Article
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Si l’œuvre multiforme et provocante de Siegfried Kracauer (1889-1966) n’a reçu que très tardivement une reconnaissance hésitante de la part des historiens « professionnels », on peut en comprendre les raisons, sans pour autant abonder en leur sens : le penseur allemand, élève de Simmel et ami de Martin Buber, de Walter Benjamin, d’Ernst Bloch, réfugié en France puis aux États-Unis pour fuir la menace nazie, n’a jamais demandé à relever des légitimités institutionnelles et doctrinales qui confèrent à l’Histoire son statut de discipline à vocation « scientifique ». Mais il est infiniment plus surprenant que cette œuvre soit restée si longtemps méconnue des grands maîtres en sciences sociales, alors qu’elle s’inscrivait dans le prolongement, et l’amplification, des travaux de Simmel, et qu’elle ouvrait des pistes que la sociologie contemporaine, plus sans doute que la discipline historique proprement dite, redécouvre en partie aujourd’hui. La parution, en 1969, de l’ouvrage posthume de S. Kracauer, History. The Last Things Before The Last (Oxford University Press, réédité en 1997), ne concerna qu’à la marge les praticiens français de la sociologie, de l’anthropologie culturelle, et de l’Histoire. Il faut attendre sa toute récente traduction française par Claude Orsini (L’Histoire. Des avant-dernières choses, Paris, Stock, 2006, édité par Nia Perivolaropoulou et Philippe Despoix), pour que ce texte, que l’auteur n’eut pas le temps de terminer, prenne place dans les références majeures des historiens – ainsi qu’en témoigne l’introduction de Jacques Revel, « Siegried Kracauer et le monde d’en bas » (pp…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 01/06/2009
- https://doi.org/10.4000/assr.6002