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ADJEODA (Roger), Ordre politique et rituels thérapeutiques chez les Tem du Togo, Paris, L’Harmattan, 2001, 293 p., (glossaire) (préface de Bernard Hours) (coll. « Connaissance des hommes »)
Dans le paysage actuel de l’ethnologie, l’ouvrage rigoureux de R.A. mérite une attention particulière pour plusieurs raisons d’intérêt général, au-delà de son apport à la connaissance de l’Afrique actuelle à travers un groupe ethnique spécifique : les tem majoritairement musulmans. Tout d’abord l’auteur peut se prévaloir d’une origine tem et d’une nationalité togolaise (outre française), facteurs supposés inscrire un partage d’appartenance entre l’ethnologue et la société qu’il étudie. Cette identité postulée d’appartenance l’immerge immédiatement dans un débat central qui traverse toute l’histoire de l’anthropologie et qui a reçu des traitements idéologiques différents selon les périodes : la distance de l’ethnologue à son objet d’étude fut en effet édifiée en nécessité méthodologique jusqu’aux décolonisations et au rapatriement plus ou moins forcé de la recherche ethnologique sur la société française. Dès lors, dans ce nouveau contexte, la rupture symbolique du regard étranger fut en quelque sorte réinstituée sur un plan métaphorique, tout en débouchant souvent sur une culturalisation naïve des rapports de classe, évacuant la dimension sociologique des microstructures ethnographiées. Dans le même moment, ce basculement initia une légitimation dans « Tailleurs » (et l’Afrique en fut le premier lieu d’expérimentation) d’une autochtonisation des analyses : cette opération d’assignation du savoir ethnologique à l’origine – encourageant les chercheurs africains à étudier leur propre société – bénéficie toujours d’une certaine aura, en filiation dérivée avec un ancien courant ouvriériste désormais obsolète : l’épreuve de la souffrance de la condition partagée serait en soi productrice de vérité…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 01/04/2010
- https://doi.org/10.4000/assr.20729