CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 L’agriculture de l’URSS reposait sur l’existence d’une « situation de complémentarité » entre l’exploitation collective et le lopin familial  [2] [Maurel, 1980, p.31]. Les grandes exploitations soviétiques (kolkhozes et sovkhozes) remplissaient une double fonction : tenter de satisfaire aux objectifs du plan et maintenir l’activité productive des lopins indispensable à l’existence d’un monde rural. En effet, bien que son rôle ait été volontairement minimisé par le pouvoir soviétique, le lopin garantissait la sécurité alimentaire de la population rurale et sa reproduction, en partie grâce au marché kolkhozien et au marché libre  [3]. Or, l’activité du lopin était en gestion solidaire, le mode d’appropriation des parcelles étant géré collectivement. Ainsi, l’attribution des terres se faisait lors de l’Assemblée Générale des kolkhoziens et leur surface dépendait des besoins des familles  [4]. Un retraité qui n’utilisait plus la parcelle qui lui avait été attribuée devait la remettre dans le fonds commun. Le droit parlait d’un principe de « jouissance », n’accordant que l’usus (le droit d’utiliser) et le fructus (le droit d’appropriation des produits issus de l’exploitation de la terre), mais excluant la propriété entière (abusus, c’est-à-dire le droit de transformer et de vendre sa propriété).

2 La politique économique de B. Eltsine, qui visait à démanteler les exploitations collectives pour en faire des fermes capitalistes, contrastait avec la « situation de complémentarité » étudiée par M.-C. Maurel [1980]. En effet, pendant la période soviétique, le principe de solidarité restreignait l’appropriation du lopin familial et encourageait les exploitations soviétiques à fournir des matières premières aux lopins (la distribution de graines et d’autres produits était une pratique courante des exploitations). Or, ce principe n’entre bien sûr plus dans les objectifs d’une ferme « capitaliste ». L’objet de cet article est de montrer que ce principe de solidarité va néanmoins se maintenir, et s’exprimer à travers le Code foncier (2001) et la loi dite « loi sur la circulation des terres à destination agricole »  [5] de 2002 qui le complète : alors que se préparait une transformation profonde de l’exploitation collective, qui n’a émergée qu’avec l’arrivée de V. Poutine au pouvoir, les membres des fermes collectives en cours de restructuration ont mis en place les instruments de la préservation de la terre sous la forme d’un patrimoine collectif. L’objectif de cette politique est, en effet, d’assurer le renouvellement générationnel et la sécurité alimentaire, ce qui représente une fonction patrimoniale. L’émergence d’un pouvoir régional et son intégration à la sphère de l’État deviendront finalement le garant de cette préservation, paradoxalement complémentaire de l’émergence d’une agriculture capitaliste politiquement très contrôlée [Grouiez, 2008]. Dans la pensée courante, en effet, le développement capitaliste devrait se suffire à lui-même. On constate précisément que les choses ne vont pas ainsi et que le développement de l’économie marchande s’articule toujours avec la persistance d’une économie patrimoniale.

3 L’économie des patrimoines collectifs [Barthélemy, 2007 ; Barthélemy, Nieddu, Vivien, 2004], sur laquelle nous fondons notre analyse, considère que, dans toute économie contemporaine, sont simultanément présentes deux formes de relations économiques, l’une marchande et l’autre patrimoniale, c’est-à-dire fondée sur la préservation et la reproduction des identités nécessaires à la perpétuation des groupes considérés. Ces deux relations ont vocation à régir les activités économiques, c’est-à-dire à réguler l’allocation des moyens de production et la répartition du produit [Barthélemy, Nieddu, Vivien, 2006]. On rejoint en cela, dans une certaine mesure, la thèse défendue par Polanyi de la relation complémentaire et conflictuelle entre l’économie de marché et le besoin d’une protection sociale [Polanyi, 1983 (1944)]. Toutefois, Polanyi en fait une présentation sous une forme essentiellement diachronique, de réaction et d’activation d’un principe de protection face à la construction du marché. L’approche économique en termes de patrimoines considère que les deux relations doivent être aussi caractérisées dans leur coexistence synchronique [Barthélemy, Nieddu, 2007] : chaque situation s’interprète alors comme une situation hybride, d’encastrement réciproque du marchand et du patrimonial. Les tensions entre les deux relations génèrent des dynamiques institutionnelles historiquement spécifiques, qui conduisent à la variété des formes économiques observées [Amable, Barré, Boyer, 1997 ; Boyer, 2001]. La dynamique institutionnelle que nous analyserons plus particulièrement ici est celle qui permet de mettre en œuvre les fonctions patrimoniales d’un patrimoine collectif, en l’occurrence la terre en tant qu’elle est le support de vie et de continuité de communautés rurales. Cette dynamique institutionnelle, comme on le verra, est hybride : en même temps que l’on va vers une privatisation de sa propriété, sont (paradoxalement pour les théoriciens de l’économie pure de marché) redéfinies et réorganisées les modalités de persistance de droit pour le collectif.

4 Dans cet article nous proposons d’identifier pour la Russie le jeu de tensions entre relation économique patrimoniale et relation économique marchande, et de voir comment l’économie des patrimoines, qui propose de distinguer et d’articuler entre eux patrimoine commun (ou collectif) et propriété privée [6] [Barthélemy, Vivien, 2007], permet de modéliser l’attribution de la terre.

5 Dans une première partie, nous montrerons, à partir d’entretiens réalisés dans la région d’Orel en 2005-2006, que l’instauration de droits de propriété privée obtenus par des familles rurales  [7] (propriétaires de lopins et de fermes familiales) a parallèlement conduit à un remodelage de la communauté des membres des exploitations et à la préservation de fonctions patrimoniales reconnues à la terre.

6 Dans une seconde partie, nous analyserons le processus visant à la destruction du patrimoine collectif en vue de constituer des propriétés privées sur le foncier par les directeurs des ex-kolkhozes et des ex-sovkhozes. Puis, en décryptant les textes de loi ainsi que les politiques régionales et nationales, nous mettrons en évidence le fait que, dans le même temps, ces lois de privatisation fixent des règles d’attribution de l’usage de la terre dans le but d’en préserver la dimension patrimoniale collective.

De l’émergence d’une propriété privée à la défense du patrimoine collectif

7 Le processus de privatisation de la terre a conduit à définir la terre au moyen d’un instrument juridique : l’ « actif foncier »  [8]. Chaque membre de la communauté du kolkhoze  [9] et chaque employé ou retraité du sovkhoze ont obtenu des actifs fonciers dont ils pouvaient disposer librement. Deux possibilités de transformation des actifs ont été offertes. Le propriétaire des coupons matérialisant les actifs fonciers pouvait décider de les transformer en parcelle réelle (surface définie sur le coupon). Une procédure de localisation de la terre était alors lancée afin de permettre la transformation des actifs en véritables facteurs de production. S’ils étaient transformés en parcelle, cette dernière pouvait être utilisée pour l’activité d’un lopin ou d’une ferme familiale. Ainsi un fermier rencontré en 2005 expliquait :

8

En 1992, nous avons obtenu, ma femme et moi, 10 coupons de 0,5 hectares de terre chacun. Nous avions alors très envie d’oublier notre ancienne vie de kolkhozien. Nous avons donc décidé de demander la transformation de nos coupons en parcelles. Cela n’a pas été simple. Nous n’avions aucune idée du lieu où se situait notre terre. Nous avons donc négocié avec le directeur de notre kolkhoze et avec l’organisme chargé de l’attribution des parcelles, la localisation de nos parcelles. Comme le directeur du kolkhoze me connaissait bien, j’ai pu négocier une bonne localisation de mes parcelles et leur regroupement. Si je n’avais pas connu personnellement le directeur, je n’aurais jamais sans doute pu créer ma ferme. Aujourd’hui, mon exploitation compte 40 hectares de terre. Sur ces 40, 12 ne m’appartiennent pas. Je les ai pris en baux auprès d’anciens de mes collègues contre des rémunérations en nature ou en argent. [Enquête 2005, cas n° 8]

9 Une autre possibilité consistait à remettre tout ou une partie des actifs fonciers au patrimoine collectif de la grande exploitation. Dans ce cas, le processus de transformation du coupon représentant l’actif foncier en parcelle n’était pas mis en œuvre. Une retraitée d’un kolkhoze expliquait ainsi :

10

Quand j’ai obtenu mes trois coupons, je ne savais pas à quoi ils pourraient me servir. Je ne voulais pas créer une ferme toute seule, cela me faisait trop peur [l’interrogée est veuve]. Je les ai donnés au directeur de mon kolkhoze, lui savait bien mieux que moi quoi en faire. [L’exploitation continue à lui fournir des graines pour nourrir ses volailles]. [Enquête 2006, cas n° 3]

11 Ainsi, l’agriculture russe a connu deux transformations profondes. Les lopins ont cessé d’être gérés collectivement puisque la parcelle devenait une propriété privée et le patrimoine collectif que constituaient les terres de l’exploitation soviétique, pouvait, en théorie, devenir la propriété de familles ou d’individus ayant créé des fermes.

12 Parce qu’ils ne pouvaient ou ne voulaient assumer d’autres options, de nombreux propriétaires de coupons ont opté pour le second choix, c’est-à-dire celui de remettre tout ou une partie de leurs actifs fonciers en gestion communautaire au sein de l’exploitation collective. Le directeur détenait dans son coffre-fort les traces de ces actifs fonciers gérés collectivement  [10].

Le lopin : une fonction économique particulière sur la base d’une propriété privée limitée

13 La terre du lopin, par le processus de privatisation, était devenue la propriété des ex-kolkhoziens et ex-sovkhoziens. Sans prendre le risque d’une trop grande simplification, il est possible de souligner deux points essentiels du nouvel environnement législatif de la période 1991-2001. La propriété privée était clairement reconnue par le Code Civil de 1993, mais les décrets fonciers venaient en limiter l’exercice [OCDE, 1998 ; Lezean-Kharkhordine, 2006]. Les citoyens devaient notamment prouver leur capacité à tenir une exploitation, ce qu’une expérience professionnelle pouvait valider. La propriété de la terre agricole était donc envisagée dans sa fonction économique de production. La cessation du droit sur la propriété pouvait ainsi être justifiée pour des raisons relevant d’une mauvaise jouissance de la terre, de l’abandon à l’état de friches, etc.  [11] B. Eltsine, en accord avec les réformateurs, avait bien en tête la modernisation de l’agriculture par l’accès à la propriété privée tant du lopin que des fermes. Mais les décrets présidentiels donnaient clairement aux lopins des fonctions économiques spécifiques : satisfaire aux besoins de la famille, et en cela il n’y a pas de rupture d’avec l’ancienne conception. Une retraitée d’un sovkhoze du district d’Orel (district de la région d’Orel) nous expliquait en 2005 :

14

Le lopin que j’exploite aujourd’hui m’avait été attribué avant 1991 par mon sovkhoze. Depuis, il m’appartient et je l’exploite parce que j’en ai besoin pour vivre. Quand je n’aurai plus la force, j’espère le laisser à mes enfants, mais maintenant ils sont partis à Moscou. Peut-être est-ce une autre famille qui en bénéficiera. [Enquête 2005, cas n° 5]

De la création des « fermiers » à leur dépendance vis-à-vis des autres propriétaires de coupons

15 La loi de 1990  [12] sur les exploitations paysannes ouvrit la voie à la création de fermes familiales. Il s’agissait pour les réformateurs d’offrir aux familles rurales la possibilité de quitter les exploitations collectives, avec une partie des terres et des moyens de production. La plupart des ex-kolkhoziens ou ex-sovkhoziens considéraient que cette possibilité entraînait des inégalités entre les propriétaires de coupons concernant la possibilité de disposer de terre. Puisque les fermiers obtenaient des aides lorsqu’ils décidaient de créer une ferme, les autres propriétaires de coupons ressentaient comme une « profonde injustice » [Lezean-Kharkhordine, 2006, p. 137] le fait que ces exploitations étaient valorisées, aidées politiquement, alors que les grandes exploitations étaient abandonnées à elles-mêmes. La création des fermes venait donc remettre en cause l’existence même d’un patrimoine collectif terrien. Les détenteurs d’actifs fonciers voyaient les fermiers, non comme des agriculteurs, mais comme des « spéculateurs » dans un contexte inflationniste [13]. Ils cherchèrent donc à contrôler l’accès au patrimoine collectif privatisé. Ainsi, dans de nombreux cas, les parcelles de terre furent remises à des fermiers reconnus par la communauté locale et membres du collectif [Jogoleva, Kovalenko, 1995]  [14]. Par ailleurs, les terres ne pouvaient pas être vendues. Les fermiers recevaient donc les parcelles en fermage, conservant de fait leur relation avec les ex-kolkhoziens ou ex-sovkhoziens qui préféraient leur fournir la terre plutôt que de la remettre en gestion communautaire. Seules les parcelles issues de ses propres actifs appartenaient effectivement au fermier.

16 Par ailleurs, le fermier n’avait réussi à obtenir le détachement des actifs fonciers du collectif que sous la condition qu’il fournisse également des services aux autres membres du collectif de propriétaires de coupons. Une relation s’établissait donc entre les fermiers et les propriétaires d’actifs mis à la disposition de ces agriculteurs, comme l’explique l’un des fermiers que nous avons rencontré :

17

J’ai obtenu une partie de ma terre en passant des accords avec d’autres propriétaires d’actifs fonciers. Ils me laissent cultiver leurs terres, en contrepartie, je leur remets une partie de la production en nature et je leur laisse le tracteur lorsque eux ou l’un de leurs amis en ont besoin pour leur lopin. [Enquête 2005, cas n° 3]

18 Cette relation qui s’établit n’est d’ailleurs pas seulement une relation entre un fermier et un propriétaire d’actif, mais bien entre le fermier et le propriétaire d’un lopin. En effet, cette rémunération en nature représente pour le propriétaire de l’actif un moyen d’exploiter son lopin. C’est pourquoi, le collectif des détenteurs d’actifs fonciers s’est assuré de la capacité du fermier à tenir sa ferme. Son existence dépend de sa capacité à fournir des services productifs aux propriétaires des actifs eux-mêmes détenteurs d’un lopin [Wegren, 2005, p. 136]. Ces derniers sont également redevables envers les autres propriétaires d’actifs, comme nous le montre la procédure d’attribution de parcelles mises en fermage :

19

La procédure de mise en location de la parcelle que j’ai louée est assez complexe. Je suis allé négocier avec un voisin la mise en location de ses actifs. Puis il a dû se présenter au directeur de l’exploitation et lui expliquer son intention de louer son actif. Je me suis ensuite rendu avec lui à l’organisme chargé de la répartition des parcelles pour m’assurer que le choix de localisation de la parcelle me conviendrait. J’ai signé avec lui un contrat qui se renouvelle tous les 3 ans. Mais si nous venions un jour à décider de cesser cette location, la parcelle ne lui reviendrait pas directement et il serait obligé de recommencer toute la procédure pour louer son actif à quelqu’un d’autre. [Enquête 2006, cas n° 2]

Processus de préservation du patrimoine collectif et réorganisation de ses fonctions patrimoniales

20 Sur les décombres de l’agriculture collectiviste, trois communautés vont donc faire leur apparition : la famille disposant d’une propriété privée (le lopin) spécifiquement consacrée à sa subsistance ; la famille propriétaire d’une ferme consacrée à la fois à sa subsistance, aux besoins des ex-kolkhoziens ou ex-sovkhoziens et à l’insertion sur le marché ; enfin, les membres de l’exploitation collective restructurée, détenteurs d’un patrimoine géré collectivement. Le démantèlement des ex-kolkhozes n’a donc pas eu lieu, par choix de la majorité des propriétaires d’actifs. Par ailleurs, le fait que les membres des exploitations soviétiques restructurées soient propriétaires de plusieurs actifs fonciers n’excluait pas d’être membre des trois communautés simultanément.

21 Les familles propriétaires d’actifs, pour préserver leurs moyens de subsistance (le lopin), ont fait pression sur le passage du patrimoine collectif en propriété privée, que la politique de B. Eltsine venait d’instaurer. Ainsi, le processus de privatisation met en évidence l’existence d’une régulation économique relevant de l’économie des patrimoines collectifs. Les critères de redistribution de la terre montrent qu’il n’y a pas constitution d’un marché foncier où la détention d’un capital serait le seul déterminant de l’appropriation. Au contraire, la répartition de la terre est définie par des fonctions économiques patrimoniales : la nécessité de garantir la sécurité alimentaire du monde rural par le maintien du lopin et les principes de solidarité dans le monde rural. Ces fonctions patrimoniales nécessitent la mise en œuvre de règles patrimoniales d’attribution de la terre, ainsi que nous l’avons relevé. Il s’agit de la capacité à tenir une ferme et d’y réaliser un travail convenable et de la capacité à garantir l’approvisionnement en matières premières aux lopins. Ces capacités sont exigées des fermiers désireux de s’approprier des parcelles de terre.

Fig. 1

Du démantèlement des exploitations soviétiques à la préservation du patrimoine collectif

figure im1

Du démantèlement des exploitations soviétiques à la préservation du patrimoine collectif


Reconnaissance juridique et professionnalisation du patrimoine collectif foncier

22 Alors que la période 1990-1995 avait permis l’installation de fermiers via le soutien des pouvoirs publics, à partir de 1995, certaines régions ont cherché à sauvegarder les grandes exploitations déficitaires. Ce fut notamment le cas de la région d’Orel où nous avons mené nos enquêtes. Parallèlement, la production agricole des lopins se développa au point que certains chercheurs ont estimé que le monde rural devait sa survie à ces derniers [Seeth, Chachnov, Surinov, Braun, 1998]. Cependant, la crise financière de 1998 modifia la situation du secteur agricole. Le rouble s’était déprécié, rendant rentables de nombreuses exploitations [Cordonnier, 2003, p. 8]. À partir de 1999, de nouvelles politiques agricoles furent instaurées. Deux transformations marquèrent le secteur. Alors que certains directeurs s’attelaient à faire du patrimoine collectif constitué « d’actifs fonciers » une propriété privée, les politiques publiques prônèrent « l’intégration » de la filière agro-alimentaire : on va voir que ceci cachait des intentions plus complexes, et notamment permettre la constitution d’un nouveau patrimoine collectif.

Une tentative de constitution de propriétés privées par les directeurs des exploitations collectives

23 Les directeurs détenaient dans leurs coffres-forts les actifs fonciers en propriété commune. Nous avons demandé au directeur d’une exploitation le mécanisme de gestion collective de cette propriété commune. Voici l’explication qu’il nous a donnée :

24

Une fois par an, je réunissais les membres de l’exploitation, c’est-à-dire les détenteurs de coupons ; vous savez ceux qui ont été distribués après 1991 à tous mes kolkhoziens. Je faisais des propositions de stratégies pour le développement de l’exploitation. Puis nous procédions à un vote qui permettait de valider ou de modifier mes propositions. Chacun de ceux qui détenaient des coupons disposait d’un droit de vote. Nous fonctionnions de la même façon que lorsque nous étions un kolkhoze. [Enquête 2006, cas n° 6]

25 Des tensions commencèrent à se faire ressentir entre groupes de propriétaires. Certains des salariés se plaignaient notamment du poids des retraités dans cette gestion collective. Profitant de ces tensions, certains directeurs proposèrent la transformation du statut juridique de l’exploitation justifiée par la possibilité d’un meilleur contrôle de cette dernière par les salariés plutôt que par les retraités. Ainsi, de nombreuses exploitations devinrent des Sociétés Anonymes (SA)  [15]. Les détenteurs des actifs fonciers perçurent des actions en échange de leurs titres de propriété. Puis, dans la plupart des cas, il fut procédé à une augmentation du capital. Des actions furent prioritairement vendues aux salariés, mais surtout cette augmentation de capital permit à la direction de contrôler la société par la constitution de paquets de contrôle d’actions.

26 Quand les autres actionnaires que constituaient les employés et les retraités de ces sociétés comprirent qu’ils avaient été abusés, beaucoup réclamèrent la transformation de leur action en parcelle. Par ailleurs, les directeurs devaient éviter de voir les actions tomber entre les mains d’investisseurs « extérieurs ». En effet, de nombreux « moscovites »  [16] étaient intéressés par le rachat des actions que les employés et les retraités considéraient désormais sans valeur. Ainsi, les directeurs profitèrent de la « loi sur la circulation des terres à destination agricole » pour signer des contrats de bail avec les habitants. Ils étaient donc parvenus à devenir les véritables manageurs des exploitations mais devaient désormais gérer des relations de fermage avec chacun des anciens propriétaires d’actifs devenus des actionnaires. Le directeur d’une exploitation, rencontré en 2005 et en 2006, expliquait ainsi en 2006 :

27

Je suis propriétaire à 100 % de l’exploitation [statut juridique de SA, en 2005 il déclarait en posséder 65 %]. Enfin, je suis également locataire d’une partie des terres de l’entreprise. [Enquête 2006, cas n° 6]

28 La relation immédiate qu’il a établie entre le fait d’être propriétaire et celui de devoir louer la terre, nous avait parue étrange. Tout laisse à penser que son augmentation rapide du contrôle du capital relève de la pratique exposée ci-dessus. De fait, il existait un risque important : celui de voir ces nouveaux « manageurs » devenir de simples spéculateurs à la tête de latifundiae [Hervé, 2004]. On va voir que l’idée que la terre puisse prendre une valeur marchande va pousser les pouvoirs régional et central à s’investir davantage dans le secteur. Leur intervention, après avoir ouvert la possibilité de cette marchandisation, a visé à préserver les fonctions patrimoniales de la terre, tant comme patrimoine de professionnels que comme patrimoine des détenteurs d’actifs.

Une agriculture soumise à une orientation politique prioritaire de sécurité alimentaire et d’implantation de jeunes agriculteurs

• L’affirmation de la sécurité alimentaire comme guide de la politique régionale

29 À partir de 1999, la Région d’Orel a développé de nouvelles politiques économiques en direction du secteur agricole, en créant deux agro-holdings régionales, pour privilégier une logique d’intégration. Celle-ci passait par une séparation entre l’activité productive des exploitations de l’agro-holding et leur « activité sociale ». Cette dernière était désormais gérée directement au niveau de la maison mère de l’agro-holding et non au niveau de chacune des exploitations qui la compose [Grouiez, 2008]. La Région a alors développé, via un financement public porté par les agro-holdings, un réseau de gaz ainsi que la construction de logements dans le monde rural (programme « Racines Slaves »). Ce programme a été mis en place par la Région d’Orel pour permettre, notamment, l’installation de Russes des anciens pays de l’Union Soviétique sur son territoire. Il offre à ces familles la possibilité de disposer d’un logement et d’un lopin en échange de la remise d’une partie de la production du lopin aux agro-holdings. Ceci rejoint l’objectif de sécurité alimentaire régionale. Ces lopins se sont donc vus attribuer une position dans les agro-holdings qui les intégraient dans le processus de production en faisant d’eux officiellement des fournisseurs de matières premières, selon les termes du programme. La Région exprime ainsi sa volonté de professionnaliser ces lopins dans le seul but de garantir l’approvisionnement en matières premières des exploitations et la sécurité alimentaire du territoire. Mais, par ailleurs, l’intervention de la Région était définie à partir du panier de biens « premiers » (au sens de Rawls) d’un habitant de la région [Grouiez, 2008]. L’un des directeurs que nous avons interrogé parla à ce sujet d’un « principe de division du travail entre les lopins et les exploitations des agro-holdings » [Enquête 2006, cas n° 1].

30 Les deux formes de ce qui tendait vers une propriété privée (lopin/ferme), créées entre 1990 et 1995, mais qui n’étaient pas séparées des fonctions de solidarité collectives, étaient prises en compte par la politique régionale. Parallèlement, la Région mettait en œuvre la transformation du patrimoine collectif. Cette transformation fut opérée de la manière suivante. Les chefs d’exploitations étaient considérablement affaiblis par leur tentative de privatisation des exploitations. Par ailleurs, une loi sur la faillite des entreprises (1998) avait permis de simplifier la procédure de mise en liquidation de ces dernières. Les directeurs profitèrent de cet argument pour encourager la vente des « actions » de la SA à des investisseurs plutôt que de risquer de voir la terre utilisée pour rembourser les dettes. En effet, la faillite de l’entreprise aurait entraîné la vente des actions (et donc de la terre) pour permettre aux banques de se rembourser. Mais les investisseurs étaient en réalité des proches du pouvoir local [Lezean-Kharkhordine, 2006, p. 481-485]. Le patrimoine collectif constitué des actions des SA était de fait passé, dans le cas de nombreuses SA, entre les mains de l’administration locale qui pouvait en disposer à sa guise.

• Le programme national agro-alimentaire : entre marché et formations de patrimoines collectifs

31 L’analyse du projet national de développement d’industries agro-alimentaires permet de comprendre les raisons de cette prise de contrôle du patrimoine collectif par un groupe proche de l’administration [17]. Le discours qui l’accompagne vise effectivement à développer l’économie de marché, mais exprime également une préoccupation de cohésion sociale et de préservation du monde rural. Les deux objectifs, conflictuels et complémentaires, sont exprimés simultanément  [18].

32

Le projet national [19] de développement d’industries agro-alimentaires s’appuie sur les principes de l’économie de marché et sur les signaux qu’il émet. Son objectif essentiel est de permettre au monde rural d’atteindre le niveau de vie de la ville. L’accent devra donc être mis sur le développement de la production laitière et de viande (alimentation ayant le plus de valeur), dont la consommation a diminué de moitié depuis le début de la transition. [Http://www.mcx.ru/].

33 Le programme vise à assurer le développement de l’élevage bovin, des petites structures agricoles (lopins/fermes) par leur insertion dans un complexe d’industries agro-alimentaires et l’amélioration des conditions de vie à la campagne par un programme d’aide à la construction d’habitations pour les jeunes agriculteurs diplômés en milieu rural. Or « le renouvellement des générations n’est pas un objectif d’entreprise et de marché » [Barthélemy, 2005, p. 197]. Il en est de même pour les objectifs de sécurité alimentaire nationale [OCDE, 2001]. L’objectif actuel du gouvernement n’est donc pas seulement de veiller à une insertion réussie sur les marchés, pour le secteur agro-alimentaire, mais aussi de maintenir l’existence d’un monde rural, ce qui suppose une perspective patrimoniale. Celle-ci passe alors par une évolution du patrimoine collectif, dont les titulaires étaient les communautés précédemment décrites, pour le réorganiser à partir de la définition d’un nouveau groupe, celui des professionnels  [20].

34 Notre troisième point va traiter de cette question de l’ouverture des communautés préexistantes à de nouveaux accédants à l’usage de la terre qui s’accompagne d’une redéfinition du groupe patrimonial. Dans la mesure où l’objectif fondamental est la sécurité alimentaire régionale, la condition pour être membre de groupes et bénéficier des développements d’accès à l’usage de la terre correspondant est d’être un « professionnel » entendu comme quelqu’un qui produit personnellement des biens agricoles  [21]. Cette condition passe, comme nous allons le voir, par le droit de préemption de l’administration qu’autorise la loi de 2002. Elle vient s’ajouter au fait que les directeurs sont désormais proches du pouvoir local, comme nous venons de l’expliquer, et qu’ils orientent donc leur stratégie d’entreprise en fonction de celle des pouvoirs régional et national [Wegren, 2005, p. 199].

Les instruments juridiques participant à l’instauration de nouvelles régulations patrimoniales de la terre

35 On s’appuiera ici sur certains articles du Code Foncier (2001) et la loi du 24 juillet 2002 sur « la circulation des terres à destination agricole » qui régule les « actifs fonciers » et les « actions » attribués aux ex-kolkhoziens et ex-sovkhoziens lors des privatisations.

• Lecture de la loi sur la circulation des terres à destination agricole

Ce que la loi dit (nous surlignons en gras les éléments importants) :

  1. Toute aliénation d’un « actif foncier » suppose que la parcelle à laquelle l’actif se rattache soit toujours utilisée à des fins agricoles.
  2. La limite inférieure d’une propriété privée ne peut pas aller en dessous de 10 % de la surface d’un district.
  3. Les étrangers n’ont pas le droit d’être propriétaires de terres agricoles et ne peuvent que louer des actifs fonciers.
  4. Les actifs fonciers sont gérés de façon communautaire. Le propriétaire d’un actif foncier ne peut agir seul lorsqu’il souhaite louer son actif. Il doit suivre une procédure qui offre la priorité aux membres détenteurs d’actifs. Il disposait avant la loi de la possibilité de mettre en location sa part de façon individuelle. Il doit désormais la mettre en gestion fiduciaire, c’est-à-dire qu’il doit s’en remettre à la communauté pour obtenir un accord de location de son propre actif. La possibilité de louer une certaine surface de terre n’est plus limitée mais la location est au maximum de 49 ans. La gestion des terrains communautaires est décidée à la majorité des 2/3 des membres de cette propriété commune lors d’une réunion qui doit comporter au moins 20 % de ses membres.
  5. Le propriétaire d’un actif foncier communautaire peut vendre, offrir, échanger, léguer, mettre en gage (hypothèque), apporter dans le capital d’une personne morale son actif ou l’aliéner d’une toute autre façon à titre onéreux. Les participants de la propriété en actifs ont le droit de remettre leur part dans le droit de la propriété totale des terres agricoles en gestion fiduciaire. Cependant, toutes ces possibilités supposent que le propriétaire ait obtenu l’accord de la communauté ou d’une personne mandatée par la communauté.
  6. Enfin, il est possible de transformer son actif foncier en parcelle utilisée par un lopin ou une ferme, ou pour la louer de façon individuelle. Dans ce cas, la parcelle disparaît du bilan des parts communautaires, ce qui n’est pas vrai dans toutes les autres situations. Cette procédure suppose le remembrement de la parcelle en question.
  7. L’administration locale est prioritaire sur toute transaction de terre à destination agricole sauf dans le cas où la transaction concerne les lopins.
Ce que la loi ne dit pas :
Les procédures techniques à suivre pour permettre la transformation d’un actif foncier communautaire en une parcelle de terre en propriété privée (pour des usages tels que l’utilisation pour un lopin, une ferme, une location individuelle). Pourtant, la loi envisage cette procédure Cette absence d’explication complique de fait la privatisation des terres en propriété commune.

36 Le « titre de propriété » offre donc légalement une garantie de contrôle pour les propriétaires d’actifs fonciers (eux-mêmes propriétaires de lopins comme nous l’avons vu dans notre première partie) sur l’évolution de la propriété foncière des « entreprises agricoles ». La régulation patrimoniale de la terre s’organise selon une double contrainte : celle de l’administration et celle des propriétaires d’actifs en propriété commune. Comment expliquer ce choix politique ? Quelle analyse pouvons-nous en faire ?

• Une lecture d’anthropologie du droit : les différentes fonctions de la terre

37 Nous avons choisi d’aborder ces questions en mobilisant la démarche proposée par Le Roy [1999], pour l’étude du droit foncier en Afrique. Pour lui, il est nécessaire de décrire, d’une part, le statut d’une ressource et d’autre part, l’usage autorisé de celle-ci en considérant les différentes façons concrètes de démembrer les trois éléments du droit de propriété (usus, abusus et fructus. Voir la définition en introduction). Notre objectif est de montrer que le contrôle de la terre appartient tant aux communautés qu’aux administrations. C’est ce contrôle qui permet d’en réorganiser deux fonctions patrimoniales : la terre est un moyen de garantir la subsistance du monde rural et de permettre le renouvellement générationnel de ce monde rural en cours de professionnalisation.

Tab. 1

Corrélation entre nature des droits et régimes d’appropriation du foncier

Nature des
droits :
catégories
de Le Roy
Chose Avoir Possession Propriété
fonctionnelle
Propriété
absolue
Interprétation
du droit de
propriété
foncière en
Russie -------
- ------------
Définition
sur 5 points
de la nature
d’un droit
Actifs
fonciers
en propriété
commune
Actifs
fonciers
transformés
en parcelle.
Celle-ci reste
en propriété
commune et
est utilisée
pour un lopin
ou une ferme
Parcelle d’un
fermier
« gestionnaire »
issue de la
transformation
d’actifs
fonciers
Parcelle
d’un lopin
issue de la
transformation
d’actifs
fonciers
Néant
Accès X X X X X
Extraction X X X X
Gestion X X X
Exclusion X X
Aliénation X
figure im2

Corrélation entre nature des droits et régimes d’appropriation du foncier



Adapté d’après Le Roy [1999, p. 308].

38 Le tableau ci-dessus (tab. 1) représente les différentes catégories de droits sur le foncier. Le Roy définit la nature de ces droits à partir de cinq points : la possibilité d’accéder à l’objet (accès), de s’y soustraire (extraction), de la gérer (gestion), d’exclure les autres de l’objet (exclusion) et de le transformer (aliénation). En reprenant les différentes natures d’un droit sur un objet, nous avons identifié pour chaque catégorie une forme de détention de droit sur la terre en Russie.

39 Ainsi, un propriétaire d’actif foncier, qui ne l’a pas transformé et qui l’a donc laissé en propriété communautaire, ne dispose que d’un droit d’accès sur la terre s’y rattachant. Il est reconnu membre de la communauté des propriétaires d’actifs. Son actif est un constituant de ce que nous avions appelé patrimoine collectif. Dans ce cas, la terre se rapportant à ce droit s’apparente à une chose.

40 Si le propriétaire a fait valoir son droit sur cet actif en le transformant en parcelle qu’il met en fermage, la terre liée à cette parcelle s’apparente à un avoir. Il peut accéder à la parcelle et s’y soustraire. Il ne peut ni la gérer, ni exclure des personnes de cette parcelle, ni revendre cette parcelle. Comme les témoignages nous l’ont montré et comme l’indique la loi sur la circulation des terres (notre point 4), dès que le propriétaire souhaite changer de locataire, il doit mettre en place toute la procédure de définition de la parcelle. Même si ce propriétaire dispose de la propriété privée de sa parcelle, le lien reste fort avec le patrimoine collectif. Sa propriété privée n’est que provisoire et sa définition est très limitée.

41 Le fermier ayant transformé ses actifs en parcelles dispose du droit d’y accéder, de s’y soustraire, de les gérer. L’exclusion est de fait rendue très difficile puisqu’elle va dépendre de sa capacité à tenir la ferme. La loi permet la préemption de ses parcelles en cas de mauvaise gestion de sa part. Le droit contient donc bien une règle patrimoniale permettant le respect de la fonction patrimoniale de sécurité alimentaire que nous avions identifiée pour la terre.

42 Enfin, la parcelle utilisée pour un lopin est celle qui bénéficie de la plus grande liberté dans son droit (notre point 7 ; voir Wegren [2005, p. 175]). Le droit confirme la longue tradition de propriété sur le lopin reconnue par le droit soviétique depuis la loi sur les artels de 1936.

43 Nous pouvons par ailleurs constater que l’appropriation individuelle du foncier est impossible dans la totalité de ses aspects. Par exemple, quelque soit la nature de la propriété sur la terre, aucune de ces catégories ne dispose du droit d’aliénation de la parcelle ou de l’actif. Dans tous les cas, ceux-ci ne peuvent servir que pour l’agriculture.

Tab. 2

Corrélation entre nature des droits et la maîtrise du foncier

Catégorie
de Le Roy
Maîtrise
indifférenciée
chose
Maîtrise
prioritaire
avoir
Maîtrise
spécialisée
possession
Maîtrise
exclusive
Propriété
fonctionnelle
Maîtrise
absolue
bien
Gestion
communautaire
X
Gestion
administrative
X
Gestion
communautaire
avec possibilité
d’extraction
X
Gestion
familiale
X X
Gestion privée X
figure im3

Corrélation entre nature des droits et la maîtrise du foncier


Adapté d’après Le Roy [1999, p. 308].

44 Le tableau ci-dessus (tab. 2) montre par ailleurs que la nature de l’organisme qui gère la terre est fortement dépendante de la nature du droit sur cette terre. La parcelle d’une part foncière est partagée par une communauté, comme nous l’avons déjà expliqué. La parcelle d’un fermier est commune à une famille. Ainsi, le texte de loi sur l’exploitation paysanne [Fédération russe, 2003] la définit comme une exploitation familiale avec à sa tête un chef d’exploitation désigné par ses membres (article 3, alinéa 1). La loi autorise la présence de membres extérieurs à la famille mais limite leur nombre à cinq (article 3, alinéa 2).

45 Dans le cas extrême, mais qui reste le plus souvent fictif, y compris dans le droit occidental, la parcelle serait un « bien » en propriété absolue attribué à un individu.

46 Ce que nous montre cette lecture d’anthropologie du droit sur l’appropriation des terres agricoles russes, c’est que le propriétaire d’un lopin dispose d’une autre – et peut-être plus grande – maîtrise du sol que le propriétaire d’un actif foncier. Cette différence s’exprime à la fois dans la caractérisation des régimes d’appropriation et dans la nature de l’organisme qui gère le droit. Elle se traduit par le fait qu’un bien identique peut être soumis à des régimes de droit différents selon la nature de l’utilisateur (fermier, propriétaire de lopin, membre de la communauté des propriétaires d’actifs gérés collectivement).

47 La privatisation des terres collectives a donc conduit à plus de propriété privée, en même temps qu’elle a maintenu et réorganisé une propriété et une gestion collective des parcelles utilisées par les SA  [22]. Elle a également permis aux lopins et aux fermes d’inscrire dans le droit un type de propriété. Enfin, elle a permis aux administrations d’obtenir un droit de contrôle des actifs fonciers et donc d’intervenir sur l’exploitation devenue une SA. Ce double contrôle garantit la persistance des fonctions économiques patrimoniales de la terre.

48 Le premier contrôle, exercé par la communauté, correspond au fait que la terre joue un rôle dans la subsistance de celle-ci. L’existence légale des lopins a été renforcée et leurs propriétaires, par leur contrôle sur les exploitations et les SA, ont trouvé une certaine garantie de stabilité. Cette garantie de stabilité est vue par les directeurs des grandes exploitations comme un « rôle social » qu’ils doivent remplir sans pour autant parvenir à le justifier autrement que par un discours paternaliste [Grouiez, 2008 ; Lefèvre, 1998, 2001, 2003].

49 Le second contrôle est celui de l’administration, afin de permettre l’arrivée de jeunes agriculteurs dans le monde rural, considérés comme des professionnels, mais extérieurs à la communauté des détenteurs d’actifs. Le programme national propose un accès à des logements pour ces jeunes. Cette mesure passe par un contrôle partiel de la ressource collective pour s’approprier les terrains de la SA nécessaires à la construction d’habitations. Il y a donc orientation du patrimoine collectif terrien vers des préoccupations de professionnalisation de l’activité agricole. Le patrimoine collectif devient un patrimoine collectif de professionnels.

Fig. 2

La transformation du patrimoine collectif en un patrimoine collectif de professionnels

figure im4

La transformation du patrimoine collectif en un patrimoine collectif de professionnels


50 Nous sommes donc face à une hybridation de critères de propriété individuelle (au sens de l’économie marchande) et de propriété collective (au sens de l’économie patrimoniale). Il y a bien renforcement de l’appropriation privée face à l’exploitation collective, mais celle-ci s’insère et relève d’un collectif de professionnels et n’entraîne pas la rupture de toute relation économique de solidarité avec la communauté rurale.

Conclusion

51 Une approche en termes d’économie du patrimoine s’appuyant sur l’anthropologie du droit permet de montrer que, dans le cas de la Russie, le mouvement vers une privatisation du foncier est associé au maintien et à la réorganisation des fonctions patrimoniales collectives de la terre. Ce qui se joue, c’est la redéfinition des entités collectives porteuses des enjeux patrimoniaux. Une analyse introduisant la question des dispositifs de gestion communautaire peut interroger les conclusions de C?ayanov [1924], qui, en montrant l’existence d’un lien entre la taille de l’exploitation et les besoins de la famille, a négligé l’importance de la communauté villageoise. L’établissement de la règle dite de C?ayanov (relation entre le niveau de production de l’exploitation paysanne et les besoins du foyer), qui semble relever d’une rationalité purement interne à la cellule familiale, repose en fait davantage sur une contrainte du collectif envers le paysan. Nous avons, pour notre part, identifié trois formes de communautés d’agriculteurs interdépendantes entre elles. Celle des « proches » du pouvoir qui se sont appropriés un patrimoine collectif, pour mettre en œuvre l’économie de marché en Russie, au prix de la définition d’une notion de « professionnels » privilégiés dans l’attribution de l’usage de la terre. Une communauté de propriétaires de lopins, qui, pour maintenir leur propriété privée, se sont appropriés une partie du contrôle de la terre en obligeant les fermiers et les grandes exploitations, devenues capitalistes, à jouer un « rôle social » (en fait un rôle économique patrimonial) qui permet le maintien de leur économie. Une communauté de fermiers, dont l’accès reste dépendant de la relation à la communauté et à la détention d’un titre de capacité professionnelle. Cette nouvelle structure de contrôle permet d’organiser et de gérer les fonctions patrimoniales qui sont ici de deux ordres. Il s’agit premièrement de garantir l’approvisionnement en intrants des lopins et de s’assurer que l’appropriation privée du patrimoine collectif permette de poursuivre l’activité agricole (cas des fermiers) et, en définitive, de préserver les moyens de subsistance du monde rural. En deuxième lieu, on cherche à garantir la continuité générationnelle et, pour cela, la régulation imposée au patrimoine foncier collectif vise à permettre l’installation de jeunes agriculteurs, l’accès facilité à un logement étant privilégié. Au total, le programme national assure l’hybridation entre économie marchande et économie patrimoniale, en sorte que soit rendu viable le développement de l’économie de marché. Ceci passe par une redéfinition et une réorganisation de la dimension patrimoniale collective de la terre telles que restent toujours garanties ses fonctions essentielles : l’approvisionnement alimentaire et les solidarités générationnelles et intergénérationnelles du monde rural.

Annexe : catégories statistiques des exploitations agricoles russes

52 Les « entreprises agricoles » comprennent les coopératives de production, les SA, les entreprises d’État, les sociétés à responsabilité limitée, les jardins collectifs gérés par les entreprises de l’industrie et les institutions de recherche agricole. Les entreprises de cette catégorie sont majoritairement à but lucratif.

53 Aux lopins se rapportent les exploitations auxiliaires personnelles (LPH), les exploitations des citoyens ayant des terrains pour du jardinage collectif ou individuel, pour la culture maraîchère, l’élevage (datchas).

54

  • Les exploitations auxiliaires personnelles (LPH) sont une forme d’activité « non entrepreneuriale » (non lucrative) de production et de transformation agricole réalisée par le travail personnel d’un individu et des membres de sa famille dans le but de satisfaire leur besoin personnel sur un terrain, accordé ou acquis dans ce but. Ces parcelles peuvent comprendre les terrains attenants à la maison mais ne peuvent être situées qu’à la campagne.
  • Les terrains pour le jardinage et le potager (datchas) sont une autre forme d’exploitation du sol, pour laquelle la terre est accordée aux citoyens ou est acquise pour ceux-ci dans le but de réaliser une activité agricole ou pour se reposer. Les citoyens peuvent dans ce cas créer volontairement des groupements de datcha à but non lucratif ou peuvent conduire leur activité à titre individuel.

55 L’exploitation paysanne (KFH) réalise une activité « entrepreneuriale » (lucrative) et est constituée d’un groupement des citoyens liés par la parenté et (ou) la propriété, ayant en totalité la propriété des biens utilisés pour réaliser une activité agricole (pour plus de 50 % de l’activité) de production, de traitement, de conservation, de transport.

56 L’entrepreneur individuel ayant une activité agricole est un citoyen (personne physique) s’occupant d’une activité « entrepreneuriale » (sans que son activité ne soit définie comme une personne morale), à partir du moment où il a déclaré, lors de son enregistrement auprès de l’État (voir Code Civil, 1er janvier 1995), que son activité était tournée vers l’agriculture.

57 Source notre traduction depuis le site du Service Fédéral des Statistiques d’État (http://gks.ru)

Notes

  • [1]
    Je tiens à remercier D. Barthélemy, C. Barrère, M. Nieddu, F. Perret, F.-D. Vivien pour leurs relectures, suggestions et remarques. Je reste seul responsable des erreurs et imperfections du texte.
  • [*]
    Doctorant en économie, allocataire-moniteur, Université de Reims Champagne-Ardenne, laboratoire OMI, 57 bis rue Pierre Taittinger 51096 Reims Cedex – pascal.grouiez@univ-reims.fr.
  • [2]
    Pour la définition des formes d’exploitation, nous renvoyons à l’annexe.
  • [3]
    Ces marchés permettaient aux familles disposant d’un lopin d’y vendre une partie de leur production [Kerblay, 1968]. Ils jouaient un rôle extrêmement important pour l’approvisionnement en denrées alimentaires insuffisamment produites par le secteur socialiste. Pourtant, comme le fait remarquer Alain Giroux [1984, p. 13-14], « En URSS, le secteur privé [il parle des « lopins individuels », selon ses propres termes], malgré les intentions, est toujours « mal aimé » et considéré comme suspect par un certain nombre de responsables locaux et même au niveau supérieur ».
  • [4]
    Ce principe de répartition était une caractéristique de l’agriculture pré-révolutionnaire [Marxer, 2003]. Dans les sovkhozes, c’est l’Assemblée Générale des ouvriers et des employés qui jouait ce rôle de redistribution des parcelles.
  • [5]
    Il s’agit de la traduction la plus couramment rencontrée. Cependant, elle ne constitue pas, selon nous, la traduction la plus pertinente. En effet, cette loi vise à définir les règles d’achat et de vente des terres agricoles. Le terme « transaction » est donc économiquement bien plus significatif que celui de « circulation ». Juridiquement, dans le Code Rural français, il est plutôt question « d’échanges et de cessions amiables d’immeubles ruraux » (L124-1, L124-2). Or, nous défendons dans cet article l’idée que cette loi, non seulement réglemente, mais aussi permet de réguler ces échanges. Elle régule au sens où elle attribue à certains acteurs un certain pouvoir sur la façon dont s’opèrent les échanges. Nous pourrions ainsi traduire juridiquement cette loi : « loi pour la régulation des échanges et des cessions amiables d’immeubles ruraux ».
  • [6]
    L’expression « patrimoine privé » est contradictoire en elle-même parce qu’elle désigne des biens mis en relation avec le fonctionnement d’un groupe (il y a au moins une relation générationnelle) que l’on suppose attribués à un seul individu. Cette contradiction dans les termes résulte de la construction juridique issue de la Révolution Française, et a eu pour conséquence de tendre à masquer la question du patrimoine collectif. Pour éviter toute confusion, nous avons retenu, en adoptant la position de Barthélemy et Vivien [2007], l’opposition entre propriété privée et patrimoine collectif.
  • [7]
    Nous n’aborderons pas dans ce travail la question de la production agricole des datchas. Ainsi, contrairement au Service Fédéral des Statistiques d’État, lorsque nous parlerons des lopins, il ne s’agira en fait que des LPH (voir annexe). Sur la question de la production agricole des datchas nous renvoyons à l’article d’Hervouet [2006].
  • [8]
    En réalité, deux types d’actifs ont été distribués : les « actifs fonciers » et les « actifs mobiliers » c’est-à-dire les locaux et les machines. Nous ne traiterons cependant que des actifs fonciers dans cet article.
  • [9]
    Salariés, retraités et personnes travaillant dans la sphère sociale du village.
  • [10]
    En 1997 la Russie comptait 221 millions d’hectares de terres agricoles. 84 millions étaient en propriété de l’État, 137 millions (62 %) étaient en propriété privée dont la majorité (110 millions) était détenue en propriété collective sous forme de participations par des grandes exploitations [OCDE, 1998, p. 94].
  • [11]
    Le principe général est exposé dans la Constitution (article 36). L’Ukase présidentiel n° 2162 du 16 décembre 1993 précise le montant des amendes et les conséquences en cas de mauvaise utilisation des terres agricoles.
  • [12]
    Issue de la volonté de B. Eltsine de créer de petites exploitations d’agriculteur cette loi fut votée le 27 décembre 1990 (N 461-I). Elle définit les bases économiques et juridiques de cette nouvelle forme d’exploitation.
  • [13]
    À cette période, le simple achat d’un tracteur à un taux préférentiel donnait en quelques temps la possibilité de doubler son capital de départ, le taux d’intérêt réel étant négatif. Les villageois considéraient que les « fermiers » étaient plus occupés à acheter et vendre des tracteurs qu’à cultiver la terre. Ainsi pensaient-ils qu’il n’y avait aucune raison de leur accorder des aides, alors que l’exploitation collective était laissée à l’abandon.
  • [14]
    Leur typologie montre que 58 % des fermiers sont originaires de la campagne. Un article écrit par Vladimir Buev intitulé « Portrait socio-démographique des fermiers et de leur famille » (Cocial’no-demografi?ec?ij portret fermerov i ih semej), disponible à l’adresse [http://www.nisse.ru/analitics.html ?id=m2], démontre que la notion de citadin est floue. D’une part, les fermiers classés comme citadins habitent souvent dans des petites villes proches des campagnes. D’autre part, ils sont souvent originaires des campagnes et disposent d’une formation agricole.
  • [15]
    Entre 2000 et 2004, dans la région d’Orel, le nombre de SA est passé de 52 à 65 alors que le nombre d’entreprises sous d’autres statuts juridiques a diminué [Ustinova, 2004, p. 61].
  • [16]
    Nom que les interrogés donnèrent aux individus qui souhaitaient racheter leurs actifs fonciers et qu’ils considéraient comme des spéculateurs.
  • [17]
    Depuis le début 2006, le gouvernement russe a mis en place 4 programmes nationaux dont un programme appelé « projet national prioritaire de développement d’un complexe d’industries agroalimentaires ».
  • [18]
    De la même manière que pour la Politique Agricole Commune (PAC) européenne [Barthélemy, Nieddu, 2003].
  • [19]
    Le terme national désigne ici le plus haut niveau du fonctionnement de la fédération. La législation fédérale ne concerne pas nécessairement l’ensemble des Sujets de la fédération même s’il relève d’un caractère fédéral alors que la législation nationale les concerne tous.
  • [20]
    La région de Saratov, célèbre pour avoir été précurseur dans le domaine de l’achat et de la vente de terre, a également impulsé cette professionnalisation agricole. Comme l’expliquent Wegren et Belen’kiy [2002, p. 98], « However, land market conditions in Saratov are not entirely unrestricted. For example, to purchase agricultural land, a person must be at least sixteen years old and have either an agricultural education or worked in agriculture ».
  • [21]
    On a pu observer un phénomène du même type dans l’agriculture française, avec le passage d’une communauté patrimoniale assimilée à la famille à une communauté de « professionnels » dans la période 1950-2000 [Barthélemy, 2005].
  • [22]
    Yéfimov aboutit aux mêmes conclusions, sans pour autant en saisir la portée. Ainsi, écrit-il, en parlant de la nécessité de passer par les autres membres du collectif pour mettre en bail un actif en propriété commune : « cette disposition de la loi met les relations de bail des terres agricoles dans la logique du Code Civil concernant la propriété commune. En même temps, sans peut-être le savoir [c’est nous qui soulignons], les auteurs de la loi ont donné un levier de pouvoir important aux dirigeants des exploitations collectives qui sont en même temps dans la plupart des cas les chefs des communautés rurales. » [Yefimov, 2003, p. 308]. Selon nous, il est inexact de penser que ce dispositif de la loi est le fruit du hasard. Yefimov l’a d’ailleurs bien pressenti lorsqu’il montre à quel point le vote de cette loi a été la scène de conflits politiques. Nos conclusions rejoignent, sur ce point, celles de Wegren [2005, p. 174].
Français

Alors que dans l’esprit des réformateurs, il s’agissait de créer le cadre institutionnel permettant d’augmenter les capacités de production de l’agriculture en créant des exploi-tations capitalistes, considérées comme plus productives, la privatisation des terres agricoles est passée par la distribution d’ « actifs fonciers » à toutes les personnes liées aux exploitations soviétiques. Nous analyserons la régulation de l’appropriation foncière issue de ce processus de privatisation à partir de textes de loi, d’entretiens conduits auprès d’acteurs du monde agricole dans la région d’Orel, et de la théorie économique des patrimoines collectifs. Celle-ci considère l’existence de rapports conflictuels et complémentaires entre deux formes de relation économique : la première est marchande, la seconde est patrimoniale et vise à la préservation des communautés. Nous verrons alors que la volonté d’aller vers l’économie de marché s’accompagne, paradoxalement, de l’objectif de préserver la place d’une agriculture où le renouvellement générationnel et la sécurité alimentaire sont reconnus.

Mots-clés

  • patrimoines collectifs
  • droit de propriété
  • privatisation agraire
  • agriculture russe
  • sécurité alimentaire
  • multifonctionnalité agricole

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Pascal Grouiez [*]
  • [*]
    Doctorant en économie, allocataire-moniteur, Université de Reims Champagne-Ardenne, laboratoire OMI, 57 bis rue Pierre Taittinger 51096 Reims Cedex – pascal.grouiez@univ-reims.fr.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/autr.046.0031
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