CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Igor Kopytoff dans son important essai sur la constitution des sociétés de la frontière, privilégie une approche politique qui relègue au second plan la question de l’appropriation des ressources naturelles, l’auteur soulignant que dans les phases anciennes de peuplement, ce sont les hommes qui sont rares et qu’il faut contrôler, c’est-à-dire attirer et retenir, et non pas les richesses naturelles dont ils vont tirer parti [1987, p. 46]. Pour l’auteur, la question de l’intégration de couches de peuplement hétérogènes a avant tout des solutions culturelles. Pour retenir les dominés et asseoir un ordre social stable, les dominants, qui sont souvent parmi les derniers arrivés sur un site donné, mettent en place un système politique qui exploite des valeurs panafricaines largement partagées, notamment l’assimilation des étrangers à des parents. Lorsque le groupe augmentera en taille, le rôle des premiers arrivants sera redéfini dans le cadre d’une spécialisation fonctionnelle des tâches, qui leur permettra d’entrer dans des rapports de complémentarité et d’opposition avec le groupe au pouvoir.

2R. Kuba et C. Lentz [2002] ont critiqué cette position, à partir de leurs études sur le sud-ouest du Burkina Faso. Ils ne constatent pas, disent-ils, ce souci d’intégration politique chez les Dagara – souvent les derniers arrivés dans des zones peuplées par des Phuo et des Sisala –, qui ne se préoccupent que du contrôle des ressources naturelles et installent, dans ce dessein, leurs propres autels de la terre, à l’écart – et parfois en dépit – de l’existence d’autres autels autochtones, pourtant antérieurs. Ils donnent ainsi un exemple de société de la frontière qui paraît ne pas corroborer au premier abord le modèle kopytoffien de construction par les « superstructures » de la cité. Cependant, à bien y regarder, il nous semble que l’article de Kuba et Lentz confirme au contraire cette thèse dans la mesure où leur matériel permet de penser que la question du contrôle de la nature n’apparaît que lorsqu’une des conditions importantes du modèle de Kopytoff – l’abondance des ressources et la rareté des hommes – n’est plus présente. L’article de Kuba et Lentz concerne en effet des périodes de peuplement beaucoup plus récentes que celles que l’anthropologue américain prend comme référence, pendant lesquelles, dans le sud-ouest burkinabè, les autels de la terre ont été effectivement utilisés comme instruments d’une lutte stratégique entre ethnies concurrentes pour l’accaparement de la nature.

3Gouvernement de la nature et gouvernement des hommes seraient-ils alors des objectifs séparés à mettre en rapport avec des moments bien distincts d’une histoire spécifique du peuplement ? Ou bien pourraient-ils être conciliés dans un modèle compréhensif qui montrerait les liaisons structurelles entre les deux projets ?

4En référence à la thèse de Kopytoff, il semble important d’insister sur le fait que la terre n’a pas besoin d’être un facteur objectivement rare pour qu’elle puisse constituer la base d’une politique. Il suffit que certains groupes construisent leur pouvoir sur la fabrication religieuse de sa rareté, en associant le domaine de la brousse à la dangerosité des êtres inconnus (génies, esprits) dont il serait le domaine de prédilection. Faisant la preuve qu’ils disposent de moyens rituels de maîtriser ce danger, ils se placeraient dans la position forte de ceux qui rendent possible le processus par lequel le commun des mortels bénéficierait de l’accès à des moyens de travail. Bien entendu, cette compétence ne préjugerait en rien de leur trajectoire politique dans les situations complexes de constitution de sociétés de la frontière par réaménagements successifs.

5À l’inverse, il paraît difficile d’admettre avec Kuba et Lentz que les implantations d’autels de terre – mais aussi d’autels de brousse, d’autels liés à l’eau, à la chasse [1]… – aient pour seul objectif le contrôle des ressources naturelles. Ces autels rendent possible un ordre d’accès à la nature, mais ils définissent en même temps un ordre social, dans sa double dimension de rapports du groupe à lui-même et aux autres. Cette dernière dimension semble admise par les auteurs eux-mêmes, dans une version il est vrai extrême, puisqu’ils décrivent des cultes utilisés dans la perspective d’une véritable course à la terre entre ethnies. Il est probable que si Kuba et Lentz s’étaient intéressés aux fonctions internes des autels pour le clan et les groupes associés qui s’y reconnaissent et y sacrifient, d’autres résultats seraient apparus. Car les autels villageois, et avant tout l’autel de la terre, ont bien pour fonction d’attirer les hommes et de mettre en place une organisation sociale. Ils les attirent grâce à leurs fonctions symboliques. L’institution de l’autel de la terre permet au groupe desservant le culte et à ceux qui se sont associés à eux, de faire « descendre » au fur et à mesure de leurs besoins, la semence céleste, de manière à ce que les hommes puissent obtenir de Dieu les naissances, la germination des plantes, la multiplication des animaux [voir sur le sujet chez les Kasena : Liberski, 1991, p. 271-272]. Il remplit également une seconde fonction symbolique, tout aussi essentielle, l’autel de la terre agissant comme un épurateur des nombreuses souillures qu’entraînent les activités humaines. Or, dans ces deux fonctions – attraction de richesses et rejet d’impuretés – les autels sont réputés être inégaux, entraînant, dans le contexte du peuplement d’une « frontière interne », des phénomènes d’engouement, d’agrégation et de désaffection des populations.

6L’article propose de montrer que, dans une « société de la frontière », c’est précisément par l’implantation d’autels liés à un territoire et par l’instauration d’un régime diversifié de la propriété, faisant des ressources une possession à la fois commune et privée, que l’ordre social peut être produit et que les questions d’action collective associées à sa reproduction peuvent être résolues. Dans cet objectif, nous prendrons l’exemple de l’implantation winye dans sa région d’accueil, le Gwendégué, sur la rive droite du Mouhoun, dans le centre-ouest du Burkina Faso. Le peuplement y est pour l’essentiel le produit des migrations fin xviiie et début xixe siècle de groupes d’origine diverse (Gurunsi, Nuni, Sisala, Phuo, mais aussi Dagara, Bwa, Marka et Peul), dont l’implantation est facilitée par quelques villages tuteurs, un peu plus anciens, dont ils adopteront la langue (le winye). L’aire d’influence du groupe, qui comprend actuellement dix-neuf villages, s’exerce également sur une dizaine de villages limitrophes (bwa, marka, nuni) avec lesquels les Winye entretiennent des relations économiques, rituelles et d’échanges matrimoniaux.

7Dans le Gwendégué, les autels de terre, les autels de brousse, les autels de chasse vont permettre d’organiser les hommes, à la fois au niveau local et régional. Au plan local, leur implantation va faciliter la mise en place d’une distribution de droits sur la nature assortie d’obligations, par laquelle s’échafaude l’essentiel de la construction d’une micro-cité ayant à la fois des ambitions économiques et politiques. Au plan régional, les actes de fondation d’autels de brousse et de terre inscrivent les efforts des autorités d’une communauté dans un cadre qui dépasse l’horizon du finage villageois, puisqu’ils vont favoriser, autour de villages tuteurs, la formation d’alliances productrices de stabilité régionale entre établissements qui se reconnaissent des autels affiliés et un même projet de gouvernement des hommes. Dans la mesure où cette dernière dimension a déjà été en partie traitée ailleurs [Jacob, 2001], nous n’y reviendrons pas ici.
En définissant des intensités différentes dans l’appropriation de la nature, les autels de terre et de brousse vont donner à leurs desservants les moyens d’utiliser les droits distribués sur les ressources, nécessaires à la survie de tous, pour tenter d’attirer les hommes, contraindre leur comportement, définir un projet de reproduction sociale élargie dont nous nous proposons de faire l’analyse ci-dessous. Cette étude nous permettra de revenir sur le thème de l’action collective dans les sociétés africaines – occulté par l’importance donnée aux valeurs panafricaines dans l’introduction de Kopytoff à The African Frontier. Pour nous, toute société doit résoudre l’aporie suivante : elle ne peut se construire que sur la reconnaissance des intérêts individuels mais elle ne peut se prolonger en tant que société que si elle remet en cause périodiquement cette reconnaissance. Cette approche rend tout à fait essentielle de notre point de vue l’étude socio-anthropologique approfondie de l’emprise symbolique sur l’espace et de la distribution des droits sur les ressources. Ce sont les moyens par lesquels une cité politique met en place sa gouvernementalité propre.
Dans cet article, nous présenterons successivement la chronologie de fondation d’un village et la structuration foncière qui en résulte ; la symbolique de la terre de village et de la terre de brousse, qui définit des emprises juridico-symboliques d’intensité variable sur la terre ; l’origine et les fonctions des droits, en relation avec la pluralité d’objectifs nécessaires à la construction et à la reproduction d’une cité économique et politique. Nous illustrerons enfin, sur l’exemple de l’accueil d’un étranger, la logique d’enchaînement des droits et des obligations propre à cette conception des droits.

La chronologie de fondation d’un village

L’installation de l’autel de terre

8Peu de temps après la sédentarisation d’un groupe sur un finage spécifique et la confirmation par les devins de l’absence d’opposition des génies, et peu de temps après que le groupe s’est engagé dans des activités de production, le ou les fondateurs de la communauté installent leur autel de la terre. La création de cet autel, par creusage de la terre du village et enfouissement d’ingrédients rituels, a trois fonctions principales :

  • Elle fait du fondateur (ou du plus âgé du groupe des premiers arrivés s’ils font partie de plusieurs lignages différents) le premier chef de terre ;
  • Elle permet à ce chef de terre d’établir un pacte de solidarité avec les personnes qui vont constituer le conseil des anciens qui l’entoure et le secondera. Le pacte de solidarité est conclu par la consommation en commun de bière de mil mêlée de miel ([biru]) et du sang des victimes sacrifiées (un coq et un bœuf ou une chèvre) dans laquelle le chef de terre jette trois pincées de terre. Ce rite sera repris plusieurs fois dans l’histoire de la communauté, notamment à chaque intronisation de chef de terre ;
  • Elle crée un lieu de contact entre trois parties : les hommes, les ancêtres et les génies, notamment avec le [sen ñubo], le « génie de la terre » ou « génie noble » [2]. Cet esprit est une sorte de prêtre-roi (l’équivalent du chef de terre chez les hommes), qui règne sur l’ensemble des génies de l’eau, du feu, du vent et de la terre qui occupent une région donnée et dont l’énergie doit être reconnue et canalisée pour rendre possible la vie des hommes.
À l’exception des quelques ares qui entourent le trou de la terre et qui sont interdits de culture, l’installation de l’autel entraîne la désacralisation de la totalité de l’espace habitable et de la zone des champs permanents ([kãtogo]) qui l’entoure immédiatement. Le lieu est considéré comme débarrassé des génies qui l’occupaient et qui ont pris le parti soit de fuir, soit de se tenir au seul endroit de l’autel. Du coup, les hommes vont pouvoir pratiquer au village un ensemble d’activités réprouvées par les esprits, parce que productrices d’impureté et pour cela formellement interdites en brousse, mais qui sont pourtant consubstantielles à leur existence : rapports sexuels, enfouissement de cadavres et de placentas, dépôt d’ordures, construction de maisons en banco, premières cultures sur les [kãtogo], consommation d’épices, cuisson des aliments… Toutes ces activités sont possibles parce que la terre du village est une terre qui a été « neutralisée » et est devenue de ce fait maniable, manipulable par les hommes. Comme nous le verrons plus bas, ces conceptions ont des conséquences sur les représentations des droits sur la terre.
L’autel de terre est supérieur à tous les autres cultes villageois (culte de brousse, de l’eau, de chasse ou des masques…). Son culte, par le chef de terre et le conseil qui l’entoure, peut être considéré comme un véritable service rendu à la cité puisque n’importe qui – y compris un étranger installé dans la communauté – peut venir à l’autel pour tenter de résoudre son problème en proposant une offrande [Jacob, 2001, p. 327]. Le chef de terre lui-même, qui fait le lien avec l’ancêtre mythique, contrôle de ce fait la relation entre le monde « d’avant la territorialisation » [Liberski, 1991, p. 293] et le monde actuel, ce qui explique qu’il soit le garant des disjonctions pureté/impureté, chose/bien, et le seul apte à établir un pont entre elles.

L’installation de l’autel de brousse

9Une année plus tard au minimum, le chef de terre fait un premier sacrifice à la terre inhabitée, à l’endroit qui va être considéré dorénavant comme le lieu privilégié d’offrandes à un génie supérieur de la brousse appelé [nyimbi]. [nyimbi] est, selon l’excellente expression de S. Dugast à propos de son équivalent [nyinde] chez les Bwaba voisins, une représentation de la « nature comme réservoir de ressources » [2002, p. 71], « le lieu par excellence du travail productif » [3], ce qui indique qu’à la fois il est plus spécialisé que l’autel de la terre et qu’il lui est subordonné. [nyimbi] ne se confond nullement avec le [sen ñubo] qui le commande. Il est la « tête » de cet espace sur lequel les hommes vont appliquer majoritairement leurs efforts pour extraire de la nature de quoi subsister. En échange de leurs hommages, [nyimbi] leur garantit les conditions de sécurité qui leur permettent d’accomplir ces efforts en toute tranquillité. Il empêche ses « esclaves » (lions, serpents) de s’attaquer aux producteurs qui ont été dûment autorisés à pénétrer en brousse, les envoie réprimer le vol de terres et de matériel agricole et proscrit le désordre dans l’espace sous son contrôle, notamment les crimes de sang et les relations sexuelles. Voici par exemple comment un demandeur de terre raconte la visite de la parcelle que le chef de terre de Balao [4] venait, en 2001, de lui accorder en brousse :

10

Le jour où le chef de terre et son adjoint sont partis avec moi en brousse, nous avons croisé en cours de route un gros serpent noir et le chef de terre m’a dit que j’étais le bienvenu dans leur domaine foncier car le serpent était un signal pour me dire que la brousse a un gendarme et qu’il me fallait éviter de faire du mal à autrui dans ce domaine. Le chef de terre a dit de ne pas tuer le serpent […]. En défrichant 2 ha avec mes enfants, il y avait beaucoup de serpents, mais personne n’a été mordu parce que ma demande était en règle. Si c’était illégalement fait, quelqu’un dans ma famille allait être mordu. [nymbi] n’aime pas la souillure ni la malhonnêteté.
(Sougué Moumouni, Boromo, 5/11/02)

11Il existe un ou plusieurs autels de [nyimbi] par communauté, selon que celle-ci a été créée par un seul ou par plusieurs lignages. Dans le cas où il n’existe qu’un seul autel de brousse, le sacrificateur en est le chef de terre ou un maître de brousse désigné dans une famille faisant partie du conseil des anciens.

12De même que l’autel de la terre a des conséquences sur les représentations du foncier villageois, notamment parce qu’il rend pensable une emprise quasi-absolue des hommes sur celui-ci, l’autel de brousse en a sur le foncier des champs lointains, dans une perspective inverse. Bien que la possession d’un autel à [nymbi] agisse comme le garant d’une maîtrise sur l’espace pour un groupe de descendance donné, son existence marque fondamentalement l’impossibilité pour les hommes d’établir une emprise définitive sur ce domaine spécifique, ce dont témoignent justement les obligations constantes de sacrifice. Nous reviendrons sur ce sujet.

13Après qu’il a été sacrifié une première fois à cet autel – le sol n’est pas ouvert à cette occasion –, les cultivateurs peuvent commencer les premiers champs de brousse et construire les premières maisons en banco au village. Jusque-là, ils vivaient sous des huttes en branchages [pohi], les mêmes qu’on va retrouver dans les champs éloignés, et qui serviront à protéger les cultivateurs de la pluie. Les premières défriches sont précédées d’un marquage des arbres qui jalonnent les limites du futur champ et de paroles prononcées par l’exploitant potentiel à l’endroit des génies, pour leur demander de libérer une place nécessaire pour que le cultivateur puisse « nourrir son ventre » (des moyens plus radicaux sont parfois utilisés, notamment lorsque le cultivateur a affaire à de « mauvais » génies [5]). Ensuite, l’exploitant, conformément au scénario déjà présenté à propos de l’installation d’un village, détermine, sur consultation de devins, une « tête » de champ sur lequel il va accomplir un premier [saraka] (offrande) avant de défricher. Chaque année, qu’il soit autochtone ou « étranger », il répétera cette offrande, avant les semis et après les récoltes.

La structuration foncière

14À l’installation d’un établissement humain, peu de temps avant la constitution de l’autel de la terre, le ou les fondateurs délimitent pour leur groupe de parenté un espace sur lequel seront installées les premières habitations et pratiquées les premières cultures. Sur l’espace ainsi délimité, ils se réservent un champ personnel : il est dénommé « champ du chef de terre » [ine kãtogo] si le fondateur est arrivé seul, « champ du plus âgé » [jarbao kãtogo] si l’établissement est fondé par plusieurs personnes non apparentées et le reste de la surface – appelée [sinte kãtogo], « champ du milieu » [6] – est cultivé par l’ensemble de ses dépendants (fils, neveux utérins, esclaves). Sur ces champs, les exploitants produisent d’abord des cultures « basses » (pois de terre, fonio, haricot, sésame) puis des cultures « hautes » (mils). Le [sinte kãtogo] peut être conservé en l’état ou être divisé, avant ou après la mort du fondateur. Si le fondateur a eu plusieurs femmes ayant eu chacune des enfants mâles, et si l’espace le permet, le [kãtogo] est divisé de manière à ce que chaque groupe de frères utérins [nãbiri], dès que leur aîné est marié, ait de la terre et puisse constituer sa propre unité d’exploitation. Cela permet au groupe fondateur de réduire les risques d’aléa moral liés au contrôle de la force de travail. Quel que soit leur nombre respectif, chaque groupe d’utérins recevra la même surface en partage du [sinte kãtogo], et cette surface servira à installer ses maisons, celles de ses dépendants et à pratiquer des cultures sous la responsabilité de l’aîné.

15Quelque temps après la première mise en culture des champs de village (généralement après plusieurs années d’installation et la fondation de l’autel de brousse), le fondateur aidé de ses dépendants crée également en brousse, par défriche, un premier champ familial appelé [ñamba] (« grand champ »). En même temps qu’ils défrichent le [ñamba], les exploitants posent les bases du [forba] (« chose commune »), structure foncière de niveau supérieur qui contient à la fois le [ñamba] effectivement cultivé et une certaine quantité de terres de réserve pour servir aux besoins ultérieurs d’une agriculture itinérante.
Quand le fondateur indique l’emplacement du premier champ de brousse, il ne définit pas un endroit précis mais une direction de culture que le groupe des exploitants suivra en épuisant progressivement les terres. Quelques années plus tard, la reconnaissance des villages environnants, l’établissement avec eux de réseaux d’alliance et de limites de chasse viendront marquer de façon définitive les frontières éloignées des [forba]. Ceux-ci apparaîtront comme le domaine commun des descendants en patriligne d’un groupe de frères, compris entre deux zones de culture, les champs ouverts les premiers près du village (« les terres du bas ») et les champs ouverts plus tard (« les terres du haut »), à la rencontre des terres défrichées par les villages voisins. Si ces [forba] sont vastes et en nombre important (un même groupe de frères peut en avoir créé plusieurs), il est généralement reconnu, à l’intérieur de ces domaines, des droits individualisés sur des jachères [yoru] issues de [ñamba] et de champs « individuels » créés par les producteurs ou les groupes de producteurs qui se sont constitués par séparation progressive des unités d’exploitation à partir du groupe de producteurs originel.

Symbolique de la terre de village et de la terre de brousse

16La distinction entre champs de village permanents et champs de brousse temporaires a été repérée depuis longtemps par nombre d’observateurs avertis du monde rural burkinabè [Barral, 1968 ; Capron, 1973 ; Savonnet, 1979 et 1986 ; Tallet, 1984 ; Hahn, 1997a et b]. Les analyses se sont cependant surtout concentrées sur la description de leur fonction dans le système de culture local et sur les changements récents que ce système de culture a subi sous l’impact de la production cotonnière. Dans beaucoup de cas, les auteurs notent que les champs permanents sont aujourd’hui totalement abandonnés, les agriculteurs ayant reporté en brousse la satisfaction des besoins en vivrier hâtif traditionnellement cultivé aux alentours du village [Jacob, 1998].

17Peu d’études ont abordé de front le problème des différences de conceptions et de droits relatifs aux deux domaines. La terre de village se présente, du fait des efforts (physiques et occultes) des fondateurs, comme une terre définitivement conquise par les hommes sur les génies qui en sont les premiers résidents et qui ont dû la fuir ou se réfugier à l’autel de la terre installé dans le village. Il s’agit donc d’une terre « neutralisée », ne recevant plus de sacrifices, manipulable et façonnable par les hommes qui peuvent la plier à leurs exigences. Les limites entre parcelles sont matérialisables à la houe, on peut utiliser la terre pour construire des maisons de banco, y planter des arbres fruitiers, la mettre en gage dans certains villages [7]… L’acte même de mise en culture des champs de village évoque une activité artisanale, à l’instar de la confection de la poterie ou du travail du fer, toutes industries qui ne peuvent se dérouler qu’au milieu des hommes [voir sur le sujet S. Dugast, 2002]. [kãtogo] vient de [kãg], « délimiter », « surveiller de près », « traquer » et [tugi] « user ». Le [kãtogo ] est cette surface délimitée, fertilisée par les déjections des hommes, sur laquelle la houe s’use à force de retourner constamment la terre [8]. Il est par excellence la terre des ancêtres, celle sur laquelle ils ont développé en premier leur emprise, celle dans laquelle ils ont été ensevelis et sur laquelle ils étendent en priorité leurs compétences « mystiques ».

18Par opposition, la terre de brousse se présente comme une terre toujours à conquérir qui, lorsqu’elle est travaillée, l’est de manière extensive, ne se délimite jamais directement avec un outil de fer [9] (on marque les arbres), n’est pas utilisable pour la construction de maisons en banco [10], pour la plantation d’arbres fruitiers [11]… C’est une terre dont il est dit qu’elle doit être perpétuellement renégociée avec les génies, ses propriétaires originels. Sa conquête, et la production qui s’en suit est donc assurée par la combinaison d’un travail physique intense (défriche) et d’un travail tout aussi intense et sans cesse renouvelé sur le plan religieux (offrandes, sacrifices, recherche de « médicaments » répulsifs).

19Nous ne pouvons développer ici une lecture (nécessairement durkheimienne [12]) de la religion, mais nous ferons l’hypothèse que la référence aux génies exprime la place que chaque exploitant doit réserver à un ordre social surplombant, naturalisé par le recours au sacré, ce qui permet de l’assimiler, comme le suggère Mary Douglas [1989, p. 47], à un véritable ordre du monde. Même si des droits individualisés sont distribués dans le cadre de l’exploitation des parcelles de brousse, ces droits restent subordonnés au pouvoir de la communauté des hommes, transcendé par celui des esprits.

20Les différences symboliques entre les domaines se manifestent également par la variation des règlements en cas de litige. Voici ce que dit par exemple un de nos informateurs :

21

Un conflit sur un [kãtogo], s’il n’est pas résolu, décime toute une famille, si celle-ci a tort… Il n’y a pas besoin de sacrifice à la terre ni de proférer des malédictions. Les ancêtres interviennent directement. Un conflit sur un champ de brousse, il faut le rite [sen kwe maguru] avant qu’il n’y ait des sanctions.
(Sougué Karfo, Boromo, 19/10/01)

22Sur une terre débarrassée de ses génies, la notion de maîtrise exclusive peut émerger, les prétentions au droit sur la terre des contemporains étant immédiatement confirmées ou infirmées par les ancêtres, c’est-à-dire par ceux-là mêmes qui ont été les acteurs ou les témoins des partages originels [13]. En brousse, les génies et notamment le premier d’entre eux, [nyimbi], finissent également par agir mais le seul fait qu’ils ont besoin d’être mis en branle par un rite prouve qu’ils ne défendent pas spontanément les droits des hommes sur une terre qu’ils continuent de considérer comme la leur et sur laquelle ils se nourrissent (des produits des sacrifices et des récoltes).
Le rite utilisé pour élucider la question de la possession d’une terre (ou le responsable d’un crime commis) en brousse, [sen kwe maguru] (lit. « terre/poulet/mesure »), est à la fois une ordalie et un acte de provocation destiné à les pousser à agir violemment. Dans le premier temps du rituel, le sacrificateur égorge plusieurs poulets, les positions prises par les victimes à leur mort (couchées sur le ventre, sur le dos, sur le côté…) permettant de répondre progressivement à une question : qui est le responsable de tel crime ? Qui est le propriétaire de telle terre ?… Le dernier poulet sacrifié, de couleur noire, n’est pas partagé de manière commensale mais enterré entier, avec ses plumes, couché sur le dos, après que sa tête ait été fracassée sur le sol. Son enterrement est accompagné de malédictions prononcées par l’officiant. En accomplissant cet acte qui rompt avec les procédures sacrificielles normales [14], les hommes poussent [nyimbi] à punir durement ceux qui ont rendu nécessaire, par leur mauvaise foi ou leur pure méchanceté, la mise en place du rite.

Origine et fonctions des droits

23Une fois la nature ordonnancée par des autels qui définissent des emprises juridico-symboliques d’intensité variable, un régime spécifique d’usage des ressources peut être mis en place. Il doit permettre, avons-nous dit, la réalisation d’une pluralité d’objectifs dont la conciliation n’est pas évidente : attirer les hommes, contraindre leur action collective et individuelle, aider à la construction d’une cité économique et politique… Est-il possible de les distinguer clairement et de reconnaître les formes sociales par lesquelles la société cherche à agir pour qu’ils puissent s’accomplir au mieux ?

24La philosophie européenne du xviie et xviiie siècle peut nous être d’un certain secours dans le cadre de cette analyse. D’une part, elle insiste (Locke, Bentham) sur le fait que le régime de la propriété privée a incontestablement un caractère incitatif puisqu’elle met au travail les individus, galvanise leurs énergies et les conduit au progrès en leur donnant les moyens de se réaliser. D’autre part, elle pose (Rousseau, Hobbes) que le rôle de la société est d’amener l’homme à perdurer comme espèce sociale, ce qui ne peut s’obtenir qu’en subordonnant les intérêts des individus à l’intérêt général, en limitant les excès auxquels mènent inévitablement une application trop unilatérale de la liberté d’entreprendre. Chaque individu pour accéder à un état général doit renoncer à écouter sa volonté particulière [Boltanski et Thévenot, 1991, p. 140-141]. Du point de vue pratique, ces positions sont contradictoires, dans la mesure où la première incite la société à donner aux hommes des droits individualisés aussi complets et nombreux que possible, tandis que la seconde cherche à les restreindre pour maintenir le bien commun. Est-il possible pour une société de concilier ces deux points de vue, d’intégrer les ressources naturelles dans un régime de propriété qui produirait simultanément du bien privé et du bien commun, de façon à bénéficier des effets positifs des deux systèmes : mettre en place des systèmes d’exploitation performants d’un côté, et obtenir une société durable de l’autre ? Beaucoup de sociétés rurales de l’ouest ou de l’est burkinabé nous paraissent entrer dans ce modèle. Les Winye combinent cette dualité juridique selon des arrangements divers en fonction des types de ressources naturelles qui sont mises en valeur.

25Voyons par exemple la distribution des droits de pêche en plaine inondée. Nous avions constaté dans une étude antérieure [Jacob, 2003] que les Winye faisaient la distinction entre deux régimes symbolico-juridiques distincts pour l’exploitation des ressources halieutiques.

26Ils distinguent en premier lieu une pêche se pratiquant en milieu naturel (n’ayant subi aucune mise en valeur) où l’accès à la ressource se fait à la suite d’un sacrifice effectué par le chef de terre ou le maître de l’eau, le sacrifice étant censé supprimer tout danger pour les pêcheurs qui pénètrent dans l’eau. Les mares qui sont l’objet de cette pêche ont un statut de communaux et même de communaux régionaux, d’accès libre pour un certain nombre de villages nommément identifiés. Conséquence de l’absence établie de risque dans l’extraction du produit, celui-ci ne peut pas être vendu, aucune redevance prélevée, le lieu ne peut pas être mis en gage… Le poisson capturé est remis par les pêcheurs à leurs chefs d’unité d’exploitation qui le réservent aux besoins de la production et de la reproduction familiale (nourriture des travailleurs des parties de culture, cadeaux aux groupes avec lesquels on souhaite contracter des alliances…).

27Ils distinguent en second lieu une pêche se pratiquant dans des domaines qui sont plus ou moins sortis de ce statut de communaux – avec des variations selon les villages – pour être utilisés comme moyens de production privatifs par des unités d’exploitation (marigots creusés, biefs de pêche) ou même par des cadets isolés (pêche de crue au filet à hameçons). La pêche se pratique à la suite d’une initiative individuelle ou de la création « à l’effort » d’un moyen de travail (digue, creusement de mare), sans qu’un sacrifice précède l’entrée dans l’eau. La reconnaissance de la prise de risque et du travail pour la capture du poisson entraîne, conformément à la théorie de la valeur travail lockienne, des droits forts et exclusifs sur la ressource et/ou l’ouvrage : vente libre du poisson [15], redevance en cas de prêt du lieu de pêche, possibilité de mettre en gage les biefs dans certains villages du nord Gwendégué.

28Pour la pêche, le double objectif relevé plus haut est donc réglé par la distinction dans l’espace de deux zones de production : dans la première zone, les activités relèvent essentiellement du bien commun (renforcement de la sociabilité entre villages) et accessoirement du bien privé (consommation des unités domestiques et renforcement de leurs liens matrimoniaux) tandis que dans la seconde zone, la pêche relève de l’univers de l’initiative individuelle et du bien privé, le numéraire et le moyen de travail étant gérés de manière libre par l’unité de production.

29Dans le cas de l’appropriation de la terre, la situation est un peu différente et il serait erroné de conclure, en référence à ce qui a été dit au chapitre précédent, que les champs de village sont aux biefs de pêche ce que les champs de brousse sont aux marigots sacrés. Certes, les mêmes catégories que celles qui ont été identifiées dans le cas de la pêche (effort, risque et sacrifice comme travail occulte visant à supprimer le risque) sont à l’origine des droits sur la terre. Cependant, il n’existe pas ici deux zones séparées, l’une astreinte à un régime de communaux et l’autre sortie de ce régime [16]. Toutes les terres, celles du village comme celles de brousse, doivent être considérées à la fois comme des terres communes et des terres privées, même s’il existe des différences dans le contenu des droits privés selon que l’on se situe dans le domaine de brousse ou du village. Les droits sur les [kãtogo] notamment, on l’a dit, sont beaucoup plus robustes et exclusifs que les droits sur les [yoru]. En plus des droits de production et d’administration minimum dont jouissent les producteurs sur l’ensemble du terroir, la société, au travers de ses cadres d’autorité, a sans doute jugé nécessaire de leur adjoindre, sur une partie au moins de l’espace, des prérogatives fortes, destinées à leur garantir des moyens de survie en cas de grande difficulté économique. On sait que les [kãtogo] servent en priorité à la production de cultures de soudure et peuvent être mis en gage (dans les villages du nord Gwendégué) pour faire face aux situations de détresse. À quoi sert en effet de vouloir une société pérenne si les unités qui la composent disparaissent à la moindre crise ?

30Le fait que, malgré les variations dont nous venons de faire état, il soit accordé des droits privés sur l’ensemble des finages, ne nous permet pas de conclure que cette allocation constitue l’horizon ultime du régime foncier local. Car l’usage de ces droits reste subordonné à des droits supérieurs, rappelés périodiquement, au fur et à mesure des besoins, par le chef de terre agissant au nom des intérêts de la communauté. La soumission de ces droits privés au droit commun s’exprime différemment dans l’espace :

  • en brousse, elle est en quelque sorte structurellement marquée par la présence de l’autel de la brousse mais surtout par l’obligation qu’a l’exploitant de sacrifier en début et en fin de saison agricole et par l’insertion physique des [yoru] dans des structures foncières de niveau supérieur (les [forba]), gérées par les plus âgés des groupes de descendance ayants droit ;
  • au village, elle se manifeste par l’obligation qu’ont les propriétaires de parcelles d’accepter la domination sans partage de l’autel de terre et les décisions qui sont prises en son nom par le chef de terre.
C’est par cette subordination des droits privés au droit commun que s’établit le primat de la société en tant qu’entité porteuse d’un projet de reproduction sociale élargie. Les axes principaux de ce projet peuvent être aisément saisis à partir des discours qui portent sur le contenu des droits privés. Ceux-ci, dit-on, doivent être suffisamment forts pour mettre au travail les producteurs, les encourager à instaurer des systèmes d’exploitation performants, mais ils ne doivent jamais l’être au point de faire obstacle :

31

  • au devoir de redistribution des producteurs vis-à-vis de la communauté ;
  • à la recherche de l’accroissement démographique et politique du groupe par accueil d’étrangers « utiles » [17] ;
  • à la transmission d’un patrimoine de ressources aux générations futures.
Comment s’exprime cette prééminence du bien commun au niveau des institutions locales ? Il y a d’abord, dans les villages qui possèdent beaucoup de terres, la conservation à l’intérieur des [forba] de réserves foncières soustraites le plus longtemps possible aux pressions pour leur mise en valeur, souvent parce qu’elles sont dites être sous l’emprise de génies redoutables. Il y a ensuite les restrictions normatives apportées aux droits privés : interdit général d’aliéner la terre de manière à conserver un patrimoine commun transmissible dans son intégralité, interdit, pour le domaine de brousse, de limiter le prêt (dont la fonction s’éclairera au travers de l’exemple décrit plus loin), de planter des arbres fruitiers… Il y a enfin, l’enchâssement des parcelles individualisées [yoru] et des droits qui vont avec dans les fonds de terre communs des [forba].

32Dans l’espace, cet enchâssement permet de rappeler de manière quasi-mnémotechnique aux unités d’exploitation qu’elles tirent leurs moyens de travail du support constitué par la propriété commune, et qu’elles restent astreintes, de ce fait, à un devoir général de solidarité vis-à-vis du groupe. Dans le temps, cet enchâssement apparaît comme une solution locale à l’exigence de prise en compte de deux histoires : celle des itinéraires fonciers individuels et celle, collective, inaugurée avec le groupe d’ancêtres pionniers. Du point de vue de la première histoire, la terre est un bien en quantité finie, utilisée par des producteurs au détriment éventuel d’autres producteurs. Du point de vue de la seconde histoire, la seule dont la prolongation puisse être légitimement invoquée publiquement, la terre est un bien commun dont la fonction est d’être accessible au plus de monde possible, génération après génération. Sa propriété ne se dissout donc jamais dans sa division ponctuelle à des fins d’exploitation [18].
Un rapport du ministère de l’Agriculture burkinabè analysant le matériel mossi insiste de manière très juste – bien que sous une forme assez maladroite – sur cette obligation que nous avons de prendre en compte la multiplicité des temporalités si l’on veut comprendre les représentations locales en matière foncière :

Pour remédier au problème du morcellement des terrains et de la gestion difficile en cas d’absence des ayants droit, beaucoup de paysans ont choisi de supprimer la voie d’héritage individuelle. Au moment du décès, les champs personnels retournent dans le pool géré par l’aîné [kasma] de la lignée [peende]… Cependant, la notion de « champ du père » [bapuugu] est disponible pour ceux qui cherchent leur indépendance vis-à-vis de la lignée et de l’aîné : les tensions qu’une telle personne pourrait entraîner encourageraient les autres membres de la lignée à admettre une division….
[Ministère de l’Agriculture, 1990, p. 114-115]
La terre doit donc rester fondamentalement un bien qui circule, un patrimoine dont la gestion ponctuelle par tel ou tel groupe individualisé [19], n’entame pas sa fonction primordiale dans le temps long : celle de « nourrir le ventre » du plus grand nombre possible d’ayants droit dans un avenir sans cesse renouvelé, en entretenant le souvenir du groupe de parenté auquel ils appartiennent tous, quelle que soit la dispersion actuelle des unités de production ayants droit. Après tout, à cette échelle temporelle, les velléités individuelles, les à-coups démographiques et politiques, finissent par s’estomper, sombrer dans l’oubli, la terre revenant cycliquement, comme l’eau ou comme l’air, dans le pot commun, disponible pour de nouveaux usages. C’était indubitablement la leçon de l’histoire que les Winye [20] pouvaient tirer en observant la dynamique de leur monde avant qu’il ne « s’artificialise », que l’insécurité ne cesse, que la démographie augmente, que l’individualisme devienne une valeur montante et qu’ils leur appartiennent de moins en moins d’apprécier seuls l’efficience de l’usage économique et politique qu’ils font de leurs ressources [Kouassigan, 1966, p. 105]. Ont-ils d’ailleurs véritablement pris acte de ces changements ? Du moins ceux-ci ne nous paraissent pas avoir comme effet de remettre en question le système dual de propriété pour le moment. Mais on constate souvent, en anthropologie, un décalage chez les observés entre les faits et leur intégration dans les représentations.

Le contenu des enchaînements droits/obligations : un exemple

33Comment, dans la mise en œuvre concrète des axes considérés comme essentiels dans une perspective de reproduction sociale élargie du groupe, s’organisent les dynamiques relationnelles entre les cadres d’autorité porteurs de l’intérêt commun et les détenteurs de droits privés ? L’exemple de l’accueil d’un étranger dont le village souhaite l’intégration parce qu’il vient renforcer la démographie d’un établissement humain considéré comme trop faiblement peuplé permettra de comprendre la logique qui préside à la définition du contenu des droits distribués et la théorie légale dans laquelle cette conception des droits s’insère.

34Le chef de terre – supporté par le conseil des anciens, c’est-à-dire en fin de compte sous pression des villageois – peut décider d’intégrer un tel individu – et sa famille –, au nom de l’intérêt général et de son intérêt propre, la croissance de la population étant considérée, dans le contexte ancien, comme un objectif socialement désirable, à la fois pour renforcer la communauté et pour améliorer la « nourriture » des aînés [21]. Comme le chef de terre ne dispose pas de réserves foncières, l’accueil ne peut se réaliser concrètement que sur les possessions d’un lignage autochtone. Le chef de terre l’imposera à celui-ci au nom de son statut d’officiant aux autels (de terre, de brousse) qui transcendent les droits fonciers de chacun des groupes autochtones présents. Les responsables du groupe de descendance auquel le chef de terre s’adresse auront donc l’obligation de subordonner leurs droits à cet accueil et de céder une parcelle de leur [kãtogo] pour l’installation des cases d’habitation de l’étranger. Ils devront même lui concéder la jouissance des terres qui entourent immédiatement ses cases pour qu’il puisse bénéficier du « droit aux déchets », c’est-à-dire de l’opportunité de profiter de la fertilité produite par l’épandage des ordures de sa maisonnée.

35En brousse, l’étranger se verra accorder un prêt de terre illimité sur le [forba] possédé par le lignage, car, selon la théorie locale, on ne peut prétendre accueillir quelqu’un si on ne lui fournit pas des moyens de production dans la durée. Chargé de lui indiquer une parcelle de culture en brousse, le chef du lignage possesseur du fonds de terre pourra tout au plus chercher à se protéger des risques de sélection adverse [22] en prêtant au nouveau venu d’anciennes jachères qui ont déjà été cultivées par ses ancêtres, de manière à ce qu’il ne puisse pas arguer de son effort de défriche pour se maintenir de force sur les lieux, en cas de rejet ultérieur de la part de la société. Le chef du lignage deviendra ainsi le logeur ou le tuteur de l’étranger, puisqu’il lui a concédé des terres à la fois en brousse et au village. Il est admis que c’est à la condition de lui avoir donné ces moyens de travail lui permettant de « nourrir son ventre » que la communauté peut être en droit d’attendre de l’accueilli un certain type de comportement. Il aura notamment le devoir d’investir sur place, c’est-à-dire de résider au village et d’adopter des attitudes socialement et économiquement acceptables, se faisant conseiller et rappeler à l’ordre, le cas échéant, par son tuteur [23].
Il ressort de ce récit extrêmement simplifié d’intégration que les droits qui sont distribués, aussi bien aux propriétaires coutumiers qu’au nouveau venu, sont des prérogatives sur des biens qui sont mis en relations bi-univoques avec des obligations sociales. Le chef de terre rappelle leurs devoirs aux détenteurs de terre et confère à l’impétrant des droits que ce dernier apprendra très vite à associer à des contraintes (d’avoir à se conformer aux « coutumes » locales). Dans les termes du débat tel qu’il est avancé par la « vieille » économie institutionnelle [W. Hohfeld, J. Commons ; voir sur le sujet, Bromley, 1989, p. 44-46], on pourrait dire que le pouvoir du chef de terre, s’appuyant sur la puissance des autels dont il est le sacrificateur, lui permet de produire le « bon vouloir » (liability) des propriétaires fonciers. Ce bon vouloir conduit ces derniers à admettre leurs obligations, contreparties des droits qu’ont obtenus leurs ancêtres mais dont ils ne peuvent nullement arguer pour s’opposer à un objectif socialement valorisé. De manière convergente, l’étranger à qui l’on confère des droits d’installation et de culture a un devoir de s’intégrer socialement au groupe. L’enchaînement des systèmes d’attente réciproque (pouvoir/assujettissement, droits/ obligations) permet au chef de terre de faire accepter aux autochtones des restrictions sur leurs droits et de faire de la place aux allochtones, dans un projet qui vise à les assimiler. Il s’agit de fabriquer du même avec de l’autre, dans une perspective de renforcement de la communauté. La pertinence de la définition des droits de propriété proposée par la « vieille » économie institutionnelle paraît bien confirmée. Les Winye reconnaissent des droits (ou des faisceaux de droits) sur les choses dans le sens de prérogatives opposables à des tiers (sinon comment assurer la quiétude minimum des procès de production ?), mais ils subordonnent dans les moments importants de leur histoire cette conception à celle qui voit dans les droits de propriété le moyen de définir des relations de responsabilité réciproque (des « relations jurales ») entre les hommes, rendues possibles par l’existence des choses.

Conclusion

36Toutes les sociétés se doivent de fournir à leurs membres un cadre de production satisfaisant. Le régime de propriété doit les inciter au travail, leur fournir des opportunités diversifiées de production (accès à des produits de cueillette et de chasse, activités pour s’assurer des revenus et de la nourriture), leur permettre de mettre en place un système d’exploitation adapté (en leur permettant par exemple d’utiliser la possession de la terre pour scissionner et régler les risques d’aléa moral), les protéger, le cas échéant, dans leurs droits contre des prétentions illégitimes. Pour réaliser ces objectifs, il faut que la terre ait un statut de bien privé.

37Toutes les sociétés se doivent également de persévérer dans leur être, de créer les conditions nécessaires pour assurer leur reproduction élargie. Elles obtiennent cette pérennisation par le maintien d’une économie morale globale qui comprend à la fois des devoirs de redistribution des producteurs, des obligations de justice intergénérationnelle et une ouverture à l’allochtonie parce qu’elle est, traditionnellement, la source essentielle de la croissance démographique et politique de la cité. Pour réaliser ces objectifs, il faut que la terre ait un statut de bien commun.

38On a montré que c’était l’emprise rituelle sur la terre qui fondait les conditions de possibilité de ce gouvernement des hommes, ancrant la matérialité de son pouvoir, sa « gouvernementalité » propre, sur la définition de cadres sociaux de production et de reproduction. Cependant, il convient d’insister sur le fait que cette emprise rituelle ne produit pas immédiatement ni forcément d’effets sur la gouvernementalité. Il y faut en plus des conditions objectives, qui renvoient aux remarques de Kopytoff à propos de l’importance relative du contrôle des hommes sur le contrôle des ressources dans les périodes anciennes de peuplement [24].
Dans certains villages winye du nord Gwendégué, quelques lignages possèdent des terres si exigües que le seul statut juridique qu’ils ont pu leur conférer est celui de bien commun. Ce sont des lignages arrivés très tard, dans des lieux déjà peuplés, et qui n’ont pu ni accueillir d’étrangers, ni pratiquer une politique d’incitation au travail par la distribution de droits privés à leurs membres. Les unités d’exploitation travaillent individuellement dans le [forba] lignager au fur et à mesure des disponibilités en terre sans que personne ne se voit reconnaître d’accès privilégié au [yoru] que lui même ou son père aurait cultivé auparavant [25]. Pour survivre, ils doivent emprunter également des terres sur les [forba] d’autres groupes. Ce sont les lignages les plus pauvres que nous ayons rencontrés dans le Gwendégué. À l’inverse, les traditions orales du sud Gwendégué font état de communautés installées anciennement sur des domaines si importants que la terre de culture était de facto d’accès libre et qu’elles ont dû fonder leur domination – cela a changé par la suite – sur des activités économiques et des autels d’une autre nature : des fétiches de chasse et de guerre notamment et l’organisation « régionale » de l’exploitation de la faune, voire des hommes [26]… Pour que l’organisation symbolico-juridique de la terre agricole puisse être à la base d’un projet de société, il faut donc que le domaine spatial dans lequel va se développer ce projet ne soit ni trop vaste ni trop restreint. La terre sous contrôle doit être en quantité suffisamment faible pour qu’une limite supérieure, un « nous » communautaire, puissent être définis. Mais, parallèlement, elle doit être en quantité suffisamment importante pour permettre le déploiement dans le temps des fonctions de production et de reproduction du groupe. Ces fonctions vont d’ailleurs se renforcer mutuellement, tout au moins pendant une première période : la pression foncière liée à l’accueil des étrangers et au croît démographique naturel va avoir des effets d’incitation sur la mise au travail de tous, le meilleur moyen de défendre ses droits sur l’espace étant encore de l’occuper, c’est-à-dire de le mettre en valeur [Rose, 1994]. Une cité politique qui réussit, c’est-à-dire qui se développe et qui est capable d’assurer la « bonne vie » à ses membres, est une cité dans laquelle la terre peut être présentée à la fois comme un jeu à somme nulle et comme un jeu à somme positive.

Notes

  • [*]
    Chargé de cours, Institut Universitaire d’Études du Développement (Genève). IRD, BP 182 01 Ouagadougou, Burkina Faso.
  • [1]
    Autels auxquels Kuba et Lentz ne font aucune référence.
  • [2]
    La description de ce génie noble chez les Winye est très proche de celle que fournit E. Tengan, à propos de son équivalent (Tie) chez les Sisala [1991, p. 39].
  • [3]
    S. Dugast, communication personnelle, 5/6/02.
  • [4]
    Ici, le chef de terre agit ici en tant que gestionnaire du domaine foncier d’un village disparu (celui du village de Kienbõ).
  • [5]
    Utilisation de [peh luo], piquets enduits de « médicaments » urticants plantés en terre.
  • [6]
    C’est-à-dire « champ au milieu duquel tout le monde se retrouve ».
  • [7]
    Il ne s’agit pas à proprement parler d’une mise en gage mais d’une mise en garde. L’opération n’est jamais forclose. Le bénéficiaire de la mise en garde ne dispose pas du pouvoir d’exiger le remboursement de l’argent prêté et celui qui met en garde sa terre conserve toujours le droit de la récupérer en remboursant le principal de la dette [voir sur le sujet, Coquery-Vidrovich, 1982 ; Cubrilo et Goislard, 1998, p. 338].
  • [8]
    Bayulu Zunda (Wibõ, 21/2/02).
  • [9]
    On ne peut utiliser la daba pour marquer la terre de brousse que dans deux situations : lorsqu’il s’agit de délimiter les portions de terre à cultiver par les différents participants d’une partie de culture collective ou lorsqu’il faut désigner les parcelles de culture des différentes femmes d’un même exploitant.
  • [10]
    Sauf exception. Dans le sud du Gwendégué, les propriétaires de bœufs peuvent construire des maisons en banco en brousse.
  • [11]
    Ni par les ayants droit, ni par les emprunteurs de terre. La plupart des enquêtes qui soulignent l’interdit auquel sont soumis les allochtones dans ce domaine oublient de préciser que les autochtones y étaient également assujettis, du moins traditionnellement.
  • [12]
    La lecture durkheimienne et l’idée du sacré comme ruse du profane [Augé, 1977, p. 68] est probablement la mieux adaptée pour comprendre les discours de nos informateurs au sujet de leur religion. Voici par exemple ce que nous disait un aîné lors d’une discussion : « la terre n’a pas de bouche pour parler aux hommes, Dieu n’a pas de bouche pour parler aux hommes. C’est l’homme qui parle à Dieu et à la terre pour leur présenter leurs doléances. C’est l’homme qui a créé Dieu et la terre pour donner un caractère sacré à la parole humaine. C’est ainsi que notre religion est née. Toutes les autres religions nous ont copié. C’est parce qu’ils nous ont copiés que le christianisme, l’islam, nous ont déclaré la guerre » (Boudo Obile, Nanou, 17/12/01).
  • [13]
    Le lien fort entre terre et ancêtres (on dit fréquemment dans le sacrifice « qu’ils sont la même chose ») interdit qu’on puisse utiliser les seconds pour empêcher un quelconque projet d’intérêt général.
  • [14]
    Celles-ci prescrivent d’égorger la victime, de donner sa chair aux hommes et son sang aux esprits, de prononcer des paroles conciliantes…
  • [15]
    L’usage du numéraire dépendra de la propriété du moyen de travail et de la propriété du travail lui-même. S’il s’agit d’une pêche de crue réalisée par un cadet de sa propre initiative, l’argent lui revient dans son intégralité. S’il s’agit d’une capture de poisson dans le cadre d’un bief de pêche hérité d’un père ou d’un grand-père, l’argent servira en priorité à régler les problèmes familiaux ou sera réinvesti dans l’achat de bétail.
  • [16]
    Il est aisé de comprendre cette différence. La terre étant une ressource majeure dont tout le monde est tributaire, il est vital qu’elle puisse être utilisée sans restriction pour que puisse se mettre en place un gouvernement des hommes, dans la double perspective identifiée ci-dessus. Par opposition, les ressources halieutiques ne représentent que des activités ponctuelles, dont la portée sociale est de moindre ampleur, ce qui permet d’expliquer la division spatiale des domaines, chacun d’entre eux permettant la réalisation d’une ambition particulière.
  • [17]
    Ou, actuellement, par l’accueil de projets de développement.
  • [18]
    On retrouve cette idée chez plusieurs auteurs. Ainsi, à propos des Mossi : « les biens collectifs représentent la perception qu’ont les autres des biens qu’un lignage particulier considère comme lui appartenant… » [Laurent, 2003, p. 259].
  • [19]
    Voilà qui permet de mettre en perspective les conclusions de J.-P. Olivier de Sardan et A. El Hadji Dagobi [2000] sur les biens publics villageois. Dans le cas des pompes villageoises au Niger, les auteurs concluent à l’existence d’un bien public sans gestion publique, mais ils ont l’air de faire de cette situation une « solution » ad hoc à un problème inédit. Nous croyons au contraire que le découplage bien public/ gestion privée est le modèle habituel de fonctionnement des sociétés rurales : c’est le cas pour la terre, mais aussi pour des biens comme un marché ou un puits, qui servent à tous mais pour lesquels, chez les Winye, il existe toujours des familles « propriétaires ».
  • [20]
    Ou les Mossi si l’on en croit l’extrait cité ci-dessus.
  • [21]
    L’accroissement démographique entraîne une augmentation des occasions de sacrifices et d’offrandes dont se nourrit le conseil des anciens.
  • [22]
    La communauté peut s’être trompée sur les qualités de l’étranger, qui peut se révéler à la longue n’être pas si « utile » que cela.
  • [23]
    D’où, pour les Winye, la difficulté d’accueil des migrants mossi, constamment accusés de ne pas « jouer le jeu », à la différence par exemple des Nuni.
  • [24]
    Ou de celles de M.-E. Gruénais lorsqu’il dit, à propos des Mossi, que la propriété de la terre n’a a priori aucun sens : « elle ne devient pertinente pour le pouvoir que peuplée d’individus qui acceptent la relation, laquelle est alors un lieu d’exercice de l’autorité » [1986, p. 290-291].
  • [25]
    Ceci est à rapprocher de la manière dont se règle l’héritage des biens meubles ou du bétail chez les Winye. Ils sont partagés quand c’est possible, de manière égale entre les différents groupes de frères utérins issus d’un même père. Cette pratique n’existe cependant que si les biens disponibles sont en quantité suffisante pour que le partage ait un quelconque intérêt : si ça n’est pas le cas, l’aîné des fils conserve la totalité du bien, mais doit le gérer dans une perspective maintenue de bien commun.
  • [26]
    Par le commerce des esclaves notamment.
Français

Résumé

L’article propose une analyse de la dynamique et des formes de production de l’ordre social chez les Winye du Burkina Faso, à partir d’une étude de la distribution des droits sur les ressources naturelles. Il montre que c’est à travers l’implantation d’autels liés à l’espace et d’un régime diversifié de la propriété faisant des ressources une possession à la fois commune et privée que se résolvent les questions d’action collective qui permettent la mise en place et la reproduction d’une société de la frontière.

Mots-clés

  • droits fonciers
  • construction politique
  • bien commun
  • action collective
  • Winye
  • Gwendégué
  • Burkina Faso

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Jean-Pierre Jacob [*]
  • [*]
    Chargé de cours, Institut Universitaire d’Études du Développement (Genève). IRD, BP 182 01 Ouagadougou, Burkina Faso.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2011
https://doi.org/10.3917/autr.030.0025
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