Article
136-106
La lecture du Souverain moderne, immersion entre réel et imaginaire, donne le vertige, et c'est une entreprise périlleuse, peut-être même impossible, que de vouloir en rendre compte. Ce livre fait suite à un précédent ouvrage, La guérison divine en Afrique Centrale (Karthala, 2002). Joseph Tonda pratique une anthropologie dans laquelle « l'imaginaire n'est pas l'irréel, mais l'indiscernabilité du réel et de l'irréel » selon la formule empruntée à Gilles Deleuze. Il développe des concepts qui lui permettent de théoriser les violences inouïes dont l'Afrique centrale a été le théâtre. Il écrit de l'intérieur de cette situation, en ayant l'humilité de ne pas se placer au-dessus d'elle, décortique les concepts exprimés dans les langues des acteurs, se trouve lui-même amené à vivre la violence de la guerre comme au cinéma et c'est une des singularités de cet ouvrage : l'auteur de cette contestation radicale se déclare pris dans le principe qu'il dénonce.
Il explicite ses concepts dans une longue introduction dont la première phrase assène le sujet : « Une puissance hégémonique unique instruit et administre le rapport aux corps, aux choses et au pouvoir en Afrique centrale : le Souverain moderne ». Concept central de l'anthropologie politique de Joseph Tonda, le « Souverain moderne » (SM) ne désigne pas l'incarnation du pouvoir, le dictateur, bien que ce dernier y participe, c'est un rapport social qui englobe ses agents et ses victimes. « Son principe est la violence de l'imaginaire, violence du fétichisme », phrase-leitmotiv qui revient tout au long de l'ouvrage…
Auteur
- Mis en ligne sur Cairn.info le 01/06/2009
- https://doi.org/10.4000/assr.4062