CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 « Fin 1978, guidé, depuis un pavillon de banlieue parisienne, par un énigmatique vieillard, dignitaire religieux à peu près inconnu jusqu’alors, un pays entier se soulevait contre une monarchie plus de deux fois millénaire. » C’est ainsi que Jean-Pierre Digard résumait les prémices de la révolution iranienne, dans les premières lignes d’un article qu’il publia en 1988 pour un numéro de revue consacré à l’anthropologie politique (Digard, 1988 : 783) [1]. Il reprenait l’idée, déjà fort répandue et commentée, de la surprise qu’avait causée la révolution pour le monde entier et, plus particulièrement, pour les chercheurs qui étudiaient l’Iran. Cette thématique de la surprise constitua longtemps l’entrée en matière de bien des travaux en sciences sociales sur le sujet. Comme le souligna également Yann Richard, la grande historienne Nikki Keddie elle-même n’avait pas pressenti l’événement puisque, quelques années avant la révolution, elle relevait l’originalité et la puissance du clergé iranien mais prévoyait que son pouvoir politique continuerait de décliner comme il le faisait depuis un demi-siècle (Digard, ibid., note 1 ; Richard, 1989 : 62) [2].

2 Le moment révolutionnaire, les racines qu’il fallait déterrer pour le saisir [3], les analyses et les conjectures à en tirer firent couler beaucoup d’encre, à commencer par celle des spécialistes qui, pris de court, voulaient reprendre leur copie. Dans le vaste chantier que fut l’objet révolution iranienne à partir des années 1980 se dégagèrent des approches disciplinaires, des thématiques et des débats qui continuèrent d’informer les questionnements des chercheurs qui se penchèrent ensuite sur l’Iran post-révolutionnaire. Si cette révolution ne fut pas seulement islamique ou khomeiniste (Ladier et Wahnich, 2014), ses autres composantes furent négligées tant il semblait urgent de la comprendre en tant que fait religieux. En effet, 1979 constitue une date charnière dans bien des études sur l’islam ou les mondes musulmans contemporains : il y a un avant et un après la révolution iranienne.

3 Les articles présentés dans ce volume ne reviennent pas sur ce moment mais sur ses effets et, surtout, traitent, comme autant d’exemples, de diverses manières dont se déploie le religieux dans la République islamique, entre les politiques religieuses impulsées par l’État et les arts de faire de la population. Bien plus, ils ne concernent pas seulement l’islam chiite duodécimain [4], qui est aux fondements de la République islamique, mais aussi d’autres confessions présentes en Iran et d’autres modes de croire ou de pratiquer. Réunir ces travaux permettait de faire le point sur un sujet, le religieux en Iran dans sa pluralité, qui est paradoxalement sous-étudié. Quarante ans après l’instauration de la République islamique, l’Iran reste un laboratoire d’idées, un réservoir de pratiques et un terrain d’observation fort riche susceptible de donner du grain à moudre aux sciences sociales du religieux. Cependant, la difficulté d’accéder au terrain ainsi que d’autres facteurs relevant de l’histoire des disciplines et du champ ont bridé les travaux. Il s’agit, en fait, de deux histoires, chaque milieu scientifique ayant sa propre histoire et ses contraintes ; celles des chercheurs iraniens diffèrent de celles des chercheurs de l’extérieur. Or, l’objectif de ce volume, qui regroupe des auteurs iraniens résidant en Iran et des auteurs résidant en France, aux profils et aux itinéraires variés, est de les mettre en dialogue et de les partager. Aussi convient-il, avant de présenter plus avant ce dossier visant à croiser les cultures scientifiques, de revenir à grands traits sur leurs spécificités respectives dans leurs approches des faits religieux en Iran.

Les faits religieux en Iran vus par l’Occident

4 Dès que l’on parle d’études sur l’Iran – voire d’« iranologie » [5] – en France, le nom d’Henry Corbin (1903-1978) est immédiatement évoqué. On n’osera s’attarder ici sur ce philosophe, historien de la philosophie islamique et, particulièrement, de la théosophie chiite – pour donner une présentation condensée et incomplète de l’auteur du monumental En islam iranien (Corbin, 1971-1972). Rappelons seulement que, s’il se situait dans une démarche phénoménologique davantage que contextualisante, Corbin n’en était pas moins un penseur de l’histoire et un homme de terrain. À partir de 1945, il séjourna régulièrement à Téhéran, notamment à l’Institut franco-iranien qu’il dirigea pendant vingt ans, et où il fonda un département d’iranologie (Nasr, Dabashi et Nasr, 1988 : 350) ; il entretint des échanges avec bon nombre d’universitaires, d’intellectuels et de clercs, dont le « savantissime » (allâmeh) Mohammad Hossein Tabâtabâ’i (1902-1981), exégète et professeur de théosophie. Une sorte d’« orientalisme transnational » (van den Bos, 2005), fondé sur la collaboration et la complicité intellectuelle. Henry Corbin côtoya des clercs qui se trouvaient au cœur d’une réflexion sur le religieux et dont certains, s’employant à réformer l’islam ou à le reformuler, participèrent à l’avènement de la révolution, mais il décéda avant l’événement.

5 La révolution n’était pas encore éclose que se préparaient des recherches susceptibles de l’éclairer, a posteriori. Il en allait ainsi, notamment, des travaux de Hamid Algar (Algar, 1969) et de Shahrough Akhavi (Akhavi, 1980) sur les relations entre les oulémas et le pouvoir, une thématique qui allait occuper longtemps les historiens de l’Iran et du chiisme iranien, puisque des clercs, Ruhollah Khomeini en tête, s’étaient saisis du pouvoir politique après le renversement de la monarchie pahlavi. L’étude de ces relations complexes, mouvantes en fonction des lieux et des périodes, donna lieu à des débats et à des controverses alors que les chercheurs se trouvaient mis en demeure de comprendre une situation inédite avec, notamment, l’irruption d’un ayatollah au plus haut niveau de l’État. Dans la même veine, se distinguent les travaux de Said Amir Arjomand (Arjomand 1984, 1988a, 1988b) auteur prolixe qui ne cessa, par la suite, d’explorer la question de l’autorité et l’articulation entre religion et politique dans le chiisme, dans une approche wébérienne, et de s’interroger sur cette république islamique souvent qualifiée de théocratie [6], qu’il décrit comme une « monarchie cléricale » (Arjomand, 2009 : 188 sq.). Parallèlement, les écrits des idéologues à l’origine de la révolution étaient publiés, décryptés (Algar, 1981 ; Dabashi, 1993 ; Rahnema, 2000 ; Martin, 2000). Cette production foisonnante s’interrogeant sur la révolution islamique, principalement en anglais, dont nous ne donnons ici qu’un aperçu à grands traits [7], relevait surtout d’une démarche historique, ou d’une sociologie historique, assorties d’une histoire des idées et des concepts. Néanmoins, des travaux anthropologiques étaient en cours dès avant la révolution.

6 Deux ouvrages s’appuyant sur des enquêtes entamées dans les années 1970 marquèrent le champ en proposant d’autres approches du clergé iranien. D’une part, From Dispute to Revolution (Fischer, 1980), de l’anthropologue Michael Fischer, fruit d’une immersion dans les milieux cléricaux de Qom et dans ses écoles religieuses, rend compte d’un système d’enseignement et de pensée propre au chiisme fondé non seulement sur l’acquisition d’un savoir et la maîtrise de sciences religieuses, mais aussi sur l’art de la dispute et du débat. D’autre part, The Mantle of the Prophet (Motahhedeh, 1985) s’appuie sur des témoignages pour retracer les tours et détours de l’itinéraire d’un mollah de Qom, « Ali Hachemi » [8], par un récit de vie entrecoupé de digressions qui plongent le lecteur dans l’histoire de la culture persane et du chiisme. Érudit mais limpide, ce livre hors norme qui se lit comme un roman éclaire la période de la révolution. Bien plus encore, alors qu’il ne comporte pas de notes et mentionne juste quelques indications bibliographiques, il est devenu un manuel des Middle Eastern Studies des universités américaines.

7 Il faut aussi signaler les travaux de Peter Chelkowski, pionnier des études sur les matérialités religieuses en Iran, les performances des processions d’Achoura et autres objets ou représentations, sans omettre le théâtre rituel du ta’ziyeh ; il a poursuivi ses questionnements dans le cadre de l’Iran post-révolutionnaire (Chelkowski, 1979, 1986 ; Chelkowski et Dabashi, 1999).

8 Cependant, peu de travaux en anthropologie religieuse avaient été lancés avant la révolution. En France, les « iranologues » ne manquèrent pas de s’intéresser à ce problème et on leur doit de ne pas s’être engagés dans une opposition stérile entre « orientalistes » attachés aux discours des élites religieuses et praticiens des sciences sociales. Ils tentèrent, dans le débat, de contribuer au décloisonnement des approches. En 1980, Yann Richard publia un premier livre qui, sans prétendre répondre aux questions soulevées par la révolution, donnait des clés en fournissant une histoire du chiisme en Iran, avec ses dogmes, ses acteurs et ses pratiques (Richard, 1980) ; ensuite, il revint sur le rôle du clergé, ses fonctions de prédication, ou certaines figures de clercs et d’intellectuels de l’Iran contemporain, avant de rédiger son fameux livre sur l’islam chi‘ite (Richard, 1983, 1989, 1990, 1991). Cependant, dès 1980, des anthropologues et des chercheurs qui n’avaient pas fait du religieux un axe de leurs travaux le prirent en compte dans leurs analyses de la situation iranienne. Christian Bromberger intégra le facteur religieux au nom de la nécessité d’une « interpénétration de toutes les dimensions de l’expérience », au-delà des dissensions entre « les tribus intellectuelles » sur la place à accorder à l’islam (Bromberger, 1980). Jean-Pierre Digard, qui avait déjà esquissé des « Perspectives anthropologiques sur l’islam » (1978), disserta sur le chiisme et l’État en Iran avant de défendre le recours à des approches anthropologiques pour comprendre la révolution iranienne dans un article au titre évocateur, « Des ethnologues chez les ayatollahs » (Digard, 1982, 1988). Des articles parurent dans la revue Peuples Méditerranéens, dirigée par Paul Vieille, qui publia lui-même un article sur les composantes essentielles à analyser, l’institution religieuse chiite (c’est-à-dire le clergé), la religiosité populaire, le martyre et la révolution, en reprenant les idées de deux auteurs majeurs pour la formation de l’idéologie révolutionnaire, Shariati et Motahhari (Vieille, 1981). Bien plus, il conduisit avec Farhad Khosrokhavar une enquête à base d’entretiens pour accéder au discours des « masses populaires », négligées par les chercheurs. Farhad Khosrokhavar poursuivit cette démarche consistant à introduire de la subjectivité dans l’analyse (Khosrokhavar 1993, 1997), avant de se concentrer sur le « chiisme mortifère » et la martyrologie.

9 Toutefois, les années 1990 virent émerger une nouvelle génération de chercheurs, dont Fariba Adelkhah, qui jeta un œil neuf sur la révolution en la regardant « sous le voile » et expliqua le fait, aujourd’hui communément admis par les chercheurs travaillant sur le terrain, que le port du voile peut être une voie d’accès à l’espace public pour les femmes. Elle rendit compte, également, de ces « séances » (jaleseh), réunions religieuses multiformes de femmes où le social se conjugue au religieux. Puis elle se pencha sur la modernité post-révolutionnaire, en abordant notamment l’institutionnalisation et la bureaucratisation du religieux en Iran (Adelkhah, 1991, 1998). La fin de la décennie 1990 vit l’accession de Mohammad Khatami à la présidence de la République. Dès lors, on s’interrogea moins sur ce que devait être une révolution religieuse (Shayegan, 1982) que sur la manière d’en sortir (Khosrokhavar et Roy, 1999), en constatant le désenchantement d’une utopie qui, au bout de vingt ans, s’était routinisée et ne convainquait plus les jeunes générations. Les doctrines de l’islam étaient reformulées par des acteurs non plus pour pérenniser la révolution, mais pour transformer le système. On se pencha sur les contributions des intellectuels ou des « intellectuels religieux » qui accompagnaient l’action du président réformateur, à commencer par Sorouch, ainsi que sur celles de clercs réformistes comme Kadivar, spécialiste du droit islamique, et Shabestari, qui prônait une « nouvelle théologie » (elm-e kalâm-e jadid) (Kian-Thiébaut, 1997 ; Khosrokhavar, 2001 ; Mervin, 2007 ; Richard, 2009 ; Mottaghi, 2012).

10 Quelques travaux anthropologiques virent le jour. Citons ceux d’Anne-Sophie Vivier qui s’ancrent dans un village près de Kerman pour montrer les transformations d’une société rurale à travers une fine approche du religieux, ou décrivent des pratiques dévotionnelles partagées entre chrétiens et musulmans à Ispahan (Vivier-Muresan, 2006, Vivier, 2007). Ceux de Fariba Adelkhah sur le jeûne du mois de ramadan entre public et privé, la relative désaffection des mosquées ou bien les pèlerinages, abordés dans un ouvrage sur les mouvements et les circulations des Iraniens, révèlent à la fois les transformations de la société, le poids des institutions et celui de l’économie (Adelkhah, 2000, 2009, 2012). Plus récemment, Sepideh Parsapajouh a montré le rôle des croyances religieuses dans la mise en place de l’ordre social d’un quartier auto-construit, puis les rapports entre diverses formes de religiosité populaire et la religion officielle prônée par l’État (Parsapajouh, 2016, 2019). Finalement, si l’on élargit le champ, on trouve peu de travaux empiriques s’emparant du religieux en tant que tel au sein de la société iranienne, depuis une décennie. C’est le cas de David Thurfjell lorsque, dans Living Shi’ism, il s’attache à une poignée de jeunes hommes affiliés au Basij (branche des Gardiens de la révolution), à Ispahan, et montre notamment la force de l’expérience rituelle et de l’émotion dans leurs pratiques (Thurfjell, 2006). D’autres ouvrages se fondent sur l’observation des pratiques chiites, comme ceux d’Azam Torab (Torab, 2006) et d’Ingvild Flaskerund qui s’intéresse en outre à l’imagerie populaire accompagnant les rituels (Flaskerund, 2010). En fait, le pouvoir de mobilisation de la mémoire de l’épopée des imams, particulièrement de la défaite de Karbala, ainsi que les rituels de commémoration et la martyrologie qui en découlent, constituent toujours un volet considérable des recherches sur le religieux en Iran (Aghaei, 2004). Néanmoins, au regard du développement des travaux concernant cette question réalisés sur d’autres terrains, elle demeure relativement sous-étudiée. Les ouvrages publiés par Pedram Khosronejad montrent que, pour traiter l’objet Iranian Shi’ism, il faut souvent déborder des frontières de l’Iran (2012a, 2012b). L’autre volet est le clergé, sujet très prisé par l’histoire et la science politique, comme on l’a vu plus haut. Là encore, des recherches se sont poursuivies, notamment celles de Mirjam Künkler sur les femmes savantes et leur formation dans des écoles religieuses désormais bureaucratisées (Künkler, 2009, 2019, Künkler et Fazaeli, 2011) et celles de Keiko Sakurai sur les transformations et l’internationalisation de l’enseignement religieux dispensé à la hozeh (Sakurai, 2004, 2012, 2015).

11 Toutefois, force est de constater que la production est en-deçà des attentes, faute de facilité d’accès au terrain. Bon nombre de chercheurs ont délaissé l’Iran, tels Mary Elaine Hegland qui a raconté comment elle avait quitté le pays après la révolution et avait dû déplacer ses terrains d’enquêtes vers d’autres pays (Hegland, 2004). Aussi, les chercheurs étrangers en sciences sociales se raréfièrent en Iran, particulièrement sur le religieux, au moment même où un champ de recherche était en train de se constituer dans les milieux académiques iraniens [9].

Les sciences sociales du religieux en Iran [10]

12 Aujourd’hui, une vive réflexion sur la place du religieux dans la société est menée dans les universités iraniennes, à Téhéran et en province [11]. Celles-ci comptent une soixantaine de départements de recherche et d’enseignement en sciences sociales dont les membres ont été formés pour partie à l’étranger (France, Angleterre, États-Unis, Inde, Malaisie) et pour partie en Iran.

13 Malgré des tentatives constantes d’islamisation des sciences sociales depuis le début des années 1980, ces travaux s’inscrivent principalement dans le champ de la sociologie et de l’anthropologie en s’inspirant de traditions scientifiques occidentales (Karl Marx, Georg Simmel, Max Weber, M. B. Hamilton, Joachim Wach, Peter Berger, Antony Giddens, Jürgen Habermas, Clifford Geertz) et, notamment, des écoles françaises (Auguste Comte, Émile Durkheim, Claude Lévi-Strauss, Raymond Aron, Pierre Bourdieu et, plus récemment, Danièle Hervieu-Léger et Jean-Paul Willaime), introduites progressivement en Iran à partir des années 1960 [12]. Toutefois, l’attrait pour une approche socio-anthropologique des faits sociaux liés au religieux est relativement récent. Il s’est développé dans le contexte d’une succession d’événements socio-politiques dont les acteurs firent intervenir, à des degrés différents, des doctrines ou des pratiques religieuses de l’islam chiite : l’instauration de la République islamique (1980), la révolution culturelle (1980-1983) et autres événements politiques depuis la fin de la guerre (1988) jusqu’aujourd’hui (voir plus haut). Chacun de ces contextes a eu un impact sur la manière dont le religieux était appréhendé dans la société comme dans les milieux intellectuels et universitaires et sur la lente conquête de la thématique religieuse par les sciences sociales.

14 Durant les années 1980, la religion est au cœur du projet de société défendu par l’ayatollah Khomeini. Ni Ouest ni Est, prône-t-il, mais l’indépendance totale est un idéal révolutionnaire qui ne sera atteint que par la purge des campus de tout élément anti-islamique. Les universités furent fermées afin de mieux les rapprocher du peuple et de l’islam (Sobhe, 1982 : 275-279 ; Sakurai, 2004 : 387 sq.), pour ne rouvrir que peu à peu. À partir de cette révolution culturelle qui prit fin en 1983 mais dont les effets sont encore visibles, le contenu des programmes en sciences humaines a été révisé et modifié, toute personne considérée comme incompatible avec les valeurs de la révolution a été exclue, la morale et les préceptes de la religion ont infusé le système de l’éducation et de l’enseignement supérieur (Paivandi, 2006). Des professeurs de la hozeh furent invités à enseigner à l’université certaines matières comme la morale islamique (akhlâq), l’histoire de l’islam, les connaissances islamiques (ma’âref-e eslâmi) ou les racines de la révolution islamique (risheh-hâ-yeh enqelâb-e eslâmi) ; les sciences humaines et leur islamisation firent débat. Les faits religieux ne pouvaient, théoriquement et pratiquement, être constitués en objet d’étude, car certains considéraient qu’ils étaient trop présents, trop brûlants pour s’offrir à un regard distancié, tandis que d’autres, estimant la religion supérieure à la science, ne se permettaient pas de l’envisager par des méthodes scientifiques (Jamshidihâ, 2018) [13]. Le nombre des enseignants de la faculté des sciences sociales de l’Université de Téhéran passa de 51 à 17 (Tavassoli, 2000 : 8). Par ailleurs, les bouleversements traversant la société, d’une part, et le conflit entre l’Iran et le monde extérieur ainsi que contre les courants intérieurs divergents, d’autre part, occupèrent les professeurs et les étudiants militants. Leur engagement aux côtés de la République islamique, dont ils soutenaient l’idéologie, les coupait de toute approche distanciée et critique.

15 À partir du milieu des années 1990, avec la stabilisation politique consécutive à la fin de la guerre, des avis divergents fusèrent au sujet de la reconstruction du pays. Les sciences sociales, limitées jusque-là à l’enseignement de la méthodologie et des théories classiques, furent requises pour traiter des problèmes propres à la société iranienne contemporaine, en se fondant sur des travaux effectués sur d’autres sociétés. Ce mouvement suscita une vague de traductions d’ouvrages majeurs, notamment par des enseignants de sciences sociales [14]. Par ailleurs, des enquêtes quantitatives du type surveys (sondages) commencèrent également à émerger à l’échelle nationale, reprenant les mêmes modèles que les sondages effectués avant la révolution afin de produire des estimations sur la situation sociale du pays [15]. Parallèlement aux politiques d’ouverture diplomatique et au pragmatisme politique à l’œuvre, la société prenait des distances avec l’idéologie et devenait la scène de changements de plus en plus manifestes. Ces changements attirèrent l’attention des sociologues qui furent aussi sollicités par diverses instances étatiques pour les expliquer. Dans les universités se tinrent des débats axés sur le thème central du « changement des valeurs » (taghyir-e arzesh-hâ), ouvrant des réflexions sur « les conflits entre tradition et modernité », « les voies du développement », « les possibilités de sécularisation », « le sens de la démocratie », « le rôle de la citoyenneté participative », « l’importance du pluralisme », etc. Les premières enquêtes qualitatives furent réalisées autour de problèmes sociaux comme l’hyper-croissance urbaine, les déplacements de populations et divers phénomènes qualifiés de « pathologies sociales » comme la pauvreté et l’inégalité sociale, le divorce, la toxicomanie ou la prostitution. Pendant ce temps, les anthropologues se penchaient sur l’étude des sociétés nomades ou des folklores régionaux, considérés comme des vestiges d’un passé précieux ou comme une forme d’identité originelle à préserver ; de nombreuses publications parurent sous l’égide du département d’ethnologie de l’Organisation du patrimoine culturel à Téhéran.

16 Il fallut attendre encore plusieurs années pour que les faits de société liés à la religion, devenue moins omniprésente, soient pris en charge par des chercheurs en sciences sociales. Les points de vue s’étaient multipliés, les aspirations sociétales diversifiées et une distance critique commençait à se mettre en place, grâce notamment à l’arrivée d’une nouvelle génération. Ainsi, depuis la fin des années 2000, avec les effets du mouvement réformiste, les faits religieux ont été discutés avec les moyens des sciences sociales et non plus seulement dans le langage idéologique et essentialiste des intellectuels religieux et des clercs eux-mêmes. Cette distanciation qui a concerné toute la société a ouvert la voie à des remises en question de la place, du rôle et de la définition même de la religion au sein de l’université publique.

17 Ce mouvement croisa une tendance émergente parmi les professeurs et les étudiants des séminaires religieux de la hozeh à s’intéresser à l’analyse sociologique des faits religieux. Nombre d’entre eux se sont lancés dans des études universitaires (en sociologie, en histoire ou en philosophie) pour suivre un double cursus, et certains même ont fini par abandonner les études religieuses au profit des études universitaires (Nikpey, 2014). Pour expliquer ce fait, il faut revenir à la révolution culturelle. L’ayatollah Khomeini, soucieux d’insuffler l’esprit de la religion au sein de l’université, avait encouragé « l’union » (vahdat) entre la hozeh et l’université publique et mis en place plusieurs instances chargées d’organiser leur rapprochement. Ce fut le début d’un mouvement d’islamisation des sciences humaines (Mervin, 2007 : 50-51). Vers la fin des années 1990, des professeurs d’université furent invités à leur tour (à une échelle beaucoup moins importante) à donner des cours de sociologie et d’anthropologie aux étudiants de la hozeh. C’est en partie et paradoxalement grâce à ces échanges que, dans les années 2010, des débats s’instaurèrent entre les chercheurs en sciences sociales et les religieux préoccupés par les phénomènes sociaux, autour de la religion en tant que fait social d’une part, de la société en tant qu’objet d’un « programme religieux » de l’autre.

18 À titre d’exemples, certains sujets de travaux universitaires illustrent quelques préoccupations de la recherche à la croisée des sciences sociales et des études religieuses : « Lecture sociologique de la création d’universités religieuses après la révolution. Le cas de l’Université de l’Emâm Sâdeq » ; « Discussion sur les obstacles à la croissance d’une sociologie de la religion en Iran » ; « Étude de la religion au miroir du système éducatif iranien » ; « Étude comparative des interactions entre le clergé et le marché, avant et après la révolution de 1979 » ; « Sociologie du clergé » ; « Le gouvernement et la crise identitaire de la religion dans la société iranienne », etc. Dans les débats suscités par ces sujets, les chercheurs se partagent eux-mêmes en deux groupes : d’un côté, ceux qui s’engagent dans une pensée sociologique et critique en s’appuyant sur des méthodes objectives et empiriques ; de l’autre, ceux qui sont ancrés dans un système de pensée fondé sur l’idéologie islamique, fermé à la critique, et dont l’objectif premier est de préserver la société contre la sécularisation. Ces derniers refusent les sciences sociales occidentales qu’ils accusent « d’athéisme » (elhâd) (Suzanchi, 2010), les jugeant « incompatibles avec les civilisations islamiques » (Haddad, 2010) et les considérant comme une menace pour la société musulmane (Kachu’iân, 2009). Plus concrètement, l’inquiétude de ces partisans des sciences sociales islamiques provient de questions comme : « La sociologie de la religion mettrait-elle en question la vérité de la croyance religieuse ? », « Une telle sociologie aurait-t-elle l’intention de nier la qualité révélée et théologique de la religion ? », « En faisant une telle sociologie, ne mettrait-on pas toutes les religions sur le même plan d’égalité et ne réduirait-on pas la religion à ses manifestations sociétales ? », « Comment peut-on distinguer entre la sociologie de la religion et la sociologie religieuse ou islamique? », explique Hassan Mohaddesi dans son article sur les « dualités » de la sociologie  de la religion en Iran (Mohaddesi, 2009) [16].

19 Le fossé entre ces deux pôles divergents (laïque ou distancié et islamique ou idéologique) est au centre des sciences sociales du religieux et la source des discussions les plus marquantes dans l’université iranienne depuis la révolution culturelle. Durant chaque période, elles prirent des intensités différentes, produisant des effets plus ou moins concrets sur le recrutement des professeurs et des chercheurs, sur la teneur des publications et sur les matières enseignées et leurs contenus. Par exemple, après une période d’épanouissement de la sociologie séculière et critique durant la présidence de Mohammad Khatami (1997-2005), les partisans de la sociologie islamique se renforcèrent durant la période de Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013) : un département consacré aux sciences sociales islamiques fut mis en place à la faculté des sciences sociales de l’Université de Téhéran. Les références théoriques des recherches conduites en son sein sont des penseurs musulmans de diverses périodes comme Molla Sadrâ, Fârâbi ou Allâmeh Tabâtabâ’i du côté iranien, et les œuvres d’islamologues comme Henry Corbin (traduites en persan) du côté occidental. Ces travaux sont axés sur des réflexions théoriques plutôt que sur des enquêtes de terrain.

20 Les méthodes quantitatives y occupent une place importante. Parmi les sociologues du religieux qui les utilisent, mentionnons Hossein Serâjzadeh, de l’Université Khârazmi (Téhéran) qui travaille sur les défis de la modernité (Serâjzâdeh, 2006) ; Alirezâ Shoja’izand, de l’Université de Tarbiyat Moddares de Téhéran qui réfléchit à la manière de recourir à ces outils pour mesurer la religiosité (Shojâ’izand, 2012) ; Armân Zâkeri, dans la même université, se fonde sur des données quantitatives pour produire des analyses sur les changements sociaux. Sur le même type d’objets, de plus rares chercheurs, comme Hassan Mohaddesi (Mohaddesi 2017, 2018), de l’Université Âzâd de Téhéran, Mehrdad Arabestani et Manijeh Maghsoudi de l’Université de Téhéran, ainsi que Jabbâr Rahmâni (Rahmâni 2018), défendent des approches qualitatives.

21 Face au système de croyance dominant, les sociologues séculiers se heurtent souvent à des obstacles qui rendent difficile la publication et la diffusion des résultats de leurs recherches empiriques. On peut y voir, peut-être, l’une des raisons pour lesquelles les recherches se concentrent sur des spéculations théoriques plutôt que sur l’analyse des réalités sociales [17]. Cependant, les débats, tensions et résistances sont très féconds. On compte aujourd’hui en Iran près de quarante mille étudiants en sciences sociales (de la licence au doctorat) et autour de deux mille chercheurs et enseignants, répartis dans diverses universités, écoles et instituts de recherche [18].

22 Divers lieux de réflexion et de recherche sont apparus aussi à l’extérieur de l’académie, comme l’Association des sociologues iraniens (Iranian Sociological Association) [19], où le « Groupe de la sociologie de la religion » fondé par Gholâmabbâs Tavassoli [20] et dirigé aujourd’hui par Nedâ Milâni [21] qui, avec près de soixante membres permanents, chercheurs et enseignants, constitue le plus actif des cinquante-deux groupes constituant cette association des sociologues. On assiste en parallèle à une effervescence de travaux d’étudiants, tous niveaux confondus, pointant le religieux comme un facteur incontournable, directement ou indirectement, dans une analyse anthropologique ou sociologique. De nombreux débats se sont cristallisés sur la définition du phénomène religieux : la distinction entre la religion (din), le fait religieux (amr-e dini), la religiosité (dindâri), la croyance (bâvar, e’teqâd), le sacré (qodsi) et le profane (orfi), ainsi que la division entre religion populaire (din-e mardomi), religion coutumière (din-e orfi) et religion institutionnelle (din-e nahâdineh) ou officielle (din-e rasmi), donnent lieu à de nouveaux concepts et à des néologismes.

23 Un autre lieu indépendant de discussions autour des sciences sociales du religieux est le « Cercle de la sociologie du chiisme » (Halqeh-ye jâmeh-shenâsi-ye shi’e) fondé et dirigé par Sarah Shari’ati [22] depuis 2010 avec près d’une vingtaine de membres permanents, chercheurs rattachés aux différentes universités. Ses membres ont mené de manière systématique divers projets de recherche, avec pour objectif principal d’introduire une nouvelle approche du chiisme en tant que fait social, par le biais d’enquêtes de terrain qui ont donné lieu à une dizaine d’ouvrages [23]. Mentionnons enfin un actif réseau indépendant de chercheurs en sciences sociales du religieux nommé Nashr-e Ârmâ (diffusion de Ârmâ), fondé en 2015 par Mohsen Hesâm Mazâheri [24], qui rassemble une dizaine de jeunes sociologues et historiens. Ils ont fondé une maison d’édition, reconnue par les universitaires, dont l’objectif est la publication des travaux scientifiques et empiriques sur diverses pratiques et croyances chiites.

24 Pour compléter ce tableau, il convient d’aborder le cas de l’Université des Religions et des confessions de Qom. Cette université dite « libre » (âzâd) fut créée en 1994 par des enseignants formés à la hozeh de Qom qui avaient aussi suivi un cursus universitaire. Leur projet était de fonder un champ d’études sur les différentes religions, mais aussi d’approfondir les sciences humaines d’un point de vue religieux, tout en se distinguant des études religieuses proprement islamiques. Cette université, désormais ouverte à d’autres profils d’enseignants, très active, forme des étudiants en master et doctorat dans quatre facultés : religions (adyân), courants islamiques (madhâheb-e eslâmi), études chiites (motâle’ât shi’i), études de genre (motâle’ât-e zanân). Deux autres sont en cours de programmation : langues et civilisations (zabân va farhang) et mystique (erfân). Cette université tend à s’ouvrir de plus en plus à des sciences humaines (histoire, philosophie et sciences sociales) et, dans la situation politique actuelle, elle est l’une des seules qui a réussi à développer des relations internationales avec diverses universités européennes, surtout en Allemagne et en Italie. Certains expliquent cette possibilité par le pouvoir et l’autorité de son président, Abolhasan Navvâb (1958-), un clerc engagé auprès de Mohammad Beheshti pendant la révolution et au début des années 1980 mais qui, depuis, a pris ses distances avec la politique.

25 Quelques événements récents reflétant la dynamique des réflexions dans le domaine des sciences sociales du religieux méritent aussi d’être mentionnés : le Congrès national des études en sciences sociales du religieux, tenu en avril 2015 à l’Université de Téhéran, a réuni quatre-vingts contributions et vingt-deux universités iraniennes [25]. Un autre exemple est le colloque intitulé « Le lien entre la mystique et la sociologie de la religion dans le contexte culturel de l’Iran » qui s’est tenu en 2017 à l’Université de Téhéran. Mentionnons enfin la parution depuis 2012 de la revue Études en sciences sociales de la religion aux éditions de l’Université de Téhéran.

26 La fraîcheur des réflexions menées sur la religion en tant que fait social, mais aussi et surtout les résultats des recherches empiriques sur une société où le fait religieux dans toutes ses dimensions est très présent, constitue aujourd’hui pour les sociologues et anthropologues iraniens un véritable champ de réflexion et de recherche. Comme nous l’avons vu, ils se sont nourris des grands textes des sciences sociales et se sont formés aux méthodes des différentes écoles. Ils respirent, pourrait-on dire, la même atmosphère théorique que les chercheurs en sciences sociales d’Occident et d’ailleurs, avec, comme nous l’avons vu, des problématiques et des grilles d’analyse propres à la société iranienne.

Présentation du dossier

27 Ce dossier est le fruit d’échanges menés depuis des années avec des chercheurs iraniens. Ils se concrétisèrent, en 2015, par des Journées d’études organisées en collaboration avec Sara Shariati (Université de Téhéran), tenues à Paris les 20 et 21 mars 2015 sous le titre « Le fait religieux en Iran. État des lieux de la recherche et perspectives de coopération ». Nous avons ensuite élargi le cercle et poursuivi les discussions dont cette publication est l’aboutissement. « Croiser les regards » nous a permis d’affiner nos propres perceptions, grâce aux échanges avec des chercheurs en prise directe avec le terrain. Bien plus, l’expérience a renouvelé les réflexions menées des deux côtés en confrontant des approches fort différentes, liées aux conditions de production des savoirs des uns et des autres. La sociologie iranienne, d’une part, se fonde plus volontiers sur des enquêtes quantitatives que sur des enquêtes qualitatives. D’autre part, nos collègues sont davantage portés à la réflexion théorique, et cela à partir d’œuvres classiques des sciences sociales, que sur la description des faits observés. Aussi avons-nous effectué, ensemble, un effort d’adaptation de leurs travaux. À cette difficulté s’est greffée celle de la traduction des articles où, là encore, il s’agissait souvent d’adapter plutôt que de traduire littéralement.

28 Pour en faciliter la lecture, ce dossier est divisé en deux parties auxquelles s’ajoute un épilogue. La première partie réunit des articles qui concernent l’islam chiite, religion officielle de l’Iran ; la seconde élargit le propos aux marges du chiisme et à d’autres confessions, à savoir le sunnisme et le mandéisme [26].

29 La première partie, intitulée « Pluralités au sein du chiisme », s’ouvre sur un article de Zohreh Soroushfar consacré à la politique mise en place par la République islamique concernant le calendrier. L’article montre comment l’État construit une mémoire collective en vue de fidéliser la population à son idéologie et à son éthique. Si l’usage politique du calendrier n’est pas un sujet nouveau (voir, par exemple, Chiffoleau, 2014), il n’a jamais été traité sur le terrain iranien. Parmi les dates clefs du calendrier religieux chiite figure celle d’Achoura, le 10e jour du premier mois de l’hégire, qui commémore le martyre du 3e imam, Hossein, tué avec une partie de sa famille et de ses compagnons à Karbala, en 680. Cette défaite fonctionne comme un mythe fondateur pour le chiisme et fournit des modèles à suivre : les membres de la famille sacrée, dont Fâtemeh, fille du prophète et épouse de Ali, le premier imam, les martyrs tués dans la bataille (particulièrement Hossein, son demi-frère Abbâs dit Abolfazl et ses fils), ainsi que la sœur de Hossein, Zeynab, l’héroïne de Karbala. Anne-Sophie Vivier-Muresan revient sur les commémorations d’Achoura, en comparant des observations effectuées dans deux milieux contrastés, l’un rural et l’autre urbain, pour saisir des changements survenus dans la société iranienne. Laetitia Fronval traite ensuite la question de la divination, ici la bibliomancie par le Coran, une pratique très répandue en Iran et dans les mondes chiites. L’article suivant est le résumé d’une enquête qualitative qui a fait l’objet d’un ouvrage sur la vie quotidienne des jeunes mollahs. Elle a été menée par Mahdi Soleimanieh dans les milieux des étudiants en sciences religieuses de Qom, ville sacrée qui est un peu la capitale religieuse de l’Iran [27]. Pour terminer cette partie, où le lien entre religion et politique est souvent en jeu, Agnès Devictor a été sollicitée. Par le biais du cinéma, elle avait étudié, à partir de la politique culturelle élaborée par la République islamique, comment s’agençait une vision religieuse du monde et une technique de gouvernement plus sécularisée dans les politiques publiques (Devictor, 2004). Ici, elle livre une analyse de deux comédies burlesques qui interrogent, pour l’une, l’espace sacré de la guerre et, pour l’autre, l’autorité du clergé et, plus largement, la manière dont les croyances populaires subvertissent le dogme.

30 La seconde partie s’intéresse aux marges de la religion dominante et aux frontières du pays. La contribution de Behnaz Khosravi étudie des groupes se rattachant à ce que l’on appelle les « nouvelles spiritualités », à Téhéran, qui s’émancipent du chiisme officiel, en quête d’autres formes de réalisation personnelle. Celle de Stéphane Dudoignon explore l’islam sunnite deobandi des confins orientaux de l’Iran, à savoir le Baloutchistan, et, surtout, l’histoire récente de ses interrelations avec le chiisme de l’État – sujet auquel il a consacré un ouvrage (Dudoignon, 2017). Toujours aux marges, cette fois à l’ouest du pays, les Kurdes sunnites font l’objet de l’article de Hawzhin Baghali qui s’interroge sur la politisation de mouvements religieux, en lien avec la défense d’une identité spécifique. Enfin, Mehrdad Arabestani nous emmène au sud de l’Iran et dans la vision du monde des Mandéens qui tentent de préserver leur identité spécifique, liée à leur cosmologie mais aussi à leurs rituels alimentaires.

31 Le mot de la fin, en guise d’épilogue, revient à Christian Bromberger qui évoque, en trois récits exemplaires, les paradoxes de la société iranienne tiraillée entre hyper-traditionalisme et hyper-modernité.

Notes

  • [1]
    Nous voudrions adresser nos vifs remerciements aux collègues qui ont généreusement accompagné et soutenu la réalisation de ce dossier : Mohsen Mottaghi, Amir Nikpey, Arman Zakeri, Christian Bromberger et Jean-Pierre Digard. Ce dossier doit aussi beaucoup à Marie-Paule Hille, notre interlocutrice privilégiée au sein de l’équipe de la rédaction des ASSR qui l’a soutenu avec beaucoup de patience et d’enthousiasme, et a accompli un travail inestimable pour sa réalisation. Qu’elle soit très chaleureusement remerciée. Les transcriptions des termes persans, qui suivent au plus près la prononciation, ont été harmonisées, hormis celles des trois derniers articles, contenant des termes d’autres langues, qui suivent les règles correspondantes. Les mots ou noms propres couramment utilisés ont été francisés.
  • [2]
    L’article de Nikki Keddie en question, "The Roots of the Ulama Power in Iran", parut en 1969 et fut réédité en 1973 et en 1985. Sans entrer dans les débats qu’il suscita, rappelons que Michel Foucault fut saisi par l’insurrection iranienne dont il témoigna en 1978, convoquant notamment la notion de spiritualité politique (Foucault, 2001 : 688-694).
  • [3]
    Voir notamment Keddie et Richard, 1981 et Keddie, 1983.
  • [4]
    Le chiisme duodécimain, appelé ainsi parce qu’il admet une lignée de douze imams, est la branche majoritaire du chiisme qui compte aussi le zaydisme, l’ismaélisme et quelques doctrines minoritaires.
  • [5]
    Le terme est utilisé en français mais aussi dans d’autres langues, ce qui met l’Iran et le monde iranien en position d’entité dont les caractéristiques sont assez fortes pour nécessiter des études dédiées, tout comme l’Inde ou la Chine, qui ont leurs indianistes et leurs sinologues.
  • [6]
    Olivier Roy, récusant les expressions faciles de mollarchie ou de régime clérical, parla de « théocratie constitutionnelle » (Roy, 1987 : 330).
  • [7]
    Pour plus d’informations sur la production scientifique sur l’Iran, en général, on se reportera avec profit à Abstracta Iranica (https://journals.openedition.org/abstractairanica/).
  • [8]
    Il s’agit d’un pseudonyme : Roy Motahhedeh s’est surtout inspiré de ses discussions avec un ancien mollah devenu universitaire dont il a voulu taire l’identité.
  • [9]
    Il ne faudrait pas oublier de mentionner des historiens impliqués sur le terrain, tels Denis Hermann ou Mathieu Terrier.
  • [10]
    La plupart des informations de cette partie sont issues d’observations et d’entretiens avec des collègues iraniens (sociologues et anthropologues) de diverses universités en Iran, qui ont préféré rester anonymes.
  • [11]
    Les universités iraniennes traitant des sciences sociales sont organisées en deux catégories principales : les universités publiques (dolati, littéralement : étatique) gratuites et prestigieuses, avec des concours d’entrée très sélectifs, et les universités privées (âzâd, littéralement : libre), payantes et plus facilement accessibles. L’évaluation chiffrée qui suit regroupe les deux catégories.
  • [12]
    Notons que la sociologie fut la première discipline des sciences sociales fondée en Iran, en 1940 (1319), par Gholâmhossein Seddiqi, après son retour de France à l’Université de Téhéran (voir, en persan, Ghoncheh-Arghavân, 2005 et Revue de l’Association iranienne de Sociologie, 2002).
  • [13]
    Les deux sociologues tenus pour les représentants de ce courant islamique en sociologie sont Hossein Kachu’iân (formé Angleterre) et Hamid Parsâniâ (clerc et docteur en sociologie de l’Université de Téhéran), tous deux professeurs à la faculté des sciences sociales de l’Université de Téhéran et membres du Haut conseil de la révolution culturelle.
  • [14]
    Parmi eux citons par exemple Mohsen Solâsi, qui traduit plus de 30 ouvrages de divers auteurs dont Alexis de Tocqueville, Antony Giddens, Hannah Arendt, Bronislaw K. Malinowski, Lewis A. Coser, Herbert Marcuse, George Ritzer, Samuel Huntington, Max Weber, etc. ; Baqer Parhâm, traducteur d’Émile Durkheim ; Nasser Fakouhi, qui traduit Charles Bettelheim, Pierre Bourdieu, Roland Barthes, Claude Rivière, David Le Breton, Jean-François Dortier, Marc Augé, Maurice Bloch. La liste exhaustive des traductions serait trop longue, mentionnons juste les noms d’autres auteurs comme Michel Foucault, Georg Simmel, Marcel Mauss, Margaret Mead, Edgar Morin, Guy Rocher. Enfin, la revue Arghanun, publiée à partir de 1994 sous la direction de Yusef Abâzari, Morad Farhad-Pour, Ali Payandeh, a publié à travers 27 numéros thématiques des articles traduits et commentés d’auteurs comme Heidegger, Simmel, Freud, etc. Elle a joué un rôle indéniable dans l’introduction de la pensée critique en Iran.
  • [15]
    Notons ici les travaux des deux fondateurs de la recherche quantitative après la révolution, Mohseni (2000) et Gudarzi (2003, 2004) et l’analyse qu’en a tirée ensuite Zakeri (2013).
  • [16]
    À ce sujet voir également : Zakeri, 2019 ; Débat de Mohaddesi et Shojâ’izand, 2017.
  • [17]
    Un autre facteur à prendre en compte est le fait que les recherches empiriques sont considérées comme moins prestigieuses que le maniement des grandes théories sociologiques. Sur ce point, voir Bromberger, 2018.
  • [18]
    Les chiffres sont approximatifs et datent de 2017. Ils ont été calculés grâce à l’aide des collègues iraniens.
  • [19]
    Cette association (http://www.isa.org.ir/) organise des débats et conférences quasi quotidiens, et publie deux revues scientifiques intégrées dans la classification internationale ISI : la Revue des études sociales de l’Iran (http://www.jss-isa.ir/) et la Revue iranienne de sociologie (http://www.jsi-isa.ir/).
  • [20]
    Gholâmabbâs Tavassoli (né en 1925), fut le premier titulaire de la chaire de sociologie de la religion à l’Université de Téhéran ; il est aussi l’auteur du premier ouvrage dans le domaine, La sociologie religieuse, 2001.
  • [21]
    Nedâ Milâni enseigne la sociologie et ses recherches portent sur la sociologie historique des confréries soufies de l’époque safavide.
  • [22]
    Sarah Shariati occupe la chaire de sociologie de la religion à l’Université de Téhéran, depuis 2005.
  • [23]
    Parmi ces publications citons : Razavi, 2018 ; Bahrâmi, 2017 ; Shari’ati [Shariati] et al., 2018.
  • [24]
    Mohsen Hesâm Mazâheri (né en 1982) est un sociologue et chercheur indépendant, auteur déjà d’une dizaine d’ouvrages historiques et sociologiques sur les pratiques chiites, dont notamment Le média du chiisme (en persan), 2008, ouvrage documenté de 600 pages qui a atteint sa 30e réédition en 2019, axé sur l’histoire et la sociologie des pratiques rituelles liées aux commémorations du martyre de l’imam Hossein.
  • [25]
    Voir les actes du congrès : Kolâhi, 2015.
  • [26]
    L’article 12 de la constitution stipule que le chiisme est la religion officielle ; l’article 13 reconnaît les zoroastriens, les juifs et les chrétiens comme minorités (https://www.constituteproject.org/constitution/Iran_1989.pdf?lang=en). Néanmoins, d’autres confessions minoritaires sont plus ou moins tolérées en Iran.
  • [27]
    Voir, sur Qom, une enquête qui dépasse les milieux cléricaux et s’intéresse à toute la jeunesse de la ville : Khosrokhavar et Nikpey, 2009.
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Sabrina Mervin
CéSor, CNRS – sabrina.mervin@ehess.fr
Sepideh Parsapajouh
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 30/03/2020
https://doi.org/10.4000/assr.49907
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