminisation des hommes noirs dans l’histoire et dans les représentations antillaises

11En m’aidant des travaux de Franz Fanon [1975] et Fritz Gracchus [1980] et à partir de nombreux terrains, j’ai pu constater l’existence de représentations des identités sexuelles marquées par une racialisation du genre et une répartition diffractée du pouvoir, de l’autorité et de la puissance physique (fig.1). L’image que les Antillais ont de leur passé et des rapports de race, de classe et de genre aujourd’hui encore témoigne d’une répartition très inégalitaire des rôles. Au maître blanc, détenteur du phallus, reviendrait l’exercice du pouvoir (colonial, juridique, exécutif) au détriment des esclaves. Aux femmes noires incomberaient l’éducation des enfants et l’autorité domestique. Ne resterait aux hommes noirs qu’une puissance physique (corporelle et sexuelle) héritée d’une anatomie prétendument généreuse, les cantonnant aux capacités de leur pénis. Quant aux femmes blanches, épouses des maîtres, inaccessibles et prudes, elles occupent une place ambivalente, nous le verrons.

Figure 1

Les structures relationnelles et imaginaires de la matrifocalité

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Les structures relationnelles et imaginaires de la matrifocalité

12Ainsi, cet imaginaire expliquerait que les esclaves africains et leurs descendants, les hommes antillais, auraient été dépossédés de leur pouvoir et donc de leur phallus par les maîtres, qui n’auraient consenti qu’à reconnaître aux femmes une parcelle d’autorité pour l’éducation des enfants et la transmission des valeurs de la société coloniale. La violence de la domination coloniale et sexuelle aurait castré les hommes pour, au contraire, confier une autorité relative aux femmes. La prégnance de cette représentation montre qu’elle existe aujourd’hui au-delà de la véracité des faits historiques auxquels elle renvoie. La réalité historique ajoute pour sa part une dimension qui permet de mieux comprendre les fondements de telles représentations. Elsa Dorlin et Myriam Paris [2006] ont très bien montré comment la société esclavagiste et coloniale s’est construite sur une entreprise de déshumanisation et de bestialisation des esclaves, articulant l’efféminisation et la dévirilisation des hommes esclaves et la virilisation des femmes esclaves [6]. Celles-ci étaient perçues à travers une supposée lubricité, un tempérament sexuel agressif et masculin, qui justifiaient les abus sexuels dont elles étaient l’objet. En face d’elles, les hommes esclaves incapables de les satisfaire sexuellement ni de les protéger de leurs agresseurs étaient réduits à leur impuissance. « Les effets croisés du racisme et de la domination de genre produisent ainsi des catégories mutantes : des hommes efféminés et des femmes virilisées qui peuvent donc être exclus des privilèges anthropologiques, symboliques et politiques de l’humanité » [Dorlin & Paris, 2006 : 100].
Les représentations que nous avons recueillies insistent davantage sur la puissance sexuelle et physique des hommes noirs que l’histoire ne semble l’avoir permis. Nous faisons l’hypothèse qu’elles témoignent d’une entreprise de « revirilisation » mise enœuvre par les hommes antillais pour restaurer une image d’eux-mêmes devenue insoutenable. Cette revirilisation emprunterait les critères d’une masculinité dérobée par cette castration historiquement instaurée : la puissance, la force, l’exaltation des compétences physiques et viriles, la réputation, la fierté, la respectabilité ou encore la transgression des règles. La reconquête des marqueurs de la virilité serait alors une reconquête du pouvoir politique, une lutte d’émancipation prise au piège des catégories de la domination de genre, de race et de classe. « L’émancipation est figurée par la réappropriation des attributs que le rapport de genre associe au masculin : force, courage, héroïsme, honneur. Le thème de la révolte virile, comprise comme une humanité politique retrouvée, apparaît donc comme l’envers d’une idéologie esclavagiste qui n’a cessé d’investir le genre pour naturaliser les hiérarchies sociales et déshumaniser les esclaves » [Dorlin & Paris, 2006 : 101].

Identité masculine et métissage : à la conquête du phallus perdu ?

13Si l’esclavage semble avoir laissé des traces délétères dans l’image que les hommes noirs ont ou veulent montrer d’eux-mêmes, du fait d’une infériorisation de leur statut, la fin de l’esclavage ou les possibilités d’y échapper par le métissage ont-elles permis de reconstruire cette image de soi fracturée ? Franz Fanon fut l’un des premiers à montrer comment les relations de métissage, notamment dans les couples mixtes, étaient un terrain particulier d’observation des rouages de cette infériorisation intériorisée [Fanon, 1975]. La recherche d’une compagne blanche ou de couleur plus claire peut être perçue non seulement comme une stratégie de blanchiment pour s’élever dans la hiérarchie socio-raciale, mais aussi comme une stratégie d’appropriation des symboles de pouvoir dont les hommes noirs étaient privés durant l’esclavage. Or, la femme blanche représentait par excellence le bien le plus précieux que les maîtres ne pouvaient tolérer de laisser accessible aux esclaves. En effet, la réussite de l’entreprise esclavagiste reposait sur une inégalité majeure dans les rapports de race, de classe et de genre : si les femmes noires du groupe des dominés devaient être accessibles aux hommes blancs dominants, les femmes blanches du groupe des dominants ne devaient en aucun cas être accessibles aux hommes noirs dominés. Une réciprocité dans la « circulation des femmes » aurait supposé une équité de statut entre le maître et l’esclave, potentiellement « échangeurs » de femmes, impensable dans cette domination coloniale. En outre, les hommes esclaves ont été soupçonnés d’avoir des intentions de viol envers les femmes blanches et pour cela extrêmement contrôlés et châtiés, leur désir s’en trouvant muselé [7]. Cependant, l’idée que les hommes esclaves aient pu conquérir des femmes blanches ouvre une brèche dans l’entreprise de castration et de dévirilisation, qui laisse croire aux hommes antillais contemporains qu’ils peuvent restaurer là aussi leur identité virile.

14David Murray a montré, pour le cas de la Martinique, que les hommes noirs attribuent aujourd’hui aux femmes blanches des qualités sexuelles particulières [Murray, 1999]. Elles auraient moins de retenue et de scrupules devant certains gestes sexuels que les femmes martiniquaises soucieuses de préserver leur discrétion sexuelle. Nous avons fait des observations semblables en Guadeloupe où une véritable répartition des qualités sexuelles des femmes est faite selon leur origine et leur prétendue appartenance raciale, contribuant à créer une hiérarchie raciale, sexuelle et morale. Il est fort probable que les critères utilisés par les hommes relèvent d’une attitude d’objectification des femmes, niées dans leur statut de sujets désirants, mais réduites à leur statut d’objet du désir et de la convoitise des hommes. Murray a ainsi montré que ce processus permet aux hommes antillais d’inverser les logiques de la domination coloniale, en exprimant des désirs autrefois bâillonnés, et en se transformant en sujets à la conquête d’objets, y compris dans les rapports homosexuels. En outre, il a montré que le discours sur la masculinité pouvait être interprété comme une tentative de résistance à l’imposition d’une identité masculine efféminée ou infantilisée telle qu’elle apparaît dans les représentations coloniales françaises.

15J’ai eu l’occasion d’analyser par ailleurs [Mulot, 2007], comment le mythe du viol fondateur [8], qui enracine la naissance du peuple antillais (métissé par rapport au peuple africain) dans le viol des Africaines par les marins européens sur les négriers, permet aux hommes, de manière secondaire, de se reconstruire une place de sujets désirants et objets désirés des femmes, dans une ultime et précieuse existence. Contrairement au métissage désiré des femmes noires avec les hommes blancs, qui pourrait constituer une autre version de l’origine antillaise, le viol fondateur se révèle finalement moins castrateur pour l’identité masculine, puisque l’homme noir continue d’occuper le véritable désir de la femme violée et non consentante dans cette union forcée avec le maître. En effet, le non-consentement, qui définit le viol, prouve que cette femme ne pouvait désirer que son compagnon noir. Ce mythe donnerait en fait paradoxalement une version plus « acceptable » de l’origine du métissage, en permettant aux hommes noirs de se construire dans un rôle de sujets désirés, par les femmes violées, et aux femmes de se construire dans un rôle de femmes martyres et néanmoins mères fondatrices irréprochables des sociétés antillaises matrifocales. Pour les Antillais contemporains qui se disent descendants d’esclaves, ce mythe permet de reconquérir symboliquement une partie du phallus perdu durant l’esclavage, même si aujourd’hui le métissage offre une voie de reconquête a priori plus pacifique.
Ainsi, l’esclavage, ou plutôt ce que les acteurs contemporains choisissent d’en retenir, aurait en partie construit son assise sur la dépossession et la castration symbolique des hommes noirs. Même si des stratégies ont été mises en place par les esclaves pour échapper à cette entreprise de déshumanisation et pour jouer du système lui-même [Cottias, 2001], il semble que les acteurs contemporains ne réussissent à retenir que les actes violents de soumission commis par les maîtres, et les tentatives de résistance armée menées par les esclaves. Ainsi, l’imaginaire, encore une fois, est le lieu de mise en scène d’une identité masculine blessée, parfois anéantie, mais qui tente de se reconstruire en empruntant les mêmes voies que celles de sa déstructuration.
Cent-soixante ans après l’abolition de l’esclavage, la question est alors de savoir si cet imaginaire est toujours actif, ou si les individus réussissent à s’en affranchir dans leurs rapports sociaux et domestiques. Les hommes d’aujourd’hui ont-ils pu ou non, dans la sphère intime et domestique, retrouver l’exercice d’un pouvoir qui leur aurait été confisqué ? Les femmes tiennent-elles à garder le monopole d’une autorité et donc d’un pouvoir dont elles sont dépositaires et qui leur donnent un statut social important ? Qui détient le phallus aujourd’hui ? Les hommes peuvent-ils se l’approprier et les femmes le partager ? Le sentiment de dépossession et de castration initiales peut-il être dépassé par les hommes ?

Deux modes de reconquête de la masculinité

16Les hommes rencontrés ces quinze dernières années témoignent aussi des changements que la société antillaise a connus : migrations, accès aux études supérieures, tourisme, développement économique, contestation féministe et post-coloniale. S’ils ont pu découvrir d’autres types de rapports de genre, dans leurs voyages, leurs études, leurs rencontres avec les touristes ou par les médias, deux tendances s’expriment fortement. La première est un renforcement des schémas traditionnels de la virilité ; la seconde une volonté de remise en question.

Un renforcement de la virilité machiste

17Peut-être plus visiblement chez une partie des jeunes gens, et en milieu populaire, les schémas traditionnels du genre et de la virilité sont renforcés au moins en apparence, par les modèles véhiculés par certains types de médias et de culture. D’un côté, les séries soap américaines et brésiliennes largement diffusées sont une apologie du multipartenariat hétérosexuel. De l’autre, certaines formes de culture musicale reposent sur la mise en exergue de rapports de domination sexuelle. Certains groupes de rap, notamment le gangsta-rap américain, et certaines formes de dance-hall qui se développent dans la Caraïbe favorisent la diffusion d’images mettant en scène des hommes noirs couverts de bijoux, de vêtements de marques, circulant dans des voitures tapageuses et s’exhibant dans des maisons luxueuses, et des femmes noires, métisses et blanches très déshabillées mettant en scène leurs corps dénudés, et présentées dans des attitudes actives suggérant des postures sexuelles et pornographiques. La réalisation de certains clips vidéo du rap se fait d’ailleurs conjointement à la réalisation de films pornographiques. Les femmes semblent y être instrumentalisées dans leurs corps et leur sexe, et les hommes valorisés dans leur capacité à posséder les biens matériels et symboliques du pouvoir dont ils auraient été exclus.

18Il est difficile de ne pas voir dans ces mises en scène une tentative masculine d’inversion du stigmate de la pauvreté, de l’échec social et de la domination raciale d’une part, et d’inversion de la castration esclavagiste originelle, d’autre part. L’argent, les biens matériels et les femmes semblent présentés pour compenser la faille identitaire des hommes noirs qui trouveraient ainsi une façon de se positionner plus fortement sur l’échiquier des rapports sociaux de classe, de race et de sexe, en se "revirilisant" et en empruntant là aussi les schèmes usuels de leur dévirilisation. Les plus vifs doutes peuvent être émis quant à l’effet véritablement structurant de cette compensation matérielle. Par ailleurs, la soumission apparente des femmes est-elle un moyen de reviriliser les hommes ? La place des femmes dans cet univers peut-elle être perçue, comme l’avance Carolyn Cooper [2004], comme une façon d’affirmer leur émancipation sexuelle et de s’affranchir elles aussi des carcans hétéronormatifs de la respectabilité coloniale, qui les cantonnaient à la discrétion et la soumission sexuelles ? Ce débat houleux résout difficilement la question de la liberté sexuelle des femmes noires. Celle-ci est soit limitée par la domination masculine et raciale, soit construite avec emphase comme un mythe de lubricité justifiant leur exploitation et domination, par le système colonial et par les hommes, blancs et noirs. Quelles sont les voies que les femmes noires peuvent emprunter pour construire leur liberté ? Le rap est-il une issue ou une illusion ? Alors que C. Cooper voit dans les postures des danseuses de dancehall une référence à Oshun, déesse Yoruba de la fertilité et de la beauté [Cooper 2004, 103-5], E. Dorlin et M. Paris, citant les travaux de Patricia Hill Collins [1990], rappellent que l’image de la fille ultrasexy du gangsta-rap reprend le stéréotype de la Jézabel, séductrice maléfique. « Cette circulation en vase clos des normes racisées de genre entre dominants et dominés, témoigne non seulement d’un passé qui ne passe pas, mais de l’inflation et de la contamination de l’idéologie dominante jusque dans les formes d’affirmation et de contestation produites par les dominés eux-mêmes » [Dorlin & Paris, 2006 : 102].

19Par ailleurs, la pornographie ne cesse de se développer, en présentant des scènes de plus en plus violentes, et elle continue de nourrir l’imaginaire des hommes (et femmes) antillais. Les ayant souvent entendus m’expliquer que la pornographie avait des vertus pédagogiques (« c’est comme ça qu’on peut s’initier au sexe, sinon comment on ferait ? » Marc, 29 ans, employé), j’ai souhaité savoir ce qui était performatif pour eux dans ces images. La première chose importante est de rappeler que la pornographie peut très bien être regardée en groupe et non dans l’intimité ou la clandestinité de son poste de télévision. Les groupes de jeunes hommes, ou d’hommes mûrs, partagent volontiers ce loisir. Il me semble que ce n’est pas anodin, car c’est une façon pour les hommes de partager une activité sexualisée et de se regarder (et se contrôler) en train d’avoir une activité sexualisée. Les moqueries quant aux effets érogènes de ces films ne manquent pas, et entretiennent une injonction à se conformer à ce type de pratiques viriles : « Alô, ki moun ki kay bat on dous oswèla ? » ; « Jacky, ou kay eséyé tala épi madam aw ? » (Alors, qui va se masturber ce soir ? Jacky, tu vas essayer cette pose avec ta femme ?) Mais c’est aussi le contenu de ces films qui mérite d’être analysé.

20Lors de mon terrain dans les années 1990, les télévisions locales diffusaient des films produits pour le public noir et antillais. Ils mettaient toujours en scène successivement quatre couples différents : deux couples mixtes (homme noir et femme blanche, et femme noire et homme blanc), et deux couples non mixtes (blancs et noirs). Des variantes existent lorsque l’homme a deux partenaires, chacune pouvant être de couleur différente. La présence systématique en images de la sexualité de ces couples fondamentaux de l’histoire antillaise n’est pas sans conséquence. Elle donne accès à une sexualité racialement construite qui, si elle est présente dans l’imaginaire antillais, n’est pas concrètement connue ni expérimentée. Chacun, en fonction de sa couleur, de son sexe, et de sa sexualité est limité à l’expérience directe d’un nombre réduit de couples. En outre, si des hommes noirs fantasment sur les femmes blanches, tous n’ont pas vécu l’expérience. Par contre, leurs propros peuvent exprimer l’angoisse que peut représenter, dans ce contexte, le fait d’avoir un(e) partenaire qui pourrait expérimenter la sexualité avec un partenaire d’une autre couleur que soi. Un homme noir peut ainsi s’inquiéter de ce que sa partenaire pourrait vivre sexuellement avec un homme blanc, et qu’il ne pourrait supposément pas lui apporter dans cette vision racialisée de la sexualité. Et réciproquement. La question de la satisfaction du désir des femmes, même réduites au rang d’objets, devient alors essentielle car elle met en concurrence et en rivalité, dans cet imaginaire, des hommes dont les ancêtres étaient opposés par le passé dans un rapport de domination et dévirilisation.

21Les commentaires des spectateurs révèlent ainsi les inquiétudes sur la taille des sexes des Noirs et des Blancs, sur la chaleur des femmes blanches et noires, sur l’endurance et la performance sexuelle des hommes. « Et si les hommes blancs avaient eux aussi une anatomie et des capacités sexuelles majeures ? S’ils étaient détenteurs non seulement du phallus mais aussi du pénis ? Les femmes noires vont-elles forcément préférer les arguments physiques des hommes noirs ? » Les jeunes hommes antillais que j’ai observés ne manquaient pas de se moquer des sexes des acteurs blancs pour leur taille, leur couleur, leur forme, leur sensibilité, et de railler les femmes blanches pour leur appétit sexuel prétendument démesuré qui justifiait qu’elles ne soient l’objet, dans la réalité, d’aucune forme de respect.
La pornographie, en réduisant les distances entre réalité et imaginaire, et en empruntant des archétypes aux structures imaginaires profondes des rapports de race et de sexe, contribue à renforcer l’adhésion à ces schèmes qui sont présentés comme étant réels et non fantasmatiques. Elle met alors les spectateurs face à des scènes primitives du métissage, mais surtout de la dévirilisation et de la castration originelles, dont l’angoisse est systématiquement compensée par une affirmation ostentatoire de la puissance et l’endurance sexuelles des hommes noirs. Les hommes n’existent alors que comme des performers corporels et sexuels, susceptibles de posséder et satisfaire plusieurs femmes de couleurs différentes. Elle contribue alors à emprisonner l’imaginaire dans le réel du corps et à empêcher l’accès au symbolique, et à renforcer les logiques intériorisées de la domination de race et de genre.

Une remise en question des schémas de la virilité

22À l’inverse, j’ai pu constater que des hommes jeunes, de moins de quarante ans, avec une situation sociale stable et issus de classes moyennes, affirmaient plus facilement leur désir d’être des hommes investis dans la vie domestique et familiale. Les modifications de la fonction parentale connues dans de nombreuses sociétés occidentales touchent aussi les Antilles et la Caraïbe, et mettent les hommes face à de nouveaux défis [Lewis, 2003 ; Reddock, 2004]. Le souci de rapports de genre plus égalitaires est devenu une préoccupation visible dans les média, notamment par la dénonciation de la violence domestique, ou la condamnation de la défaillance parentale et paternelle qui occupe beaucoup les discours politiques et sociaux en France. Même si l’influence féministe n’est pas aussi forte aux Antilles que dans l’Hexagone, ou dans la Caraïbe, et si les associations de femmes ont du mal à occuper la scène politique, le modèle de l’homme antillais coureur absent du foyer est concurrencé par celui de l’homme présent à domicile et engagé dans une paternité active, traditionnellement plus associé aux hommes blancs. Les jeunes hommes ayant reçu une éducation sociale "respectable" entendent montrer leurs capacités à réussir là où tant d’autres, éventuellement leurs propres pères, ont échoué. Dans la plupart des cas, ces hommes affichent une distance par rapport à la question du passé esclavagiste et ne souhaitent pas déterminer leur vie en fonction de lui.

23La relation aux enfants semble être devenue un enjeu important pour ces hommes qui expriment avoir souffert de l’absence de leurs pères, ou des complaintes de leur mère. L’héritage des « dinosaures », comme les nommait un homme de 45 ans, qu’étaient les hommes des générations antérieures, est parfois refusé même s’il est difficile à dépasser. Un souci de ne pas reproduire le schéma traditionnel de la virilité s’affiche ainsi ; il semble qu’il trouve ses racines dans la compassion vécue avec des mères ayant ouvertement condamné l’absence ou les infidélités de leurs conjoints. En effet, ces jeunes hommes expriment avoir trop entendu et vu leurs mères souffrir, pour faire souffrir d’autres femmes à leur tour. En outre, ils affirment franchement leur vœu de ne pas ressembler à leurs pères pour ne pas être à leur tour la cause de souffrances maternelles et infantiles. Olivier, 34 ans, commerçant, père de deux enfants, nous expliquait :

24

« J’ai vu ma mère pleurer, je l’ai vu tenir pour nous élever, alors que mon père allait voir d’autres femmes. Je l’ai vu travailler dur alors que d’autres femmes se vantaient d’avoir eu des enfants avec mon père. Ma mère est toujours digne. Elle nous a élevés et transmis des valeurs, des règles pour que nous puissions être des hommes responsables. Je l’ai vu souffrir. Je sais ce que c’est une femme qui souffre et je ne tiens pas à être responsable de ça… Y’a trop d’hommes qui font n’importe quoi dans leur vie, qui ont des enfants et s’en occupent pas. Awa ! Moi c’est pas mon truc. Si j’ai des enfants, c’est pour m’en occuper et être avec eux. C’est pour les voir grandir. C’est fini, faut arrêter avec les familles où les femmes se débrouillent seules. Les femmes voient de la misère et les enfants aussi. Faut que les hommes comprennent ça ! »

25Ainsi, la fidélité, l’investissement parental et domestique, l’ardeur au travail constituent les lieux d’affirmation de cette masculinité, qui semble vouloir rompre avec la tradition et l’héritage esclavagiste. Elle emprunte pourtant directement aux logiques de la paternité dans sa dimension morale, valeureuse, et donc respectable et oblige les hommes à atteindre cette norme en se détournant de la règle des hommes coureurs et absents. Mais la tension demeure importante entre ces normes renforcées, héritées là encore des modèles européens et nord-américains traditionnels et conservateurs, diffusés par les médias, et des pratiques très courantes de relations extra-conjugales, lieux éventuels de naissances « d’enfants-dehors » (hors foyer conjugal), soutenues par une émancipation de la sexualité par rapport à la conjugalité et la parentalité, très médiatisée elle aussi.

26Cette tension pousse les hommes à vouloir s’investir et opter pour la fidélité, tout en les mettant régulièrement en situation de rupture de leurs vœux. Les femmes ne sont pas toujours des alliées dans ces tentatives d’affirmation masculine. Familières des discours réprobateurs envers les hommes, elles ne se prêtent pourtant pas forcément au jeu du partage des rôles et de l’équilibre des rapports de genre. Optant parfois malgré elles pour une attitude castratrice qui réitère le scénario de l’impuissance masculine, elles disqualifient rapidement les hommes qui se risquent à remettre en question les modèles usuels antillais [9]. La question est alors de savoir si cette remise en question est partagée par les femmes. Souhaitent-elles véritablement renégocier les rapports de genre en laissant les hommes occuper l’espace domestique et en cessant d’attendre d’eux les preuves d’une virilité sans faille ?

27Ces mêmes hommes expriment aussi le souhait de trouver plus de tendresse, de complicité corporelle, de plaisirs sexuels dans la relation conjugale. L’affirmation d’une sensibilité, pouvant être perçue comme féminine, se fait progressivement chez ces hommes évalués pour leur résistance virile. Or, il semble que les femmes du même âge ne soient pas toutes tout à fait prêtes à bouleverser leur rapport au corps, à la sexualité et aux normes qui les dirigent et à satisfaire ces nouveaux souhaits. Ces hommes expriment aussi leur frustration et leur solitude dans la relation sensuelle avec leurs femmes. Pascal, 36 ans, commercial, père de deux enfants, mulâtre, époux d’une femme médecin, mulâtresse, nous confiait son désappointement de voir sa femme se satisfaire d’une vie essentiellement consacrée à sa maternité. « Je sais que Sylvia est heureuse. Elle a sa maison, ses enfants, elle travaille, elle sait que je suis un homme sérieux et que je travaille aussi pour l’aider à la maison… Ça lui suffit. Mais elle n’a jamais un geste de tendresse envers moi. Elle ne va pas prendre d’initiative et venir me trouver. Non, c’est toujours moi qui dois aller vers elle, entreprendre quelque chose. Même quand je rentre du boulot, ou quand je fais à manger, ou la vaisselle, j’aimerais bien des manifestations de tendresse, de la sensualité, mais ça ne vient jamais. Je lui ai dit mais elle ne comprend pas. Elle pense qu’on n’a pas de problèmes, qu’on va bien mieux que tous les autres couples… Mais elle ne comprend pas que je puisse avoir besoin d’elle, de douceur… Peut-être qu’elle imagine que je vais trouver ce qui me faut chez d’autres femmes… » Après 11 ans de vie de couple et 8 ans de mariage, Pascal a fini par tromper Sylvia et chercher auprès d’autres femmes la tendresse que sa femme lui refuse. Mais en vain. Aucune ne semble pouvoir manifester une douceur qui semble peu usuelle dans les rapports de couple, tant la masculinité apparaît traditionnellement comme peu compatible avec le sentimentalisme, et la féminité étrangère à l’initiative sexuelle [10].

28Par ailleurs, le changement dans l’identité masculine impose un changement dans l’identité féminine. Un psychologue nous racontait l’augmentation dans son cabinet de couples consultant car la fidélité du conjoint déstabilise la femme dans son identité et son statut, et dans son organisation domestique, perturbée par la présence masculine au foyer. Ainsi, un décalage semble se faire sentir entre une évolution perçue chez cette catégorie d’hommes et une difficulté pour les femmes à sortir du registre qui les fait exister socialement : la maternité respectable, solitaire et victimaire. En outre, l’image de l’homme présent au foyer étant associée à un comportement d’homme métropolitain blanc, certaines femmes se plaignent de ne pas retrouver les caractéristiques des hommes antillais chez leur conjoint, et d’être en décalage par rapport aux groupes de leurs pairs…
Ailleurs dans la Caraïbe, notamment en Jamaïque, la question de l’évolution des rapports de genre et de la masculinité constitue une préoccupation politique et universitaire majeure. L’université des West Indies a consacré plusieurs programmes à la question du genre. Les inégalités scolaires entre garçons et filles, la violence des hommes envers les femmes et les homosexuels, et entre les hommes, le harcèlement sexuel, l’insécurité de l’emploi sont analysés comme autant de signes d’une masculinité en nécessaire reconstruction. Selon Linden Lewis [2007], cette nouvelle masculinité doit répondre aux mouvements féministes et aux changements économiques globaux. La question de la communication, du dialogue que les hommes pourraient tenter d’établir avec leur entourage masculin et féminin, est mise au cœur des nouveaux enjeux de cette masculinité, afin de s’affranchir du poids d’une idéologie incompatible avec l’équité de genre. « Man has to begin to talk about weightier issues of being, of gender consciousness and sensitivity, and about economic alternatives to the pervasiveness of a corrosive neoliberalism that currently blanket the region » (L’homme doit commencer à parler des problèmes plus lourds de l’existence, de la conscience et de la sensitivité de genre, et des alternatives économiques à l’intrusion d’un néolibéralisme corrosif qui recouvrent la région) [Lewis, 2007 : 17-18].
Ce tour d’horizon de la fabrique de la masculinité antillaise révèle donc que derrière une exacerbation d’une virilité définie par la puissance sexuelle et physique, se cachent des questions visiblement angoissantes sur la solidité de cette identité. Des représentations relatives aux fondements esclavagistes de la société, imposant la dévirilisation et la castration comme problématiques fondamentales de l’identité masculine noire, semblent déterminer encore les logiques des rapports de sexe contemporains. Si certains hommes affichent leur volonté de s’affranchir de tels déterminismes, il apparaît que les voies utilisées par d’autres pour compenser cette faille virile initiale empruntent et finalement renforcent les logiques de la domination raciale et de genre. Le discours sur les déterminismes historiques du genre ne finit-il pas lui aussi par être un piège, un enfermement ? Dans tous les cas, les enjeux contemporains de la fabrique de cette identité masculine ne pourront se dérouler sans une réflexion concomitante sur l’identité féminine, et l’autorité maternelle. En effet, interroger la sacralité maternelle et le rôle des femmes dans les rapports de sexe aux Antilles semble aujourd’hui aussi tabou qu’indispensable pour qui souhaite abonder vers une équité des rapports de genre.

Notes

  • [*]
    Maîtresse de conférences en sociologie, LISST, Laboratoire Interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires (UTM, CNRS, EHESS), Maison de la recherche, Bureau 336, 5 allées Antonio Machado, 31058 Toulouse Cx 09, mulot@univ-tlse2.fr
  • [1]
    Les travaux sur les familles noires et sur la construction du masculin et du féminin dans la Caraïbe sont innombrables. Depuis les études pionnières de F. Frazier [1939] et de M.J. Herskovits [1937], les apports de Peter Wilson [1969, 1973], Sidney Mintz [1970] et les controverses autour des travaux de J. Besson [2002] ont nourri une réflexion permanente dans la recherche anglo-américaine, que les programmes « Gender and Development Studies » de l’University of the West Indies sont venus compléter et actualiser ces quinze dernières années. L’approche française est plus parcimonieuse, mais nous pouvons retenir les travaux spécifiques de F. Fanon [1975], F. Gracchus [1980], J. André [1987], ou L. Lesel [1995] et S. Mulot [2000]…
  • [2]
    Le terme est apparu sous la plume de R. T. Smith en 1956.
  • [3]
    Livia Lesel [1995] a analysé ce processus d’oblitération des pères pour le cas de la Martinique.
  • [4]
    « La nullité du père béatifie la mère » avait déjà remarqué Jacques André [1987 : 131].
  • [5]
    Le discours sur la dépossession de même que celui sur l’aliénation sont des modèles explicatifs courants des caractéristiques antillaises. On les retrouve sous la plume de Glissant [1981] notamment.
  • [6]
    J’emploie les termes hommes esclaves et femmes esclaves dans un souci d’humanisation, alors que l’esclavagisme ne concevait pas que les esclaves fussent des humains.
  • [7]
    Cette image présente dans la mythologie coloniale n’est que le miroir impossible et inavoué des penchants sexuels violents que les hommes blancs avaient envers les femmes noires (voir sur ce point Hooks, 1990).
  • [8]
    Le terme « mythe » est utilisé pour désigner le récit de l’origine ainsi présenté. Il ne vise absolument pas à nier l’éventuelle véracité des faits évoqués.
  • [9]
    Ces changements s’opèrent plus manifestement dans la migration, où les couples fonctionnent avec les normes françaises, mais sont mis à mal dans l’expérience du retour au pays qui est souvent fatale aux couples formés dans la migration, en raison des normes et règles d’appartenance auxquelles les individus se retrouvent rapidement soumis et qui s’opposent au maintien de rapports de genre métropolitains.
  • [10]
    En témoigne aussi l’ouvrage d’Ernest Pépin, Le tango de la haine, (Paris Gallimard, 1999) qui évoque l’impossible relation affective de la part des femmes, tout entières consacrées à leur maternité.
Français

Résumé

Les Antilles, sociétés post-esclavagistes fondées sur une hiérarchie de race, de classe et de genre, se caractérisent par la récurrence d’une forme familiale singulière, la matrifocalité, reposant sur un apprentissage des rôles sexuels et parentaux ancré dans une double norme éducative héritée de la période coloniale : respectabilité/réputation. L’article vise à montrer comment l’éducation matricentrée, le contrôle social communautaire et un imaginaire castrateur de l’esclavage omniprésent préparent traditionnellement les garçons noirs à devenir des amants bien plus que des pères, en exacerbant une puissance corporelle et sexuelle qui doit masquer leur manque de pouvoir social, dans une injonction à la virilité. Il s’interroge in fine sur les évolutions contemporaines de cet apprentissage des identités sexuelles, notamment à partir des nouvelles images de la sexualité et du genre, dans le rap et la pornographie.

Mots-clés

  • Antilles françaises
  • genre
  • virilité
  • matrifocalité
  • esclavage
  • castration
  • viol fondateur
  • pornographie

Bibliographie

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Stéphanie Mulot [*]
  • [*]
    Maîtresse de conférences en sociologie, LISST, Laboratoire Interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires (UTM, CNRS, EHESS), Maison de la recherche, Bureau 336, 5 allées Antonio Machado, 31058 Toulouse Cx 09, mulot@univ-tlse2.fr
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2010
https://doi.org/10.3917/autr.049.0117
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