CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 L’histoire de l’écriture de cet article mérite d’être rapidement mentionnée pour mieux comprendre la teneur des propos qui suivent. Ce texte a en effet été conçu dans un premier temps pour tenter de fournir une réponse à la question découlant d’un séminaire organisé autour du thème du « lien transétatique »  [1] : est-il possible, à propos de la « diaspora noire des Amériques », de parler de « lien transétatique » ? J’avoue en toute sincérité que la question m’apparaissait de prime abord liée à l’effervescence très actuelle autour de notions qui n’en finissent pas de se succéder et de vouloir qualifier ces fameuses « conséquences culturelles de la globalisation » [Appadurai, 2001]. Venant d’achever un travail sur la notion de « diaspora » où celle-ci – comme d’ailleurs sa comparse « transnationalisme » – étaient apparues pouvoir définir tout et son contraire [Chivallon, 2004], je n’accordais qu’un intérêt assez distancé à ce nouveau vocable. Pourtant, au fur et à mesure de la progression du questionnement qu’il suscitait en relation avec l’expérience des Amériques noires, le terme s’est révélé pouvoir conduire vers l’identification d’un lien éminemment dépendant d’un rapport à la transversalité : une transversalité qui ne puise pas son origine dans des foyers étatiques, nationaux ou ethniques, mais dans la puissance d’une catégorie de sens imposée à l’ensemble d’une population désignée à partir d’elle comme « noire ». C’est le résultat de cette progression que cet article présente. L’argument s’articule autour du postulat de départ selon lequel l’existence d’un lien transétatique suppose forcément une matrice de reconnaissance mutuelle pour le générer ou pour le faire advenir à forme. Dans un premier temps, la recherche de cette matrice d’identification commune pour les populations d’origine africaine dispersées dans le Nouveau Monde va guider notre avancée, étant entendu que cet ensemble n’est pas envisagé comme un en-soi déjà là, mais comme la condition requise si nous devons établir – ou non – la présence d’un lien social effectif. Une fois cette matrice repérée – puisque nous finirons par la cerner en une localisation inattendue – nous serons amenés à saisir le paradoxe qu’elle fait naître. Celui-ci tient à l’imposition d’un ordre généralisé – l’ordre racialisé – doté de l’impossibilité de s’y soustraire, mais débouchant néanmoins sur des pratiques que l’on pourrait qualifier de « transversales » dans la manière qu’elles ont de ne pas créer des systèmes d’identité fermés, et ceci par-delà les récupérations ethnicistes dont la catégorie raciale n’a cessé de faire l’objet auprès des mouvances nationalistes noires ou panafricaines.

Préambule sur quelques mots : « transétatique », « diaspora », et « Amériques noires »

2 Que peut-on comprendre par « lien transétatique » ? Nouveau mot pour parler de ces liens qui traversent les frontières et se mondialisent ? N’étant pas politologue, je me limiterai à une approche que les spécialistes jugeront sans doute trop généraliste pour entrevoir ce que pourrait recouvrir cette notion. Il s’agit bien évidemment de la situer par rapport à l’état lui-même. Dans ce cas, retenons de celui-ci qu’il est, dans sa forme moderne, un lieu central d’où s’exerce le pouvoir d’assigner à une population, contenue sur un territoire, les règles de conduite collective. Pourquoi se priver de la définition canonique de Max Weber selon laquelle l’état est « une entreprise politique de caractère institutionnel dont la direction administrative revendique avec succès, dans l’application des règlements, le monopole de la contrainte physique »  [2] ? Parler de lien « transétatique » reviendrait alors à identifier des populations capables de s’affranchir des limites où s’étend le pouvoir étatique : des populations à même de composer une entité collective hors des cadres territoriaux d’où elles seraient issues et qui pourraient les contraindre à épouser des modèles spécifiques d’identité.

3 Le lien transétatique concerne t-il des populations sans état ou des populations originaires d’un état à partir duquel elles rayonnent ? La question est loin d’être anodine lorsqu’elle s’adresse à la diaspora noire des Amériques. En effet, quel foyer étatique pourrait permettre de localiser une origine pour les populations dispersées aux Amériques depuis le continent africain à la suite de l’épisode douloureux de la traite transatlantique ? Les lieux de constitution de l’état sont le plus souvent récents et postérieurs à l’expérience de la dispersion. Haïti, Sierra Leone, Libéria figurent comme les plus anciennes tentatives de constitution étatique directement liées à la destinée des populations descendantes des esclaves d’Amérique. Mais ces foyers, aux visées politiques d’ailleurs fort différentes lors de leur constitution (indépendance vis-à-vis de l’autorité coloniale ou volonté de cette même autorité) ne forment pas un ancrage originel. Tout au plus viendront-ils nourrir par la suite l’imaginaire du nationalisme noir en fournissant des repères mythiques, souvent contestés d’ailleurs comme pour ce qui est de l’entreprise d’annexion du Liberia. Conduite par l’American Colonization Society (ACS) pour opérer le rapatriement des Noirs libres des États-Unis vers l’Afrique, cette entreprise – y compris après son émancipation vis-à-vis de l’ACS lors de la fondation de la République du Liberia en 1847 – conserve un arrière-plan où la pleine souveraineté se fait douteuse. À la recherche d’un territoire pour matérialiser la véritable libération du peuple noir, le militant nationaliste noir-américain Martin Delany dans les années 1850, ne voyait-il pas le Liberia, non pas comme une république indépendante, mais comme « une misérable parodie », une « lamentable dépendance des colonisateurs (colonizationists) américains »  [3]. Quant à Haïti, certains ont pu reprendre les fameux mots de Pierre Clastres [1974] pour dire que « l’État doit (y) gouverner une société contre l’État » en raison d’identités culturelles « réactives » animées par « une pulsion très forte d’égalité » et « le refus constant de l’accumulation » qui expriment au final « une culture de la contre-plantation » [Dahomay, 2000, p. 105]. Absence d’un état originel, présence d’états qui n’en sont pas… Comment aborder dès lors le « transétatique » ?

4 Peut-être pourrait-on évoquer l’espace caraïbe et sa mosaïque d’îles indépendantes pour repérer l’élément qui nous manque, à savoir cet état qui serait à « transcender » ou à « transgresser ». Mais là encore, on se retrouve face à une situation incertaine où l’état semble fonctionner comme à côté ou en parallèle des orientations collectives qu’il aurait pourtant pour fonction de contenir et de définir. Dans l’analyse des systèmes politiques caribéens qu’il livre, Justin Daniel (2006, à paraître) indique combien les structures politiques de ces états sont redevables de leur « matrice européenne », avec, comme dans le cas de la Caraïbe anglophone, cette « acclimatation » du système de Westminster, « induisant l’idée d’une greffe démocratique procédant de la transposition ». Mais surtout le politologue pointe cet « étonnant paradoxe » entre « le tropisme institutionnel découlant de la colonisation » et la « défiance » à son égard témoignant du « caractère diffus du politique ». Les sociétés de la Caraïbe se caractérisant « par la démultiplication des registres et niveaux d’identification », l’image d’un « univers politique éclaté » se substitue ainsi à celle classique d’un « ordre politique intégré, structuré et parfaitement lisible » (ibid.).

5 Nous voici donc bien embarrassés pour aborder le « transétatique » puisque l’État ici se dérobe dans sa forme conventionnelle. Les formes étatiques données à voir semblent comme apposées sur des réalités déjà transgressives vis-à-vis d’un ordre institutionnel centralisé.

6 S’il s’agit de décrire du « trans » (transnational, transétatique) pourquoi ne pas s’en remettre à la notion de « diaspora » ? Il est vrai qu’avec cette dernière notion, le débat risque de gagner plus en confusion qu’en clarification. La littérature aujourd’hui si abondante sur le thème ne cesse de se plaindre des extensions illimitées du terme appliqué à n’importe quelle population mobile, opérant ainsi la distanciation d’avec l’archétype que pourrait représenter la diaspora juive [4]. Le caractère performatif de l’emploi du mot n’échappe plus au regard du chercheur, la force du discours scientifique parvenant à faire exister comme telle « la diaspora » [Dufoix, 2005, p. 57, voir aussi Brubaker, 2005]. Mais par-delà, c’est sans doute la malléabilité du terme, sa capacité à avoir pu épouser simultanément des conceptions opposées qui rendent l’usage du mot « diaspora » si incertain. En effet, la notion a prouvé sa très grande mobilité sémantique et sa spectaculaire efficacité discursive au cours de la dernière décennie. Elle est parvenue tour à tour à intégrer une vision évoquant somme toute un certain essentialisme communautaire (la diaspora comme conscience communautaire perpétuée par-delà la dispersion depuis un territoire d’origine) et une vision dégagée de toute référence à un habitus communautaire (la diaspora hybride des auteurs postmodernes, celle qui se trouve affranchie des assignations identitaires, nationales et territoriales). Il n’est pas le lieu de décrire les modalités de ce tournant théorique qui a vu le maintien du terme « diaspora » en même temps que sa mutation de sens, le mot lui-même pouvant être considéré comme l’une des pièces maîtresses du système langagier qui a façonné les postures postmodernes [5]. On ne s’attardera donc pas ici sur de tels développements mais on précisera seulement que l’usage du terme « diaspora » fait au cours de ce texte, renvoie à un contenu minimal, pour ne pas dire minimaliste, à savoir une population dispersée qui parvient à être identifiée comme telle, c’est-à-dire comme un ensemble d’individus potentiellement liés entre eux.

7 Le recours à ce terme ne doit cependant pas faire illusion. Il ne s’agit pas de dire qu’il est en mesure de mieux faire comprendre la transversalité du lien social que ne le ferait le mot « transétatique ». La diaspora demande elle aussi de localiser le lieu (celui de l’origine) dont l’entour pourrait se trouver être dépassé (au cours de la dispersion) dans l’accomplissement des relations sociales. Du coup, la difficulté entrevue avec le transétatique semble être redoublée. Car quel lieu considérer comme originel pour la population noire des Amériques ? L’Afrique, dira-t-on spontanément. C’est d’ailleurs elle qui s’impose en tant que figure mythique d’une origine sacralisée dans certaines tentatives d’édification idéologique d’une destinée diasporique, comme dans le cas du pan-africanisme. Mais le repère est-il suffisamment stable ? Il n’est que de s’en remettre aux thèses sur la créolisation – autant dans ses versions scientifiques, littéraires, philosophiques, ou artistiques – pour comprendre la remise en cause de l’exclusive du lieu d’origine incarné par l’Afrique  [6]. Non seulement l’esclavage a été brassage et métissage entre individus venus d’horizons culturels très divers y compris hors du continent africain, mais l’Afrique elle-même ne semble pas être l’entité homogène que suppose cette désignation du point commun de départ de la trajectoire géographique et sociale des esclaves. Cette remise en cause d’une Afrique vue comme foyer originel unique, uni et circonscrit est l’un des principaux arguments que les tenants de la thèse de la créolité/créativité (les cultures noires des Amériques sont des créations nouvelles) opposent à ceux qui défendent l’interprétation « continuitiste » (les cultures noires des Amériques sont des héritages africains). Même quand il s’agit d’opérer une réduction à l’aire de l’Afrique de l’Ouest comme le fait M. Alleyne [1988] pour identifier le foyer culturel ancestral et relativement uniforme qu’il attribue à la culture jamaïcaine, la démonstration peine à convaincre « les créolistes ». Les anthropologues Mintz et Price [1992, p. 8], promoteurs incontestés du modèle de la créativité culturelle ont développé un contrepoint significatif où ils énoncent clairement qu’il « n’est pas possible de dire que les Africains amenés dans n’importe laquelle des colonies du Nouveau Monde ont pu avoir une unique culture collective à transporter ».

8 Pas plus que le terme « transétatique », celui de diaspora ne peut donc servir ici à désigner de façon certaine, les limites d’un ensemble constitutif originel par-delà lequel, ou en l’absence duquel, le lien social serait en mesure de perdurer. Ni l’état, ni le territoire ne parviennent à former des repères univoques.

9 Venons en maintenant à l’adjectif accolé à cette « diaspora » et à l’ensemble géographique qu’elle épouse dans la dispersion : « diaspora noire » ; « Amériques noires ». À la suite de Denis Cuche [1996, p. 119] et dans les traces de Roger Bastide [1967], on retiendra que le « terme d’Amériques noires désigne l’ensemble des régions du Nouveau Monde qui ont été culturellement marquées par la présence massive d’esclaves africains et de leurs descendants. Que ce soit en Amérique du Nord, en Amérique centrale, en Amérique du Sud ou dans l’archipel des Caraïbes, un même héritage historique, l’esclavage et le système de plantation, a abouti à une certaine unité, par-delà leur diversité, des Amériques noires, tant sur le plan social que culturel. »

10 L’association entre une aire géographique – Amériques – et la caractéristique phénotypique de sa population – noire – mérite de retenir toute l’attention. N’est-il pas nécessaire en effet d’interroger en premier lieu cette dénomination qui s’attache, de manière tellement habituelle qu’elle en passerait presque inaperçue, aux apparences physiques et à la couleur de peau d’une population ? La définition donnée par Richard Price [1991, p. 62] pour ces mêmes Amériques noires, nous en dit plus sur le caractère central de la référence raciale quand il attribue l’unité de cette région, non seulement à l’héritage esclavagiste, mais aussi « à l’existence d’une civilisation ayant répondu à la discrimination raciale par une singulière vitalité culturelle »  [7]. Car il y a tout lieu de penser que c’est bien l’expérience longue et sans cesse réactualisée de la confrontation à l’ordre racial qui forme le substrat fondamental de ce que nous recherchons, c’est-à-dire ce qui forme le « foyer » à partir duquel vont s’élaborer les procédures de reconnaissance réciproque – « le lien » – d’un lieu à l’autre, d’une nation à l’autre, d’un état à l’autre.

11 En d’autres mots, si nous recherchons la transversalité d’un lien en l’associant forcément à une matrice en mesure de produire une identification commune, ce n’est pas vers un foyer originel d’ordre étatique, territorial ou même communautaire qu’il faut se tourner, mais vers l’existence d’une catégorie de sens, la catégorie raciale, dotée d’une efficacité telle qu’elle parvient à contraindre et orienter toute élaboration sociale au sein des collectifs formés par les descendants d’esclaves aux Amériques. Dans le propos qui suit, il sera question de développer cet argument en s’attachant d’abord aux modalités de production de cet ordre racial dans ce qu’il est redevable de l’imposition d’un agencement fabriqué depuis l’extérieur. Nous verrons ensuite comment cette construction raciale sert de soubassement aux identifications internes, en évoquant comment elle est reprise et réappropriée par les idéologies panafricaines, pan-négristes, ou afro-centristes qui pourraient donner forme à la communauté « transversale » dont nous supposons l’existence, formée d’individus en mesure de se reconnaître dans la destinée du peuple noir. Mais nous terminerons cependant sur le paradoxe, déjà entrevu dans ce préambule, qui fait que ce socle idéologique créé à partir de l’appartenance raciale n’est jamais qu’un des possibles des registres d’identification culturelle produits au sein des cultures afro-américaines. À l’imposition d’un ordre racialisé, la réponse n’est pas tant celle du repli sur « l’ethnique » que celle de l’évitement de tout ordre centralisé, y compris celui que pourrait générer le nationalisme noir. Dit autrement, le liant au sein des Amériques noires, ce pourrait être l’expérience commune de la domination raciale à laquelle fait écho le refus ou la défiance à l’égard de tout registre symbolique érigé en système.

L’ordre racialisé : le dénominateur commun d’une expérience « transversale » (transétatique, transnationale, diasporique)

12 Est-ce un lieu commun de rappeler que la traite transatlantique et l’économie esclavagiste sont à l’origine de la systématisation d’une conception du monde divisé en races inégales où l’individu de peau noire est vu comme inférieur ? Dans sa tentative de retracer l’histoire du racisme, Christian Delacampagne [2000, p. 133-134] relève divers indices qui donnent à penser que le racisme anti-noir est présent de manière latente dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, au travers d’un symbolisme opposant le lumineux à l’obscur et chargeant la couleur noire de valeurs négatives. De son côté, C. Coquery-Vidrovitch [2003, p. 646] rappelle que l’esclavage avait été dès l’antiquité, un instrument essentiel de l’infériorisation de l’humanité, mais que la couleur de peau ne figurait pas comme un élément de justification de la domination, et l’on sait par exemple que la plupart des esclaves grecs étaient blancs. La traite transsaharienne participe également de la création du préjugé de couleur sans pour autant en stabiliser la teneur, les descendants d’esclaves finissant même par être assimilés au reste de la population [ibid., p. 649]. Le Noir n’est pas encore relégué au rang d’une sous-humanité.

13 C’est avec l’influence mercantile européenne en Afrique et le développement de la traite transatlantique, à partir du XVe siècle, que le Noir va devenir l’objet d’une discrimination intense basée sur une stigmatisation de sa différence phénotypique. De ce point de vue, la généalogie du mot « race » est troublante [Delacampagne, 2000, p. 146] puisque les premières occurrences dans la langue française apparaissent à cette même époque, au moment où le recours au symbolisme racial va devenir nécessaire pour légitimer l’entreprise d’exploitation qui ne va pas tarder à s’édifier entre les trois continents. L’intensification du trafic esclavagiste, la structuration des économies de plantation va de pair avec la solidification du schème racial noir/blanc au sein des idéologies européennes. Pour C. Delacampagne [ibid., p. 147], on peut « affirmer, sans grand risque, que l’acception moderne (et raciste) du terme « race » – avec l’ensemble de ses implications péjoratives pour les « races inférieures » se fixe dans la langue française durant les dernières années du XVIIIe siècle ».

14 Idéalement mythifié (par la reprise du thème biblique de la malédiction de Cham), institutionnalisé (entre autres par le Code Noir de Colbert), rationalisé (par les théories pseudo-scientifiques à partir du XVIIIe siècle avec ce point culminant atteint par l’Essai sur l’inégalité des races humaines de Gobineau en 1855), éthiquement ignoré, minimisé, et même rendu acceptable (par l’Église comme par les philosophes des Lumières), le racisme anti-noir s’édifie avec une telle efficacité qu’il parvient à naturaliser durablement la vision d’un monde social définitivement dépendant de l’appartenance à une « race »  [8].

15 L’idéologie raciste puise sa pleine raison d’être au cœur de l’univers « plantationnaire ». C’est là que la nécessité de dire et légitimer la séparation des races se fait la plus urgente. L’édifice des sociétés esclavagistes n’est en mesure de se maintenir qu’au moyen des doctrines qui entérinent le bien-fondé de la hiérarchie socio-raciale en attribuant au Noir une infériorité intrinsèque. Ces doctrines se font subtiles et manipulatrices, là où le rapport démographique est franchement défavorable aux Blancs confrontés à la masse servile. Dans toute la Caraïbe, on voit ainsi se former ces « sociétés de la couleur » avec leur « frénésie de la nuance » [Bonniol, 1992, p. 13 et 66]. Les variations de la pigmentation de peau deviennent fondamentales pour accréditer l’idée selon laquelle plus on est clair de peau, plus on a de chance de gravir les échelons de la hiérarchie sociale, et maintenir ainsi, par la force de la croyance en ces principes, l’architecture violente de ces sociétés inégalitaires. Le rôle assigné aux mulâtres et aux autres Libres de couleur, réputés « clairs » de par leurs origines (liaison entre maîtres et esclaves) confirme de manière décisive cette confusion entre position sociale et appartenance raciale. Aux États-Unis, une telle élaboration n’aura pas été nécessaire. Dans l’ensemble du sud esclavagiste, les Noirs forment une minorité (35 % en 1790), à l’exception de la colonie de Caroline du Sud [Kolchin, 1998, p. 36]. Du coup, la division raciale s’y fait brutalement duale sans ce recours spéculatif aux tonalités de l’épiderme, ce que l’extension continue de la règle de l’ascendance de la « one drop rule » (une seule goutte de sang noir suffit pour définir un individu comme Noir) ne fait que démontrer  [9].

16 Ce contexte, brossé à grands traits, nous est bien connu, mais il n’est peut-être pas inutile de rappeler que l’expérience des Amériques est au fondement du racisme moderne, dans l’élaboration des principes décrits par A. K. Appiah [1998, p. 1576] selon lesquels l’humanité se voit désormais divisée en un nombre réduit de groupes appelés « races », dotées de caractéristiques morales et intellectuelles, biologiquement transmissibles qu’elles ne peuvent partager avec les membres d’aucune autre race. La fixation de ces qualités attribuées à chaque race, depuis la sphère européenne, donne lieu au racisme tel que le définissait A. Memmi [cité par Taggieff, 1995, p. 38] en tant que « valorisation généralisée et définitive des différences, réelles ou imaginaires, au profit de l’accusateur et au détriment de sa victime, afin de justifier ses privilèges ou son agression ». Le racisme anti-noir se distingue cependant de toute autre forme de racisme car il repose sur la seule apparence physique, rendant les êtres éminemment dépendants de la visibilité qu’ils offrent au regard de l’autre [Bonniol, 1992, p. 200]. La possibilité est faible, quasi inexistante, de pouvoir échapper à ce pouvoir d’enfermement assigné à l’enveloppe corporelle, l’instrumentalisation coloriste des gradations créant d’elle-même cette polarisation sur la pigmentation de la peau  [10]. Il faut bien voir que ce racisme inédit s’édifie au moment de la montée et de la consolidation des idéaux d’égalité des droits de l’homme, dans ce bel élan bientôt révolutionnaire destiné à proclamer la souveraineté des peuples libres. Comment concilier l’inconciliable qui voit l’esclavage fiché en plein cœur de la grande inspiration démocratique ? La réponse donnée par l’historienne américaine B. Fields [1990] se fait convaincante quand elle considère le racisme comme le moyen de résoudre cette immense contradiction entre volonté d’égalité et exploitation outrancière. En étant déclarées inférieures, discours scientifiques à l’appui, certaines « races » peuvent être légitimement asservies et discriminées  [11].

17 L’expérience des descendants des esclaves africains aux Amériques se fonde et se prolonge dans un contexte inévitablement lié à l’apposition de la catégorie raciale et aux rapports sociaux racialisés. Cette matrice de sens oriente la destinée des individus, comme elle infléchit les choix collectifs. Michel Agier [2002, p. 7] l’affirme fort bien à propos des Afro-Brésiliens. Il y a toujours au départ des quêtes identitaires « un vécu social racialisé, douloureux ou problématique ». Identifier ce creuset ne doit cependant pas faire dériver vers une nouvelle forme d’assignation essentialiste, à savoir que l’objectivation de ce contexte contraignant qui englobe les individualités et les collectivités ne signifie pas pour autant la présence d’identités déterminées durablement à l’identique par la force d’une telle contrainte. De ce point de vue, l’approche de Patterson et Kelley [2000, p. 20] est précieuse quand les auteurs distinguent entre les processus et les conditions qui président à l’élaboration possible d’une « diaspora africaine » dans le Nouveau Monde. Les premiers font référence aux aménagements dynamiques des identités, alors que les secondes désignent le contexte des « hiérarchies de race et de genre » dans lequel évoluent ces identités. Il y a donc tout à la fois, un cadre hyper normé et l’aménagement à partir de ce cadre. Pour cette raison, il est possible d’affirmer l’incroyable créativité des cultures afro-américaines en même temps que de reconnaître comme le fait l’anthropologue David Scott [1997, p. 36], pourtant peu soupçonnable de déterminisme, que « personne n’est noir par choix ». Et de poursuivre « L’identité de la personne est toujours en partie constituée – parfois contre sa propre volonté – dans une structure de reconnaissance, d’identification et de subjectivation. Selon moi, le sujet de la diaspora noire est un sujet dont le destin, pour ainsi dire, a été d’être créé comme “noir” au travers de relations sociales, d’appareils idéologiques et de régimes politiques racialisés ».

18 Gardons-nous donc pour le moment de penser que l’inévitabilité d’être socialement « noir » et l’expérience partagée du racisme produisent automatiquement l’existence d’une « communauté noire » ainsi formatée  [12]. Cependant le schème de vision sociale est bien là, opérant avec d’autant plus d’efficacité que perdurent des conditions qui en appellent son usage. Du Brésil aux États-Unis, des inner cities britanniques aux sociétés de la Caraïbe, dans tous les lieux concernés par la présence des héritiers de l’histoire esclavagiste et coloniale se lisent bien plus que la trace mais la reconduction sous d’autres formes d’un rapport ancien qui rend aujourd’hui encore le recours au schème racial toujours probant. Dans l’ouvrage collectif qu’ils viennent de consacrer aux héritages de l’esclavage et de la colonisation, Weil et Dufoix [2005, p. 9] affirment, au sein de nos univers sociaux contemporains, « la persistance des valences associées aux différences visibles ». Héritage, inertie, symbolisme persistant, mémoire collective qui n’aurait pas fait son travail de catharsis ? Autant de raisons qui expliquent la longévité des préjugés anciens et les formes de discrimination qu’ils génèrent. Mais surtout, plus qu’un passé avec lequel les sociétés démocratiques auraient du mal à négocier sereinement, il y a l’actualité d’un présent qui s’articule encore depuis ce socle profondément inégalitaire mis en place au moment de l’expansion européenne. L’article de L. Wacquant [2005] dans ce même ouvrage montre la transformation continue et pourtant structurellement inchangée de « l’institution » destinée à confiner et contrôler les Afro-Américains : la plantation esclavagiste, la ségrégation de « Jim Crow »  [13], le ghetto urbain et aujourd’hui la « prison » adjointe à « l’hyperghetto ». L’institution carcérale américaine s’impose actuellement pour la première fois dans l’histoire américaine comme « la principale machine à “fabriquer de la race” » pour justifier la frontière arbitraire entre les citoyens américains [ibid., p. 267]. Cette continuité n’est plus seulement celle du legs d’un passé révolu dans un présent en rupture. Elle est, pour reprendre les mots de Bayart [2004, p. 156-157], « poursuite de l’histoire », non pas une reproduction à l’identique, mais un monde nouveau globalisé que l’on ne peut « déchiffrer qu’à la lumière des continuités dont il émerge ». Néocolonialisme, globalisation, mondialisation accélérée, impérialisme multinational peuvent être vus comme les nouvelles figures de la colonisation [Ferro, 2003, p. 37]. D’un côté, les colonisés ont acquis leurs indépendances sans pour autant s’affranchir de l’impérialisme des multinationales, de l’autre, une partie de leur population émigrée vers les anciennes métropoles, est confrontée à un racisme « élargi » et « revivifié » [ibid., p. 33].

19 La catégorie raciale ne s’est donc pas lentement atténuée après les abolitions des systèmes esclavagistes qui l’avaient portée à son paroxysme, mais s’est vue réactualisée, sous des formes plus ou moins tenaces – pensons au régime d’apartheid dont le déclin s’enregistre il y a à peine plus de 10 ans – dans des contextes restés profondément inégalitaires et perdure jusqu’à pouvoir figurer comme catégorie officielle de recensement dans les pays démocratiques les plus avancés. Dans tous les cas, la production de cette catégorie relève de ce que Rogers Brubaker [2001] désigne par des « identifications externes » d’un type particulier, en ce qu’elles n’entrent pas dans le jeu de la négociation identitaire entre groupes, mais qu’elles résultent d’un ordre imposé par un pouvoir extérieur. « Il s’agit des systèmes de catégorisation formalisés, codifiés et objectivisés, développés par les institutions détentrices de l’autorité et du pouvoir » [ibid., p. 75]. L’histoire de la catégorie raciale est celle de cette imposition depuis les lieux d’invention de l’entreprise esclavagiste transatlantique, lieux où s’est continûment exercé le « pouvoir de nommer, d’identifier, de catégoriser et d’énoncer quoi est quoi et qui est qui » [ibid. p. 75-76]. Qu’en est-il alors des identifications internes ? Forment-elles à partir de cette expérience commune, un ensemble de liens qui permettrait de parler d’une « communauté “trans” » ?

Reformulations identitaires : l’idéal du peuple noir « planétaire »

20 Il n’est pas étonnant à la lecture de ce qui précède, de relier l’existence des myriades politiques et intellectuelles associées au nationalisme noir et au panafricanisme, à la puissance de ce dispositif de classification raciale. L’une des résistances les plus marquantes des populations victimes de ce système a été, très tôt de formuler un corpus idéologique d’où émerge la figure d’une communauté liée par son appartenance à la race noire. Il n’est pas fortuit que dans l’article académique où apparaît pour la première fois le terme de « diaspora » pour désigner les descendants d’Africains dans le Nouveau Monde [Shepperson, 1966], l’auteur utilise alternativement dans les premières pages, les termes « African diapora » (diaspora africaine) et « dark-skinned Diaspora » (diaspora à la peau foncée). L’Afrique et la race noire ne vont effectivement cesser d’être les principaux référents des conceptions nationalistes et panafricaines. Ceux-là forment l’armature de discours à vocation unitive produits à l’intention de toutes les populations susceptibles de se reconnaître dans cette élaboration d’une destinée commune.

21 Le nationalisme noir, historiquement daté, né dans les sociétés esclavagistes américaines, désigne divers courants de pensées exprimant la volonté de fonder la pleine souveraineté des peuples noirs [14]. La revendication d’un État prolonge ce désir d’accomplissement. Pourtant, ce n’est pas toujours vers l’Afrique que s’oriente la quête d’un territoire indépendant. Au cours de la période du « nationalisme noir classique »  [15] (du XIXe jusqu’au début du XXe siècle) marquée par des entreprises qui projettent, et parfois réalisent, l’émigration concrète des Afro-Américains vers des terres pressenties comme des espaces de liberté, l’Afrique n’a pas toujours été le lieu de prédilection. Martin Delany, avant d’entreprendre ses voyages en Afrique et au Nigeria, avait pu ainsi envisager le Canada dans son texte écrit en 1852 sur la « Condition et la destinée du peuple de couleur aux États-Unis »  [16]. De même, en 1825, 2000 Noirs américains émigraient vers Haïti à la suite d’une politique de sollicitation conduite par le Président Boyer en lien avec l’African Methodist Episcopal Church (AMEC), la première formation religieuse noire indépendante des États-Unis [Geiss, 1974, p. 86]. La revendication d’un état séparé au sein de l’état américain lui-même constitue également l’une des variantes du nationalisme noir, le projet le plus marquant ayant été celui de la « Republic of New Africa », en 1968, mouvement qui réclamait, en réparation de l’esclavage et de la discrimination, la session de certains états du sud pour l’installation de la nation africaine [Van Deburg, 1997, p. 197]. Il est même possible, à la suite de Moses [1996, p. 18] de parler d’un nationalisme sans état ( « stateless »), préoccupé à dessiner les contours d’une nation par référence à l’appartenance raciale et à l’expérience dont elle témoigne, et non par rapport à un territoire. Certains discours nationalistes noirs, surtout d’inspiration messianique, s’en remettent à une fraternité noire pour laquelle ils prophétisent la libération et la rédemption avec la venue d’un messie noir, comme dans le « Ethiopian Manifesto » (Manifeste éthiopien) de Robert Alexander Young [1829] ou le « Appeal in Four Articles » (Appel en quatre articles) de David Walker [1830], textes précurseurs de ces visées mystiques qui jalonnent les écrits politiques de nationalistes tels que le Jamaïcain Marcus Garvey.

22 Cette dissociation d’avec la référence africaine implique que le panafricanisme et le nationalisme, bien que très proches et recouvrant souvent des réalités communes, méritent d’être différenciés. Le premier cherche à rassembler les Noirs dispersés et à construire l’unité des peuples africains et de la diaspora, alors que le second formule la volonté politique d’un état souverain. Mais, on l’a entrevu, le partage reste difficile, le nationalisme pouvant se traduire par des formulations étrangères à la constitution d’un état et évoquer de ce fait l’idéal panafricain de la fraternité, ou bien s’en remettre complètement à l’Afrique pour exprimer sa revendication, ce qui le rend là encore assimilable à la philosophie libératrice contenue dans le panafricanisme. Dans tous les cas, ce qui reste commun et stable, dans l’un comme dans l’autre, c’est l’usage permanent de la « race » comme signe de reconnaissance, tout au moins depuis la perspective afro-américaine, comme nous le verrons plus loin.

23 Dans le cadre de cet article, on ne peut que se limiter à quelques repères saillants pour illustrer la manière dont la catégorie raciale est mobilisée dans l’élaboration d’une vision communautaire large, globalisée, étrangère aux frontières étatiques. S’agissant du panafricanisme, le mouvement reste de toute évidence attaché à la figure emblématique de W. E. B. Dubois, l’un des plus grands intellectuels américains de son temps, premier Noir à recevoir le titre de docteur de l’Université de Harvard, en 1895. Sociologue, il est le fondateur de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People), l’une des associations les plus influentes dans la lutte pour les droits du peuple noir américain. Il est l’auteur de The Souls of Black Folk – traduit en français sous le titre « Âmes Noires », aux éditions Présence Africaine [Du Bois, 1953] – où il introduit la fameuse notion de « double conscience » (double consciousness) qui fera plus tard le bonheur des tenants du discours de l’hybridité comme P. Gilroy [1993]. Souvent ambivalente, oscillant entre la revendication d’une intégration égalitaire au sein de la société américaine ( « intégrationnisme ») et la défense d’un environnement spécifique aux Noirs ( « séparatisme »), la position de Du Bois confirme la relation d’équivalence entre l’appartenance à la race noire et l’idéal panafricain. Dans un texte publié en 1897, il parle de « Pan-négrisme » et milite pour la non « absorption » des Noirs par les Blancs américains  [17]. Le terme de « panafricanisme » est forgé trois années plus tard, au cours de la Conférence initiée par le Trinidadien Henry S. Williams, à Londres, conférence qui se donne pour objectif de rassembler « la race africaine de toutes les parties du monde »  [18]. L’initiative est reprise par Du Bois qui assiste à cette conférence et devient le principal promoteur de la série de congrès historiques qui se dérouleront successivement en 1919 (à Paris), 1921 (trois sessions à Londres, Bruxelles, Paris), 1923 (à Londres et Lisbonne), 1927 (à New York), et enfin 1945 (à Manchester). Même s’ils ne forment pas à eux seuls l’armature de l’idéologie panafricaine  [19], ces congrès, qui réunissent des délégations africaines, antillaises, américaines, fournissent le repère fort sur lequel s’appuie la démonstration de l’existence d’une « vraie » diaspora en mesure de perpétuer la conscience communautaire depuis une terre ancestrale. C’est du moins le point de vue que l’on retrouve dans les approches classiques, comme celle développée dans l’ouvrage de Harris [1982] qui peut être considéré comme fondateur des études sur la diaspora africaine  [20]. Une diaspora qui se décline dans la continuité depuis le vieux continent et que Harris [ibid., p. 4], qualifie de manière interchangeable de « noire » ou « d’africaine » puisque son entreprise, nous dit-il, vise à « réaffirmer la diaspora noire comme une extension de l’héritage africain »  [21].

24 L’invention et la montée du panafricanisme depuis l’autre côté de l’Atlantique sont reconnues par les leaders africains qui ont participé eux-mêmes à l’amplification de l’idéologie. Présent au congrès de Manchester en 1945, pionnier des indépendances africaines, premier président du Ghana, Kwame Nkruma n’hésite pas à écrire que « le panafricanisme commence avec la lutte des Africain-Américains » et que ces derniers « ont été la force agissante dans le mouvement »  [22]. Que cet idéal communautaire puise ses origines dans le contexte où la discrimination raciale a été poussée jusqu’à son expression la plus déshumanisante, qu’il ait été « pannégriste » et qu’il le soit sans doute resté, avant même d’avoir été « panafricain » explique en partie la dissociation qui va s’opérer au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, entre les trajectoires politiques africaines et afro-américaines, avec le repli de celles-là dans une Afrique plus mythique que réelle. Quand Nkruma, en 1958, déclare lors de la Première conférence des états africains indépendants à Accra, que « la barrière du Sahara qui nous a divisés pendant de si longs siècles, ne sera plus un obstacle entre nous »  [23], il précipite le basculement du panafricanisme vers le continent dans sa totalité, incluant l’Afrique dite « blanche ». Comme l’analyse fort justement M’bokolo [2004, p. 20], « d’une certaine manière, ce fut le courant pannégriste qui perdit dans ce basculement, car la solidarité nouvelle cessait de se référer exclusivement aux “Nègres” ».

25 Si l’adéquation entre « Africain » et « race noire » est rendue caduque en Afrique, on ne sera donc pas surpris de lire des commentaires tels que celui du sociologue noir américain ST Clair Drake [1982, p. 469], ardent défenseur de l’idée panafricaine, pour qui le panafricanisme reste traditionnellement « racial ». Dès lors, « le panafricanisme racial et le panafricanisme continental » ne peuvent plus être toujours « compatibles » [ibid.]. C’est dire combien, côté américain, la composante « raciale » est fondamentale, capable de supplanter tout autre motif suscitant l’élan unitaire.

26 La catégorie raciale demeure ainsi l’élément structurant des discours politiques de libération des Afro-Américains. Elle est bien évidemment à la base de la conception de Marcus Garvey – le plus fameux des nationalistes dans la lignée de Martin Delany – qui réussit, dans le Harlem des années 1920, à soulever un élan populaire de grande ampleur, ce que son rival, Du Bois, ne parvint pas à faire, l’action de ce dernier retentissant plutôt dans les cercles intellectuels. D’origine jamaïcaine, fondateur de l’UNIA (Universal Negro Improvement Association) qui a très vite essaimé dans de nombreux pays, aux Amériques, en Europe, en Afrique ; initiateur et propriétaire de la Black Star Line, cette compagnie maritime chargée de rapatrier les Noirs vers l’Afrique, Marcus Garvey est le père du « Back to Africa » et du « Africa for the Africans ». Ces deux slogans condensent parfaitement le militantisme de cet homme dont le panafricanisme a pu être qualifié « d’impérial » [Geiss, 1974, p. 263], au vu de son dessein de créer un état africain unique, état virtuel dont il a été élu Président Provisoire lors de la convention de l’UNIA à New-York en 1920 [Garvey, 1986, p. 135]. À la différence de Du Bois qui n’a jamais été ce que les anglo-américains appellent un « émigrationniste » [Skinner, 1982, p.32], Marcus Garvey prône le retour vers la terre ancestrale, et développe un discours politique nourri de messianisme, aux tonalités visionnaires qui le font être vu comme un prophète au sein du mouvement politico-religieux le plus étonnant de la Caraïbe – le « rastafarisme » – mouvement que « le prophète » lui-même a pourtant rejeté [Lewis, 1998]. Cette polarisation sur l’Afrique comme État lié à la destinée noire renvoie à la quintessence de ce que l’on peut appeler « nationalisme noir ». Sans s’attarder plus sur la personnalité et l’action de Garvey qui restent toujours difficiles à démêler entre volonté de restauration de la dignité du peuple noir et orientations autocrates, on insistera sur l’usage central de la « race » dans sa vision politique. Le titre de l’ouvrage que lui a consacré Tony Martin [1986], l’un de ses plus grands admirateurs contemporains, n’est pas anodin : « Race First » ( « La race d’abord »)  [24]. Car pour Garvey, il n’est point d’autres possibilités que le séparatisme le plus strict entre les races au point qu’il finit par rencontrer des représentants du Ku Klux Klan dont, par un étrange détour, il rejoint la conception d’un monde immuablement divisé en races.

27 Certes, les nationalismes noirs n’auront pas tous des tonalités aussi radicales. Mais force est de constater la prégnance de l’item racial qui irrigue constamment les formes de lutte de libération des Noirs aux Amériques. Il encombre jusqu’aux versions réputées universalistes comme celles associées à la négritude et au panafricanisme dit francophone. Aimé Césaire n’a pas été sourd à la contradiction immense que contient la volonté d’affirmer les « valeurs nègres » tout en refusant n’importe quelle attitude raciste. Sans être forcément convaincante, sa vision d’une négritude anti-raciste s’exprime bel et bien : « la conscience d’être noir, la prise en charge de son destin, de son histoire, de sa culture (…) ne comporte ni racisme, ni exclusivité »  [25]. On sait pourtant que des militants anti-colonialistes, de Frantz Fanon, à Georges Padmore, ou Richard Wright et C. R. L. James  [26] ont contesté ce renversement du « discours raciologique blanc »  [27]. Dialectique du nécessaire « racisme anti-raciste » que Jean-Paul Sartre [1977 (1948), p. XIV] pensait être « le seul chemin qui puisse mener à l’abolition des différences de race » ? Aujourd’hui, certains analysent sans réserve la négritude comme une forme de racisme, ce que fait M. Villasante Cervello [2003], en s’appuyant notamment sur les sévères critiques adressées à ce mouvement par l’écrivain nigérian Wole Soyinka. Mais en réduisant ce contre-racisme à toute autre forme de racisme, est-ce tenir compte de la matrice de sens sans cesse renouvelée sous ses formes modernes et globalisées qui rend encore d’actualité selon des aspects plus ou moins feutrés, le phénomène que Sartre [ibid.] décrivait brutalement il y a plus de cinquante ans : « le nègre ne peut nier qu’il soit nègre, ni réclamer pour lui cette abstraite humanité incolore : il est noir (…) Insulté, asservi, il se redresse, il ramasse le mot « nègre » qu’on lui a jeté comme une pierre, il se revendique comme noir ». Bien sûr, on pourra voir à raison dans cette récupération pratique de la catégorie raciale, des formes de racisme avérées. Mais on ne peut tenir pour équivalents les racismes générés par la domination de ceux issus de la défense à l’oppression. De ce point de vue, un travail immense de réflexion reste à conduire, travail qu’il faudra sans doute raccorder au débat entre universalisme et communautarisme, tel qu’abordé par Odile Hoffman [2004, p. 226-227] quand le premier – l’universalisme – dans sa prétention éthique inébranlable à l’unicité humaine pourrait être le moyen de dominer encore davantage les minorités et de discréditer la légitimité de leurs projets : « l’impératif d’assimilation universelle » ou « l’impérialisme moral » analysés par Tagguieff [1996, p. 388 et 396] dont l’acuité de ce dernier (à cette période datée de publication…) à déconstruire racisme et anti-racisme ne peut que servir un tel chantier de réflexion. Un chantier pour lequel, fort heureusement, des volontés viennent exprimer courageusement l’urgence qu’il y a à le construire, y compris (et peut-être surtout) au cœur même de la République française, où la « race » « constitue le versant nocturne de la République, l’épaisseur inerte où vient s’engluer sa radicalité », celle créée par des dispositifs et des discours qui restent producteurs de différences raciales, mais qui « s’abritent derrière le masque d’un universalisme purement a-historique pour mieux prétendre avoir dépassé la “race” » [Mbembe, 2005, p. 151 et 153].

28 Dans la disjonction qui s’opère entre les panafricanismes, entre l’Afrique continentale et les Amériques diasporiques, la revendication de la « race noire », côté Amériques noires, va de plus en plus s’associer à une Afrique mythique, sans que les afro-américains bâtissent ces projets spectaculaires de retour qui marquaient la période du nationalisme classique. Déjà le Black Power annonçait cette décentration avec la volonté d’une « révolution de l’esprit », et d’une autodétermination dont la conquête pouvait s’accomplir sans le recours obligé à un état souverain [Van Deburg, 1997, p.14-15]. Avec l’afrocentrisme très actuel, la rupture « physique » avec l’Afrique est consommée  [28]. Celle-ci, pourtant centrale dans l’élaboration du mythe d’une nation noire, s’éloigne d’un désir de retour réel, ce qui amène Tully-Sitchet [2002] à parler fort justement « d’une invention du retour », c’est-à-dire d’un « retour sur place ». L’afrocentrisme se réfère essentiellement à l’Afrique pour en reconstituer l’histoire et en faire le berceau « noir » de toutes les civilisations humaines qui se sont par la suite inspirées, jusqu’à les spolier, de ses exploits antiques. Polarisé sur l’Égypte ancienne, il consacre l’origine glorieuse d’une communauté aujourd’hui dispersée. Là encore l’équation entre la communauté et la « race » demeure le pivot primordial. L’historien Mamadou Diouf [1999, p. 8] tient ainsi pour centrale la position attribuée à la race chez le Sénégalais Cheik Anta Diop, l’auteur le plus influent des thèses afrocentristes : « Cheik Anta Diop construit son Afrique à partir de la race et de la couleur en leur affectant une culture particulière. Une race et une couleur qui produisent une communauté homogène (les nègres africains), sujet d’une histoire unique que la fragmentation ethnologique et géographique coloniale a délibérément tenté d’obscurcir ».

29 L’invention d’une large communauté planétaire, réunie par sa couleur de peau, sourde aux frontières, s’accomplit au travers de ces diverses idéologies nationalistes qui « ramassent » la catégorie raciale. Elle est ce que M. Diouf [2004, p. 4] a décrit par ailleurs comme un « internationalisme noir » dont l’imaginaire « puise ses racines dans la race » et dans « les souffrances, la domination, l’exploitation, le mépris et la marginalisation ». Mais faut-il pour autant en déduire que cette communauté « trans » existe, ou comme le dirait Anderson [1996, p. 19] « que dans l’esprit de chacun vive l’esprit de [la] communion ». En d’autres mots, cette représentation d’une nation noire globalisée s’étend-elle vraiment aux populations noires qu’elle ambitionne de réunir ? En répondant par la positive, on risque simplement de prendre pour acquis ou advenus à forme, les principes et croyances de segments communautaires, qui, pour être importants, n’en sont pas moins que des composantes d’un univers culturel bien plus complexe. C’est sur ces dernières remarques que nous terminerons ce propos.

Le paradoxe d’un lien « non contenu » : la transversalité prise au mot

30 Nationalisme noir et panafricanisme amènent de toute évidence à repérer comment la catégorie raciale plus que le référent étatique ou territorial, fournit la ressource fondamentale pour configurer un lien d’appartenance commune. On trouvera dans l’ouvrage de Winston James [1998], une description des réseaux établis entre la Caraïbe et les États-Unis qui montre comment les idées et les hommes circulent d’un lieu à l’autre sur la base de cette adhésion à la conception panafricaine et nationaliste  [29]. De même, l’étude de Michel Fabre fournit un tableau qui atteste de l’évidence du lien qui relie entre eux les Noirs des continents, dans ce lieu de convergence qu’est Paris où se rencontrent aux cours du XXe siècle, de nombreux noirs américains et leurs homologues francophones. Est-ce à dire que la « diaspora » est bien là, incarnée par ces hommes – plus que les femmes – aux parcours disséminés qui s’entrecroisent et forment des nœuds stratégiques en certains lieux : New York, Londres, Paris, Monrovia, Accra… On a pourtant attribué à ces réseaux, la caractéristique de n’être que l’apanage d’une élite intellectuelle et artistique. L’étude précise de Geiss [1974, p. 424] sur le panafricanisme se termine ainsi sur le constat d’un « mouvement fluide », formé « d’organisations éphémères ». Ainsi, « le panafricanisme a toujours été la préoccupation de petites minorités appartenant à l’élite intellectuelle moderne parmi les Afro-Américains aux États-Unis et aux Antilles, aussi bien qu’en Afrique ».

31 Il est certes possible d’élargir le panafricanisme, ou l’idée d’un transnationalisme noir hors du champ idéologique des élites, comme le propose M’Bokolo [2004, p. 18] pour englober notamment les manifestations religieuses, ce qui rejoint la perspective de S. Capone [2004, p. 15] pour qui « l’étude des religions afro-américaines n’a jamais pu se faire qu’en termes de réseaux, entre l’Afrique et le Brésil par exemple ». Mais il n’est pas pour autant assuré d’être en présence d’un corpus de références dans lequel chacun pourrait puiser les signes de son appartenance – des représentations collectives partagées comme les définit Dan Sperber  [30] – et former ainsi une vaste entité sociale reconnaissable en tant que telle. L’apposition de la catégorie raciale, si elle génère des collectifs qui se définissent au travers d’elle, ne se limite pas à ces formations. Elle aboutit plutôt à des compositions diverses qui échappent justement à des construits sociaux univoques. En d’autres termes, on pourrait dire que la communauté noire, panafricaine, ou pan-négriste n’existe pas ailleurs que dans les discours de ceux qui la construisent et s’identifient à elle. Elle n’englobe pas tous les individus – cette fameuse diaspora que le nationalisme fait exister – dont l’expérience reste intimement liée à la racialisation des rapports sociaux, mais figure comme un registre d’appartenance disponible parmi d’autres formulations identitaires.

32 Dans sa récente étude sur les Noirs de Colombie, E. Cunin [2004] montre bien comment l’identité est foncièrement dépendante de l’apparence physique et du cadre normatif racial. Mais l’appartenance à telle ou telle configuration qui s’en dégage est une négociation permanente qui met en jeu ce que la sociologue, dans une perspective interactionniste, appelle une « compétence métisse », non pas par référence à la mixité des races, mais en tant que « combinaisons multiples » résultant de « la capacité à aller et venir d’un univers normatif à l’autre » [ibid., p. 14 et 82]. C’est dire combien les identifications « internes » répondent par des voies diverses à l’ordre racial qui les contraint. La transversalité que nous recherchons n’est donc plus celle mise en scène par la communauté de destin du nationalisme noir. Elle se loge dans des manières très particulières de composer un lien social, hors de cadres normatifs qui s’apprêteraient encore à le discipliner. De ce fait le lien n’est plus « un » mais « multiple ».

33 On se limitera ici, en guise de conclusion, à résumer cette interprétation développée par ailleurs [Chivallon, 2002b et 2004] et évoquée dans notre préambule où il est question d’envisager les cultures noires des Amériques comme animées par une volonté d’échapper à l’ordre systématisé, ce qui a pu susciter le recours à l’expression de « culture contre le politique » [Chivallon, Martin, 2006, à paraître]. Non pas qu’il n’existe pas au sein de cet univers, des composantes « dures » de l’identité – et les formes radicales du nationalisme sont là pour nous le rappeler – mais qu’il y a toujours à l’œuvre une dynamique de décentrement issue d’un foisonnement d’orientations collectives. Si aucun registre ne s’impose comme dominant, si aucun récit (politique, historique, religieux, ethnique, et même racial) ne parvient à se constituer en un « méta-récit » communautaire « qui vivrait dans l’esprit de chacun », c’est en raison de cette production démultipliée de répertoires identitaires dont aucun ne se voit attribuer le pouvoir de soumettre le corps social.

34 L’absence de « méta-récit » fédérateur – mettant à disposition une « identité narrative » [Ricoeur, 1985, p.443-446] ou encore un dispositif narratif « englobant » [Augé, 2001, p. 60-62] à partir desquels le corps social serait en mesure de se constituer en tant qu’entité individualisée – peut en effet être tenu pour caractéristique des cultures noires des Amériques, à des échelles groupales diverses, depuis les « communautés » les plus localisées, aux ensembles « diasporiques » les plus vastes. C’est du moins l’interprétation que l’on propose. Il n’est pas d’affirmer qu’il n’existe aucune narration collective, ce que la thèse dite de « l’aliénation » a soutenu – notamment au travers de la notion de « non-histoire » avancée par Édouard Glissant [1981, p. 130-131] pour suggérer la dépossession des sujets vis-à-vis de la maîtrise de leurs orientations collectives – mais plutôt de noter la multiplication de « petits récits » disséminés dans des collectifs capables de s’aménager d’une telle profusion. Un peu à la manière de M. J. Jolivet [1997, p. 998], on pourrait dire que ces versions multiples du destin collectif renvoient à des manières diverses, et même fluctuantes selon les circonstances, « d’oublier l’Afrique et l’esclavage ou au contraire de se les remémorer ».

35 Ce point de vue rejoint celui d’auteurs qui, pour la Caraïbe, ont souligné cette résistance nourrie de méfiance à l’égard du pouvoir centralisé, celui-là même qui pourrait détenir l’autorité d’imposer et de perpétuer « le grand récit collectif ». Justin Daniel [2002, p. 595] parle des « contrariétés de la souveraineté identitaire » issues de la « pluralité des affiliations identitaires » et de la « prolifération des single issue groups ». On a déjà noté les analyses de Jacky Dahomay [2000, p. 105] quant à une « culture réactive », une « culture de la contre-plantation ». De son côté Denis Constant Martin [1996, p. 27] voit les cultures populaires antillaises « en marge des systèmes d’autorité publics », comme placées à une distance stratégique autorisant « l’expression d’une méfiance ancienne à l’égard de toute forme de pouvoir ». On pourrait encore mentionner le point de vue de Harry Goulbourne [2002, p. 163] qui relève chez les migrants antillais en Grande-Bretagne, l’insistance accordée à « la liberté individuelle » et qui forme comme une anti-thèse de l’ethnicisme des autres groupes.

36 Ce lien « non contenu » par aucun système, encore moins par des états, proliférant en autant d’orientations qu’il lui est possible – il suffit de penser au champ religieux dans les espaces caribéens qui embrasse une incroyable palette d’affiliations – n’est-il pas le résultat du trop-plein de contraintes qu’a fait naître la violence de l’ordre esclavagiste racial ? N’est-il pas comme l’exigence d’une liberté rendue plus forte qu’ailleurs et qui finit par composer un monde social soustrait à la contrainte communautaire ? On trouve dans le rastafarisme jamaïcain, l’explicitation la plus significative de ce désir d’indépendance latent ou inconscient qui prévaut dans l’ensemble quand ce mouvement baroque, à partir des années 1930, invente une philosophie rebelle, de « liberté radicale », dotée d’un langage qui localise le lieu de la pleine autorité dans l’individu, et non dans le collectif [Edmonds, 1998, p. 352].

37 Transnationales, transétatiques, diasporiques, les cultures noires des Amériques le sont peut-être plus que toute autre culture, si l’on envisage que la « transversalité » est prise au mot, dans cette capacité à découdre le lien social, à le faire être rétif aux limites autoritaires de l’identité collective, en vertu de cette « tradition discursive toujours potentiellement critique » dont parle David Scott [1997, p. 36-37] qui finit par produire « une communauté de discours » faite de cet amoncellement de visions textuelles « convergentes ou divergentes » du collectif. Une tradition que seule la connaissance intime de l’oppression raciale semble en mesure d’expliquer la raison d’être.

Notes

  • [*]
    géographe et anthropologue, CEAN-CNRS, (Centre d’Études d’Afrique Noire), Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, Esplanade des Antilles, 33 607 Pessac Cedex, e-mail : christine.chivallon@msha.fr
  • [1]
    Séminaire organisé par Stéphane Dufoix au CERI (Centre d’Études et de Recherches Internationales), Paris, 9 mai 2005. J’adresse un merci chaleureux à mon collègue pour avoir, par son initiative autour de ce terme, suscité une réflexion nouvelle qui prolonge celle conduite à partir de la notion de « diaspora ».
  • [2]
    Weber M., Économie et société cité par Philippe Braud (2002, p. 133). Je profite de cette mention pour remercier mon collègue politologue, Vincent Fouché du CEAN, pour les discussions conviviales mais non moins stimulantes autour de l’étatique et du « transétatique ».
  • [3]
    Cité par Moses, 1996, p. 23.
  • [4]
    Voir à titre indicatif, l’article de D. Schnapper (2001). Pour une vue générale du débat actuel dans le champ des études diasporiques, se reporter à Chivallon (2004) et Dufoix (2003).
  • [5]
    Pour une analyse plus détaillée de ces aspects, se reporter à Chivallon, 2006, à paraître.
  • [6]
    Pour exemple de ce refus de la figure tutélaire de l’Afrique, se reporter aux écrits sur la créolité de Bernabé, Chamoiseau et Confiant [1989].
  • [7]
    Souligné par moi.
  • [8]
    Sur la façon dont le racisme s’est édifié au regard de l’éthique religieuse et philosophique, se reporter (entre autres) à Quénum (1993) et Sala-Molins (1987).
  • [9]
    Sur la « one drop rule » et les catégories de recensement en usage aux États-Unis, se reporter à Schor, 2005.
  • [10]
    Pour la Jamaïque, K. Brathwaite [1971, p. 168] rappelle que la catégorie de peau la plus claire (Octoroon) était associée légalement au Blanc et que la personne née ainsi pouvait bénéficier de la liberté, ce qui est en complet décalage avec la « one drop rule » des États-Unis.
  • [11]
    Pour une discussion actuelle sur la notion de « race » se reporter aux articles de Brett St Louis (2002) et de Kim [2004].
  • [12]
    Recommandation formulée également en d’autres termes par Patterson et Kelley [2000, p. 19].
  • [13]
    Les lois de « Jim Crow » désignent les lois de ségrégation raciale entérinées par la Cour suprême des États-Unis, en 1896, qui approuve le principe du « séparé mais égal » pour les services et les commodités. L’expression « Jim Crow » fait référence à un soldat, homme de couleur devenu héros de chansons populaires, elles-mêmes parodiant le mode de vie des Noirs du Sud [Bacharan, 1994, p. 46-50].
  • [14]
    Pour Moses [1996, p. 7], les premières traces « archivées » de ce nationalisme pourraient être la pétition rédigée par quatre esclaves de Boston en 1773, pour réclamer le droit d’une journée par semaine pour travailler à leur propre compte de manière à financer leur retour « quelque part sur la Côte d’Afrique ». De son côté, Geiss [1974] attribue à l’année 1787, dans la vague de la Déclaration d’Indépendance, les premières manifestations de ce qu’il appelle le « proto-panafricanisme », avec une série d’évènements marquant l’émergence d’une volonté collective de rassemblement par référence à l’Afrique. Cette année là, la première loge maçonnique noire est officiellement créée à Boston par Prince Hall qui, quelques années plus tôt (1775) avait adressé lui aussi une pétition à l’assemblée parlementaire de Massachussetts pour exprimer le désir de retourner en Afrique « notre pays natal ». C’est également en 1787 que la première « Free African Society » est créée à Philadelphie, pour lutter contre la discrimination dans les Églises Méthodistes. De façon symbolique, la même année, les premiers « ré-émigrants » noirs arrivent en Sierra Leone.
  • [15]
    Le nationalisme noir peut se décliner en trois périodes : le proto-nationalisme qui correspond à l’émergence de la revendication d’une souveraineté noire ; le nationalisme classique – au cours du XIXe siècle, jusqu’au début du XXe – marquée par les projets de retour vers l’Afrique et l’importance de la composante panafricaine ; le nationalisme moderne, formé dans le creuset du mouvement des droits civiques, des indépendances africaines, et du radicalisme du Black Power et qui va tendre à investir un imaginaire africain plutôt détaché d’un rapport physique à l’Afrique, laissant au second plan la revendication de création d’un état souverain [voir Moses, 1996 et Van Deburg, 1997]
  • [16]
    M. Delany, The Condition, Elevation, Emigration, and Destiny of the Colored People of the United States, Philadelphia, M. R. Delany, 1852. Extraits reproduits dans l’anthologie de W. J. Moses [1996, p. 101].
  • [17]
    W. E. B. Dubois, The Conservation of Races, American Negro Academy Occasional Papers, Washington, 1897. Texte repris et commenté par Moses, 1996, p. 228.
  • [18]
    Cité par M’bokolo, 2004, p. 2.
  • [19]
    Pour une vue plus complète sur le panafricanisme se reporter en particulier à l’ouvrage bien qu’ancien mais très bien documenté de Geiss (1974). Voir aussi les contributions récentes de M’Bokolo [2004] et Diouf [2004]. Voir également Chivallon [2004].
  • [20]
    Voir notamment dans cet ouvrage, l’article de E. P. Skinner, dont la référence est portée en bibliographie ci-après. Signalons que l’intérêt porté au panafricanisme et aux idéologies nationalistes noires ne sont pas seulement reprises dans les approches dites classiques de la diaspora noire. Il est aussi au cœur des approches postmodernes ou inspirées des cultural studies, même si c’est pour y voir l’expression toujours changeante des imaginaires diasporiques [voir par exemple Lemelle et Kelley, 1994] ou même pour exclure de ces imaginaires les composantes identitaires trop « dures » qui pourraient contredire le modèle de l’hybridité, comme le fait P. Gilroy [1993] avec l’afrocentrisme. Voir sur ce point, l’analyse de l’approche de P. Gilroy dans Chivallon [2002a].
  • [21]
    Souligné par moi.
  • [22]
    Cité par M’bokolo, 2004, p. 2.
  • [23]
    Cité par M’bokolo, 2004, p. 19.
  • [24]
    De la communication que Tony Martin [2004] a livrée à la Première Conférence des Intellectuels Africains et de la Diaspora à Dakar, en octobre 2004, sous l’égide de l’Union Africaine, il a été retenu que son auteur proposait de considérer l’Afrique « comme base regroupant les peuples noirs », ce qui témoigne de l’actualité toujours vive, au moins du côté de la « diaspora », de la question de l’adéquation entre « race noire” et « Afrique » [Voir Rapport de la Conférence, 2004, p. 13]. De son côté, à cette même conférence, Molefi Asante [2004, p. 12], l’un des fondateurs de la vision afrocentriste, qui utilise plutôt le terme générique « Africain », déclarait néanmoins apprécier les propos de Mario Azevodo pour qui « le paradigme de la diaspora place les populations noires au centre de l’étude et du sujet » (souligné par moi).
  • [25]
    Cité par Corzani, 1978, p. 334.
  • [26]
    Se reporter à Diouf, 2004.
  • [27]
    Selon les termes de Jean Bernabé à propos de la négritude, repris par Bonniol, 1992, p. 96.
  • [28]
    Sur l’afrocentrisme, se reporter à Fauvelle-Aymar et al. [2000] et à Amselle [2001], chapitre 3 en particulier « Servitude et grandeur de l’afrocentrisme ». Voir aussi l’ouvrage, bien que polémique et à visée « positiviste », de S. Howe [1999].
  • [29]
    Notons cependant que les relations entre communautés noires ne sont pas exemptes de tensions, ce que montre la confrontation entre les migrants antillais et les noirs natifs aux États-Unis, et dont l’opposition conflictuelle entre le Jamaïcain Garvey et l’Américain Du Bois est particulièrement significative. Voir sur ce point Watkins-Owen (1996).
  • [30]
    Rappelons que pour Dan Sperber (1989, p. 134), il est possible de distinguer au sein des représentations mentales qui constituent le savoir de chaque individu, celles qui, « en très petite proportion », finissent par « être distribuées dans le groupe entier ». Il s’agit des représentations culturelles ou collectives à proprement parler, « un sous-ensemble aux contours flous de l’ensemble des représentations mentales qui habitent un groupe social ».
Français

En partant du terme « transétatique », cet article interroge la possibilité d’un lien social « transversal » pour les populations noires descendantes des esclaves aux Amériques. La matrice d’identification de ce lien n’est pas à situer dans un état fondateur ou un territoire originel comme pourrait le laisser supposer le recours à une notion voisine, celle de « diaspora », mais dans l’imposition continue de la catégorie raciale. La force de cette catégorie, sa réappropriation par les courants nationalistes noirs et panafricains sont tour à tour envisagées, de même que la diversité des construits sociaux qu’elle fait naître et qui pourrait correspondre à la transversalité recherchée.

Mots-clés

  • transétatique
  • diaspora
  • Amériques noires
  • Caraïbe
  • panafricanisme
  • nationalisme noir
  • race
  • racisme
  • identités

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Christine Chivallon [*]
  • [*]
    géographe et anthropologue, CEAN-CNRS, (Centre d’Études d’Afrique Noire), Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, Esplanade des Antilles, 33 607 Pessac Cedex, e-mail : christine.chivallon@msha.fr
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/autr.038.0039
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