CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1.  Introduction

1 Malgré le retour récent de la croissance, le Portugal a été fortement touché par la crise économique et les politiques d’austérité (Gorjão 2012) de la fin des années 2000. Suite à la détérioration du marché de l’emploi, les niveaux de pauvreté ont augmenté, en particulier dans les grandes villes (Matsaganis et Leventi, 2014), devenues des lieux de départ de nouvelles migrations vers l’étranger mais aussi vers l’intérieur (Peixoto et al., 2016). Parallèlement à ce contexte de crise, des projets alternatifs plaçant l’agriculture au premier plan ont émergé et ont participé à la résilience sociale, tant dans les villes (Silva et al., 2014; Baumgarten, 2017) que dans les campagnes. L’augmentation des demandes d’aide à l’installation agricole (Cabo et al., 2014) montre que le secteur attire de plus en plus de jeunes Portugais, y compris non issus du milieu agricole (Madureira et al., 2014). Pour aborder ces migrations vers le rural agricole depuis les villes, nous reprenons l’expression « retourner à la terre », issue de l’agrarisme puis des mouvements de la contre-culture des années 1970 (Rouvière, 2016). Nous l’envisageons au sens propre comme au figuré : comme un retour effectif vers un lieu et un milieu familial dont on est issu, et comme un retour fantasmé à une origine paysanne précédant l’exode rural. Dans ce « retour », les néo-agriculteurs se distinguent par une triple mobilité : spatiale, sociale, et professionnelle (Mundler et Ponchelet, 1999 ; Dolci et Perrin, 2017). Les néo-agriculteurs sont définis comme des individus nouvellement entrés dans l’activité agricole, que celle-ci soit envisagée comme vivrière ou commerciale.

2 Cet article analyse les migrations vers le rural pour une installation en agriculture. Cette recherche enrichit la littérature existante sur la question migratoire, car elle s’intéresse à l’après-migration et à des mobilités spatiales et sociales originales. Celles-ci combinent des migrations urbaines-rurales et des entrées dans un secteur agricole longtemps marqué par le déclin démographique (Reboul, 1981). En Europe, de plus en plus de personnes non issues du milieu agricole s’installent en agriculture (DGIP, 2012). Or, elles échappent souvent aux recensements statistiques (EIP-AGRI, 2016). Qui plus est, en sciences sociales, peu de travaux sur les migrations se centrent sur l’espace d’arrivée lorsque ce dernier est un espace agricole (Le Gall, 2011) ou, quand ils le font, ces travaux sont généralement focalisés sur le processus migratoire lui-même (Halfacree, 2004), mais bien plus rarement sur l’après-migration (Halfacree et Rivera 2012).

3 Dans cet article, nous nous intéressons aux articulations entre le contexte de crise économique et l’émergence de migrations vers le rural agricole au Portugal, en particulier autour de Lisbonne. Dans quelle mesure ces « retours à la terre » sont-ils le résultat d’une adaptation à la crise économique et urbaine ? En quoi participent-ils de la construction de nouvelles territorialités ? Deux hypothèses sous-tendent ces questionnements. La première est qu’il existe un lien direct entre la crise économique et urbaine, et l’attractivité récente de l’agriculture. Ensuite, nous supposons que ces migrations de « retours à la terre », loin d’être une rupture avec la ville, redéfinissent des territorialités qui articulent espaces urbains et ruraux.

4 Pour penser les migrations de l’urbain vers le rural et analyser les liens à la ville des néo-agriculteurs, notre démarche s’inspire des travaux sur les réseaux et circulations générés par les migrations internes et internationales. L’enjeu est de pouvoir prendre en compte la question des opportunités et des stratégies déployées par les néo-agriculteurs dans la mise en lien des lieux et des hommes, entre ville et campagne. Notre approche par la géographie sociale se centre ainsi sur l’acteur migrant et sa trajectoire pour analyser ses pratiques, ses prises de décision et les ressources mobilisées dans le processus de retour à la terre.

5 À partir d’une enquête menée en 2017 dans la région de Lisbonne et dans l’Alentejo, nous présentons d’abord les migrations vers le rural agricole dans le contexte portugais puis au sein de la littérature scientifique. Dans la troisième partie, nous analysons l’articulation entre la crise économique et le « retour à la terre » à partir des trajectoires des populations enquêtées. Dans un quatrième temps, nous étudions les formes différenciées des circulations que mettent en œuvre les néo-agriculteurs, tissant de nouveaux liens entre espaces ruraux et urbains.

2.  De la ville à la terre : un phénomène nouveau au Portugal ?

2.1.  Une enquête qualitative dans la région de Lisbonne et dans l’Alentejo

6 Ce travail de terrain a été effectué dans la région de Lisbonne et de l’Alentejo en juin et juillet 2017. Vingt entretiens semi-directifs ont été réalisés avec des néo-agriculteurs. Ils se structuraient autour des thèmes suivants : histoire personnelle, projets et attentes, système agraire, intégration dans les réseaux commerciaux et professionnels. Tous les entretiens ont été enregistrés et intégralement retranscrits en portugais, puis analysés selon ces thèmes. Nous avons également récolté les points de vue d’autres acteurs sur ces installations néo-rurales : agriculteurs locaux, ingénieurs agronomes accompagnateurs et universitaires (six entretiens).

7 Les vingt néo-agriculteurs enquêtés présentent une grande diversité de profils et de trajectoires. Nous analysons particulièrement les trajectoires de cinq néo-agriculteurs que nous considérons comme des idéaux-types illustrant la diversité des liens entre les crises et les migrations vers le rural. Il s’agit de parcours que la crise économique du début des années 2010 a directement affecté, généralement sous la forme d’un licenciement ou de la difficulté à trouver un emploi. Nous mobilisons plus ponctuellement les quinze autres entretiens ; l’idée de crise y est plutôt évoquée en termes existentiels, sur le plan personnel (quête de sens, séparation, maladie…) ou en termes de choix de société (critique de la société de consommation, crise urbaine, crise environnementale). Parmi ces acteurs, on compte sept néo-agriculteurs étrangers (français, allemands, hollandais, britanniques) vivant au Portugal mais issus d’horizons urbains internationaux. L’ensemble de ces néo-agriculteurs est installé entre la région de Lisbonne et l’Alentejo, mais tous entretiennent des rapports avec la capitale. Ainsi, parmi les cinq néo-agriculteurs mobilisés comme idéaux-types, quatre sont installés dans un rayon de moins de 150 km autour de Lisbonne : trois à Montemor-o-Novo, un à Arruda dos Vinhos. Le cinquième n’a pas encore quitté Lisbonne mais possède une terre à Grandôla qu’il prépare en vue de son installation.

Figure 1

Carte de localisation des enquêtés

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Location map of the survey

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Carte de localisation des enquêtés

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Location map of the survey

8 Ces trois lieux d’installation s’articulent différemment à Lisbonne. Hormis la ville d’Evora et le littoral touristique, l’Alentejo [1] est marqué par de très faibles densités (24 hab/km en moyenne) et une population rurale vieillissante. Le système productif agricole se caractérise par la coexistence de très grandes exploitations industrielles et de petits producteurs pluriactifs (Pinto-Correia et al., 2015). Les exploitations de l’Alentejo ont pour dimension moyenne 61 ha mais peuvent atteindre des dimensions comprises entre 300 et 500 ha (INE, 2011). Les cultures prédominantes sont la vigne et l’olivier, ainsi que l’élevage bovin extensif. La commune [2] de Montemor-o-Novo, située à 1 h 30 de Lisbonne (120 km) et à 30 minutes d’Evora, se distingue par son dynamisme démographique. Depuis les années 1990, elle s’est affirmée comme une destination privilégiée des Lisboètes, dont certains maintiennent des migrations pendulaires vers Lisbonne (Pinto Correia et Juste, 2017). La seconde localité, Arruda dos Vinhos, se trouve en périphérie de l’agglomération de Lisbonne (37 km, 45 minutes) mais sa population est en baisse. Son système productif agricole repose principalement sur une petite viticulture, elle aussi en déclin. Enfin, Grandôla (150 km et 2 heures de Lisbonne) est située dans une zone peu dense, dominée par la culture du chêne-liège. Elle constitue un spot touristique majeur du littoral de l’Alentejo.

9 Les néo-agriculteurs sont difficiles à repérer car ils sont caractérisés par une triple invisibilité. L’invisibilité est d’abord statistique car ils exploitent souvent de petites surfaces qui ne sont pas prises en compte dans le recensement agricole. Leur invisibilité est ensuite géographique (isolement, dispersion) et elle est enfin professionnelle (faible intégration dans les organisations professionnelles et commerciales, notamment parce qu’ils adoptent des pratiques agronomiques considérées comme marginales) (Javelle et Tallon, 2016). Pour identifier les personnes à enquêter, nous nous sommes donc appuyés sur les réseaux de WWOOFing [3], les programmes d’aide à l’installation de la Confagri [4], une coopérative de vente en circuit court et la communauté scientifique locale [5].

2.2.  La crise économique au Portugal et l’essor des projets alternatifs

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« Peut-être que la crise a réveillé les consciences : elle a poussé à se demander ce qu’on doit faire, comment le faire d’une autre manière […] je pense que le goût de travailler la terre, c’était quelque chose qu’il y avait avant la crise, mais je crois que même ceux qui n’aimaient pas [la campagne] ont pu choisir de survivre hors de la ville. Selon moi, d’une certaine manière, la crise va susciter de nouvelles alternatives » (Carina, responsable des formations du programme Jovens Agricultores[6] à la Confagri, Lisbonne) [7].

11 Cet extrait d’entretien illustre la dialectique qui se joue en situation de crise ; elle suscite à la fois destruction et création. Par définition, une crise est une transition, le passage d’une situation à une autre, dans laquelle la contrainte est si forte qu’elle pousse les individus à agir ou, au contraire, les réduit à la passivité (Boyer, 2005). Toutefois, certains auteurs invitent à prendre de la distance avec l’usage du terme de crise (Rivière, 2013), dans la mesure où celui-ci s’est banalisé et élargi à des domaines nombreux, au point de perdre son pouvoir explicatif. Crise européenne (dette souveraine des États), crise portugaise (financière, économique et sociale), crise urbaine (dette des municipalités) mais aussi crise individuelle (professionnelle, personnelle), la pluralité des significations du terme de crise implique des précautions d’usage. Ainsi, il apparaît indispensable de mettre en perspective la crise avec des processus de continuité et des temporalités plus longues. De même, il convient de considérer la déclinaison de la crise à différentes échelles spatiales et voir comment celles-ci interagissent. A l’échelle des trajectoires individuelles, nous considérons deux formes de crise. Celle, exogène et conjoncturelle, qui pousse les individus à sortir de la ville parce que celle-ci devient répulsive, et celle, endogène et structurelle, qui conduit à interroger et rejeter le modèle de société capitaliste, dont la ville est le symbole.

12 La crise économique et financière de 2008, et la politique d’austérité qui a suivi, ont profondément affecté le Portugal (Gorjão, 2012). En quelques années, le chômage a plus que doublé (de 7,6 à 16,2 % de 2008 à 2013), notamment chez les jeunes entre 15 et 24 ans (38,1 % en 2013), également les principaux concernés par les emplois précaires (Carmo et al., 2014). Le salaire médian a chuté de 14 % entre 2009 et 2013 (Matsaganis et Leventi, 2014) tandis que les inégalités de revenus et le risque de pauvreté augmentaient (Gutiérrez, 2014), notamment dans les métropoles (Carmo et al., 2015). Dans ce contexte, l’émigration a repris, réactivant un processus structurel ancien (Sousa Gomes et Pimentel, 2018). Avec plus de 110 000 sorties par an entre 2013 et 2014, le mouvement serait comparable à celui des grandes vagues d’émigration des années 1960-1970 (Pires et al. 2015).

13 Dans le même temps, de nombreux projets alternatifs émergent, en particulier à Lisbonne et dans les grandes villes. Centres culturels autogérés, associations de jardinage urbain ou réseaux d’échanges solidaires : ces initiatives citoyennes rejettent le système capitaliste et proposent d’autres modes d’échanges et de consommation. Si ces réponses collectives et locales à la crise participent de la résilience sociale (Hall et Lamont 2013), le nouvel intérêt porté à l’agriculture s’inscrit cependant dans une tradition ancienne de jardinage urbain et périurbain. Dans les années 1970-1980, la pratique du maraîchage à temps partiel s’est considérablement développée autour de Lisbonne en réponse à la crise économique, donnant lieu à un paysage urbain particulier dans lequel les friches urbaines sont investies par les jardins ouvriers et du maraîchage intensif. Ces « exploitations familiales incomplètes » ont joué un rôle important dans la réponse aux problèmes de l’emploi et du revenu de familles d’origine paysanne (Cavaco, 1985). Ainsi, les jardins collectifs ont longtemps été l’apanage des populations pauvres et récemment arrivées (Silva 2014), mais depuis 2009, la demande en parcelles à cultiver a explosé (Baumgarten, 2017). Cet engouement répond à un effet de mode, mais aussi aux besoins alimentaires d’une population précarisée par la crise (Mousselin et Scheromm, 2015).

2.3.  L’attractivité du rural agricole au Portugal : une inversion de la tendance ?

14 Les pays européens partagent une histoire commune de sociétés agraires devenues capitalistes et industrielles, sur fond d’urbanisation et d’exode rural (Jollivet, 1997). Mais ces processus ont forgé un « rural » et un « urbain » dont les valeurs et contenus varient selon l’histoire de chaque pays (Mathieu, 1990). Contrairement à la France et au Royaume-Uni, où le rural a toujours eu une importance symbolique forte, le débat social et politique autour du rural a longtemps été inexistant au Portugal (Sá Marques, 2004). Pourtant, des représentations opposées de l’espace rural et de l’agriculture cohabitent. L’idéalisation des campagnes s’inscrit au cœur de l’identité portugaise (Leal, 2000). La littérature des xixe et xxe siècles a célébré les bienfaits de la vie rustique et idéalisé la figure du paysan (Silva et Figueiredo, 2013). Ces images ont été reprises sous l’Estado Novo (1928-1974) dans des discours anti-urbains valorisant le paysan établi au détriment de l’ouvrier déraciné (Saraiva, 2010). Malgré l’idéologie ruraliste de Salazar, le régime a plutôt délaissé le secteur agricole, au point que certains parlent d’une « politique de non-développement » de l’agriculture (Poinard, 1983). La petite exploitation agricole s’est maintenue dans le Nord et le Centre (Mansinho et Schmidt 1997). Cette crise structurelle alimente une émigration massive depuis les années 1950 (Leloup, 1972).

15 De la sorte, l’urbanisation au Portugal constitue un phénomène plus récent que dans les autres pays d’Europe occidentale : le taux d’urbanisation passe de 26,4 % en 1970 à 59 % en 2005 (Padeiro et Marques Da Costa, 2013), mais donne lieu à des dynamiques contrastées. L’exode rural touche principalement les régions frontalières et intérieures et, jusque dans les années 1990, se dirige majoritairement vers l’étranger ainsi que vers l’agglomération de Lisbonne qui connaît une expansion diffuse (Limouzin, 1988; Padeiro et Marques Da Costa, 2013). Par ailleurs, le Portugal, tout juste sorti de la dictature en 1974, demeure globalement en marge des mouvements néoruraux issus de la contre-culture que la plupart des pays européens connaissent, dans un contexte de montée en puissance des préoccupations environnementales et de crise urbaine (Hervieu et Léger, 1979). Dans ce contexte, l’exode rural entretient la vision d’espaces ruraux fragiles et déclinants, à moderniser (Mansinho et Schmidt, 1997).

16 Toutefois, à partir des années 1990, les espaces ruraux font l’objet de nouvelles demandes sociales qui attribuent à la ruralité une haute valeur environnementale et culturelle (Figueiredo, 2009). Dans ce contexte, les petites villes et aires rurales en déclin démographique, notamment dans l’Alentejo, sont investies de nouvelles fonctions touristiques et patrimoniales (Silva, 2012) et attirent de nouveaux habitants. Parmi eux se trouvent des étrangers du Nord (Centre et Nord-Européens, Nord-Américains) (Torkington, 2015), du Sud (Fonseca, 2008), mais également des Portugais. Pendant longtemps, le phénomène a surtout concerné des Portugais ayant migré à l’étranger qui retournaient au pays à l’âge de la retraite (Poinard, 1988; Charbit et al., 1997). Mais, depuis les années 1990, les acteurs portugais de ces migrations se sont diversifiés, dans un contexte de développement de tourisme rural et d’attribution de valeurs positives au rural (Silva et Leal, 2015; Soares da Silva et al., 2016). Les données sur les migrations internes entre les recensements de 1991 et de 2011 montrent que les régions en déprise de l’intérieur affichent des soldes migratoires globalement positifs, dus à l’arrivée de populations entre 40 et 69 ans, contrairement aux 20-35 ans, pour qui le solde migratoire est très négatif. D’après Jacinto et Ramos (2010), ces résultats indiquent que ces installations ne sont pas liées à la recherche d’un emploi et s’expliquent par d’autres facteurs dont la qualité de vie. Participant de ce mouvement, les néoruraux étrangers à la recherche de modes de vie alternatifs ont largement investi les régions centrales du Portugal au point que celles-ci deviennent de hauts lieux de la permaculture européenne (Nogueira, 2015). Ainsi, en 2014, la plateforme Rede Convergir recensait 31 projets de permaculture au Portugal (Reis, 2016). Les installations collectives de type éco-village s’y sont multipliées depuis la fin des années 2000 (Pires, 2012).

17 La nouvelle attractivité de l’agriculture est interprétée par la presse [8] et certains chercheurs (Cabo et al., 2014) comme une réponse directe à la crise de l’emploi. Elle est illustrée par les chiffres des programmes de développement rural financés par la PAC. Entre 2010 et 2016, près de quatre fois plus de demandes (environ 16 000 contre 4 800 entre 2000 et 2009) ont été déposées pour la mesure Jovens Agricultores, qui offre un soutien financier à la première installation des moins de 40 ans en agriculture (Cabo et al., 2014 ; PDR 2020, 2017). Le nombre d’exploitations diminue moins vite qu’auparavant (– 15 % entre 2009 et 2016 contre – 27 % entre 2000 et 2009) (INE, 2011, 2017). Une responsable des formations Jovens Agricultores témoigne du changement de mentalités qu’elle perçoit par le succès de ce dispositif :

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« Nous l’avons vu ces cinq dernières années, il y a une attention nouvelle pour l’agriculture […] Même le discours social est toujours plus positif : on parle de jeunes, d’agriculture biologique, de ce qui avant était vu comme un secteur pauvre, salissant, peu intéressant […] Par le passé, les gens avaient honte de dire qu’ils étaient agriculteurs. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, nous voyons beaucoup de personnes qui disent avec fierté « je suis diplômé », « j’ai eu d’autres expériences professionnelles » […] il y avait beaucoup de préjugés, et maintenant, c’est en train de changer peu à peu » (Carina, responsable des formations du programme Jovens Agricultores à la Confagri, Lisbonne.)

19 Dans des campagnes marquées par des décennies d’exode rural et le vieillissement des agriculteurs, dont la moyenne d’âge est de 63 ans (INE, 2011), ces chiffres semblent aller dans le sens d’un changement des représentations et des attentes vis-à-vis de l’agriculture. On peut supposer qu’une partie de ces installations sont portées par des jeunes néo-agriculteurs, même si ces derniers sont souvent en marge de ces programmes en raison de leur faible capacité d’investissement. Ils mettent souvent plusieurs années à constituer leur outil de production (terres, bâtiments dont l’habitation, matériel, circuits de commercialisation et système technique) (Le Blanc, 2011). L’accès au foncier est un obstacle majeur pour ceux qui ne disposent pas déjà d’une terre héritée ou prêtée par la famille. Ces installations progressives ne permettent pas toujours de dégager un revenu agricole mais elles limitent les risques d’endettement. Elles expliquent que les néo-agriculteurs passent parfois plusieurs années sans que leur exploitation n’ait d’existence officielle.

3.  Un cadre d’analyse centré sur l’acteur-migrant

20 En nous intéressant aux migrations de « retour à la terre » au Portugal en situation de crise, notre cadre analytique se situe au croisement de la géographie rurale, de la géographie sociale et de la géographie des migrations.

3.1.  De la nécessité de renouveler l’approche des migrations vers le rural en Europe du Sud

21 La nouvelle attractivité de l’agriculture au Portugal invite à renouveler les réflexions sur les migrations vers le rural, telles qu’elles ont été développées à partir des années 1970 en Europe de l’Ouest et du Nord. Dans les contextes anglo-saxons, les analyses de la contre-urbanisation (Berry 1976) ont mis en avant l’attrait pour la qualité de vie dans l’espace rural. Elles ont remis en cause les théories néo-classiques qui expliquaient les migrations par l’accès aux ressources économiques. Ces migrations vers le rural sous l’angle de la contre-urbanisation, des migrations d’agrément (Moss, 2006) ou des lifestyle migrations (Benson et O’Reilly, 2009), motivées par la quête de lieux de vie agréables et riches en aménités (souvent paysagères et environnementales), et d’un autre mode de vie, sont généralement fondées sur des aspirations plus qualitatives qu’économiques. Ces approches accordent une place centrale à la rural idyll (Mingay, 1989), représentation idéalisée des campagnes, dans les processus de décision. Ce type de migrations touche également les espaces ruraux et les petites villes d’Europe du Sud à partir des années 1990. Il concerne surtout des Nord-Européens, attirés par les aménités paysagères et les différentiels de prix (Torkington, 2015). L’arrivée de populations fortement dotées en ressources économiques et culturelles peut être source de développement mais peut aussi entraîner des processus de gentrification (Richard et al., 2014), y compris dans le secteur agricole (Sutherland, 2012). Au Portugal, les lifestyle migrants viennent pour la plupart d’Europe du Nord et d’Europe centrale (Grande-Bretagne, Allemagne, Hollande et Suède). Le phénomène s’est déployé d’abord sur le littoral (principalement Algarve et côte ouest de Lisbonne) avant de toucher les régions intérieures, marginales et dépeuplées offrant des opportunités foncières et immobilières, telles que l’Alentejo (Torkington, 2015).

22 Cependant, ces approches ont été critiquées quant à leur incapacité à prendre en compte l’aspect économique et inégalitaire des migrations (Fielding, 1982), qui concernent des groupes sociaux divers (Cognard, 2010). Centrées sur les activités résidentielles et récréatives, elles ne permettent pas de penser les cas des nouveaux entrepreneurs ruraux (Saleilles, 2007), ni les phénomènes de relégation vers les campagnes de populations précaires pour lesquelles l’espace rural joue une fonction refuge en France (Berthod-Wurmser, 2012), en Grande-Bretagne (Milbourne, 2007) ou en Grèce après la crise de 2008 (Gkartzios, 2013). Or, bien souvent, les motivations d’ordre économique et celles du mode de vie sont imbriquées. La théorie de la contre-urbanisation comme celle des migrations d’agrément semblent insatisfaisantes à elles seules pour saisir la diversité de leurs rapports au rural et à l’agriculture.

23 Par ailleurs, certains auteurs pointent l’ancrage anglo-saxon et nord-européen de ces concepts (Halfacree, 2008 ; Gkartzios, 2013) et interrogent leur pertinence dans des contextes nationaux différents. Les pays d’Europe du Sud ont peu attiré l’attention (Soares da Silva et al., 2016), alors qu’ils connaissent aussi des migrations vers le rural depuis les années 1990, notamment en Espagne (Font, 1988; Rivera, 2007), au Portugal (Fonseca, 2008) et en Italie (Poli, 2013). Il est en fait difficile d’imposer un modèle théorique unique vu la diversité des dynamiques des espaces ruraux (Berger, 1996). De même, du point de vue de l’individu – c’est-à-dire de l’acteur migrant –, on peut supposer que le choix de quitter la ville pour s’installer en agriculture relève d’un enchevêtrement de facteurs exogènes et endogènes qui orientent les prises de décision.

3.2.  L’acteur migrant et sa trajectoire de vie : stratégie, tactiques, bifurcations

24 Inscrite dans le champ de la géographie sociale, notre approche appréhende l’espace géographique sous l’angle des pratiques et des représentations (Di Méo et Buléon, 2005). Nous partons du principe que les individus sont des acteurs agissants, jouant avec les normes pour s’adapter aux diverses situations auxquelles ils sont confrontés (de Certeau, 1990). Nous cherchons à accéder aux singularités de l’expérience vécue de l’individu dans ses rapports à l’espace. Néanmoins, nous considérons que les migrations résultent du rapport dialectique entre des facteurs macro-économiques et géopolitiques (restructuration des économies, diffusion d’images positives sur la ruralité, etc.) et « des logiques endogènes d’ajustement que déploient les acteurs migrants » (Cortes et Faret, 2009, p. 7).

25 Pour comprendre le lien entre migrations et crise, nous mobilisons la notion de stratégie, « consubstantielle à la notion d’acteur » (Lévy et Lussault, 2003, p. 873). L’acteur possède une intentionnalité, dans le sens où il est doté d’une capacité à construire un « horizon d’attente » qui guidera ses actions et qu’il peut exprimer. Nous adhérons cependant à la distinction qu’opère de Certeau (1990) entre tactique et stratégie. D’après lui, la stratégie suppose une certaine sécurité. Elle est pensée a priori, dans un temps et un lieu extérieur « de cibles ou de menaces ». Au contraire, la « tactique » joue « sur le terrain qui lui est imposé » (ibid., p.59), c’est une adaptation conçue dans l’ici et maintenant qu’il qualifie d’« art du faible ».

26 À partir de ce cadre interprétatif, nous analysons la trajectoire socio-spatiale de l’acteur migrant en lien avec ses projets et la mobilisation de certaines ressources (insertion dans différents types de réseaux notamment). Traversées par une certaine imprévisibilité (Grossetti, 2006), les trajectoires ne sont pas linéaires. Elles sont faites de « carrefours biographiques » et de « turning points » (Hughes, 1950, 1996), autant de moments de bifurcation au cours desquels les individus sont « amenés à faire des choix et à opérer parfois un changement brutal dans leur parcours » (Bidart, 2006, p. 29). Dans le « retour à la terre », le contexte macro de la crise économique rencontre les dispositions micros des individus. La notion de projet migratoire (Boyer, 2005), associée à l’étude des trajectoires, nous aide alors à envisager les parcours dans leur globalité, à toutes les échelles spatiales et temporelles, et à comprendre la manière dont les néo-agriculteurs, dans leurs réponses à la crise, peuvent éventuellement transformer les situations de contraintes en stratégie.

3.3.  Les circulations des migrants entre villes et campagnes

27 L’approche par les trajectoires, telle que nous la proposons ici, ouvre la possibilité de dépasser une vision segmentée de la migration entre lieux de départ (ici la ville) et lieux de destination (la campagne). Les migrations, comme phénomène réversible (Domenach et Picouet, 1987), ne constituent pas nécessairement un transfert définitif de population, ni une rupture des liens avec les lieux de départ ou d’origine. Dans le cas de l’émigration rurale, notamment dans les pays du Sud, de nombreux travaux ont montré l’importance des liens tissés entre villes et campagnes, par les relations économiques, les réseaux familiaux ou communautaires, la mobilité et l’insertion de l’activité agricole dans des systèmes d’activité complexes (Chaléard et Dubresson, 1999 ; Le Gall, 2011 ; Fréguin-Gresh et al., 2015 ; Cortes et Vassas Toral, 2016). Ainsi, les migrations peuvent donner lieu à un enchevêtrement d’appartenances rurales et urbaines (Vassas Toral, 2011 ; Faret et Cortes, 2018).‬‬‬‬‬‬ ‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬Les liens entre des lieux distants sont entretenus par des circulations matérielles et immatérielles, qui structurent un champ migratoire et un champ social (Simon, 2008).‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬

28 Ces approches ont surtout été développées pour des migrations internes et internationales au départ des campagnes. Pourtant, elles sont pertinentes pour penser les migrations de l’urbain vers le rural et analyser les liens à la ville des néo-agriculteurs. Le prisme de la circulation permet d’avoir une lecture des liens qui se nouent avec Lisbonne, notamment à partir de l’analyse des réseaux sociaux et familiaux, des pratiques et activités professionnelles. L’enjeu de la démarche est de pouvoir prendre en compte la question des opportunités et des stratégies déployées par les néo-agriculteurs dans la mise en lien des lieux et des hommes, entre ville et campagne.

4.  Retourner à la terre pour faire avec la crise : des trajectoires différenciées

29 Dans cette partie, nous nous interrogeons sur les trajectoires biographiques des néo-agriculteurs et la construction du processus de décision. Cette démarche implique de distinguer les facteurs exogènes et endogènes qui jouent un rôle dans les bifurcations, mais également ce qui relève du choix ou de la contrainte pour l’individu, et de considérer comment ceux-ci sont perçus et réévalués au fil de la trajectoire (Hélardot, 2010). Nous montrons ainsi comment la crise économique a pu jouer au sein des trajectoires individuelles comme vecteur de changement.

30 Les cinq trajectoires idéal-type que nous avons isolées témoignent de différents liens à la crise urbaine. En nous fondant sur le vécu et les perceptions des acteurs, nous distinguons les néo-agriculteurs qui voient la ville comme répulsive sous l’effet direct de la crise économique et de l’austérité, et ceux qui voient la ville, au-delà même de la crise économique, comme antipode de leur vision du monde. Ces perceptions conditionnent le projet migratoire (Boyer, 2005). Pour les premiers, la contrainte est vécue comme exogène et les pousse à réagir. Pour les seconds, la crise est endogène, liée à leur philosophie de vie (rejet de la ville). Ils ont donc davantage d’autonomie dans la décision de partir. Au sein de ces catégories, des profils peuvent converger et les frontières sont poreuses. Néanmoins, les perceptions des acteurs sur leurs propres trajectoires divergent et le discours insistera tantôt sur l’aspect inattendu et contraint du choix de migrer, tantôt sur la continuité d’un processus, favorisée par la mise en récit. Ainsi, nous distinguons deux types de vécus de trajectoires selon que le « retour à la terre » est présenté comme une tactique, c’est-à-dire un bricolage avec les circonstances, ou comme une stratégie plus programmée (de Certeau, 1990).

4.1.  Des profils hétérogènes

31 Malgré de nombreux points communs, notamment concernant les choix productifs (essentiellement du maraîchage biologique et intensif sur de petites surfaces), notre échantillon présente des profils hétérogènes en termes d’origines géographiques et socioprofessionnelles et en termes de parcours migratoire (voir tableau 1). Pour six d’entre eux, il s’agit d’un retour effectif au lieu d’origine après une période passée en ville (souvent Lisbonne) ou à l’étranger, pour les études ou pour des raisons professionnelles. Généralement, ces installations sont facilitées par la possibilité de s’appuyer sur des ressources foncières familiales et par la dotation en ressources sociales locales qui facilitent l’accès aux savoirs et l’intégration au monde agricole. Le plus souvent, le parcours combine les trois types de mobilité, spatiale, sociale et professionnelle. Les étrangers sont particulièrement représentés (sept individus dont un ménage) et sont tous issus de pays d’Europe du Nord (deux Hollandais, un couple d’Allemands, un Britannique) et de l’Ouest (trois Français).

32 Dans notre échantillon, de nombreuses motivations de départ sont communes aux différents acteurs, alliant des motifs de rejet (de la vie urbaine, de la société de consommation, d’un travail peu épanouissant) et d’attraction (opportunité, cadre paysager, environnemental et social, éthique de vie). Souvent, le choix de la vie à la campagne renvoie à un rejet du mode de vie urbain et de ses implications sociales, politiques et existentielles. La contestation de la routine « métro-boulot-dodo », symptomatique de l’engrenage de la société de consommation, est très répandue.

33

« Je ne veux pas être derrière un ordinateur toute la journée, avoir une voiture et une maison chère à Amsterdam. Toi, tu travailles pour maintenir tout ça, et un jour tu as des enfants et tu ne peux même pas les voir parce que tu travailles de 9 heures à 18 heures jusqu’à 65 ans. Mais qui est le fou qui a inventé ça ? » (Manuel, 33 ans, néo-agriculteur d’origine hollandaise, Grandôla.)

34 Mais selon les individus, un même motif de migration pourra être vécu et présenté de façon plus ou moins contrainte ou choisie. Par exemple, dans les cas de Carla et Afonso, le départ de Lisbonne vers la campagne fait suite à un licenciement, mais leur narrative of escape (Benson et O’Reilly, 2009) met en scène deux temporalités différentes dans la genèse du projet de migration. Pour la première, ce choix est placé dans la continuité d’un désir de campagne mûri sur un temps long.

35

« J’étais au chômage […] la crise empirait et alors on a pensé quitter la ville. Je voulais vraiment partir. Ça fait 30 ans que je veux quitter la ville » (Carla, 57 ans, néo-agricultrice originaire de Lisbonne, Montemor-o-Novo.)

36 Pour le second, l’insistance est davantage mise sur la brutalité et le caractère inattendu du processus, qui l’apparente à un choix contraint, tout en le réinscrivant dans la continuité d’intérêts personnels pour le monde agricole.

37

« C’est clairement le chômage qui a été le facteur n° 1 […] Je n’avais aucun lien avec la campagne, toute ma famille vient de Lisbonne […] mais j’aimais bien les animaux… Disons que le fait d’être au chômage a donné l’impulsion qui manquait pour faire le pas. Parce que mon objectif, c’est de créer mon propre poste de travail » (Afonso, 38 ans, néo-agriculteur originaire de Lisbonne, Arruda dos Vinhos.)

38 Dans les récits de vie, les registres de la contrainte et du choix se mêlent souvent, rendant poreuse la frontière établie entre les deux types de trajectoire dégagés.

Tableau 1

Diversité des logiques de retour à la terre des néo-agriculteurs (les lignes grisées correspondent aux 5 trajectoires idéal-type)

Diversity of reasons among neo-farmers for going back-to-the-land (grey lines correspond to the 5 ideal-type trajectories)

Nom Âge Lieu d’origine Profession antérieure/études Facteur(s) de la migration Date d’instal-lation Commune d’installation Type d’agriculture Taille de la ferme (en ha) Commercialisation
Romain 61 Paris (France) Apiculteur Mode de vie 2008 Serpa Apiculture et agrotourisme 4 Ponctuelle
João 33 Coïmbra Docteur en économie Mode de vie – convictions écologiques 2015 Montemor-o-Novo Maraîchage biologique 2 En projet
Benjamin 26 Paris (France) Guide-accompa-
gnateur
Mode de vie 2017 Grandôla Maraîchage biologique 1 Non
Manuel 33 Amsterdam (Pays-Bas) Serveur Mode de vie 2012 Grandôla Maraîchage biologique et agrotourisme 2,5 Non
Fernando 38 Evora Aucune Vocation pour l’agriculture 2013 Viana do Alentejo Maraîchage biologique 5 Oui
Leo 45 Alvito Gestionnaire Chômage – Mode de vie 2002 Alvito Production d’asperges biologiques 8 Oui
João Paulo 36 Evora Professeur de sport – guide touristique Insatisfaction au travail – Mode de vie 2014 Evora Maraîchage et herbes aromatiques biologiques 2,7 Oui
Giovanni 33 Londres
(Royaume-Uni)
Musicien et créateur d’évènements Mode de vie 2016 Sintra Maraîchage biologique 1,5 Non
Afonso 38 Lisbonne Commercial– Agent d’exécution Chômage – Mode de vie 2016 Arruda dos Vinhos Arboriculture fruitière et élevage porcin 2,5 En projet
Paulo 28 São Miguel do Pinheiro Chauffeur de bus Vocation pour l’agriculture 2017 Almodovar Apiculture 400 Oui
Mike et Susann 34 Gütersloh (Allemagne) Ouvrier des voiries – masseuse Mode de vie 2015 Ourique Maraîchage biologique, production de fruits exotiques 4 Non
Mariana 62 Montemor-o-Novo Cuisinière Chômage – Vocation pour l’agriculture 2010 Montemor-o-Novo Maraîchage biologique 4 Oui
Enrique 67 Braga Ingénieur Mode de vie 2010 Montemor-o-Novo Maraîchage, apiculture, élevage caprin biologiques 9 Oui
Rafael 37 Reguengos-de-Monsaraz Psychologue Mode de vie 2012 Reguengos de Monsaraz Maraîchage biologique, apiculture 0,5 Ponctuelle
Carla 57 Lisbonne Journaliste Chômage – Mode de vie 2013 Montemor-o-Novo Maraîchage biologique, production de fruits rouges 0,5 Oui
Clàudia et Caio 46 et 48 Lisbonne et Torres Novas Chercheuse en agronomie – journaliste Mode de vie – Convictions écologiques 2011 Montemor-o-Novo Arboriculture fruitière biologique (permaculture) 10 Oui
Paul 38 Gouda (Pays-Bas) Educateur Mode de vie 2016 Montemor-o-Novo Élevage bovin laitier et production fromagère 30 Oui
Laura 38 Lisbonne Designer Mode de vie En projet Lisbonne Production d’huile d’olive et amandes biologiques 13 En projet
Renata 28 Santiago-do-Cacem Beaux-Arts- gardienne de musée Difficulté à trouver un emploi – mode de vie En projet Melides Viticulture et agrotourisme 19 En projet
Pedro 30 Montemor-o-Novo Ingénieur dans le BTP Difficulté à trouver un emploi 2013 Montemor-o-Novo Apiculture 1 Oui
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figure im5
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Diversité des logiques de retour à la terre des néo-agriculteurs (les lignes grisées correspondent aux 5 trajectoires idéal-type)

Diversity of reasons among neo-farmers for going back-to-the-land (grey lines correspond to the 5 ideal-type trajectories)

4.2.  Un retour à la terre bricolé : un espace rural refuge

39 Dans ce premier type de trajectoires, l’arrivée dans l’agriculture en milieu rural semble inattendue. La trajectoire biographique est marquée par une bifurcation. Dans le contexte de la crise économique, l’événement déclencheur est souvent la perte d’emploi ou, sur une temporalité plus longue, la difficulté à en trouver un. La (re)conversion dans l’agriculture est envisagée avant tout au niveau professionnel : il s’agit de trouver une nouvelle activité.

40 La trajectoire d’Afonso (38 ans) est éclairante. Issu d’une famille de lisboètes depuis plusieurs générations, il n’a pas de contacts avec le monde rural et s’y intéresse peu, avant qu’une crise personnelle et professionnelle ne le pousse à y chercher refuge : d’abord comme résidence secondaire le week-end, puis en résidence permanente après son licenciement. C’est le fait d’y habiter qui le conduit à entreprendre une activité agricole, associant, sur 2,5 hectares, arboriculture fruitière et élevage porcin en circuits courts. Sa candidature aux aides à l’installation du PDR a été rejetée.

41

« Je travaillais comme agent d’exécution pour les banques. Mon travail, c’était d’aller voir les personnes qui ne payaient pas leur maison, et je leur envoyais l’huissier, avec le tribunal et tout. Et parfois, psychologiquement, c’était très dur. Des familles entières, des personnes qui restaient sans maison, sans rien […] et alors j’ai eu l’idée de prendre cette maison pour venir les week-ends et oublier un peu tout, le travail… Puis les banques ont fait faillite et m’ont licencié […] et comme j’avais déjà la maison ici, que j’aimais bien les animaux, j’ai décidé d’en faire un lieu d’agriculture » (Afonso, 38 ans, néo-agriculteur originaire de Lisbonne installé à Arruda dos Vinhos.)

Figure 2

Trajectoire de vie d’Afonso

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The life course of Afonso

figure im2

Trajectoire de vie d’Afonso

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The life course of Afonso

42 Dans cette trajectoire, l’entrée dans l’activité agricole n’est pas le fruit d’un projet mûrement réfléchi, mais le résultat d’un enchaînement de circonstances qui ne sont pas restituées par l’individu dans le cadre d’une stratégie d’ensemble. Le discours n’est pas sous-tendu par une vision dichotomique de l’espace, entre la ville dépréciée et la campagne valorisée. Toutefois, la bifurcation dans cette trajectoire suit une période de pression grandissante avant que l’événement (le licenciement) ne bouleverse l’agencement de la séquence de vie précédente. Ce schéma d’apparition est un trait caractéristique de la bifurcation (Bidart, 2010). Dans le cas d’Afonso, la principale motivation est de trouver une solution professionnelle et sociale dans un moment de dépression. Ce choix trouve ensuite une cohérence et une justification dans des aspirations personnelles, favorisées par la mise en récit (Ricœur, 1990).

43 Nous pouvons prendre l’exemple d’une seconde trajectoire, racontée par le père d’un jeune diplômé, rentré dans sa commune d’origine, Montemor-o-Novo, après avoir étudié et cherché du travail à Lisbonne. Devenu apiculteur en 2013, il possède une centaine de ruches. Pour s’installer, il a bénéficié des fonds européens du PRODER [9].

44

« Mon fils, Pedro, qui a 30 ans, a abandonné l’ingénierie civile. […] quand il a commencé ses études, c’était le secteur le plus performant, avec de belles opportunités professionnelles. Mais quand il s’est diplômé [en 2012], c’était la crise, surtout dans le secteur de la construction. Donc l’unique solution, c’était de partir au Mexique ou au Brésil, où la construction se porte bien […] mais comme il avait sa fiancée ici, il est revenu dans le coin, il vivotait, et je lui disais : “Pedro, tu ne peux pas rester comme ça, il faut faire quelque chose” et c’est là qu’il a décidé de faire de l’apiculture. On a toujours eu quelques ruches et il m’a toujours aidé. Mais c’était un hobby, on faisait ça pour nous, pour les amis » (Alberto, ingénieur agronome, Montemor-o-Novo.)

45 Dans cet exemple, la mise en mobilité est une conséquence directe de la conjoncture économique et la migration de retour au lieu d’origine est préférée à la migration internationale pour des motifs non économiques. Là aussi, l’opportunité de reconversion apparaît après la migration et elle est rendue possible par une pratique antérieure de hobby farming familial.

46 Enfin, nous pouvons citer l’exemple de Renata, 28 ans, qui a fait des études de Beaux-arts à Lisbonne. Depuis quatre ans, elle travaille comme surveillante au musée d’art moderne de Belém (Lisbonne), ayant abandonné l’espoir de trouver du travail dans son domaine. En complément, elle récolte chaque été des fraises comme saisonnière agricole en France, où la paye est plus avantageuse et lui permet ensuite de toucher le chômage. L’idée de s’installer est apparue lorsque sa mère a hérité d’une terre de son grand-père sur le littoral de l’Alentejo. Bénéficiant d’une localisation avantageuse pour le tourisme balnéaire et rural, elles ont monté un projet de ferme multifonctionnelle associant l’hébergement touristique et la culture de la vigne, des pignons et des fruits rouges. Dans cette dernière trajectoire, l’héritage d’une propriété fait surgir une opportunité dans un contexte d’absence de perspectives professionnelles satisfaisantes. Il ne s’agit pas d’une bifurcation soudaine mais d’une transition par étapes. L’installation se prépare en conservant un emploi et un lieu de résidence à Lisbonne.

4.3.  Un retour à la terre choisi par rejet de la ville

47 Dans ce second type de trajectoires, la bifurcation est caractérisée par un degré d’imprévisibilité moindre, car la décision de partir est motivée par des envies et une vision personnelles. Elle est stimulée par un événement, qui peut être directement lié à la crise économique ou relever de la sphère personnelle. Considérant que les moments de crise sont des révélateurs « d’enjeux et de logiques, de choix qui resteraient invisibles dans le cours tranquille des choses » (Bidart, 2006, p. 34), observons la trajectoire de Carla (57 ans). Journaliste à Lisbonne où elle a toujours vécu, elle ressent de plus en plus une fatigue du mode de vie urbain qualifié de déshumanisant, doublée d’un sentiment d’insignifiance de son travail.

48

« C’est sûr, sortir de la ville, je pense que c’était la première motivation… sortir de la ville et laisser ce mode de vie… pour moi déshumanisé, c’est-à-dire […] se lever très tôt, prendre le train pour aller à Lisbonne, dans ce trafic infernal, passer une heure dans les transports, et revenir le soir et subir la même chose ; rester assise dans un bureau et voir que ça ne produit rien, et qu’on ne peut jamais être satisfait du résultat. Ça suffit » (Carla, 57 ans, néo-agricultrice originaire de Lisbonne installée à Montemor-o-Novo).

49 On observe également une montée en pression croissante, avant que le licenciement n’intervienne et n’offre l’opportunité de réaliser un projet, resté pendant des années dans le domaine de l’hypothétique, mais longuement mûri. Crise endogène et micro (mal-être), d’un côté, et crise exogène et macro (crise économique et licenciement), de l’autre, s’imbriquent pour aboutir à la bifurcation. Mais la perte de l’emploi joue finalement un rôle secondaire de déclencheur par rapport à la vision d’un système urbain en crise.

50 En fonction des cas, les niveaux endogène et exogène jouent à des degrés variables. Dans un second exemple, il n’y a pas d’événement déclencheur mais une qualité de vie insatisfaisante à Lisbonne, un pouvoir d’achat faible provoquant un sentiment de révolte sur les conditions de vie. Cláudia (46 ans) vivait dans la banlieue de Lisbonne et travaillait comme ingénieure agronome. Très engagée dans la cause environnementale, elle considère que son travail ne contribue pas assez à la transition agro-écologique. C’est la rencontre avec son futur mari, ayant déjà quitté Lisbonne pour retourner dans son village natal, qui crée l’événement de rupture. Le couple s’est lancé en 2013 dans l’arboriculture fruitière et la production de fruits rouges en production biologique selon les méthodes de la biodynamie sur 10 hectares. Pour cela, ils ont bénéficié des fonds européens du programme PRODER.

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« Je suis 100 % urbaine. J’ai passé toute ma vie dans la banlieue ouest de Lisbonne […] Tous les jours, je devais traverser tout Lisbonne pour aller travailler […] et dans les supermarchés, je n’avais pas accès aux produits biologiques, c’était hors de prix pour mes revenus […] Mon travail, j’ai rapidement compris que ce n’était pas la voie pour changer les choses. Et on s’est rencontrés à ce moment-là et on a décidé de faire de l’agriculture biologique. Ça a été notre grande transformation » (Cláudia, 46 ans, néo-agricultrice originaire de Lisbonne. Montemor-o-Novo).

52 Ces trajectoires nous montrent comment les niveaux micro et macro, et les différentes sphères (professionnelle, sociale, psychologique) jouent ensemble, à des degrés variés, pour provoquer la bifurcation. Dans la première catégorie, le milieu rural s’apparente à un espace-refuge par rapport à la ville. L’installation en agriculture résulte d’une tactique d’adaptation. Dans le deuxième cas, il s’agit à l’inverse d’un rejet de la ville et de son mode de vie ; la migration relève d’une stratégie pour remédier à cette insatisfaction. Toutefois, on trouve différents degrés d’imprévisibilité de l’événement et de son issue.

53 Ainsi, ces deux types de trajectoire convergent par certains aspects, notamment dans la façon de mettre en récit la décision de migrer, qui nourrit un « narrative of escape » (op.cit.), et qui insiste sur l’opposition entre représentations négatives de la vie avant et après.

5.  Le double ancrage urbain-rural comme ressource

54 Plusieurs néo-agriculteurs venus de la ville gardent « un pied dedans, un pied dehors » (Chaléard et Dubresson 1989) et font émerger, par leurs mobilités, de nouveaux rapports entre ville et campagne. Ce double ancrage devient une ressource qu’ils mettent à profit dans leurs pratiques et leurs activités. Nous distinguons trois vecteurs de circulations reliant les néo-agriculteurs à Lisbonne : les réseaux familiaux, les réseaux commerciaux et les réseaux sociaux de type associatifs.

5.1.  Les réseaux familiaux, des relations anciennes de solidarités

55 Dans les pays d’Europe du Sud, où l’Etat providence est historiquement moins développé, certains auteurs ont montré que le système familial assure un rôle d’amortisseur social (Allen et al., 2004). Les enquêtes montrent, en effet, que les départs à la campagne et les retours à l’agriculture, bien que relevant de décisions individuelles, s’inscrivent fréquemment dans des logiques et des réseaux familiaux.

5.1.1.  Circuler pour maintenir la vie de famille

56 Dans des situations de dispersion de la famille (Cortes, 2008), les liens sont maintenus avec les parentés résidant en ville. Les relations de complémentarité et de solidarité intrafamiliales se traduisent par des circulations.

57 Dans le sens rural-urbain, au sein des familles, les échanges de produits alimentaires sont très fréquents (légumes, conserves), voire de rigueur pour certains produits comme l’huile d’olive. Chez les néo-agriculteurs, la proximité du lieu d’origine [10] peut être un facteur décisif de localisation. Carla explique pourquoi elle s’est installée à Montemor-o-Novo :

58

« Nous voulions sortir de la ville mais pas pour aller au bout du monde. Nous avons nos enfants et la famille à Lisbonne, et nous nous voyons de temps et temps. Donc nous avons commencé à Montemor » (Carla, 57 ans, néo-agricultrice originaire de Lisbonne, Montemor-o-Novo).

59 Les relations familiales entretiennent ainsi le lien avec la ville d’origine en donnant lieu à des mobilités fréquentes. Pour autant, la capacité de se déplacer varie d’un individu à l’autre. Pour certains, le rapport à l’environnement urbain est transformé par l’expérience rurale et peut devenir désagréable au point de l’éviter.

60

« Quand je vais à Lisbonne, je suis trop stressé. Je ne supporte plus le trafic, le bruit, le désordre. J’y vais juste pour voir mes parents » (Afonso, 38 ans, néo-agriculteur originaire de Lisbonne, Arruda dos Vinhos).

5.1.2.  L’appui financier des réseaux familiaux

61 Pendant le processus de (re) conversion des néo-agriculteurs, la famille peut fournir un appui financier. Dans le cas de Pedro, évoqué plus haut, la famille élargie a financé les ruches et le matériel de récolte. Les réseaux familiaux permettent ainsi de contourner les frais engendrés par le crédit agricole et de mieux maîtriser le calendrier du remboursement.

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« Tout seul, sans expérience, même avec les 80 ruches que la famille lui a fournies, il n’aurait pas survécu parce que les premières années sont les pires. Surtout avec cette année dramatique de sécheresse […]. Pedro, sans l’appui de la famille, il n’aurait pas su faire. La famille [élargie] a investi près de 130 000 euros. S’il avait dû les chercher à la banque, il aurait dû payer les intérêts » (Alberto, ingénieur agronome et père de Pedro, 30 ans, Montemor-o-Novo).

63 Les biens familiaux peuvent également être mis à contribution dans l’aide à l’installation. Le cas le plus classique est l’héritage d’une terre agricole, comme dans le cas de Renata, évoqué plus haut. Carla, elle, s’est arrangée avec son mari et ses enfants pour que le loyer perçu sur le logement qu’ils possèdent à Lisbonne lui assure un revenu mensuel, le temps de créer son exploitation.

64 Certains projets agricoles sont consolidés durant une phase de bi-résidence avec maintien d’un emploi en ville. Renata est porteuse du projet d’agritourisme car son âge lui donne accès au programme Jovens Agricultores dont elle suit les formations à Lisbonne. Elle rejoint tous les week-ends sa mère dans l’Alentejo pour préparer le terrain, mais elles attendent que leur projet soit accepté pour que Renata laisse son travail de surveillante de musée.

65 Ces exemples montrent que différentes ressources familiales sont activées et que les néo-agriculteurs tirent profit de la dispersion géographique mais surtout de la diversité professionnelle et sectorielle des membres de la famille.

5.2.  De nouveaux réseaux et des circulations liés à l’activité agricole

66 Les premières années suivant l’installation, les néo-agriculteurs sont souvent exposés au risque de la précarité. En attendant de tirer un revenu de leur activité agricole, certains mettent en place des stratégies économiques et commerciales reposant sur des circulations matérielles et immatérielles entre la ville et la campagne.

5.2.1.  La commercialisation des produits en circuits courts à Lisbonne

67 Les néo-agriculteurs investissent majoritairement le créneau des circuits-courts pour des raisons idéologiques et des motifs économiques. La demande de ce type de produits est concentrée dans la capitale et dans les métropoles régionales, ce qui oriente les stratégies de commercialisation des néo-agriculteurs. Nous supposons que la distance à la ville joue un rôle déterminant dans l’insertion des réseaux de commercialisation en circuits courts.

68 Les projets néo-agricoles s’insèrent souvent dans une réflexion plus globale sur les systèmes alimentaires et peuvent être accompagnés d’initiatives visant la création de nouveaux circuits de distribution fondés sur la proximité, dans un contexte où ceux-ci sont peu développés. De fait, ces circuits s’appuient généralement sur les réseaux affinitaires des néo-agriculteurs quand ils prennent des formes informelles (cercles familiaux et amicaux élargis) ou formelles (groupement d’achat, distributeur). Dans la mesure où la ressource sociale serait le principal déterminant de l’insertion des néo-agriculteurs dans les réseaux de commercialisation, nous émettons l’hypothèse qu’il existe un lien entre la participation à ces réseaux et la provenance des néo-agriculteurs, conditionné par leur ressource sociale (capacité à s’appuyer sur les relations nouées sur place, dans les villes, et dans les différents lieux de leur trajectoire spatiale) et leur maîtrise de la langue. Dans notre échantillon, la commercialisation de la production constitue un critère discriminant entre les néo-agriculteurs portugais, qui vendent leur production, parfois au noir, et les néo-agriculteurs étrangers, qui produisent à des fins d’autoconsommation. Le faible niveau d’insertion des étrangers dans ces réseaux peut correspondre à un choix délibéré (projet exclusivement vivrier) mais aussi résulter d’un certain isolement vis-à-vis de la société locale, notamment en raison d’une connaissance limitée de la langue. Par exemple, Mike et Susann sont tous deux originaires d’Allemagne et sont installés depuis 2015 dans le sud de l’Alentejo. Ils ne parlent pas portugais, contrairement à leurs enfants qui vont à l’école, et ils ont peu de contacts avec la population locale. Cet isolement contribue à faire naître des incompréhensions et à maintenir certains préjugés.

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« Il y a beaucoup d’étrangers ici et les Portugais ne comprennent pas ce qu’ils y font. Ils veulent tous aller en ville ou n’aiment pas ici, alors ils pensent qu’on est fous. Au début, ils pensaient qu’on plantait de la marijuana, qu’on était des sortes de hippies » (Mike et Susann, 34 ans, néo-agriculteurs d’origine allemande, Ourique).

70 À l’inverse, ils ont davantage de relations avec la communauté anglaise de retraités, très présente dans le sud du pays, à qui ils vendent ponctuellement leurs fruits et légumes, et chez qui ils effectuent des travaux de jardinage pour en tirer quelques revenus.

71 Par ailleurs, les pratiques de consommation de la population rurale locale, vieillissante et peu sensibilisée aux enjeux de l’agroécologie, renforcent la difficulté à trouver des débouchés commerciaux. Habituée à cultiver un potager pour sa propre consommation et à faire ses achats dans la grande distribution, elle se montre peu disposée à payer davantage pour une alimentation biologique et locale.

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« Ce n’est pas facile de vendre parce qu’ici, les gens ont un terrain où ils cultivent un peu de tout, ou ont des animaux derrière la maison. Donc, ils n’achètent pas. […] L’idée, c’est de vendre dans les villes les plus proches. À Torres Vedras ou à Lisbonne » (Afonso, 38 ans, néo-agriculteur originaire de Lisbonne, Arruda dos Vinhos).

73 Pour cette raison, à Montemor-o-Novo, un groupe de nouveaux habitants a créé la coopérative Minga en 2015, dont l’objectif est de proposer des activités sociales et culturelles, mais aussi d’offrir un point de vente directe aux producteurs et artisans locaux, dont une partie sont des néoruraux. Cependant, la fréquentation de la coopérative dépasse difficilement le cercle des nouveaux habitants. De plus, le cas de cette coopérative constitue plutôt une exception, car sur les 20 néo-agriculteurs rencontrés, beaucoup sont isolés et ne participent pas de ce type d’initiative, en particulier les étrangers.

74 Les néo-agriculteurs pratiquent souvent la vente directe et vont donc eux-mêmes à Lisbonne, parfois plusieurs fois par semaine, pour vendre sur les marchés ou distribuer les paniers aux consommateurs. Cláudia et Caio, dans leurs trois lieux d’installation successifs, ont toujours eu comme débouché Lisbonne, malgré des distances plus ou moins importantes. De 2008 à 2011, ils vendaient leur production de légumes au marché de Oeiras à Lisbonne, avant de rentrer dans un groupe de consommateurs solidaires à Lisbonne. Ces points de vente sont complétés par la clientèle formée par leurs réseaux de connaissances élargis. Ayant tous deux vécu, étudié et travaillé à Lisbonne, ils ont mis à profit ce réseau social pour écouler leur production.

Figure 3

Trajectoire résidentielle et circulations de Cláudia et Caio

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Residential movement patterns and circulation of Cláudia and Caio

figure im3

Trajectoire résidentielle et circulations de Cláudia et Caio

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Residential movement patterns and circulation of Cláudia and Caio

75 Le maintien de liens avec Lisbonne semble donc dépendre davantage des réseaux sociaux sur lesquels ils s’appuient que des distances, même si celles-ci peuvent jouer dans la fréquence des circulations.

5.2.2.  Les réseaux associatifs alternatifs transcendant l’opposition urbain-rural

76 Enfin, les néo-agriculteurs participent à des réseaux associatifs qui établissent de nouvelles connexions entre Lisbonne et les territoires ruraux. Ces réseaux plus ou moins formalisés s’organisent autour d’une pratique (la permaculture par exemple) ou rassemblent divers projets alternatifs plus englobants : activités culturelles, formations, échanges solidaires, etc. (Baumgarten, 2017). Ils peuvent offrir des compléments d’activités rémunérateurs. L’exemple le plus emblématique de ces réseaux est Rede Convergir, étudié par Baumgarten (2017). Cette plateforme centralise des projets alternatifs dans tout le Portugal, dans les domaines de l’agriculture, l’écoconstruction, l’économie alternative, la santé, l’art, etc., et vise à créer des synergies entre les acteurs. De nombreux événements de ce réseau traitent de la permaculture (formations, workshops). Organisés par des fermes avec parfois des formateurs invités, ils sont le lieu de rencontre de beaucoup de néo-agriculteurs. Dans notre zone d’étude, Cláudia et Caio donnent dans ce cadre des formations sur les fondamentaux du maraîchage biologique intégré. Ils le font dans un éco-village, Ecoaldeia de Janas, situé à proximité de Lisbonne et sur leur exploitation. La plupart des participants sont des Lisboètes et des agriculteurs, tant locaux que néo-agriculteurs. Cláudia et Caio suivent eux-mêmes des formations de permaculture, souvent organisées par d’autres néo-agriculteurs. Ils sont inscrits à la newsletter du Rede Convergir, et disent se servir des réseaux sociaux (notamment Facebook) pour se tenir au courant des événements et communiquer avec d’autres adeptes de permaculture [11]. Ainsi, des communautés de pratiques s’appuient sur les réseaux sociaux et favorisent les circulations entre espaces ruraux et urbains. Dans le cas des agriculteurs sans origine rurale, l’intégration dans ces réseaux participe pleinement de leur stratégie d’accès aux ressources et aux savoirs (Mailfert, 2007). Toutefois, ces formations sont loin d’être suffisantes dans l’acquisition des savoir-faire nécessaires à la pratique agricole. Dans ce processus, les rapports de voisinage, notamment avec les agriculteurs locaux sont fondamentaux. Si ces derniers ont tendance à conserver une attitude perplexe face aux démarches et pratiques des néo-agriculteurs, on trouve toutefois des exemples de collaboration, comme dans le cas de la coopérative Minga, et d’entraide.

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« L’objectif de ce projet était d’accompagner ce mouvement de la ville vers la campagne, qui est plus un processus du genre : “Je vais m’acheter une ferme, faire de la permaculture, accueillir des wwoofers et rester de mon côté” […] Nous ne voulions pas ça, nous voulions créer un processus d’échanges de connaissances et de besoins entre ceux qui arrivent et ceux qui déjà sont là […]. Apporter nos connaissances d’architectes, d’économistes [et eux d’agriculteurs] » (João, 33 ans, fondateur de la Coopérative Minga, Montemor-o-Novo).

6.  Conclusion

78 Les migrations de « retour à la terre » au Portugal illustrent une certaine forme d’adaptation de la population à l’austérité urbaine et à la crise économique en Europe du Sud. Élaborées en ville, ces formes d’action individuelles et collectives se déploient dans les espaces ruraux et proposent de nouvelles pratiques habitantes et productives, révélant des rapports renouvelés au rural et à l’agriculture. Malgré le fort ancrage rural de la population portugaise, les espaces ruraux continuent d’être largement perçus comme des territoires économiquement et démographiquement déprimés. Or les « retours à la terre » des Portugais indiquent non seulement un changement de représentations, mais également une diversité des rapports au rural comme à l’urbain. Pour certains néo-agriculteurs, la ville est devenue un espace répulsif sous l’effet de la crise et de l’austérité. Ayant perdu leur emploi et du pouvoir d’achat, ils voient le rural comme l’espace de nouvelles opportunités. Pour d’autres, la ville incarne un environnement pollué, saturé et concurrentiel, tandis que la campagne est plus ou moins idéalisée. Les « retours à la terre » répondent à la fois à des impératifs économiques et alimentaires, et à des contestations idéologiques. En ce sens, nos résultats s’inscrivent dans la continuité des travaux récents sur l’agriculture urbaine dans les villes d’Europe du Sud, qui montrent son rôle clé dans la résilience et dans la résistance face à la crise (Camps-Calvet et al., 2015 ; Cangelosi, 2015).

79 Ces « retours à la terre » apportent ensuite un autre éclairage sur les migrations vers le rural agricole. Programmés ou bricolés, ils peuvent être une réaction et une adaptation individuelle à la crise, à la fois économique et urbaine, tout comme l’expression de mouvements de la contre-culture associée à un autre mode de vie. Les deux sont souvent intimement mêlés. Certains des acteurs cités dans cet article participent de mouvements collectifs de solidarité et de résistance, tandis que d’autres envisagent leur « retour à la terre » de manière individuelle, sans politisation apparente de leur action. Autrement dit, nos résultats montrent que les facteurs de ces migrations sont complexes et les acteurs divers. En ce sens, ils rappellent la nécessité, pointée par Cognard (2010), de dépasser l’approche par les migrations d’aménités pour prendre en compte l’hétérogénéité de ces mouvements. L’introduction du rapport à la crise permet d’accéder à une diversité de profils et de trajectoires, qui mettent à jour des motivations d’ordre économique, mais aussi social et idéologique.

80 Nos résultats montrent enfin que les « retours à la terre » créent de nouvelles territorialités associant étroitement urbain et rural et s’appuyant sur des organisations réticulaires. Loin de rompre avec les espaces urbains, les néo-agriculteurs maintiennent des contacts d’ordre familiaux, économiques et commerciaux à Lisbonne, qui font naître de nouvelles circulations entre les espaces urbains et ruraux. Avec « un pied dedans, un pied dehors » (Chaléard et Dubresson, 1999), les néo-agriculteurs ont accès à différentes ressources. Leur connaissance du mode de vie urbain et leur réseau social leur octroient une entrée privilégiée sur le marché des produits biologiques en circuits courts. Le changement de lieu de résidence et d’activité peut se faire par étapes, et de façon hybride, en conservant une activité et un logement en ville. Ces façons de faire avec l’espace – qui sont une façon de faire avec la crise et la ville — produisent des mises en réseau et des circulations qui invitent à réfléchir sur la définition même du couple rural-urbain et à dépasser une vision dichotomique au profit d’un regard porté sur les continuités socio-spatiales. A cela s’ajoute que les différents contextes géographiques semblent avoir des impacts sur les types de liens entretenus avec la ville, notamment en termes d’accessibilité. La question des distances interagit avec celle des ressources des néo-agriculteurs, qui peuvent faire jouer leurs réseaux personnels pour maintenir ou créer des liens avec la ville.

81 Nos résultats pointent en outre la difficulté de proposer une définition stable des néo-agriculteurs. Notre définition combine trajectoire spatiale, sociale et professionnelle, sans présupposer un renouvellement de l’activité agricole. Or, il apparaît que les critères de cette triple mobilité sont parfois ambigus et mettent à mal la catégorisation en termes de profils et de parcours, tant les frontières peuvent être poreuses d’une trajectoire à l’autre. Si l’approche par les parcours est nécessaire, elle semble également insuffisante. L’appréhension des impacts des néo-agriculteurs sur l’activité agricole et les circuits de distribution pourrait permettre d’enrichir la définition des néo-agriculteurs et la réflexion sur leurs apports en termes d’innovation.

82 Il conviendrait également de poursuivre l’analyse de ces installations pour en évaluer la pérennité, car les taux d’échecs et la réversibilité des mouvements de « retour à la terre » – avec des réinstallations en ville – sont historiquement élevés concernant les mouvements des années 1970-1980 en Europe (Rouvière, 2016). En effet, le risque de précarité est considérable chez les néo-agriculteurs en raison des nombreux obstacles et incertitudes entourant l’installation (accès à la terre, capital financier, accès inégal aux aides européennes, intégration et apprentissage, rentabilité, etc.). Bien que les néo-agriculteurs adoptent souvent des modes de vie s’approchant d’une forme de « pauvreté choisie » (mouvements de la sobriété heureuse et de la décroissance), la menace d’une autre crise économique, financière, personnelle, à l’échelle du projet agricole, est souvent latente. Ces facteurs incitent à relativiser la capacité de résilience de ces projets alternatifs nés de la crise économique et urbaine (Baumgarten, 2017), d’autant qu’ils se maintiennent souvent en étant combinés avec des formes de pluriactivité et de double ancrage urbain-rural, qui marquent la continuité avec l’ancien système.

83 Malgré la visibilité médiatique du « retour à la terre » dont témoignent les nombreux articles de presse faisant le portrait de néo-agriculteurs entrepreneurs [12], les politiques publiques se sont jusqu’ici peu saisies de ce phénomène. Les programmes d’aide à l’installation pourraient ainsi être adaptés car ils favorisent les reprises d’exploitation de la part de jeunes déjà dotés, au détriment des néo-agriculteurs qui construisent leur capital productif progressivement. Les politiques publiques répondraient alors tant à la demande sociale grandissante qu’à l’urgence des enjeux du renouvellement de la population agricole au Portugal.

Remerciements :

Nous remercions l’équipe Dynamo de l’université d’Evora (Icaam), et en particulier Teresa Pinto Correia, pour l’accueil dans leur équipe et leur aide sur le terrain.

Notes

  • [1]
    L’Alentejo et la région de Lisbonne sont toutes deux des régions historiques et statistiques (niveau NUTS 2). En dehors des deux régions autonomes insulaires (Açores et Madère), le Portugal n’a toujours pas de régions administratives, pourtant prévues par la Constitution de 1976. Le découpage NUTS 2 sert toutefois de référent pour les Commissions de Coordination de Développement Régional (CCDR), qui déconcentrent certains services de l’Etat.
  • [2]
    Au Portugal, le municipio (commune) est d’une superficie souvent beaucoup plus vaste que les communes françaises. Il comporte généralement une petite ville lui ayant donné son nom et plusieurs villages. Par exemple, la commune de Montemor-o-Novo regroupe 16 226 habitants (2016) répartis dans 7 freguesias (paroisse civile), sur une superficie totale de 1 232 km2.
  • [3]
    Le WWOOF (World-Wide Opportunities on Organic Farms) est un réseau mondial de fermes biologiques accueillant des travailleurs bénévoles en échange du gîte et du couvert.
  • [4]
    Confederação Nacional das Cooperativas Agrícolas do Crédito Agrícola de Portugal.
  • [5]
    L’un des auteurs de cet article a été accueilli au Laboratoire Dynamo de l’Icaam (Instituto de Ciências Agrárias e Ambientais Mediterrânicas) de l’Université de Evora.
  • [6]
    Le programme Jovens Agricultores est l’un des volets du PDR 2020 (Programme de Développement Rural) dont le but est d’encourager l’installation des agriculteurs de moins de 40 ans en leur accordant une aide financière.
  • [7]
    L’ensemble des citations ont été traduites par les auteurs. Les noms des enquêtés ont été changés pour préserver leur anonymat.
  • [8]
  • [9]
    PRODER : nom du programme de développement rural 2013-2020.
  • [10]
    L’usage du terme « lieu d’origine » renvoie ici, non pas à l’origine comme lieu de naissance et/ou lieu qui cristallise le sentiment d’appartenance, mais au lieu de provenance (c’est-à-dire la résidence antérieure) du migrant.
  • [11]
    En particulier les groupes Facebook : Permacultura, Eco-comunidade e Ambiente et Permacultura Portugal
  • [12]
    http://visao.sapo.pt/actualidade/economia/2017-05-14-Os-novos-agricultores-que-estao-a-mudar-Portugal [Consulté le 17/12/2018]
    http://vozdocampo.pt/2017/04/19/novos-rurais-jovens-agricultores-empreendedores/[Consulté le 17/12/2018]
Français

Au cours de la dernière décennie, les migrations des Portugais ont été réactivées. La crise économique de 2008, entraînant des taux de chômage élevés et des politiques d’austérité, a donné lieu à des nouvelles mobilités. Les migrations vers le rural ont été principalement étudiées dans les pays du nord de l’Europe, et généralement envisagées comme des migrations d’agrément. Elles ont peu attiré l’attention dans les pays d’Europe du Sud où elles sont plus récentes et s’inscrivent dans des rapports au rural différents. Au Portugal, nous avons analysé les trajectoires de vie de néo-agriculteurs lors d’une enquête de terrain dans l’Alentejo et la région de Lisbonne. Les résultats montrent que le choix du rural et de l’agriculture est le fruit d’une combinaison entre plusieurs facteurs, relevant de différentes échelles sociales et spatiales. Les migrations vers le rural sont réactivées par la crise économique mais répondent aussi à des aspirations individuelles de rejet du mode de vie urbain. Ce rejet, largement partagé chez les néo-agriculteurs, ne constitue pas une rupture avec la ville. Ces migrations font au contraire émerger des circulations connectant espaces ruraux et urbains, un double ancrage urbain-rural qui peut devenir une ressource en appui aux activités économiques et mécanismes de solidarité.

Mots-clés

  • migrations internes
  • retour à la terre
  • néo-agriculteurs
  • Alentejo
  • Lisbonne

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Paula Dolci
doctorante en géographie, Université Paul Valéry de Montpellier, UMR 5281 Art-Dev — INRA Montpellier, UMR 0951 Innovation
Geneviève Cortes
professeure de géographie, Université Paul Valéry de Montpellier, UMR 5281 Art Dev
Coline Perrin
chargée de recherche en géographie, INRA Montpellier, UMR 0951 Innovation
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Mis en ligne sur Cairn.info le 19/06/2019
https://doi.org/10.3917/ag.727.0062
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