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1Le 12 pluviôse an III (30 janvier 1795), six mois après la chute de Robespierre, le député de la Vienne Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, siégeant sur les bancs du Marais, demande à la Convention nationale d’ajouter une chaire d’économie politique à celles de la jeune École normale, ouverte seulement douze jours plus tôt. Cherchant à justifier sa proposition, il introduit une curieuse métaphore :

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« S’il m’était permis ici de personnifier une science, je vous représenterais celle de l’économie politique comme une sentinelle chargée de surveiller l’égalité des avantages entre les différentes parties de l’industrie, et de réclamer pour chacune d’elles ce qu’exige l’intérêt général. Eh bien ! Cette sentinelle, il faut la placer dans l’opinion publique et dans une masse de connaissances spéciales, recueillies par le génie, pour être soigneusement distribuées parmi les citoyens » [2].

3Dans le contexte d’un hiver glacé, marqué par la crise des subsistances, la flambée des prix et les réquisitions, la figure de la « sentinelle » sert d’abord à défendre les mesures libérales qui ont été adoptées au cours des mois précédents. Alors que le mécontentement des sans-culottes parisiens focalise l’attention des autorités, le député en appelle à une meilleure représentation des différents intérêts en présence. Comment établir un partage équitable, dans une république sans privilèges, entre les intérêts du peuple de Paris, ceux de l’industrie, et ceux de l’agriculture ? La question perturbe les cadres traditionnels d’une philosophie politique habituée à opposer la vertu des nations agricoles à l’égoïsme des nations commerciales. Elle fait écho aux réflexions de ceux qui, dans le sillage de Sieyès, tentent de montrer la possibilité de concilier l’exigence républicaine de vertu avec les principes du gouvernement représentatif et de la division du travail [3]. Alors que la société d’Ancien Régime, à travers la voix des physiocrates, privilégiait l’agriculture sur les autres formes d’activité, désormais toutes les « parties de l’industrie » doivent être traitées à égalité. En pratique, toutefois, la terre continue d’occuper un rôle central : non seulement l’agriculture reste la principale activité productive, mais la contribution foncière représente la plus grosse partie des revenus publics, et les travaux des champs sont perçus comme une école de vertu républicaine.

4C’est pourquoi la figure de la sentinelle trouve aussi une deuxième fonction. En indiquant un changement d’époque, elle sert à construire le mythe d’une « Terreur environnementale », caractéristique de la période antérieure au coup d’État du 9 Thermidor an II (27 juillet 1794), pendant laquelle l’impératif d’approvisionner le peuple parisien aurait conduit le gouvernement à ignorer les réalités agricoles des provinces [4]. C’est le sens de l’offensive, bientôt lancée en juin 1795 à la Convention par Creuzé-Latouche, pour abolir le décret du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) qui ordonnait le dessèchement de diverses zones humides. Accusant les jacobins d’avoir rompu les équilibres écologiques et sociaux de certaines de ces régions, il insiste sur la nécessité d’une connaissance intime de la géographie physique et humaine de chaque localité.

5Qu’est-ce que la « terre » ? Comment la « représenter », aussi bien politiquement, que comme objet de savoir ? Pour aborder ces questions, nous la définirons, non comme une réalité invariable, extérieure au monde social et politique, mais comme un assemblage, nécessairement instable, de réalités matérielles, de techniques productives, de règles de droit, d’affects sociaux, mais aussi d’idées politiques et de savoirs, images et représentations [5]. Après l’été 1794, les élites au pouvoir cherchent à redéfinir la terre d’une façon qui convienne à un régime républicain en attente d’une nouvelle constitution. En promouvant l’économie politique en janvier 1795, le député de la Vienne espère que cette science, une fois dotée de tous les moyens de surveillance qu’offre la puissance publique, jouera le rôle d’une sentinelle permettant au législateur de « voir » le territoire et les activités productives, comme devrait le faire un état républicain [6].

6Nous découvrons, depuis quelques années, que l’économie politique fut une science du regard. Plusieurs travaux, suivant les propositions des visual studies, ont proposé d’en étudier les productions savantes – diagrammes, cartes, courbes, équations ou tableaux – comme des objets visuels indissociables de leur « style » particulier de raisonnement, qu’il soit physiocratique, marginaliste ou néolibéral [7]. L’image de la « sentinelle », que met en avant Creuzé-Latouche, s’inscrit dans cette longue histoire. Si le souci de la topographie et de la visualisation de la terre ne se résume aucunement, ni à la France ni à la période révolutionnaire, y prêter attention peut permettre d’apporter un éclairage nouveau sur un moment particulier de l’histoire intellectuelle, politique et environnementale de la notion de « terre ». Après Thermidor, en effet, les élites républicaines au pouvoir sont à la recherche d’une nouvelle façon de décrire les différentes activités économiques, afin de répondre aux besoins du gouvernement représentatif. Dans ce contexte, la topographie apparaît comme un savoir essentiel, permettant de réconcilier différentes rationalités au premier abord contradictoires. À travers la recherche d’une forme de topographie adaptée à chaque « partie de l’industrie », c’est indissociablement un style de description et un style de gouvernement qui semblent s’affirmer [8].

7Le cas de Creuzé-Latouche, qui servira ici de fil directeur, offre un observatoire privilégié pour analyser l’émergence de cette nouvelle configuration de savoirs concernant la terre. Né en 1749, issu d’une famille de commerçants enrichis par la vente des biens nationaux [9], celui-ci a été lieutenant général de la sénéchaussée de Châtellerault avant de devenir député du Tiers à l’Assemblée nationale où, marqué par les idées de Turgot [10], il se spécialise sur les questions économiques et financières. Élu à la Convention, où il est membre du Comité des colonies, il s’impose au lendemain du 9 Thermidor, rejoignant le Comité de salut public, le Comité d’agriculture, et surtout la Commission des Onze (à partir d’avril 1795) chargée de rédiger la nouvelle constitution. À ce dernier titre, il participe à la rédaction de la Constitution de l’an III aux côtés de Boissy d’Anglas, Cambacérès, Daunou, La Revellière-Lépeaux et Sieyès. Sous le Directoire, il deviendra membre de l’Institut national des sciences et des lettres (au sein de la classe des sciences morales et politiques, section d’économie politique) et député au Conseil des Anciens, puis au Conseil des Cinq-Cents.

8Tout en suivant l’itinéraire politique et intellectuel de ce personnage, cet article présente d’abord le nouveau statut de la terre dans une république où la propriété foncière a perdu ses privilèges. Puis, à partir de l’exemple de la critique du décret du 14 frimaire an II sur les marais et les étangs, il examine la recherche d’une nouvelle rationalité topographique en économie politique dans le courant l’an III. Dans une dernière partie, il met en lumière les enjeux politiques de l’action que mène Creuzé-Latouche en faveur des zones humides : mettre la future Constitution de l’an III en harmonie avec l’environnement naturel est aussi une façon de défendre les intérêts des propriétaires terriens.

Républicaniser la « terre »

9« Qu’est-ce donc que cette terre, contre laquelle vont toujours se reporter les troubles inséparables des révolutions » [11] ? Aucune réponse ne semble plus aller de soi en 1795. Qu’on l’envisage comme un astre (notre planète), comme une substance matérielle (le sol), comme une source de richesse, ou encore comme un territoire national, la « terre » n’est plus ce qu’elle était.

10Depuis l’adoption du calendrier républicain, en octobre 1793, la trajectoire de la planète Terre parmi les astres gouverne le temps politique [12]. En choisissant la « décade », en préférence à l’ancienne semaine chrétienne de sept jours, les républicains ont fait du globe une réalité morale, que renforce leur intérêt croissant pour l’histoire de l’astronomie, de l’astrologie et du culte des astres venu d’Égypte [13].

11Mais c’est aussi la perception de la terre, envisagée cette fois comme substance matérielle, qui a évolué. Les travaux de Lavoisier, partant du principe de la conservation de la matière, conduisent à la concevoir, non plus comme une entité fixe, mais comme un ensemble de flux que l’on peut quantifier [14]. Avec le renouveau de la « théorie de la terre », le sous-sol fait également l’objet d’une attention renouvelée de la part d’un pouvoir politique qui affirme son souci de faire l’inventaire des richesses minérales de la nation [15]. Dans le même temps, le sol est devenu, du fait de la résistance matérielle qu’il offre au cultivateur, l’objet d’un apprentissage moral aux vertus régénératives [16] : l’agriculture sera bientôt promue, sous le Directoire, comme une solution privilégiée à la tension apparemment insurmontable entre la vertu républicaine et les inégalités qu’instaurent inévitablement le commerce et les arts [17].

12Troisième rupture, la place de la terre et de l’agriculture dans la vie économique a également été révolutionnée. Sous l’Ancien Régime, les agronomes avaient tenté d’affirmer leur vocabulaire et leurs principes [18], tandis que les physiocrates ouvraient un grand débat sur la liberté de commerce des grains [19]. Pendant la période jacobine, et surtout pendant l’année 1793, toutes ces tentatives pour dégager une science de la production agricole sont mises en suspens du fait du contexte politique : comme l’écrit Reynald Abad, « l’idéologie [triomphe] dans une large mesure de l’agronomie ». Afin de justifier le dessèchement des étangs de pisciculture, par exemple, les promoteurs du décret du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) n’hésitent pas à en faire les symboles de la tyrannie des deux premiers ordres de l’Ancien Régime, quitte à occulter les analyses patiemment accumulées, depuis la fin du xviiie siècle, par des savants tels que l’abbé Rozier ou Philibert Varenne de Fénille [20].

13Si Creuzé-Latouche n’intervient pas encore sur cet épineux problème des zones humides, il se trouve confronté à des enjeux proches à propos des prix agricoles, une question sur laquelle il tente de s’imposer comme expert. Ancien premier magistrat d’une ville d’entrepôt, il a promu dès 1785 le principe de libre circulation face aux plaintes des habitants qui soupçonnaient les marchands de spéculation [21]. Devenu député du Tiers-État, il lance une statistique novatrice sur les prix agricoles régionaux pour le compte du bureau des subsistances [22]. Celle-ci lui sert de base pour s’opposer en février 1793 au projet d’établir un maximum du prix des grains, finalement adopté par les lois de mai et septembre 1793 [23]. Contre une politisation jacobine de la terre, qui consiste à privilégier les intérêts des sans-culottes, le député de la Vienne cherche à se présenter comme le représentant des savants, un héritier de Turgot et des principes de la physiocratie.

14C’est encore cette posture qu’il cherche à incarner en mars 1795. Répondant à une proposition de l’ancien montagnard Didier Thirion, il met alors en garde contre l’erreur qui conduirait à taxer exagérément l’agriculture :

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« Les terres sont-elles en effet des sources naturelles, où l’on n’ait qu’à puiser les productions comme l’eau ? C’est bien ainsi que les considèrent et l’ignorance sauvage du vandalisme, et l’insensée fiscalité des despotes et de leurs courtisans ; mais l’expérience de tous les pays, et surtout du nôtre, doit détruire sans retour cette erreur » [24].

16Agent « purement passif », qui ne rend qu’en raison de ce qu’il reçoit, la terre « n’est, en dernière analyse, qu’un instrument, un outil, un vrai métier de mécanicien, qui attend que l’homme le mette en mouvement », et dont les produits dépendent des dépenses et du travail qu’on y met. C’est là un principe bien établi par les physiocrates : le produit net dépend des avances réalisées en amont. Contrairement aux autres parties de l’industrie, ces avances supposent une grande patience car, dans le cas du blé par exemple, il faut au moins deux années de travaux, avances, préparatifs et sacrifices pour qu’il se reproduise ; et dans le cas des bestiaux, des vignes, arbres fruitiers ou bois, l’attente est plus longue encore [25].

17Une façon de promouvoir ce point de vue « savant » et antijacobin sur la terre consiste aussi à rappeler qu’elle est devenue un enjeu financier nouveau. Depuis la création des assignats, et du fait de l’importance cruciale de la nouvelle contribution foncière dans les revenus publics, il est essentiel d’en maintenir la valeur vénale afin de contenir les taux d’intérêt. En l’an VII, Creuzé-Latouche s’en prendra à la commission néojacobine, chargée de prévoir les recettes et dépenses de l’année suivante, en soulignant l’importance de la terre, pour les finances publiques d’un pays comme la France. « Dans l’état actuel, tous nos travaux en finance », expliquera-t-il, doivent poursuivre deux objectifs : assurer les rentrées des contributions, mais aussi, ce qui revient quasiment au même, « relever la valeur des terres, afin de faire baisser l’intérêt de l’argent » [26].

18Toutes ces évolutions, qui ont modifié la perception du globe, du sol et de l’agriculture, découlent des événements de 1789. Sous l’Ancien Régime, la terre était vénérée comme source de statut social autant que de richesses. Sa définition commence à évoluer dès l’abolition des privilèges et la mise à disposition des biens du clergé, respectivement le 4 août et le 2 novembre 1789 – deux mesures que Creuzé-Latouche a soutenues comme représentant du Tiers. Alors que l’imaginaire de la terre était traditionnellement associé à l’idée d’un âge d’or – Quesnay pensait que les principes de la physiocratie avaient déjà été formulés dans la Chine ancienne – la dé-féodalisation révolutionnaire marque une rupture irrémédiable entre le passé et le présent. La terre devient désormais un territoire politique, un périmètre à l’intérieur duquel les mêmes lois s’appliquent à tous, expression de la souveraineté nationale.

19Non seulement la propriété foncière n’est plus source de statut social, mais elle est mise à égalité avec les autres formes de propriété. Alexandre Vandermonde, professeur d’économie politique à l’École normale de l’an III, l’affirmera haut et fort dans ses cours du printemps 1795 : la propriété foncière n’a pas plus de noblesse ni de droits que la propriété de ses propres talents, si bien qu’en république un chanteur est un propriétaire à part entière [27]. Cette idée est si importante que Creuzé-Latouche, en tant que membre de la Commission des Onze, a voulu l’inscrire dans la Constitution. Invoquant la mémoire de Benjamin Franklin, il demande au début de l’été 1795 qu’il soit du devoir de chacun, pour avoir droit de cité, non seulement de savoir lire et écrire, mais également d’avoir été formé dans une « profession mécanique » [28]. La Constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795), qui restreint le corps des « électeurs » à environ 30 000 notables, élus par des assemblées primaires de citoyens, entérine néanmoins cette conception. Elle prévoit que, par l’instruction publique et dans un délai de moins de dix ans (d’ici l’an XII), chaque citoyen aura conquis son indépendance et sa propriété par la maîtrise d’une profession.

20Dé-féodaliser la terre, déclarer l’égalité entre toutes les propriétés, sans donner de statut particulier à la propriété foncière, doit avoir pour effet de créer un nouveau type de société civile qui forcera le législateur à une réflexivité sociale sans précédent, le conduisant à mobiliser de nouveaux savoirs de gouvernement [29]. Dans une telle société, aucune place ne sera plus laissée à ces « misérables passions qui fermentent dans les cours », sur lesquelles reposait tout l’Ancien Régime [30]. Les affects proprement républicains, que la Déclaration des devoirs s’attachera bientôt à énumérer [31], sont fort divers. La libre poursuite de son propre intérêt, bien sûr, mais aussi la probité, le respect des lois, une éthique de la réciprocité, la passion jalouse de l’égalité des droits et la haine des privilèges, telles sont les vertus, tant publiques que privées, qui contribueront à redéfinir la subjectivité républicaine.

21Cultiver ces vertus aura des effets importants sur tout le corps social. En république, par exemple, toute loi qui ne respecterait pas « l’égalité des avantages » entre tous les citoyens serait condamnée à échouer [32]. Le propos est ici nettement anti-jacobin. Qu’il analyse la loi du 6 germinal an III (26 mars 1795) sur les ascendants d’émigrés, qu’il aborde la fiscalité ou la question des emprunts forcés, le député de la Vienne en revient toujours à la même idée : le sentiment de l’injustice abolit la confiance dans les institutions, ce qui a des effets dévastateurs et immédiats sur les activités économiques. Stigmatiser une partie de la population – en l’occurrence, frapper les plus riches – affectera la circulation du numéraire et les prix des denrées, puis l’assiette fiscale, la valeur des propriétés foncières, et finalement le crédit de l’État.

22L’égalité de droit vient donc avec l’acceptation des inégalités de fait. Critiquant la politique néo-jacobine, à la fin du Directoire, Creuzé-Latouche expliquera : « La haine envers les richesses a été légitime, lorsque les richesses n’étaient accumulées que par des faveurs et des privilèges injustes […] [m]ais maintenant que […] nous avons fondé notre nouvel ordre social sur l’égalité des droits, et sur un respect égal pour toutes les propriétés [,] retrancher les possesseurs des richesses du grand corps du peuple, est une violation du pacte » [33]. Il convient toutefois de distinguer de telles inégalités, que produit une société jalouse de l’égalité des droits, de celles que l’on trouve au sein de ces oligarchies commerciales où dominent les « désirs purement ambitieux ». C’est le cas en Angleterre, comme ce le fut avant la Révolution dans ces régimes, « si improprement nommées républiques », qui existaient en Suisse, aux Pays-Bas ou encore à Gênes et Venise [34].

23Car, à l’inverse de ces oligarchies, une république commerciale n’a pas le culte des richesses. L’économie politique de Creuzé-Latouche ne se donne pas pour objectif le seul enrichissement, mais plutôt la construction et l’entretien d’un cadre de vie à la fois matériel, moral et institutionnel, conforme à l’intérêt général, et permettant de favoriser les sentiments républicains. Cet idéal d’une écologie républicaine s’affirmera bientôt dans différents domaines, de l’architecture à l’urbanisme en passant par la gouvernance urbaine et le commerce international [35]. Le projet d’une « égalité des avantages » entre les différentes activités et intérêts, en janvier 1795, en déjà une expression.

24C’est pourquoi, pour Creuzé-Latouche, il n’existe pas de faits purement « économiques » [36]. À une époque où le syntagme d’économie politique ne s’est pas encore imposé, et où il coexiste avec ceux d’économie publique, civile, rurale ou industrielle, la science économique désigne encore une science générale du gouvernement. Plutôt qu’un stock de connaissances bien délimité, elle est une façon de se « placer » dans la « masse des connaissances spéciales ». Elle vise à penser ensemble, et non pas séparément, l’agriculture, le commerce et l’industrie, puisqu’« aucun de ces objets ne se présente au législateur comme un objet simple, qu’il puisse traiter isolément ni directement » [37].

25Une telle approche constitue un défi pour le gouvernement des comités [38]. Alors que la Convention a compartimenté les domaines de la législation en distinguant un Comité d’agriculture et des arts, un Comité des finances, un Comité d’instruction publique, etc., l’économie politique telle que l’envisage Creuzé-Latouche s’attache à les prendre tous en compte. Ainsi la prospérité de l’agriculture ne devra pas se décider seulement au sein du Comité d’agriculture. Puisqu’elle est liée « à une infinité de rapports de lois diverses, d’opérations, de mœurs et d’opinions, dont il importe de démêler et de suivre jusqu’aux dernières conséquences » [39], elle suppose des lois, une fiscalité, une diffusion des connaissances qui se décident dans d’autres comités.

26Dans le contexte révolutionnaire, la terre, que l’on croit connaître parce qu’elle « a le malheur d’être toujours en place et toujours en vue » [40], a donc changé de nature. Alors que les opinions s’opposent sur les façons de la mettre en république, il apparaît nécessaire de porter sur elle un regard neuf. La « sentinelle » qu’est l’économie politique républicaine doit apprendre à porter sur chaque branche d’industrie, industrie ou agriculture, le regard qu’il convient.

Styles topographiques

27Il existe déjà au xviiie siècle une tradition topographique bien établie chez les promoteurs d’une économie politique habituée à emprunter aux sciences de la nature, à la géographie ou à la statistique [41]. Dès 1790, Creuzé-Latouche expliquait qu’on ne pouvait se contenter d’une connaissance agrégée de la France, et qu’il fallait partir de monographies locales. Sa topographie de la région de Châtellerault présentait le sol et le climat, les activités et les mœurs des habitants [42]. Mais le genre de la topographie économique n’est guère défini. Comment collecter les « connaissances spéciales » et les faits particuliers ? Jusqu’à quel point doivent-ils être standardisés afin d’être mis en série et comparés ? De quelle façon doivent-ils mettre en valeur la singularité géographique de chaque lieu ? Doivent-ils prendre la forme d’un tableau à colonnes, ou suivre le modèle plus littéraire des topographies médicales ? Doivent-ils consister en quantités matérielles, ou en descriptions des besoins et des activités ? Le Comité de salut public, et surtout la Commission d’agriculture et des arts et manufactures, l’une des douze commissions exécutives fondées le 12 germinal an II (1er avril 1794), ont dû improviser une réponse à ces difficiles questions [43].

28En l’an III, cette dernière lance un projet de « géographie industrielle » dans son Journal des arts et manufactures[44]. Il s’agit d’organiser « la réunion des connaissances relatives au nombre, à l’importance et à la distribution sur le territoire des établissements industriels, tels que manufactures, fabriques, etc. ». Cette statistique d’un type nouveau repose sur une double nomenclature : d’une part celle de toutes les espèces de fabrique existant en un lieu (« À l’article Rouen, par exemple, on trouvera désignation de tous les genres d’industries pratiquées dans le district de Rouen. »), d’autre part la liste alphabétique des noms de tous les genres d’industries, suivie de celle des districts où ces genres d’industries sont pratiqués (« Par exemple, sous le nom aciérie, on trouvera l’indication de tous les districts où l’on fabrique de l’acier. ») [45].

29Dans ses cours d’économie politique à l’École normale, au printemps de l’an III, Vandermonde opposera les approches quantitatives inspirées de Lavoisier ou de Lagrange, et les approches plus qualitatives sur lesquelles porte son propre enseignement. Alors que l’arithmétique politique s’occupe de comptabiliser des matières, l’économie politique s’intéresse à l’organisation du travail et à sa juste répartition entre les régions et les individus [46]. Il s’agit moins de mesurer des quantités que de saisir des proportions afin d’articuler entre eux des mécanismes complexes : « Nos nouvelles machines politiques sont des ouvrages compliqués qu’il faut étudier avant de les juger. Elles ressemblent, dans plus d’un sens, aux ouvrages modernes de l’horlogerie » [47].

Figure 1

Un style topographique original : la « géographie industrielle »

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Un style topographique original : la « géographie industrielle »

Sur ce document tiré du troisième numéro du Journal des arts et manufactures (page 385), figure le tableau des « objets industriels » de Lyon. La nomenclature montre l’insertion des différents districts industriels dans l’espace national et européen. Ici le district agricole de la « Campagne de Lyon » reste sans commentaire.

30Plutôt que de suivre une approche seulement arithmétique, on peut ainsi saisir la singularité d’un lieu en reconstituant son « horlogerie ». À l’automne 1794, Vandermonde a déjà donné un exemple de ce style topographique dans un rapport sur les fabriques et le commerce de Lyon [48]. Dans ce mémoire, présenté devant le Comité de salut public le 15 brumaire an III (25 octobre 1794), il relie la vocation industrielle de Lyon à sa position géographique au confluent du Rhône et de la Saône, à la rencontre du Nord et du Midi. Mais il n’entre dans aucune considération sur la nature des sols ou le climat. Pour comprendre le fonctionnement de la « machine » lyonnaise, il préfère chercher ce qui a pu la gripper en s’intéressant à l’influence de l’assignat sur les mœurs et les activités. Il décrit aussi la machine industrielle lyonnaise comme une forme de division du travail dans laquelle chaque activité prend une part variable dans la population, les revenus et les échanges.

Figure 2

La « machine » économique lyonnaise selon Vandermonde

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La « machine » économique lyonnaise selon Vandermonde

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Les trois tableaux ci-dessus proposent une représentation proportionnelle des activités, des exportations et des partenaires commerciaux de l’industrie lyonnaise. À une époque où le diagramme circulaire (ou « camembert ») n’existe pas encore (il est introduit par William Playfair en 1801), Vandermonde utilise des symboles arithmétiques : on voit ainsi que les soieries, qui n’emploient qu’un cinquième de la population totale, représentent la moitié de la valeur totale de ses objets exportés depuis Lyon.

31De façon complémentaire à ce projet de géographie industrielle, la Commission d’agriculture et des arts réfléchit aussi à la constitution d’une statistique d’économie rurale. Or l’agriculture ne se prête pas au même style topographique que l’industrie mécanique, notamment parce que les conditions du sol et du climat y jouent un rôle important. L’ancien directeur de la Feuille du cultivateur, Jean-Baptiste Dubois de Jancigny, qui fut emprisonné avant le 9 Thermidor, joue ici un rôle décisif. Ses Vues générales sur l’amélioration de l’agriculture en France, présentées à la Commission d’agriculture et des arts en l’an III, s’ouvrent par le décret du 28 fructidor an II (14 septembre 1794) sur les moyens à prendre pour vivifier l’agriculture. Pour mettre en œuvre cet objectif incontestable, le mémoire met en tension deux approches. D’abord le gouvernement doit faire rédiger par les meilleurs savants des Instructions sur divers objets fondamentaux, de l’usage des terres aux engrais en passant par le soin des bestiaux, le choix des céréales ou des plantes potagères. Puis, partant de la prémisse que les mêmes instructions générales ne peuvent s’appliquer avec la même efficacité, en tout temps et en tout lieu, la deuxième approche consiste à envisager chaque objet en mettant en avant « les circonstances et les localités ». Pour chaque département, on collectera diverses informations sur les chemins et canaux, usines, marchés, débouchés pour la vente de différents produits, etc. Ces informations contribueront tout autant que les instructions générales à définir une figure du cultivateur inséré dans un milieu économique. La connaissance ne saurait consister en un simple « coup d’oeil », écrit Dubois [49]. Afin de collecter l’information nécessaire, il envisage de distribuer un questionnaire complet couvrant le climat, puis l’ensemble des pratiques agricoles et d’élevage. Les réponses aux questions seraient ensuite examinées et vérifiées par des agents du gouvernement, puis analysées afin de guider l’action du législateur.

32Dubois fixe un questionnaire, mais ne détaille pas la façon dont les réponses aux questions seront utilisées. Cependant le cas des étangs et marais, autour desquels un débat s’engage après Thermidor, semble offrir une bonne illustration de sa méthode. Un document essentiel est ici le Rapport général sur les étangs, écrit par Rougier-Labergerie pour le Comité d’agriculture en décembre 1794, mais signé par Berthelot, l’Héritier et Tissot [50]. À partir d’une critique du décret jacobin sur les dessèchements, du 14 frimaire an II (4 décembre 1793), l’auteur y montre les limites des règlements trop généraux, aveugles aux spécificités locales. Quelques mois plus tard, le 14 prairial an III (2 juin 1795), Creuzé-Latouche prend la parole à la tribune de la Convention pour présenter un rapport du comité d’agriculture, sur la même loi, dans lequel il reprend les réflexions de Rougier-Labergerie [51]. Le « dirigisme » jacobin y est décrit comme aveugle aux équilibres naturels, et par conséquent aveugle à une partie de l’intérêt général. Afin de s’opposer à une économie rurale trop peu respectueuse des localités, il évoque les « lois de la nature qu’on ne méconnaît pas impunément » [52]. Dans ce discours, qui aboutira à l’abrogation de la loi quelques jours plus tard, le 13 messidor an III (20 juin 1795), Creuzé-Latouche insiste sur l’importance de la connaissance topographique en économie rurale. Le législateur doit fonder son action sur cette compréhension intime des lieux, et non sur une simple lecture des cartes.

33Selon Rougier-Labergerie, les auteurs du décret du 14 frimaire an II ont fait l’erreur de raisonner à partir de la seule carte des Cassini, ce qui les a conduits à exagérer l’importance des étangs et des marais sur le territoire [53]. En dépit de sa précision géométrique, explique-t-il, les techniques de dessin adoptées sur cette carte donnent l’impression d’une omniprésence des étangs sur le territoire. Pour corriger l’illusion produite par ces images, l’agronome publie, à la fin de son rapport, un tableau du nombre et de la superficie des étangs dans chaque département [54]. Formé à la fois par l’observation directe et par le calcul, ce « tableau des quotités » en démontre la faible emprise territoriale.

Figure 3

Extrait de la « Carte particulière des pays de Bresse, Bugey et Gex », sous la direction de MM. Cassini de Thury, de Montigny et Camus, 1766.

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Extrait de la « Carte particulière des pays de Bresse, Bugey et Gex », sous la direction de MM. Cassini de Thury, de Montigny et Camus, 1766.

34Creuzé-Latouche souligne de même, dans son discours à la Convention, l’incapacité du gouvernement jacobin à interpréter correctement, « sur les cartes particulières de la France, la quantité des terres couvertes par les étangs » [55]. On est resté sous l’emprise d’une doctrine agronomique en faveur des dessèchements qui, élaborée sous l’Ancien Régime, n’a triomphé qu’avec la Révolution, quand la lutte contre les étangs est devenue une lutte contre la « tyrannie des seigneurs », les « anciennes lois féodales » et les « fantaisies superstitieuses des ecclésiastiques et des moines ». Mais, en devenant un symbole politique, cette doctrine agronomique a pris les allures d’un nouveau dogme [56]. Afin de pouvoir « examiner de sang-froid » la situation agricole de la France, il convient de « se demander la raison de l’inégale distribution des étangs placés sur la surface de la France », et de les expliquer en adoptant une échelle d’analyse qui permette de prendre véritablement en compte les « différentes qualités du sol » et les « dispositions de la nature ».

Figure 4

Tableau extrait du Rapport général sur les étangs du 5 nivôse an III (25 décembre 1790), imprimé par la Feuille du Cultivateur sur 133 pages

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Tableau extrait du Rapport général sur les étangs du 5 nivôse an III (25 décembre 1790), imprimé par la Feuille du Cultivateur sur 133 pages

Dans ce texte écrit par Rougier-Labergerie, mais signé par Berthollet, l’Héritier et Tissot, un tableau conclusif propose une pesée globale des étangs au 14 frimaire an II. L’objectif n’est pas cartographique : plutôt que de localiser, il s’agit de montrer que la quantité des étangs n’est pas aussi grande qu’on ne l’a cru en décembre 1793. Ce tableau de quotités se fonde d’une part (tableau de gauche) sur des observations des agents en mission ou des administrations centrales dans 18 départements, d’autre part (tableau de droite) sur un calcul estimatif du nombre et des surfaces, issu d’une comparaison entre les observations directes et la carte de Cassini, afin de les extrapoler aux 52 autres départements. Précédant ce tableau publié sur une double page, la quasi-totalité du rapport se fonde sur une analyse qualitative de réclamations contre le décret du 14 frimaire an II, regroupées sous la forme de topographies départementales. Ce tableau sera repris peu de temps après par Gruvel dans l’article « Étang » du volume sur l’Agriculture de l’Encyclopédie méthodique, dirigé par Tessier et Thouin en l’an IV (tome 4, p 338-339).

35Rougier-Labergerie et Creuzé-Latouche ne se contentent pas de souligner les limites des cartes « géométriques », déjà critiquées depuis longtemps pour leur faible attention aux logiques socio-économiques [57]. L’essentiel du mémoire du premier, fondé sur son expérience d’agent en mission [58], consiste en une présentation raisonnée des plaintes adressées au comité contre le décret du 14 frimaire an II, et classées par département, faisant entendre la voix des propriétaires locaux. Dans l’arène de la Convention thermidorienne, le second reprend les mêmes citations mais leur donne une signification politique supplémentaire [59]. La topographie permet de confronter le législateur aux conditions concrètes de l’application des lois agricoles. Mettant en scène sa fonction de représentant du peuple, le futur membre de l’Institut oppose, au regard unilatéral du gouvernement jacobin, son propre souci de faire entendre la voix des propriétaires et cultivateurs des cantons et des départements dans un gouvernement constitutionnel en train de se construire.

Voir comme un État républicain ? L’œil des propriétaires

36Selon James Scott, les États « voient » leur territoire à leur manière propre, ignorant certains aspects de la réalité des habitants, ce qui peut conduire à l’échec de leurs politiques [60]. Par leur souci commun de rendre compte des singularités locales dans l’économie publique, Dubois, Vandermonde, Rougier-Labergerie ou Creuzé-Latouche s’inscrivent dans ce que Jean-Claude Perrot a décrit comme « une sorte d’insurrection intellectuelle post-thermidorienne contre Paris » [61]. Dans un contexte de centralisation renforcée [62], cette insurrection cherche bien moins à marginaliser Paris qu’à modifier le regard de la capitale sur le territoire national. Si nous savons que les jacobins de l’an II n’ont jamais cessé d’observer les localités ni d’en prendre en compte les préoccupations [63], il s’agit, après Thermidor, de présenter la période précédente comme excessivement centralisatrice et dirigiste [64]. Pourquoi les législateurs jacobins n’ont-ils pas vu des singularités régionales qui étaient pourtant visibles et bien connues ? Et, s’ils les ont vues, pourquoi les ont-ils ignorées ?

37Depuis l’échec de l’insurrection du 1er prairial an III (20 mai 1795), les sections jacobines qui ont envahi la Convention en demandant « du pain et la Constitution de 1793 » sont affaiblies, mais le spectre d’un gouvernement révolutionnaire dominé par les passions des sans-culottes parisiens hante les élites thermidoriennes au pouvoir. Au moment où il prépare son rapport du 14 prairial an III (2 juin 1795), Creuzé-Latouche participe d’ailleurs aux réflexions constitutionnelles de la Commission des Onze. Celle-ci doit présenter le résultat de ses travaux à la Convention le 5 messidor (23 juin). La Constitution dite « de l’an III » est adoptée après six semaines de débats, le 5 fructidor (22 août). Afin de mettre fin à la période du gouvernement révolutionnaire, il est prévu que celle-ci favorisera un meilleur équilibre des pouvoirs, en particulier entre centre et périphérie, et qu’elle créera les conditions d’un gouvernement plus éclairé du fait de la nouvelle place faite aux institutions savantes et à l’instruction publique [65].

38Dans ce contexte constitutionnel exceptionnel, le décret jacobin du 14 frimaire an II sur les dessèchements, qui doit être discuté par la Convention thermidorienne dans le courant de juin 1795, est abordé comme un exemple démontrant l’urgence d’une nouvelle constitution. Quelques semaines avant l’ouverture des débats à la Convention, le 16 floréal an III (24 avril 1795), Jean-Baptiste Dubois envoie à Creuzé-Latouche, pour l’aider dans la rédaction de son rapport, un « Extrait de différentes lettres » adressées depuis plusieurs endroits depuis le 14 frimaire an II. Par les plaintes qu’expriment ces documents, explique-t-il, se mesure bien le risque d’un affaiblissement du pouvoir exécutif central. Un exemple lui paraît particulièrement révélateur de l’importance des plaintes contre la loi sur les dessèchements :

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« Tu sentiras, par la lecture de l’arrêté pris par le district de La Tour-du-Pin, combien il est urgent que la Convention prononce définitivement sur cet objet, pour ne pas laisser aux autorités constituées de prétextes de suspendre, de leur propre mouvement, l’exécution des lois, ce qui n’est excusable sous aucun point de vue » [66].

40Dans ce district du département de l’Isère, où 460 arpents sur 600 ont été desséchés, on a entrepris dès le 7 pluviôse an III (27 janvier 1795), par un arrêté, de remettre en eau et de rempoissonner « ceux des étangs desséchés » qu’il paraît « plus avantageux de conserver dans leur premier état que de les cultiver » [67]. L’illégalité est flagrante : depuis la chute de Robespierre, les étangs fragilisent le pouvoir exécutif.

41Se conformant aux analyses de Dubois, le rapport de Creuzé-Latouche fait de la loi sur les dessèchements une illustration de la « Terreur environnementale » instaurée par le gouvernement révolutionnaire. La « loi » du 14 frimaire an II, « quoique préparée et rédigée par des hommes remplis de zèle pour l’agriculture, et pénétrés de l’amour du bien public », n’en a pas moins, « été rendue sous les auspices lugubres de cette tyrannie nouvelle qui comprimait la vérité dans toute la République ». Dans la description qu’en fait Creuzé-Latouche, celle-ci ressemble à une véritable anarchie d’experts. À l’époque où le décret avait été adopté, en effet, « le sort de l’agriculture et les plus pressants besoins de la société » étaient « représentés, non pas par l’organe des propriétaires, ou de quelques individus, mais par celui des corps administratifs de districts et de départements, des conseils généraux des communes, des experts, des agents des travaux publics, d’une infinité de réunions de villages et de contrées, et des sociétés populaires ; auxquels se sont réunis depuis, la commission des armes et poudres, celle des transports et approvisionnements », ainsi que le comité de salut public et les représentants en mission dans les départements. Le député décrit ici une réalité institutionnelle, celle de la Convention, que la Commission des Onze s’apprête à remplacer par une nouvelle organisation territoriale.

42Pour le député de la Vienne, défenseur des académies savantes [68], il ne s’agit pas de contester l’existence des corps d’experts afin de donner libre cours aux opinions villageoises. C’est afin de faire entendre la voix des propriétaires éclairés qu’il s’applique à construire le mythe d’un jacobinisme bureaucratique. Alors que celle-ci est indispensable pour produire des descriptions adéquates du « sort de l’agriculture » et des « besoins de la société », dans la pratique l’opinion « des corps administratifs et des habitants des campagnes » n’aurait pas été prise en compte. Ni les avis et rapports émis par les différentes instances représentatives ni surtout les avis des propriétaires et cultivateurs, n’auraient été écoutés lorsqu’ils réclamaient une modification de la loi. Le point de vue modernisateur de certains députés parisiens, qui focalise le regard sur les étangs et en standardise la définition, aurait prévalu sur celui des praticiens, qui voient les étangs dans leur environnement local. Selon Creuzé-Latouche, on n’a pas voulu entendre que, si dans aucune campagne on ne contestait les inconvénients des étangs, on ne les condamnait pas tous pour autant ; mais qu’on distinguait les étangs pernicieux de ceux qui méritaient d’être conservés. La production de bonnes « représentations » (de bonnes descriptions ou de bons savoirs) ne peut venir que d’institutions vraiment représentatives. Pour voir comme un gouvernement véritablement représentatif, il faut écouter les avis des administrations locales, des grands propriétaires et des cultivateurs.

43Dans son rapport prononcé à la tribune, le député de la Vienne multiplie les citations de propriétaires locaux – ceux-là mêmes que la future Constitution de l’an III entendra favoriser en délimitant le corps des « électeurs » aux plus aisés. Il les puise dans les archives du Comité d’agriculture, dans la sélection que Dubois a faite pour lui, ainsi que dans les deux rapports de Jean-Baptiste Rougier-Labergerie et Claude-Louis Berthollet. Ce n’est qu’à Paris et dans les grandes villes, explique-t-il en substance, que l’on peut penser que les dessèchements auront pour seul effet de faire affluer les subsistances. Dans les campagnes, au contraire, de nombreux cultivateurs et propriétaires ont fait valoir la complexité des situations locales :

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« … des obstacles insurmontables nés de la nature même et des plus impérieuses nécessités, se sont élevés de tous côtés. Ici, des chaussées servant aux plus importantes communications ; là, les besoins absolus des bestiaux ; ailleurs les besoins plus pressants encore des hommes, qui ne peuvent se passer d’eau ; en d’autres endroits, les plus grands intérêts de la patrie, dans la défense des places, dans l’entretien des forges à fer, et des canaux navigables ; et dans tous les départements, les résistances diverses du sol et des localités, le danger imminent des inondations, la ruine évidente de l’agriculture, ont forcé les autorités constituées et des agents les plus déterminés, à suspendre, quoiqu’en tremblant, l’exécution de la loi, en demandant à la Convention nationale, ou à ses comités, des déterminations ultérieures » [69].

45Dans certaines régions, comme la Sologne, la Brenne ou la Bresse, les sols et la végétation se sont constitués au fil des siècles en lien étroit avec les mœurs et les activités économiques. Contre une vision de la représentation par en haut, le député met en valeur les savoirs des habitants, qui démontrent l’absurdité de vouloir dessécher la Sologne :

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« … la Sologne est à peu près ce qu’elle peut être, et ce qu’elle sera toujours. Elle est bien susceptible de quelques améliorations, de quelques augmentations locales […] mais les plus grands soins, la dépense la plus considérable, n’en feront jamais un pays fertile et sain ; la stérilité et l’insalubrité tiennent à la nature même. […] Il suit de là que dans la Sologne, le vice de la nature et l’intérêt de l’humanité ont dû inspirer l’idée d’y former des étangs, comme la plus sûre et la plus simple ressource que le génie de l’homme pût offrir à son industrie » [70].

47De même, alors que l’on tend de plus en plus à condamner en général l’atmosphère des étangs, pour les assimiler aux marais [71], les cultivateurs et les propriétaires attirent l’attention sur la subtilité des équilibres sociaux et naturels qui peuvent fausser les beaux raisonnements théoriques. En desséchant la Brenne, on risque de mettre les vases à l’air libre et ainsi corrompre l’atmosphère. Une société populaire l’ayant dit à la représentation nationale, les habitants ont demandé à la Convention d’envoyer des commissaires pris dans son sein pour vérifier les faits après avoir vu 124 étangs réduits à un arpent d’eau suite au démarrage des travaux de dessèchement.

48Pour « surveiller l’égalité des avantages entre les différentes parties de l’industrie », il faut aussi tenir compte des usages industriels des eaux. La commission du commerce a attiré l’attention de la commission d’agriculture et des arts sur les inconvénients du dessèchement pour les forges : « le représentant Ferri a été forcé de s’opposer au dessèchement de 14 étangs, dont les eaux même éloignées, étaient, quoique la loi ne l’eût pas prévu, nécessaires à l’entretien de deux forges où se fabriquaient des approvisionnements militaires » [72].

49La topographie est pour Creuzé-Latouche un art de gouvernement indispensable à toute république commerciale. La politique économique du gouvernement révolutionnaire instauré par la Convention nationale le 14 frimaire an II (en même temps que le décret sur les dessèchements) consistait à limiter la propriété privée sur les étangs, afin de les éradiquer du territoire au nom de l’intérêt général (le droit de tous à la santé et aux subsistances) [73]. Au contraire le gouvernement constitutionnel de l’an III leur laisse une place en distinguant, à partir des savoirs locaux, les étangs utiles des marais. L’article « Étang » de l’Encyclopédie méthodique, publié en l’an IV, résumera la place faite à ces espaces humides dans une république de propriétaires :

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« Quant aux étangs qui ne sont pas marécageux, dont le dessèchement n’est ordonné que sous le rapport des progrès de l’agriculture, les principes du gouvernement républicain portent à penser qu’il vaudrait mieux en laisser l’exploitation à l’entière liberté des propriétaires ou fermiers.
La liberté des propriétés est aussi nécessaire à la prospérité d’une République agricole, que la liberté même des citoyens, l’une fortifie l’autre. Le sort de tels étangs, dont l’existence, les besoins, les ressources, sont si diversement modifiés, et d’ailleurs, si généralement réclamés, pourrait donc être laissé à l’intérêt, à l’industrie, à cet esprit public qui n’a plus à redouter l’oppression tyrannique des nobles et des prêtres, ni le luxe féodal des étangs ; à cet esprit public qui dirigera toujours de plus en plus les actions des hommes vers le bien commun » [74].

51Plutôt que de remettre l’intérêt général dans les mains d’un Comité de salut public, on se tourne ici vers les savoirs de propriétaires et de cultivateurs éclairés par l’économie politique. Cela suppose que celle-ci soit entrée dans « l’esprit public », ce qui est précisément l’intention de Creuzé-Latouche en proposant la création d’une chaire consacrée à cette science à l’École normale de l’an III. Avec la loi du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795) sur l’instruction, elle entrera même dans l’enseignement des écoles centrales, au titre du cours de législation.

52La Constitution de l’an III, avec sa Déclaration des devoirs, promeut en cela une forme élargie de « surveillance » [75]. Dans les deux premières constitutions de la Révolution, cette notion renvoyait simplement à l’exécution des lois. Désormais elle embrasse l’ensemble du processus révolutionnaire [76]. Sous le Directoire, avec l’abolition des comités et leur remplacement par un ministère de l’intérieur couvrant toute la politique économique et l’instruction (mais sans la police), elle prendra la forme de rapports décadaires ou mensuels concernant tous les aspects de la vie locale [77]. Émanant des administrations territoriales, ces sortes de topographies compléteront les rapports des commissaires du Directoire, dans lesquels seront juxtaposées les considérations sur l’esprit public, la salubrité, les subsistances ou le commerce [78]. La liste alphabétique des matières contenue à la fin du Manuel des commissaires du Directoire exécutif, publié en l’an VIII, reflète bien le caractère englobant de la surveillance administrative, et l’importance qu’y prennent les questions économiques. Sur 376 matières recensées par ordre alphabétique à la fin du manuel, au moins 119, soit près du tiers, relèvent de l’économie rurale, du commerce ou de la fiscalité. Dans ce Manuel, les commissaires du Directoire sont décrits comme « des sentinelles vigilantes » [79].

53Sous la Révolution, plus que jamais, la terre est une réalité politique. Alors que le territoire a été redécoupé, et que la propriété foncière a perdu le pouvoir de donner à elle seule un statut social, l’assignat et la contribution foncière en font une ressource inédite au service du gouvernement. L’économie politique s’impose alors comme un langage de première importance pour redéfinir la terre. Elle permet de construire le mythe d’une « Terreur environnementale » au cours de laquelle les jacobins au pouvoir n’auraient pas su voir que certains équilibres géographiques et certaines opérations agricoles « ne se révolutionn[ai]ent point » [80].

54S’il est juste que les propriétaires fonciers soient considérés comme des citoyens comme les autres, comment faire pour que leur connaissance des localités ne soit pas ignorée ? Afin de concilier les exigences potentiellement contradictoires du gouvernement représentatif, les nouvelles élites au pouvoir sont à la recherche d’un nouveau style topographique. Ce nouvel art de la description n’est pas celui, qui anime déjà certains contemporains, d’atteindre à une description totale de la réalité [81]. Il n’est pas question ici de décrire une profusion ni de proposer une description dense à partir d’un questionnaire toujours ouvert. La « surveillance » appelée de ses vœux par le député de la Vienne se concentre sur quelques phénomènes. Il s’agit d’un regard focalisé et calibré, adapté à la mesure et à la comparaison économique. Celui-ci suppose une certaine standardisation, la mise en série des faits, mais ne va pas jusqu’à leur mise en chiffre puisqu’il s’agit de mettre en relation les phénomènes en les spatialisant.

55Mais la topographie doit aussi pouvoir changer d’échelle d’analyse afin de passer des unités naturelles, telles que les régions d’étangs ou les chaînes de montagnes, aux cantons ou aux districts et aux départements. Dans sa topographie du district de Châtellerault, écrite en 1790, Creuzé-Latouche privilégiait le district, une structure administrative intermédiaire au sein de laquelle, entre la municipalité et le gouvernement, pouvait s’exprimer le point de vue des élites éclairées [82]. En l’an VI et en l’an VII, alors que le Directeur Reubell défendra l’annexion de la Rhénanie et le soutien à la République batave, il rédigera des topographies départementales de la Marne et des Ardennes, ainsi qu’un récit d’un voyage sur la rive gauche du Rhin et en Hollande.

56Sous la Convention thermidorienne, les expérimentations topographiques ont sans doute un air de parenté avec la statistique départementale des préfets qui prendra son essor plus tard [83]. Mais elles s’en distinguent par leurs objectifs politiques. Il ne s’agit pas encore, comme sous le Consulat (et déjà sous le Directoire), de restaurer le crédit public en faisant le bilan de la richesse territoriale et industrielle. L’enjeu est plutôt de construire le mythe d’un autoritarisme centralisateur qui, sous l’influence des jacobins, aurait négligé de s’intéresser aux équilibres écologiques locaux [84]. À travers cette légende noire, les élites thermidoriennes veulent favoriser une nouvelle conception du gouvernement représentatif dans laquelle la formation et l’exécution des lois intègrera le point de vue des porte-parole locaux des équilibres naturels de la terre. Bientôt, l’accent mis par la future Constitution de l’an III sur les « municipalités de canton », plus vastes que les communes, symbolisera le souci d’une administration plus proche des élites agricoles et commerciales [85]. C’est à travers la statistique plutôt que par les assemblées, que la Constitution se mettra en harmonie avec l’environnement naturel. Par la topographie, la terre et les propriétaires terriens, déchus de leurs privilèges par rapport aux autres formes de propriété, maintiennent un accès discret à la représentation nationale.

Notes

  • [1]
    Merci à Vincent Bourdeau, François Jarrige et Igor Moullier pour leurs relectures attentives.
  • [2]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Discours sur la nécessité d’ajouter à l’École normale un professeur d’économie politique (imprimé par ordre de la Convention nationale, et distribué aux élèves de l’École normale, Paris, Imprimerie nationale, 12 pluviôse an III, p. 9-10.
  • [3]
    Sur cette tension entre humanisme civique et commerce pendant la Révolution française, voir Itzvan Hont, Jealousy of Trade : International Competition and the Nation-State in Historical Perspective, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2005[1995], p. 447-528, notamment les passages sur Sieyès ; mais aussi : James Livesey, « Agrarian ideology and commercial republicanism in the French Revolution », Past & Present, 1997, no 157, p. 94-121 ; Pasquale Pasquino, Sieyès et l’invention de la constitution en France, Paris, Odile Jacob, 1998 ; Richard Whatmore, Republicanism and the French Revolution: An Intellectual History of Jean-Baptiste Say’s Political Economy, Oxford, Oxford University Press, 2001 ; Andrew Jainchill, Reimagining Politics after the Terror: the Republican Origins of French Liberalism, Ithaca (N.Y.), Cornell University Press, 2008 ; Bernard Gainot, « La République comme association de citoyens solidaires. Pour retrouver l’économie politique républicaine (1792-1799) », dans Pour quoi faire la Révolution, Marseille, Agone, 2012, p. 115-148 ; Arnault Skornicki, « La France des Lumières et l’humanisme commercial. Bilan et perspectives historiographiques », Histoire, économie & société, vol. 32, 2013-4, p. 75-89.
  • [4]
    Sur la construction du mythe de la Terreur après Thermidor, voir notamment Bronislaw Baczko, Comment sortir de la Terreur. Thermidor et la Révolution, Paris, Gallimard, 1989 ; et Guillaume Mazeau, « La "Terreur", laboratoire de la modernité », dans Pour quoi faire la Révolution, op. cit., p. 83-114.
  • [5]
    On suit ici Tania Murray Li, « Qu’est-ce que la terre ? Assemblage d’une ressource et investissement mondial », Tracés. Revue de Sciences humaines, , no 33, 2017, p. 19-48.
  • [6]
    James C. Scott, Seeing Like a State : How Certain Schemes to Improve the Human Condition Have Failed, New Haven (Conn.), Yale University Press, 1998.
  • [7]
    Harro Maas, Mary Morgan, « Timing history : the introduction of graphical analysis in 19th century British economics », Revue d’histoire des sciences humaines, vol. 7, 2002-2, p. 97-127 ; Loïc Charles, « The visual history of the Tableau Économique », The European Journal of the History of Economic Thought, vol. 10, 2003-4, p. 527-550 ; Harro Maas, William Stanley Jevons and the Making of Modern Economics, Cambridge, Cambridge University Press, 2005 ; Yann B. Giraud, « The changing place of visual representation in economics: Paul Samuelson between principle and strategy, 1941-1955 », Journal of the History of Economic Thought, vol. 32, 2010-2, p. 1-23 ; Mark Blaug et Peter Lloyd, Famous Figures and Diagrams in Economics, Cheltenham, Edward Elgar Pub, 2010. Sur la notion de « style de raisonnement » et ses liens avec la production des faits scientifiques, voir Ludwik Fleck, Genèse et développement d’un fait scientifique, Paris, Flammarion, 2008 [1935] ; Ian Hacking, « "Style" for historians and philosophers », dans Historical Ontology, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2002, p. 178-199 ; Arnold I. Davidson, « Styles de raisonnement : de l’histoire de l’art à l’épistémologie des sciences », dans L’émergence de la sexualité. Épistémologie historique et formation des concepts, Paris, Albin Michel, 2005, p. 217-243.
  • [8]
    Pour une étude classique qui relie l’approche en termes de style de raisonnement à l’histoire politique, voir Steven Shapin et Simon Schaffer, Léviathan et la pompe à air: Hobbes et Boyle entre science et politique, Paris, La Découverte, 1993.
  • [9]
    Marcel Marion, « Un révolutionnaire très conservateur : Creuzé-Latouche », Revue d’histoire moderne, 1936, vol. 11, no 22, p. 101-134 ; Laurent Mastorgio, Les Creuzé et leurs alliés à Châtellerault, 1600-1850, La Crèche, Geste, 2017 ; voir aussi les notices biographiques dans Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, PUF, 1989 ; Bernard Gainot dans Dictionnaire des membres du Comité de salut public, Paris, Tallandier, 1990 ; et Guillaume Lévêque (dir.), Grands Notables du Premier Empire : Vienne, Paris, CNRS Éditions, 2000, vol. 26 (Michel Creuzé-Dutens).
  • [10]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Sur les subsistances, Paris, Imprimerie du Cercle Social, 1793, p. 25.
  • [11]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Contre la proposition d’hypothéquer les assignats sur les biens des particuliers. Séance du 17 ventôse, Paris, Imprimerie nationale, ventôse an III (mars 1795), p. 3.
  • [12]
    Matthew Shaw, Time and the French Revolution: The Republican Calendar, 1789-Year XIV, Woodbridge, Boydell & Brewer, 2011 ; Sanja Perovic, The Calendar in Revolutionary France. Perceptions of Time in Literature, Culture, Politics, Cambridge, CUP, 2012.
  • [13]
    Jed Z. Buchwald et Diane Greco Josefowicz, The Zodiac of Paris : How an Improbable Controversy over an Ancient Egyptian Artifact Provoked a Modern Debate between Religion and Science, Princeton (N.J.), Princeton University Press, 2010 ; Céline Pauvros, « La raison et la nation : Charles-François Dupuis (1742-1809), historien des religions et républicain : itinéraire sociale, politique et intellectuel d’un philosophe à la fin des Lumières », Thèse de doctorat sous la direction de Philippe Boutry, EHESS, 2013.
  • [14]
    Jean-Claude Perrot, « Lavoisier, auteur de La Richesse territoriale du royaume de France » dans Une histoire intellectuelle de l’économie politique (xviie-xviiie siècle), Paris, Éditions de l’EHESS, 1992, p. 377-437 ; Jean-Claude Perrot, « Les comptabilités économiques de Lavoisier » dans Thierry Martin (dir.), Arithmétique politique, Paris, INED, 2003, p. 325-344 ; la Philosophie de l’univers de Dupont de Nemours, dès 1793, articule cette conception à une vision morale : voir Julien Vincent, « "Un Dogue de forte race" : Dupont de Nemours, ou la physiocratie réincarnée (1793-1807) », La Révolution française. Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, http://journals.openedition.org/lrf/2005, consulté le 25 octobre 2019.
  • [15]
    Isabelle Laboulais-Lesage, « Entre minéralogie et statistique territoriale : les enquêtes du Journal des mines entre l’an III et l’an VII », Revue d’histoire moderne contemporaine, vol. 55, no 2008-4, p. 57-81 ; et la contribution de Thomas Le Roux, « Mines et environnement en France, 1740-1820 : le filon des concessions », dans le présent numéro.
  • [16]
    James Livesey, Making Democracy in the French Revolution, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 2001, chapitres 3 et 4. Sur les liens entre la terre matérielle et le travail, formateur du caractère et de la volonté, voir Gaston Bachelard, La terre et les rêveries de la volonté, Paris, Corti, 1948.
  • [17]
    James Livesey, « Agrarian ideology… », art cit.
  • [18]
    André Bourde, Agronomie et agronomes en France au xviiie siècle, 3 vols., Paris, SEVPEN, 1967.
  • [19]
    Steven L. Kaplan, Raisonner sur les blés : essais sur les Lumières économiques, Paris, Fayard, 2017.
  • [20]
    Raynald Abad, « La conjuration contre les carpes ». Enquête sur les origines du décret de dessèchement des étangs du 14 frimaire an II, Paris, Fayard, 2006, p. 155.
  • [21]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Sur les subsistances, Paris, Imprimerie du Cercle Social, 1793 (an II), p. 46-49.
  • [22]
    Ernest Labrousse, Esquisse du mouvement des prix et des revenus en France au xviiie siècle, Paris, Éditions des Archives contemporaines, 1984 [1933], p. 16-18.
  • [23]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Sur les subsistances, op. cit. (et le discours sur le même thème, prononcé à la Convention, le 28 avril 1793).
  • [24]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Contre la proposition d’hypothéquer les assignats…, op. cit., p. 3.
  • [25]
    Ibid.
  • [26]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Motion faite au Conseil des Cinq-Cents sur le plan de recettes et de dépenses proposé par une commission spéciale, pour l’an 8. Séance du 6 fructidor an 7, Paris, Imprimerie nationale, Fructidor an VII (août 1799), p. 5.
  • [27]
    Vandermonde, « Sixième leçon : 13 germinal/2 avril », dans Daniel Nordman (dir.), L’École normale de l’An III. Vol. 2, Leçons d’histoire, de géographie, d’économie politique : Volney - Buache de La Neuville - Mentelle - Vandermonde, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 2012, p. 409.
  • [28]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Réflexions sur l’article du projet de Constitution qui astreint pour l’avenir les jeunes citoyens à savoir lire, écrire et exercer une profession mécanique, Paris, Imprimerie nationale, messidor an III (juin-juillet 1795). Dans la Constitution de l’an III, la Déclaration des devoirs proclamera : « C’est sur le maintien des propriétés que reposent la culture des terres, toutes les productions, tout moyen de travail, et tout l’ordre social ».
  • [29]
    Sur cette idée, voir Christophe Charle et Julien Vincent (dir.), La société civile. Savoirs, enjeux et acteurs en France et en Grande-Bretagne, 1780-1914, Rennes, PUR, 2011, notamment p. 9-35.
  • [30]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Rapport fait au Conseil des Cinq-Cents sur le traité d’alliance entre la République française et la République helvétique, Séance du 13 fructidor an 6 (30 août 1798), Paris, Imprimerie nationale, 1798, p. 2.
  • [31]
    Creuzé-Latouche serait à l’origine de la Déclaration des devoirs selon Jean-Philippe Garran-Coulon, Notice sur Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, lue le 18 brumaire, an 9, au Sénat-Conservateur, Paris, Imprimerie nationale, 1800.
  • [32]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Rapport fait au Conseil des Anciens, dans la séance du 3 pluviôse an 4, au nom de la commission établie pour examiner la résolution du Conseil des Cinq-cents sur la loi du 9 floréal, Paris, Imprimerie nationale, 1796 ; Id., Rapport au nom d’une commission chargée d’examiner la résolution concernant les pères et mères des émigrés. Séance du 18 nivôse an 6, Paris, Imprimerie nationale, 1798 ; Id., Motion faite au Conseil des Cinq-cents sur le plan de recettes et de dépenses proposé par une commission spéciale, pour l’an 8. Séance du 6 fructidor an 7, Paris, Imprimerie nationale, 1799 ; Id., Réflexions sur les finances en général, et particulièrement sur la subvention extraordinaire établie par les lois des 10 messidor, 19 thermidor et 6 fructidor, sous le nom d’emprunt forcé. 11 brumaire an 8, Paris, Imprimerie nationale, 1799.
  • [33]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Réflexions sur les finances en général…, op. cit., p. 11.
  • [34]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Rapport… sur le traité d’alliance entre la République française et la République helvétique, op. cit., p. 2.
  • [35]
    Jean-Luc Chappey et Julien Vincent, « A republican ecology ? Citizenship, nature and the French Revolution (1795-1799) », Past & Present, no 243, 2019-1, p. 109-140.
  • [36]
    Sur la naissance difficile et contestée des faits économiques, voir Mary Poovey, A History of the Modern Fact: Problems of Knowledge in the Sciences of Wealth and Society, Chicago, University of Chicago Press, 1998.
  • [37]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Discours sur la nécessité…, op. cit., p. 3.
  • [38]
    Sur le gouvernement des comités, voir Maria Betlem Castellà i Pujols (dir.), « Les comités des assemblées révolutionnaires : des laboratoires de la loi », La Révolution française, vol. 3, 2012, http://lrf.revues.org/673 consulté le 9 mai 2019.
  • [39]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Discours sur la nécessité…, op. cit., p. 4.
  • [40]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Contre la proposition d’hypothéquer les assignats sur les biens des particuliers. Séance du 17 ventôse, Paris, Imprimerie nationale, ventôse an III (mars 1795), p. 3.
  • [41]
    Voir notamment François Quesnay, « Questions intéressantes sur la population, l’agriculture et le commerce » (1758) in François Quesnay, Œuvres économiques complètes et autres textes, Paris, Éditions de l’INED, 2005 ; sur l’importance de la topographie dans les pratiques statistiques et dans la pensée économique, voir notamment Bertrand Gille, Les sources statistiques de l’histoire de France, Genève, Droz, 1964 ; et Jean-Claude Perrot, L’âge d’or de la statistique régionale française (an IV-1804), Paris, Société des études robespierristes, 1977, p. 8-33. Sur les liens entre l’économie politique et les sciences de la nature, voir notamment Margaret Schabas, The Natural Origins of Economics, Chicago, UCP, 2005 ; Fredrik Albritton Jonsson, Enlightenment’s Frontier: the Scottish Highlands and the Origins of Environmentalism, Yale, YUP, 2013.
  • [42]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Description topographique du district de Chatelleraud, Chatellerault, Guimbert, 1790. Ce texte est publié à nouveau dans la Feuille du Cultivateur, le 28 frimaire an II (7 décembre 1793), p. 407-410.
  • [43]
    Jean-Claude Perrot, op. cit., p. 19 ; sur le Journal des Mines, qui traverse les mêmes tâtonnements pour établir un style de description articulant les logiques de l’économie politique et de la minéralogie à partir de l’an III, voir Isabelle Laboulais-Lesage, art. cit.
  • [44]
    « L.C. » (Louis Costaz ?), « Aux correspondants, sur la géographie industrielle », Journal des arts et manufactures, tome premier, 1795, p. 49-56.
  • [45]
    Ibid., p. 50-51.
  • [46]
    Gilbert Faccarello, « L’évolution de la pensée économique pendant la Révolution: Alexandre Vandermonde ou la croisée des chemins », dans Maxine Berg et al. (dir.), Französische Revolution und Politische Ökonomie, Trèves, Schriften aus dem Karl-Marx-Haus, 1989, p. 75-121.
  • [47]
    Vandermonde, « Sixième leçon : 13 germinal/2 avril », op. cit., p. 407.
  • [48]
    Vandermonde, « Rapport fait par ordre du Comité de salut public sur les fabriques et le commerce de Lyon (15 brumaire, l’an III) », Journal des arts et des manufactures, tome premier, 1795, p. 1-48.
  • [49]
    Jean-Baptiste Dubois, Vues générales sur l’amélioration de l’agriculture en France, présentées à la Commission d’agriculture et des arts, Paris, Imprimerie de la Feuille du cultivateur, an III (1794).
  • [50]
    Rapport général sur les étangs, fait au Comité d’agriculture et des arts, par la Commission d’agriculture et des arts, Paris, Imprimerie de la Feuille du Cultivateur, 1795. L’auteur, Jean-Baptiste Rougier-Labergerie, fait évoluer ici sa position par rapport à la rhétorique jacobine qu’il avait adoptée en l’an II : AN F10 309A.
  • [51]
    Sur les origines de cette loi, voir Reynald Abad, « La conjuration contre les carpes », op. cit., Paris, Fayard, 2006 ; sur son application, voir Octave Festy, L’agriculture française sous le Consulat. Les conditions de production et de récolte : étude d’histoire économique, Paris, Marcel Rivière, 1952 ; Jean-Michel Derex, « Le décret du 14 frimaire an II sur l’assèchement des étangs : folles espérances et piètres résultats. L’application du décret en Brie », Annales historiques de la Révolution française, 2001, vol. 3, no 325, p. 77-97 ; Jean-Michel Derex, La gestion de l’eau et des zones humides en Brie de la fin de l’Ancien Régime à la fin du xixe siècle, Paris, L’Harmattan, 2001.
  • [52]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Rapport fait au nom du Comité d’agriculture et des arts, sur la loi du 14 frimaire an II, relativement au dessèchement des étangs, Paris, Imprimé par ordre de la Convention nationale, 14 prairial an III.
  • [53]
    Monique Pelletier, Les Cartes des Cassini. La science au service de l’État et des provinces, 2e éd. Paris, CTHS, 2015 [1990], notamment p. 216-219 pour la carte de Bresse. Sur les critiques de la carte des Cassini, accusée d’être un artefact abstrait trop éloigné de l’espace vécu, voir Nicolas Verdier, « Les cartes du xviiie siècle : de l’image à la représentation géométrale », dans Sandrine Robert et Laurent Costa (dir.), Guide de lecture des cartes anciennes, Paris, Errance, 2009, p. 6-9.
  • [54]
    Sur ce tableau, voir les analyses de Raynald Abad, « La conjuration contre les carpes », op. cit., p. 44 et suiv.
  • [55]
    Monique Pelletier, Les Cartes des Cassini, op. cit. ; Stéphane Blond, L’atlas de Trudaine : pouvoirs, cartes et savoirs techniques au siècle des Lumières, Paris, Éditions du CTHS, 2014 ; Nicolas Verdier, La carte avant les cartographes : l’avènement du régime cartographique en France au xviiie siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2015.
  • [56]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Rapport […] sur la loi du 14 frimaire an II, op. cit., p . 5.
  • [57]
    Monique Pelletier, Les Cartes des Cassini, op. cit., p. 248-249.
  • [58]
    AN, F10 209A.
  • [59]
    Le Rapport publié par Creuzé-Latouche était la version longue d’un discours parlementaire qui eut lieu le 13 messidor an III ; pour le débat dans lequel ce discours s’insère, voir Gazette nationale ou Le Moniteur universel, 17 messidor an III (5 juillet 1795), p. 1156 et suiv.
  • [60]
    James C. Scott, Seeing like a State, op. cit., chapitre 1.
  • [61]
    Jean-Claude Perrot, L’âge d’or de la statistique régionale …, op. cit., p. 45-46.
  • [62]
    Sur le renforcement relatif du pouvoir central à partir du Directoire, voir Michel Biard, Les lilliputiens de la centralisation : des intendants aux préfets, les hésitations d’un « modèle français », Seyssel, Champ Vallon, 2007.
  • [63]
    Michel Biard, Missionnaires de la République. Les représentants du peuple en mission (1793-1795), Paris, Éditions du CTHS, 2002.
  • [64]
    Guillaume Mazeau, « La "Terreur", laboratoire de la modernité », dans Pour quoi faire la Révolution, op. cit., p. 83-114.
  • [65]
    Michel Troper, Terminer la Révolution : la Constitution de 1795, Paris, Fayard, 2006.
  • [66]
    AN, F10 209A.
  • [67]
    Ibid. Les chiffres sont fournis par le « Rapport général sur le dessèchement des étangs, d’après la correspondance de l’Agence » fait par la commission d’agriculture au Comité de salut public le 4 prairial an II (23 mai 1794), inclus dans ce carton.
  • [68]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Opinion […] au sujet du Jardin des plantes et des Académies (20 août 1790), Paris, Imprimerie nationale, 1790.
  • [69]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Rapport […] sur la loi du 14 frimaire an II, op. cit, p. 3.
  • [70]
    Ibid., p. 11-12.
  • [71]
    Sur la construction de cette confusion entre marais et étangs, normalement bien distingués, voir Raynald Abad, « La conjuration contre les carpes », op. cit., p. 138.
  • [72]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Rapport […]sur la loi du 14 frimaire an II, op. cit., p. 16.
  • [73]
    Sur la pensée économique du « gouvernement révolutionnaire », voir François Hincker, « Y eut-il une pensée économique de la Montagne ? » dans Gilbert Faccarello et Philippe Steiner (dir.), La pensée économique pendant la Révolution française, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1990, p. 214-215 : « La propriété entraîne le droit d’en user librement dans l’état social et économique idéal, sous la réserve transitoire de l’intérêt du bien public, intérêt dont peut seule juger la volonté générale et nullement les volontés particulières ».
  • [74]
    Gruvel, « Étang » dans Alexandre-Henri Tessier et André Thouin (dir.), Encyclopédie Méthodique. Agriculture, Paris, Agasse, 1796, vol. 4, p. 337.
  • [75]
    Sur la notion de surveillance, voir Pierre Rosanvallon, La Contre-Démocratie. La politique à l’âge de la défiance, Paris, Le Seuil, 2006, chap. 1.
  • [76]
    Eugène Desgranges, La Centralisation républicaine sous le Directoire : les municipalités de canton dans le département de la Vienne, Poitiers, 1954.
  • [77]
    Albert Mathiez, « Les comptes décadaires des autorités du Gouvernement révolutionnaire et des Commissaires du Directoire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 4, 1902-3, p. 157-169, montre, à partir des archives du Calvados, que ces comptes décadaires créés par le gouvernement révolutionnaire existaient en théorie plutôt qu’en pratique avant l’an III.
  • [78]
    Bernard Gainot, « La province au crible des rapports des commissaires départementaux du Directoire », AHRF, 330, 2002-4, p. 143-157, souligne l’importance de l’information économique dans ces documents.
  • [79]
    Manuel des commissaires du Directoire exécutif près les administrations centrales et municipales et près les bureaux centraux, Paris, Imprimerie du Dépôt des Lois, An VIII, p. 320.
  • [80]
    Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Rapport fait au nom du Comité d’agriculture et des arts, sur la loi du 14 frimaire an II, relativement au dessèchement des étangs, op. cit..
  • [81]
    Romain Bertrand, Le détail du monde. L’art perdu de la description de la nature, Paris, Le Seuil, 2019.
  • [82]
    C’est aussi à ce niveau intermédiaire que se déploie, en 1790, le premier débat révolutionnaire sur les étangs : Raynald Abad, « La conjuration contre les carpes », op. cit., p. 122.
  • [83]
    Jean-Claude Perrot, L’âge d’or de la statistique régionale française (an IV-1804), Paris, SER, 1977 ; Marie-Noëlle Bourguet, Déchiffrer la France. La statistique départementale à l’époque napoléonienne, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2001.
  • [84]
    Sur la succession des légendes noires environnementales pendant la Révolution, voir notamment Denis Woronoff (dir.), Révolution et espaces forestiers, Paris, L’Harmattan, 1988 ; Andrée Corvol (dir.), La nature en révolution, 1750-1800, Paris, L’Harmattan, 1993 ; Peter McPhee, Revolution and Environment in Southern France, 1780-1830: Peasants, Lords, and Murder in the Corbières, Oxford University Press, 1999 ; Peter McPhee, « "The Misguided Greed of Peasants"? Popular Attitudes to the Environment in the Revolution of 1789 », French Historical Studies, vol. 24, 2001-2, p. 247-269 ; ainsi que la contribution de Jean-Baptiste Fressoz dans le présent recueil.
  • [85]
    Jules Viard, Une municipalité de Canton dans la Haute-Marne sous le Directoire : Fresnes-sur-Apance, Villars-Saint-Marcellin, Enfonvelle, Arcis-sur-Aube, Imprimerie Léon Frémont, 1890 ; Camille Petit, Perthes. La vente des biens nationaux de Perthes. La municipalité du canton de Perthes 1795-1799, Nancy, Vagner, 1938 ; Eugène Desgranges, La centralisation républicaine, op. cit. ; Jean Morange, L’idée de municipalité de canton de l’an III à nos jours, 1968 ; Marie-Vic Ozouf-Marignier, La formation des départements : la représentation du territoire français à la fin du 18e siècle, Paris, Éditions de l’EHESS, 1989 ; Claire Blin, La Municipalité du canton de Poitiers sous le Directoire, du 4 brumaire an IV au 28 germinal au VIII, Thèse diplôme d’archiviste-paléographe, École nationale des chartes, Paris, 1995 ; Laurent Brassart, « Des décisions parisiennes aux municipalités cantonales : la mise en œuvre de la politique directoriale dans le département de l’Aisne », AHRF, 330, 2002-4, p. 115-133 ; Michel Pertué (dir.), L’administration territoriale sous la révolution française: réflexions, vues nouvelles et pistes de recherche, Orléans, Presses universitaires d’Orléans, 2003 ; Serge Bianchi, La Révolution et la Première République au village: pouvoirs, votes et politisation dans les campagnes d’Ile-de-France, 1787-1800 (Essone et Val-de-Marne actuels), Paris, France, Éd. du CTHS, 2003 ; Yann Lagadec, Jean Le Bihan et Jean-François Tanguy (dir.), Le canton, un territoire du quotidien ?, Rennes, PUR, 2009.
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Après le coup d’État de Thermidor, les nouvelles élites au pouvoir construisent le mythe d’une « Terreur environnementale » ayant caractérisé la période antérieure. L’exemple du député Creuzé-Latouche, et en particulier de sa critique du décret du 14 frimaire an II sur le dessèchement des marais et étangs, permet d’en reconstituer les enjeux. Pour ce membre de la Commission des Onze, chargée de rédiger la nouvelle constitution, l’économie politique doit jouer un rôle central dans la redéfinition républicaine d’une « terre » déféodalisée. Celle-ci, pour être redéfinie en conformité avec les idéaux du régime, devra faire l’objet de topographies permettant de mieux tenir compte des dynamiques sociales et environnementales de chaque localité. Ainsi se trouvera mieux représenté le point de vue des propriétaires et notables ruraux bientôt appelés à rejoindre le corps des « électeurs » de la future Constitution de l’an III.

Mots-clés

  • agriculture
  • Constitution de l’an III
  • économie politique
  • environnement
  • terre
  • topographie
  • statistique
  • Thermidor
  • zones humides
Julien Vincent
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Institut d’histoire moderne et contemporaine UMR 8066
9 rue Malher 75004 Paris
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Mis en ligne sur Cairn.info le 25/03/2020
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