CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 Qu’il y ait ou non une pénurie de logements, et quelle qu’en soit la cause, l’apparition dans les discours politiques ces vingt dernières années de la notion de « crise du logement » mérite d’être documentée, notamment pour ce qui est de ses locuteurs et de leurs motivations [1]. En France, la locution n’est pas nouvelle [2] et elle revient à des moments clés de l’histoire, lorsque la difficulté à se loger décemment est manifeste. À la fin du xixe siècle, les réformateurs sociaux prônant un logement bon marché pour les travailleurs considéraient la crise comme une pathologie de la société engendrant insalubrité, alcoolisme et dénatalité (Topalov, 1999). Au xxe siècle, alors que la « crise du logement » s’illustrait par le retard de la construction destinée aux plus modestes, le danger présumé d’une désintégration sociale suscitait la recherche de solutions collectives et coopératives (Sellier, 1921 ; Gide, 1923). C’est à cette aune que la politique du logement s’est clairement identifiée comme une politique de l’État-Nation devant fournir à ses citoyens des moyens pour se loger. Ainsi, en 1965, alors qu’un journaliste du Monde (Gilbert Mathieu) diagnostiquait dans son ouvrage Peut-on loger les Français ? « une crise qui va durer », la question de la productivité économique était soulevée. A l’heure d’une construction intensive, le logement social faisait figure de modèle s’imposant dans le cadre d’une société assurantielle (Castel, 1995). Aujourd’hui, le « retour à l’individu » (De Singly, 2005), fait du logement un élément fondamental pour l’accès à l’emploi, à l’éducation et à une vie affective épanouie. La « crise » est alors abordée selon le taux d’effort pour se loger, la pénurie de logement et la persistance de logements indécents ; ces items constituant, depuis 1995, le contenu des rapports annuels de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement.

2 Néanmoins, force est de constater que la diversité des problèmes posés par la « crise du logement » et leur prégnance sur la vie des contemporains n’a guère entraîné de mobilisations sociales d’envergure. Certes, l’hiver 1954 a donné lieu à une « insurrection de la charité », selon l’expression de l’Abbé Pierre, et l’hiver 2005 a suscité un campement urbain qui a soulevé l’indignation publique et conduit à l’adoption, en 2007, de la loi sur le droit au logement opposable (dite loi DALO). Mais ces mobilisations sont restées limitées dans le temps et dans l’espace. De plus, les textes adoptés n’ont concerné qu’une petite fraction de la population, pour une crise souvent vécue comme générale et interclassiste (Castells, 1972).

3 Israël, au contraire, a récemment montré l’image d’un mouvement social et d’une mobilisation nationale d’une envergure tout à fait inattendue. En effet, entre l’été et l’automne 2011, plusieurs centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue, toutes catégories et appartenances religieuses et politiques confondues, pour réclamer un meilleur accès au logement et plus de justice sociale [3]. Initiée à Tel-Aviv, cette mobilisation a essaimé de manière très rapide, par l’installation de campements de tentes (38 au total) dans toutes les villes du pays (voir Figure 1 ci-dessous). Elle a culminé en septembre 2011 avec un rassemblement d’environ 500 000 personnes, rassemblement majeur pour une population qui ne compte que 7 millions d’individus. Cette manifestation nationale et multi-sites a donné lieu à de nombreux écrits, d’abord journalistiques ensuite académiques [4], attestant des effets de la crise tant en termes d’intégration sociale, du sort des jeunes que des minorités ethniques. Elle a également conduit à revisiter l’histoire du pays et à mettre en cause ses orientations économiques et sociales actuelles, fort différentes de celle des « pionniers », et ce notamment en matière de logement social. Cependant, ce retour vers le passé, les différents campements de tentes et l’ampleur d’un mouvement qui travaille encore l’opinion publique n’ont pas conduit à la formulation de nouveaux cadres juridiques. Comment comprendre qu’en Israël, une mobilisation extraordinaire, par son ampleur géographique et sociale (puisque finalement, partant du logement, c’est toute l’organisation de la société israélienne qui sera interrogée), n’aura débouché sur aucune réforme des dispositifs gouvernementaux, alors qu’en France, une mobilisation, pourtant beaucoup plus restreinte, celle des Enfants de Don Quichotte à l’hiver 2006, a eu des conséquences juridiques et financières importantes (loi DALO) ?

4 Une mise en miroir entre Israël et la France, sur ces points précis – politique du logement, mobilisation, effets médiatiques, conséquences juridiques – semble donc judicieuse pour en comprendre les ressorts. Cet article propose ainsi d’explorer les situations contrastées que présentent Israël et la France, avec l’hypothèse que les récits, en particulier nationaux, sont déterminants dans la mise en œuvre de mobilisations et dans les politiques de logement.

5 Cette comparaison s’appuie sur deux éléments principaux. Le premier : en Israël comme en France, où les conditions objectives et la proportion de logements publics sociaux sont très différents, le principe d’une politique du logement mettant en responsabilité l’État-Nation est reconnue. Le second : dans ces deux pays, la question de la crise du logement entraîne une production discursive importante aussi bien de la part des médias, des politiques que des sciences sociales. Tous relaient l’idée (proche de la définition de « crise » que donne P. Ricœur, 1988) d’une rupture générationnelle entre parents et enfants dans l’accès au parc résidentiel, d’un blocage des mobilités résidentielles par crainte des difficultés économiques, de la peur de ne pouvoir supporter encore longtemps le coût d’un loyer ou d’un prêt immobilier et d’un futur finalement incertain. De ce point de vue, les cas français et israéliens s’inscrivent dans la ligne des mouvements Occupy nord-américains et Indignés espagnols qui dénoncent, par des manifestations de masse dans l’espace public, les situations intolérables faites aux jeunes et aux minorités [5]. Cela étant, les mouvements sociaux français et israéliens se distinguent cependant l’un de l’autre par les images associées à la crise du logement qu’ils véhiculent, leurs porte-parole, leurs slogans et jusqu’aux registres de significations mobilisés, tel celui de l’implantation de tentes. Un mouvement social s’exprimant par l’installation de tentes, pour banale qu’elle soit en France, a, en Israël, un pouvoir évocateur supplémentaire. Il renvoie indirectement à la fragilité du pays durant ses premières années (1948-1960) dans la mesure où nombre de migrants juifs ont dû, à leur arrivée en Israël, d’abord séjourné dans des camps de tentes (maaberot, en hébreu) avant que l’État ne leur trouve, et surtout ne leur construise, des logements.

6 Dans cet article, en prenant en compte les politiques urbaines (Castells, 1973 et 1983 ; Castells et al., 1978) et les formes et argumentaires des mouvements sociaux (Neveu, 2004), notre perspective est ainsi celle de la comparaison des récits pour enrichir le courant comparé des mobilisations urbaines (Hamel et Lustiger, 2000). Les mouvements sociaux que nous étudions peuvent se définir par leur objectif de changement en termes de normes ou de valeurs, par les acteurs qui les portent et par leur modus operandi. Ils sont porteurs d’une confrontation avec les autorités publiques qui définit le répertoire de leurs actions collectives (Tilly, 1966). Leur mise en regard, du point de vue des récits et des actions collectives liés à la crise du logement, permettra d’explorer la signification sociale du logement (au-delà de sa seule fonction d’abri). Pour ce faire, nous nous interrogerons d’abord sur la manière dont la crise du logement est envisagée au travers des structures immobilières (État et Marché) des deux pays (parties I et II), pour ensuite étudier les récits qu’en font les médias, les mouvements sociaux et les analyses académiques [6] (partie III).

1.  Des crises du logement révélatrices d’aspirations contraires aux systèmes de production du logement

7 À la question de comment une société permet à ses membres de se loger, la situation française diffère beaucoup de celle d’Israël. En effet, une des caractéristiques de la politique du logement israélien est le faible taux de propriété publique des logements. Seulement 100 000 logements abritant 250 000 personnes, soit 7 % du parc, y sont en gestion publique (locatif public) contre 17 % en France, malgré un niveau de construction publique beaucoup moins important. R. Alterman (2002) explique d’ailleurs dans Planning in the Face of Crisis : Land Use, Housing and Mass Immigration in Israel que le terme homeless (sans domicile fixe en français) désigne pour l’administration israélienne le seul fait de ne pas être propriétaire et non pas, comme en Europe ou aux États-Unis, l’absence de toit. Cet élément illustre le souci constant du gouvernement israélien d’encourager ses citoyens – en particulier les nouveaux immigrés juifs – à acheter les logements qu’ils occupent. À cet effet, les prix de logements construits par les pouvoirs publics sont relativement bon marché et les prêts bonifiés incitatifs. Le taux de propriétaires a d’ailleurs progressivement augmenté, passant de 50 % en 1950 à 73 % au début des années 1990 [7]. Cette caractéristique dénote avec la situation française où non seulement le parc locatif représente 40 % du parc de logements total, partagé pour moitié entre le parc locatif social et le parc privé, mais où l’accession à la propriété ne s’est développée qu’au milieu des années 1970. Cette accession s’est organisée à l’occasion d’une recomposition de l’aide directe de l’État, d’une financiarisation du marché du logement et d’un nouveau tournant en faveur de la maison individuelle supplantant la construction de logements collectifs.

8 En Israël, le processus de vente de logements sociaux à leurs locataires, tout en augmentant le stock public, est assez original pour être détaillé. Pendant plusieurs décennies, l’État a contrôlé, grâce à sa gestion du foncier (il est de loin le plus grand propriétaire foncier du pays) et aux financements publics dédiés à la construction la localisation, les normes, les prix et les conditions de financement et d’achat de logements. Ceux-ci se sont avérés fondamentaux pour le maillage territorial du pays et l’accueil de nouveaux migrants, notamment dans les villes dites de développement (se voulant comme les villes nouvelles en France autonomes en termes de logement et d’emploi) situées, le plus souvent, aux confins du pays. Anciens noyaux urbains (juifs, arabes ou mixtes) réactivés dans les années 1950, tel Beer Sheva au sud du pays, ou villes créées de toutes pièces pour « désengorger » les trois grandes villes israéliennes (Tel-Aviv, Jérusalem et Haïfa), il s’agit au total de 27 villes implantées stratégiquement sur le territoire national pour y marquer la présence juive [8]. Ce faisant, elles ont produit une géographie de la pauvreté et des disparités entre vagues d’immigration juives selon leur date d’arrivée et leur provenance géographique (Golan, 1998 ; Hasson, 1995 ; Kallus et Law Yone, 2002) [9]. En effet, les migrants à qui sont proposées des formules attractives de logement, notamment en accession à la propriété, sont, à partir des années 1950-1960, prioritairement dirigés vers ces villes dont la création visait à fournir à ces familles « des structures d’accueil correctes » pour « s’insérer dans le marché de l’emploi » porté par le soutien au développement économique de l’État (Berthomière, 2003, p. 136).

9 Ces villes de développement peuvent être assimilées aux cités de grands ensembles et aux villes nouvelles, fondées elles aussi sur la maîtrise foncière des municipalités. Cependant, alors qu’en France, la propriété privée du sol est la norme, en Israël la propriété publique du sol associe forcément l’intervention publique à l’action privée. Ces quelques éléments de contexte expliquent le taux très élevé d’urbanisation en Israël où le système de construction publique est rendu possible par une politique foncière de planification sur un territoire à 93 % propriété publique, et ce surtout en dehors des grandes villes (Carmon, 2001). Ce principe de propriété publique permet au gouvernement de diriger la localisation d’une grande part de la construction et d’influer sur son coût [10]. L’ensemble de ce système s’est ensuite transformé, dans la mesure où l’administration a, petit à petit, laissé l’acheteur revendre ou relouer à sa guise, dévoyant la question de la dissociation des prix du sol de l’immobilier qui a beaucoup interrogé les théoriciens français (Pisani, 1977).

10 Il en est de même sur le plan de la construction publique, où l’État israélien s’est progressivement désengagé. Son boom correspond aux premières années du pays (1948-1964) puis aux années 1990, avec l’arrivée massive de migrants d’ex-URSS (près d’un million de personnes arrivées en dix ans, dont la plupart entre 1989 et 1992) grâce à des organismes semi-publics (Histadrut[11] et Agence juive [12]). Dans les deux premières décennies de l’existence d’Israël, elle correspond à 70 000 unités par an. Elle décroît ensuite à 20 000 et à la fin des années 1980, la production n’est que de 4 000 unités par an. Cette construction correspond souvent à des programmes d’assistance destinés à des groupes particuliers et le plus souvent conçus pour stimuler la demande d’achat d’appartements, en particulier parmi les couches les moins favorisées de la population (migrants, jeunes couples, familles monoparentales, etc.). Seul un petit nombre de programmes aident les logements locatifs, en ciblant les familles de statut socio-économique très faible et les familles de migrants à leur arrivée en Israël : le logement locatif social est donc de plus en plus un filet de sécurité.

11 Pour la redistribution de ces logements, le principe selon lequel les ventes d’appartements permettent de financer la construction publique date de 1949. À l’époque, les appartements vendus pouvaient obtenir une aide couvrant 90 % du coût : 30 % sous forme de subvention, le reste par un prêt bonifié. Dans la période 1964-1989, entre 2 % et 5 % du parc de logements publics ont été vendus chaque année (Werczberger et Reshef, 1993). Cela a posé des problèmes de gestion courante, en raison de la répartition de la propriété entre les ménages et les entreprises publiques, non seulement au sein d’un quartier mais également à l’intérieur de bâtiments individuels. Quant aux quelques appartements toujours en propriété publique, ce sont souvent des biens difficiles à vendre en raison de leur localisation dans les villes de développement ou dans les quartiers périphériques des grandes villes. La société Amidar, grande société de holding publique gouvernementale créée lors de l’établissement de l’État en 1948, gère la plupart des logements publics (100 000 appartements selon les chiffres de 1998). Cette société est responsable de la mise en place, de la maintenance, de la perception des loyers, des rénovations et des travaux communautaires. Les logements sont attribués sous conditions sociales et les résidents peuvent continuer à y vivre aussi longtemps qu’ils le souhaitent, y compris lorsque leur situation économique s’améliore. Cependant, ses activités sont entravées par le niveau extrêmement bas du loyer payé par les résidents. En 1990, environ un tiers des locataires de logements sociaux ne versait qu’un loyer symbolique et la moitié des locataires avaient des loyers fortement subventionnés. Les autres (20 %) payaient un loyer en fonction des prix du marché libre. Au cours des années 1990, l’immigration massive d’ex-Union soviétique a suscité un choc politique qui a conduit le gouvernement à développer une stratégie publique de construction de 40 000 appartements destinés à la gestion publique. Selon l’urbaniste N. Carmon (2000), le gouvernement souhaite continuer à détenir environ 20 % de ces appartements aux fins de location sociale pour les personnes âgées et les familles monoparentales, mais le reste sera progressivement vendu.

12 Ce système israélien « d’accession sociale à la propriété » est peu développé en France au sein du parc de logement social. Malgré le souhait des gouvernements successifs de promouvoir l’accession à la propriété, les ventes de logements sociaux locatifs à leurs occupants ne concernent qu’une petite fraction du parc. D’autres dispositifs existent comme la location-accession qui permet au locataire d’opter ou non, après un certain temps, pour l’achat. Mais ce dispositif, très encadré et en faveur des ménages modestes (puisque conditionné par un plafond de ressources), est minoritaire dans le logement social. Par contre, en dehors du logement social, l’accession à la propriété est particulièrement encouragée par les gouvernements avec des dispositifs fiscaux, des prêts à taux zéro et même des prêts à l’accession sociale. Cependant, une nette dissociation existe en France entre le parc social essentiellement locatif et le parc privé en accession (Driant et Lelévrier, 2006). En Israël aussi le taux élevé de la propriété privée n’est pas distribué également entre les citoyens (Adler, Lewin-Epstein et Shavit, 2005). Comme en France, l’achat est devenu de plus en plus difficile en raison de l’augmentation des prix et de la prudence des banques. Depuis quinze ans, le taux de propriétaire a baissé (68 % contre 73 % en 1995) et de plus en plus de ménages sont locataires dans le secteur privé en raison de la pénurie de logements bon marché.

13 En Israël, les investissements venant de l’étranger constituent l’une des raisons souvent invoquée à cette pénurie. En effet, la politique de baisse des taux décidée par la banque centrale pour soutenir l’économie immobilière qui n’offrait que 18 000 logements par an, alors que la demande estimée était double, ne semble pas profiter aux résidents (Bar-Nathan et al., 1998). Cette situation tendue joue fortement dans les secteurs les plus attractifs comme Tel-Aviv, métropole économique, culturelle et touristique, mais surtout ville d’exception pour le marché immobilier mondialisé. De 2008 à 2009, l’augmentation des prix de vente a été de 46 % à Tel-Aviv, contre 27 % dans l’ensemble du pays [13]. L’augmentation des loyers a suivi cette dynamique : en 2009, elle était de 15 % (le prix moyen était de 718 $ par mois contre 1 000 $ à Tel-Aviv), pour un salaire moyen de 2 200 $ soit un taux d’effort moyen de 32 % pour l’ensemble du pays, mais beaucoup plus important à Tel-Aviv. Or, cette ville compte seulement 48 % de propriétaires, contre 71 % dans le reste du pays [14]. Ainsi, la situation du marché immobilier à Tel-Aviv pourrait être rapprochée de celle de Paris. A Paris, où les prix de vente connaissent une forte augmentation dans les années 2000, le taux d’effort des locataires dépasse souvent 30 %. Cependant les investissements de nationaux étrangers restent limités [15] et le parc locatif social (18 %) permet de résister aux puissantes dynamiques de gentrification. À Tel-Aviv, le parc public est quasi inexistant.

14 La localisation de la ville en bord de mer, son ambiance cosmopolite et les efforts de mise en valeur de son patrimoine architectural [16] en ont fait le lieu d’investissement privilégié des acheteurs étrangers. Au niveau national, ceux-ci représentent 3 % des ventes et un secteur actif en termes de revente et de spéculation [17]. A Tel-Aviv, les experts immobiliers estiment que la majorité des biens situés à proximité des bords de mer ont été achetés par des Français. Cet afflux ne sert pas l’intérêt des acheteurs locaux qui assistent à la hausse des prix immobiliers d’année en année [18]. De plus, comme la plupart de ces appartements ne sont occupés que ponctuellement (pendant les vacances d’été le plus souvent) sans pour autant être mis sur le marché locatif, c’est un problème pour la ville et ses habitants « à l’année ».

15 Les contextes français et israélien, que nous venons de décrire, montrent que le terme générique de « crise du logement » peut s’enraciner dans des conditions différentes. En Israël, c’est la baisse de la part de propriétaires et le report de la demande sur un secteur locatif de plus en plus onéreux qui est le facteur de mécontentement principal. Dans un pays qui fait du retour à la terre un thème central de sa politique (le retour à la terre d’Israël tel qu’associé à la propriété immobilière) et où l’idéologie de la propriété est fondamentale, cette baisse peut même être perçue comme la fin d’un rêve. Ce ressentiment concerne une génération plutôt jeune qui comprend qu’elle n’aura pas, malgré ses efforts, les facilités qu’ont eues ses parents. Le pays est donc face à une crise identitaire générationnelle qui a pu s’exprimer sur un mode nostalgique dont a notamment témoigné la multiplication de drapeaux israéliens dans les manifestations et mobilisations de rue.

Figure 1

Le campement de tentes du Boulevard Rothschild (Tel-Aviv).

Camps set up in Tel-Aviv, Boulevard Rothschild.

figure im1

Le campement de tentes du Boulevard Rothschild (Tel-Aviv).

Crédit : Itzuvit, 25 juillet 2011.

Camps set up in Tel-Aviv, Boulevard Rothschild.

Crédit : Itzuvit, 25 juillet 2011.

16 Ce mécontentement touche particulièrement l’hyper centre urbanisé de Tel-Aviv où le marché privé, notamment locatif, est dominant. Il exprime le refus, assez constant depuis la création de l’État, de vivre dans les villes de développement (où l’accession à la propriété est pourtant bien soutenue, mais où l’accès à l’emploi et à la scolarisation est souvent problématique) ni d’ailleurs trop éloigné des centres urbains ; ce refus concernant une population disposant de revenus plutôt moyens.

17 En France, la crise du logement concerne surtout le logement locatif privé et l’accès au logement locatif social. Dans les zones de marché tendu comme la région parisienne, la pénurie concerne particulièrement les jeunes actifs (Kesteman, 2010) et exacerbe tant les exigences des bailleurs que la hausse des loyers. Ce panorama est en totale inadéquation avec l’évolution d’une société de plus en plus précaire. La crise du logement n’est donc là pas quantitative mais qualitative. Elle est provoquée par un écart croissant entre la qualité des logements offerts et la demande des jeunes ménages et des catégories populaires (Lévy et Fijalkow, 2012). Dans ces conditions, la crise est en France l’expression d’une pénurie de logement locatif bon marché pour les catégories les plus fragiles dont une fraction est identifiée depuis 1990 sous le sigle SDF « sans domicile fixe ».

2.  La « crise » du côté des mobilisations sociales

18 Concernant Israël, le mouvement social de 2011, assez éloigné des structures politiques habituelles et porté par des citoyens peu habitués « aux rassemblements et à des formes d’action situées » (Bulle, 2014, p. 105), s’est développé en mobilisant la notion de crise. Cette notion de crise et sa dynamique ont été mises en récit par des images puisant aux événements fondateurs du pays, à des acteurs majeurs et à une certaine symbolique. Ainsi, le mouvement s’est accompagné de la production de très nombreuses images, fortes et mobilisatrices, et de slogans tels que « le peuple demande la justice sociale » d’autant plus rassembleurs qu’ils faisaient écho à la fois à des éléments proprement locaux et à des revendications beaucoup générales portées, à ce moment-là, aux quatre coins du monde. Les notions de peuple, de justice, de société et la question du rôle de l’État renvoyaient à des revendications qui, au tournant des années 2010, agitaient aussi bien l’ensemble du pourtour méditerranéen que les États-Unis.

19 Le mouvement a ensuite lui-même fait image avec des éléments narratifs forts : les campements de tentes qui renvoient aux débuts de l’État, mais aussi le drapeau israélien. De plus, il s’est progressivement révélé comme une expression patente de la crise, selon la logique suivante : « Nous sommes en crise, notre société est en crise et l’État ne pourvoit plus à nos besoins. Les jeunes ont maintenant de la peine à trouver un travail et un logement et ils se retrouvent à la rue, sous tente. L’État et la société israélienne ont donc failli puisque plus d’un demi-siècle après sa création, on revient à une situation qui était celle des premiers jours du pays, quand son existence comme État n’était pas encore assurée et qu’on logeait les gens sous tente ». Pour comprendre ce schéma narratif, la chronologie du mouvement est fondamentale. Relayée par les médias et les réseaux sociaux, l’histoire de la mobilisation fonde sa raison ontologique jusqu’à suppléer l’absence volontaire de message politique.

.  Chronologie d’un mouvement inattendu : juillet-octobre 2011

– Le 14 juillet 2011, Daphni Leef, une étudiante en cinéma de 25 ans expulsée de son logement dont le loyer vient d’être augmenté, plante sa tente sur la place Ha’bima de Tel-Aviv (le lieu des institutions culturelles de la ville) pour protester contre cette situation et l’absence de solutions alternatives. Elle ouvre en parallèle une page Facebook où elle invite ses 12 000 « amis » à se joindre à sa protestation.
– La police ne lui accorde pas l’autorisation de manifester sur la place Ha’bima qui vient d’être refaite à grands frais et lui suggère de se déplacer « de l’autre côté de la rue » : sur le boulevard Rothschild. Cette localisation, et le dispositif spatial qu’elle entraînera, va se révéler cruciale pour la suite des événements : les campeurs seront en effet protégés du soleil d’été par les arbres du boulevard et la linéarité de la voie permettra à chaque nouveau venu d’ajouter sa tente aux autres, sans trop centraliser le mouvement. Le 15 juillet, en réponse au geste de D. Leef, des protestataires se rassemblent dans les rues adjacentes au boulevard Rothschild et y plantent 50 tentes.
– Le 16 juillet, l’Union nationale des étudiants rejoint le mouvement. Le lendemain, c’est au tour de l’Ha’shomer Ha’tzair (« La jeune garde » en hébreu [19]), de s’y joindre.
– Le 23 juillet, des dizaines de milliers de manifestants se rassemblent à Tel-Aviv.
– Le 24 juillet, les manifestations s’étendent à Jérusalem où 1 000 manifestants marchent vers le Parlement.
– Le 26 juillet, le premier Ministre, B. Netanyahu, prend finalement la parole et annonce un nouveau programme de construction dans les Territoires occupés pour répondre au manque de logement. Cette proposition, qui ne répond en rien aux attentes des manifestants, est à lire à l’aune de la politique que mène Netanyahu depuis son accession au pouvoir au milieu des années 1990, à savoir la poursuite de la colonisation par la construction de logements en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
– Le 28 juillet, le mouvement s’étend à d’autres questions que le logement avec la première « marche des poussettes » où des milliers d’Israéliens manifestent contre le coût de l’éducation des enfants en Israël.
– Le 30 juillet, 85 000 à 150 000 personnes manifestent à Tel-Aviv, Jérusalem et Haïfa, mais aussi dans de plus petites villes du Nord au sud du pays.
– Le 6 août, il s’agit maintenant de 200 000 à 350 000 manifestants dont 150 000 à 300 000 à Tel-Aviv (pour une population intra-urbaine de moins de 400 000 habitants).
– Le 7 août 2011, deuxième « marche des poussettes » et, parallèlement rassemblement d’une centaine de militants de droite boulevard Rothschild pour protester contre « la nature anarchique » du mouvement et son ancrage politique à gauche.
– Le 13 août, une nouvelle manifestation de 75 000 personnes marque la diffusion du mouvement à l’ensemble des villes du pays.
– Le 22 août, des militants décident d’investir des immeubles abandonnés à Tel-Aviv, accompagnés par des parlementaires de gauche et d’extrême gauche comme Dov Khenin qui avait obtenu 30 % des voix aux élections municipales de Tel-Aviv en 2008.
– Le 26 août, un second bâtiment est occupé à Tel-Aviv et plus de 10 000 manifestants descendent dans les rues.
– Le 3 septembre, un mois et demi après le début du mouvement « la Marche du Million » rassemble environ 460 000 personnes dont 300 000 à Tel-Aviv.
Figure 2

La manifestation du 6 août 2011 à Tel-Aviv.

Housing protest in Tel-Aviv, August 6th 2011.

figure im2

La manifestation du 6 août 2011 à Tel-Aviv.

Crédit : Avivi, 2011.

Housing protest in Tel-Aviv, August 6th 2011.

Crédit : Avivi, 2011.
– Les 6 et 7 septembre, au moment où l’autorité palestinienne dépose sa demande à l’ONU pour en devenir l’un des membres observateurs, le camp de tentes de Tel-Aviv est évacué par la municipalité.
– Le 3 octobre, cette dernière fait démonter l’ensemble du campement boulevard Rothschild, ce qui signe la fin des grandes manifestations.
Figure 3

Implantation des 38 camps de tentes répertoriés en Israël

Location of 38 camps set up, recorded in Israel.

figure im3

Implantation des 38 camps de tentes répertoriés en Israël

Location of 38 camps set up, recorded in Israel.

Figure 4

Implantation des 10 camps de tentes répertoriés à Tel-Aviv Jaffa

Location of 10 camps recorded in Tel-Aviv Jaffa.

figure im4

Implantation des 10 camps de tentes répertoriés à Tel-Aviv Jaffa

Location of 10 camps recorded in Tel-Aviv Jaffa.

20 Bien qu’elle y réponde sur un mode symbolique, cette chronologie officielle ne mentionne pas d’autres épisodes de « camps de tentes » qu’avait connus le pays dans les années 1950-1960, puis dans les années 1990 lorsqu’une famille de Carmiel en Galilée, ne pouvant plus payer son loyer et ne trouvant pas d’autres logements (comme Daphni Leef), avait planté une tente dans un parc public. Cette action s’était très rapidement répandue dans le pays en prenant, à l’époque, le nom de « mouvement des tentes ». Des dizaines de familles s’étaient alors installées dans les jardins publics et les aires de jeu, avant d’être rejointes par les nouveaux migrants juifs d’ex-URSS qui arrivaient par centaines de milliers en Israël. Vingt ans plus tard, lors des grandes manifestations de l’été 2011, Daphni Leef, l’initiatrice du mouvement qui n’avait jamais connu d’inscription militante, déclarait dans son allocution publique du 3 août au soir, lors de la « Marche du million », place I. Rabin où se tiennent la plupart des grands rassemblements publics, que « quelque chose de massif, d’énorme a eu lieu cet été. L’été 2011 est le grand moment d’un nouvel espoir en Israël, un espoir né du désespoir, de l’aliénation, des inégalités devenues pratiquement insurmontables ». Elle concluait devant une foule qui l’ovationnait, qu’en « prenant la rue, nous avons trouvé un foyer ». Dans un entretien réalisé à l’été 2013 [20], D. Leef soulignait à quel point le mouvement avait été une action spontanée et, son symbole, la tente la réponse la plus appropriée au problème de logement, mais aussi le meilleur révélateur d’une insatisfaction générale. Elle insistait également sur le rôle fondamental de la rue dans le développement du mouvement puisque s’y était créée une nouvelle classe, une tent-class people issue de différents milieux.

21 La rue aura été, selon ses termes, un espace physique où « se rassembler, être ensemble, se rencontrer et s’organiser et sentir le changement », sans pour autant proposer de solutions. La demande est ainsi volontairement faite au gouvernement de prendre ses responsabilités et de changer de direction politique. Considérant qu’il est fondamental de n’exclure personne, toute formulation idéologique ou de contenu est bannie. Dans la même veine, le mouvement se qualifie lui-même de mouvement de la « classe moyenne » et l’on a vu fleurir dans les manifestations des banderoles et panneaux portant l’inscription de Working Class Hero. À cette masse indéfinie [21] répond donc un mouvement souple, agrégatif, un collectif généraliste qui fait territoire dans un espace marqué, mais sans durée. Dans ce cadre, Daphni Leef reconnaît volontiers que le mouvement s’inscrit dans la continuité logique du cottage cheese boycott, lancé sur Facebook en signe de protestation contre la hausse continue des prix de l’alimentation [22] qui avait rassemblé 100 000 personnes sur Facebook et lancé un débat public sur le coût de la vie. Cependant, elle replace difficilement le mouvement dans le contexte politique plus général de l’époque, notamment les révoltes en Méditerranée.

22 Ainsi, le storytelling du mouvement des tentes s’appuie fortement sur les médias liés au cinéma, à la télévision et au journalisme. C’est en effet un documentaire intitulé « Comment échouer à lancer un mouvement social ? », dont le succès sur internet sera immédiat, qui lance en quelque sorte le mouvement. Il suit Daphni Leef pendant une semaine avant l’événement. Dans ce film, la figure de Tel-Aviv est centrale. Cette ville, poumon économique et culturel du pays où les travailleurs indépendants – quel que soit leur domaine – viennent tenter leur chance, génère une population ambitieuse et créative (Florida, 2002), mais souvent frustrée par les difficultés auxquelles elle fait face. La « crise » du logement, vécue avec difficulté, draine toute une série de limitations et de désirs qui trouvent à s’exprimer dans le rassemblement et dans les médias en se fondant sur leur propre réalité : nous sommes dans la rue, nous disposons d’une histoire, nous existons et nous sommes en crise.

23 En France, la chronologie de l’association des Enfants de Don Quichotte obéit à une autre temporalité et à une institutionnalisation du mouvement associatif créé par des professionnels du théâtre et du cinéma (les frères Legrand) émus de la situation des « sans domicile fixe » mais, eux aussi, novices en politique. L’association est créée le 16 novembre 2006 afin de « porter à la connaissance générale les conditions de vie des sans domicile fixe : précarité du logement, de travail, de soins, instabilités psychiques et physiologiques » [23]. Dans la nuit du 15 au 16 décembre 2006, elle installe un village de quelque 200 tentes sur les berges du canal Saint-Martin à Paris. Le 25 décembre 2006, elle publie une charte selon laquelle :

24

« Nous, citoyens et citoyennes, refusons la situation inhumaine que vivent certains d’entre nous, sans domicile fixe. Nous voulons que soit mis fin à ce scandale, à la honte que cela représente pour un pays comme le nôtre. La Constitution garantit le droit à la dignité, à des moyens convenables d’existence, et nous avons un devoir d’assistance à personne en danger. Nous n’acceptons plus que les plus fragiles ou les plus pauvres soient laissés au bord de la route. Il faut rompre avec les solutions provisoires, les logiques d’urgence qui aggravent la précarité et condamnent tant de personnes à une souffrance insupportable, et même certaines à une mort prématurée. Nous demandons à l’État de mettre en place dès aujourd’hui une politique ambitieuse garantissant l’accès de tous à un vrai logement, à travers les mesures suivantes. Pour la dignité de tous » (Charte du Canal Saint Martin, op. cit.).

25 Comparée au mouvement israélien, la mobilisation française s’exprime au nom du pays, en faveur des personnes les plus pauvres et fragiles, pour l’humanité et la dignité.

.  Chronologie d’un mouvement au nom de valeurs bien établies : 2007-2008

– Début janvier 2007, plusieurs centaines de SDF et quelques dizaines de volontaires s’installent sur les quais de Jemmapes et de Valmy, à quelques kilomètres de la Place de la République. À partir du 2 janvier, d’autres campements se forment en France comme à Nantes, Lille, Grenoble, Toulouse et Bordeaux. Le campement de Strasbourg devient le deuxième de France avec 70 tentes. Les Enfants de Don Quichotte reçoivent alors le soutien de nombreuses personnalités politiques et médiatiques.
– Dans la première semaine de janvier, le gouvernement annonce un projet de loi sur le droit au logement opposable (DALO) entrant dans le cadre d’un nouveau Plan d’Action Renforcé en direction des personnes Sans-Abri (PARSA). Augustin Legrand déclare une future sortie de crise immédiate mais choisit de ne pas retirer le campement du quai de Jemmapes ni ceux de province. Il envisage de n’enlever que les tentes des SDF à qui sont proposées des solutions de logement pérenne, acceptées personnellement et correspondant aux attentes de la charte.
– La Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, engagée dans la sortie de crise, est alors chargée de coordonner au niveau local et national les solutions individuelles de relogement et de suivi social. Une liste par campement des personnes présentes est ainsi établie et transmise à ses antennes locales. La levée individuelle des tentes sera progressive jusqu’au mois de mars et parfois de mai. Ainsi, une grande majorité des SDF devra accepter les seules solutions de relogement provisoires. Cependant, la loi nº 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable est publiée au Journal officiel le 6 mars 2007. Son décret d’application entre en vigueur le 28 novembre 2007, ce qui autorise les premiers recours dès le 1er janvier 2008.
– Le 21 février 2008, 28 associations (parmi lesquelles les Enfants de Don Quichotte, le Secours catholique, la Fondation Abbé-Pierre, l’association Emmaüs, l’Armée du salut et ATD-Quart Monde) appellent à se réunir pour une « Nuit Solidaire pour le Logement » Place de la République à Paris, afin de faire connaître la loi DALO. Le même jour, le préfet Alain Régnier est nommé délégué général pour la coordination de l’hébergement et de l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées. Il est chargé de favoriser le travail interministériel, de développer le partenariat entre collectivités locales, associations et bailleurs sociaux et d’organiser des points réguliers d’évaluation avec les associations.
– Un an plus tard, en mai 2009, le mouvement ambitionne une dynamique nationale dans plus de 200 villes qui ne se concrétisera pas.

26 Cette courte chronologie montre comment, en France, le tissu associatif peut rapidement s’intégrer dans un dispositif de concertation, éventuellement aussi décevant pour les militants que la non-réponse faite par le gouvernement israélien à leur mobilisation. Mais elle illustre aussi comment le discours sur la crise du logement peut soit se limiter aux sans-domiciles, comme c’est le cas en 2006, pour un mouvement qui se déclare souvent compassionnel, soit au contraire se généraliser afin de mieux associer l’ensemble du corps social. Ainsi, le 18 mai 2009, alors que l’association tente encore de mobiliser le gouvernement son fondateur invoque la crise, le développement de la précarité, le risque de se retrouver à la rue, la nécessité d’un plan urgence[24].

27 En définitive, il apparaît que la « crise du logement » est plus ou moins mise en récit, selon la capacité des acteurs à faire du logement une question politique. Dans le cas français, l’existence de dispositifs juridiques depuis le milieu du xixe siècle explique le recours fréquent à cette notion de crise. En Israël, la politique de construction et d’implantation sur le territoire qui ne supplée guère l’absence d’une politique du logement ne prédispose pas à parler de crise.

3.  La « crise » vue des sciences sociales

28 Les articles scientifiques publiés par des chercheurs israéliens apparaissent dès 2011 dans les revues scientifiques. Ils mobilisent plusieurs registres de compréhension mais se focalisent sur la scène urbaine constituée par le mouvement, d’autant plus spectaculaire qu’elle prend tous les observateurs de court. Certains abordent le mouvement par l’espace public et la rue en s’intéressant aux modalités d’occupation de l’espace public et à la revitalisation de l’espace public comme espace du politique. D’autres abordent le mouvement par sa dimension anthropologique, en réfléchissant sur ce qui fait le mouvement et comment celui-ci passe outre les catégorisations sociales habituelles (distinctions prégnantes entre juifs et arabes ou entre religieux et laïques, par exemple). D’autres encore abordent le mouvement par sa dimension ludique et créative ou s’attachent à analyser la situation de la classe moyenne et des jeunes adultes qui la composent. Dans ce cadre, on peut se demander si les analyses conduites par les sciences sociales n’amènent pas aussi à construire, voire à consolider, la mise en récit du mouvement.

29 Parmi ces articles, nous en citerons plusieurs, à commencer par celui d’O. Livio et T. Katriel (2014) intitulé « A Fractured Solidarity ». En se fondant sur une observation du mouvement, Livio et Katriel considèrent que la dynamique à l’encontre de la politique néolibérale relève de groupes socio-économiques très différents mais n’en est pas moins fondatrice d’une mémoire collective s’appuyant sur la production de symboles. Ainsi, le mouvement participerait d’une réactivation du passé collectiviste et pionnier à travers l’utilisation de symboles fondamentaux du sionisme et de principes largement abandonnés par les leaders israéliens actuels. Pour ces deux auteurs, en recréant des maîtres mots fondateurs et en invoquant les moments légendaires de l’histoire de la nation, le mouvement de protestation s’est construit comme un mouvement de retour vers un passé authentique. Cette dynamique conduirait à terme, selon eux, à une re-politisation de la jeunesse et à la revendication d’un droit à la ville, selon le mot d’ordre de Lefebvre (1968). Par leur seule présence, ils transformeraient le paysage physique et sa signification. Dans cette perspective, l’esprit de la communauté qui veut transcender la stratification sociale rencontre un certain nombre de difficultés, en particulier dans la course à l’authenticité entre campements de tentes.

30 Dans la même veine, L. Grinberg (2013) réinscrit le mouvement dans le contexte de la crise de représentation politique dont souffre le pays et aborde la question générationnelle dans la mesure où ce sont les jeunes qui conduisent le mouvement. Tout en donnant une dimension internationale aux manifestations, en les reliant à celles qui ont lieu simultanément en Égypte et en Espagne, son attention se porte sur ces jeunes qui sont le produit d’une double crise économique, locale et globale. La crise politique locale étant liée à la désintégration de la société en « tribus » et à la minoration des agendas sociaux et économiques par l’hostilité « d’ennemis externes » et par l’hostilité interne entre « tribus ». La crise globale étant, quant à elle, la crise de la représentation dont l’origine se trouverait dans l’économie néolibérale qui affaiblit les classes moyennes et inférieures. Pour Grinberg, cette génération offre une alternative à la partition de la société en « tribus » en rassemblant tous les groupes sociaux et leurs intérêts communs ; c’est-à-dire en construisant un peuple israélien « nouvelle formule ».

31 Cette attention fait écho à l’analyse de classe conduite par Z. Rosenhek et M. Shalev (2014) relative à la classe moyenne et aux porteurs du mouvement qu’ils nomment « les enfants de la néo-libéralisation d’Israël ». Selon ces deux sociologues, ces « enfants » souffrent aujourd’hui du régime néolibéral dont avaient bénéficié leurs parents, avec l’impossibilité de reproduire le mode de vie de ces derniers, avec la transformation des relations entre l’État et l’économie et surtout l’accès limité au logement, notamment à partir des années 2000 où les jeunes familles, et en particulier les familles du centre du pays, d’origine juive et nées en Israël (c’est-à-dire un segment tout à fait important de la classe moyenne), ont de plus en plus de mal à accéder à la propriété. En définitive, pour ces auteurs, le problème réside principalement dans le fait que « les enfants de la libéralisation d’Israël se sont trouvés dans une situation où la promesse capitaliste d’accroissement constant du niveau de vie n’a pas été tenue » ; d’où le positionnement de cette class-generational unit à la tête d’un mouvement émettant un large éventail de demandes redistributives faites au nom du peuple.

32 Dans une publication antérieure, M. Shalev (2012) avait montré qu’entre 1995 et 2010, le revenu d’une famille « typique » (dont le chef est d’origine juive et né en Israël) a décliné à des niveaux sans précédents ; une érosion rendue encore plus problématique par l’explosion des coûts du logement. La proportion de jeunes adultes vivant chez leurs parents a dans le même temps augmenté et la part des jeunes familles propriétaire de leur logement est tombée. Un « sentiment de déclin » a ainsi affecté jusqu’aux jeunes Israéliens les plus avantagés – les jeunes diplômés d’origine juive, laïques, nés en Israël et venant du centre du pays mentionnés précédemment – et qui pensaient pouvoir intégrer les classes moyennes supérieures. Les Arabes israéliens, les religieux, les migrants d’ex-URSS, plus fragiles et plus touchés par l’érosion des salaires et la diminution des revenus, se sont quant à eux largement tenus à l’écart du mouvement (Shalev, 2012).

33 Cela étant, il faut noter la participation des populations arabes israéliennes particulièrement visible à Haïfa et Jaffa, deux villes dites « mixtes ». C’est à elles que s’intéressent D. Monterescu et N. Shaindlinger (2013). Ils observent qu’à Haïfa, la participation d’Arabes israëliens instruits à la vie culturelle et politique en a fait une composante visible des mouvements locaux dans laquelle certains observateurs ont vu une prise de position « judéo-arabe ». À Jaffa, au contraire, les chants, les drapeaux ou les bannières portant des revendications palestiniennes ou opposées aux colonies ont été le plus souvent perçus comme nationalistes par la population juive de la ville – là où, en particulier à Tel-Aviv, les manifestations et les campements fleurissaient de drapeaux israéliens – et contre-productives dans des manifestations pour le logement social « apolitiques » (Monterescu et Shaindlinger, 2013 : 243). On peut ainsi souligner à quel point en Israël, le mouvement de 2011 en est un exemple flagrant, le politique est réduit le plus souvent à la question du conflit israélo-palestinien.

34 Au terme de ce survol des publications israéliennes dans le sillage des mobilisations de 2011, il est tout à fait surprenant d’observer que la plupart d’entre elles abordent peu la question du logement et a fortiori du logement public qui, pour avoir été central dans la construction du pays, occupe une place très résiduelle aujourd’hui. Concernant le marché du logement, exception doit cependant être faite, dans le rapport sur l’état de la Nation (2012), de l’article de Dan Ben David qui montre que le coût du logement en Israël, l’effort à fournir en fonction des revenus, est aujourd’hui plus important que dans les aires métropolitaines anglaises (y compris Londres), mais aussi plus cher que dans les aires métropolitaines d’Amérique (y compris New York). Selon cet auteur, plusieurs raisons peuvent être évoquées pour expliquer cette cherté du logement en Israël, parmi lesquelles la Land Administration du pays qui contrôle la gestion des terrains gouvernementaux de manière tout à fait inefficace et souvent comme une organisation monopolistique dont le principe serait de maximiser ses profits au détriment du bien-être des résidents. Une autre raison invoquée est cette demande, déjà soulignée, de logements de la part d’étrangers qui laissent leur bien vacant la plus grande partie de l’année.

35 Il n’est guère possible de comparer ces publications à la littérature académique portant sur la mobilisation française de 2006. Sur un certain plan, le monde académique est resté relativement atone ce que l’on peut l’expliquer par le fait que la catégorie des « campeurs » est supposée être bien connue des sciences sociales, notamment sous l’étiquette SDF qui a fait l’objet de très nombreuses publications savantes (Damon, 2002) et fait écran à d’autres questions relatives au fonctionnement de l’immobilier, susceptible, en France de produire de tels phénomènes d’exclusion. Dans ce contexte, il faut souligner la publication en 2013 d’un ouvrage dirigé par Patrick Bruneteaux, Les Enfants de Don Quichotte, qui s’intéresse au caractère surprenant de cette mobilisation car les SDF n’avaient encore jamais fait l’objet d’une lutte politique en leur nom. Sans questionner la trop officielle catégorie de « Sans Domicile Fixe », il s’interroge toutefois sur les processus qui ont conduit les leaders de ce mouvement à passer de l’anonymat à l’hyper-médiatisation, à fédérer la plupart des grandes organisations caritatives en charge de la gestion de l’exclusion en France et à faire pression sur le gouvernement pour obtenir des avancées législatives importantes. Comme les chercheurs israéliens, les auteurs rassemblés dans Les Enfants de Don Quichotte se sont intéressés à la façon dont la mobilisation a été mise en scène. Et pour Bruneteaux (2013), c’est moins le groupe protestataire que la performance de la « représentation » (au double sens du leader et de sa dramaturgie) dans un contexte opportun qui explique le succès du mouvement. Il note encore (Bruneteaux, 2013 : 39-40) que les valeurs du mouvement s’inscrivent dans « une période où l’action collective se situe au carrefour des droits de l’homme (droit au logement) et de la solidarité (aller à la rencontre du pauvre, effectuer des aides d’urgence), des revendications universalistes (loi DALO, aboutissement de la charte rédigée au terme d’une dizaine de jours) et du lien social citoyen (dormir dans une tente, venir converser avec “le sans-abri” dans la journée), des luttes politiques et des actions sociales (prendre en charge les `campeurs’du canal jusqu’à leur “insertion”) ». Comme il le souligne, le succès est donc l’association de plusieurs thèmes. Le citoyen indigné présent dans la rue, l’aspect esthétique du campement avec son alignement de tentes rouges, le cadre bucolique du canal, la proximité sociale et politique des habitants de ce quartier gentrifié avec le caractère populaire de la mobilisation, la participation des SDF ont donné au campement l’image positive d’un village alternatif et solidaire, ouvert aux échanges et à la générosité.

Conclusion

36 La crise du logement touche aussi profondément les jeunes générations en France qu’en Israël, mais ces effets sont tout à fait différents sur le débat politique et sur la mobilisation sociale ou civile. En France, la précarisation de la société salariale, le désengagement de l’État du logement social et l’encouragement à l’accession à la propriété ont conduit à un report vers le marché locatif privé dans des conditions difficiles. En Israël, la politique de construction (et non de logement), fondée sur l’implantation de l’État et mobilisant des moyens juridiques, fonciers et financiers, avait développé un espoir que l’orientation néolibérale du pays depuis le milieu des années 1990 a limité ces dernières années en reportant la demande de la zone métropolitaine vers un marché locatif tendu et suppléant à la disparition du logement social.

37 Dans ce cadre, le mouvement social israélien initialement orienté vers les questions de logement a plus développé une problématique sociale questionnant les fondements de l’État et les sacrifices demandés aux jeunes, avec une forte dimension symbolique accentuée par les médias. En France, la catégorisation du public SDF a fait écran à une analyse des populations fragilisées, mais a permis une production législative et un nouveau cercle de concertation avec de nouveaux experts incluant les associations. Dans ce dernier cas, la « crise du logement » est devenue un récit pouvant mobiliser tous les acteurs concernés par la question sociale.

38 Aux questions posées par ces mouvements, les sciences sociales ont, dans chacun de ces deux pays, répondu de manière différente. En Israël, peu de chercheurs ont rappelé l’existence puis la disparition du logement social. Le mouvement s’étant dilué dans une question sociale qui n’a pas réglé la question du logement, l’attention s’est portée sur les scènes urbaines engendrées par les manifestations. En France, en revanche, peu d’ouvrages ont porté sur la surprise suscitée par le mouvement des Don Quichotte alors que la production académique et experte sur les conditions de logements en France, proliférante, interroge peu les conditions de la mobilisation.

39 Ce portrait en miroir montre ainsi que le récit de la crise du logement mobilisée par les acteurs sociaux obéit à des conditions contrastées selon la manière dont les États-Nations construisent, logent et permettent à leurs ressortissants d’habiter. En Israël, c’est la forme même de la dénonciation de la crise du logement qui interpelle dans la mesure où elle s’inscrit dans l’espace public et questionne les fondements de l’État-Nation à travers son récit. La question du logement ne correspond pas seulement au fait d’être abrité mais de pouvoir vivre en ville, dans un quartier, et de pouvoir s’approprier l’espace public. En France, l’occupation de l’espace public par des mal-logés interroge moins que l’accroissement des inégalités sociales et l’incapacité du système à répondre à des situations d’urgence. La pénurie de logement n’est pas mise en relation avec une difficulté d’habiter, malgré le fait que la visibilité de la mobilisation y invite. Cet écart entre deux manières de rapporter l’événement dans deux pays et deux contextes différents nous semble bien illustrer les significations fondamentalement différentes que peut revêtir la « crise du logement ».

Notes

  • [1]
    En 2013, plusieurs revues de sciences sociales consacraient des numéros spéciaux à cette question : Mouvement social avec un dossier sur les « crises du logement en Europe au xxe siècle », Politiques sociales et familiales avec un dossier intitulé « Logement : enjeux d’actualité » ou encore Le sociographe, recherches en travail social dont le numéro 44 portait sur « Les nébuleuses du logement social en France et en Afrique du nord »).
  • [2]
    Une enquête dans le catalogue de la BNF montre que l’expression « crise du logement » apparaît dès 1912.
  • [3]
    Avec le slogan « Ha’am doresh tseddek khevrati » : « Le peuple réclame la justice sociale » en hébreu.
  • [4]
    Il est intéressant de noter qu’en France, ce mouvement, s’il a bien été relayé dans la presse, a rencontré peu d’échos dans le monde académique, exception faite d’articles publiés « à chaud » par l’historien israélien Avi Shlaïm (2011) et par le politologue S. Cohen (2011) et, plus tard, par S. Bulle (2013 et 2014) et E. Merza (2014).
  • [5]
    Voir le numéro spécial (vol. 54, nº 2) de la revue Sociological Quaterly paru en 2013.
  • [6]
    Ce travail est porté par notre connaissance des questions urbaines et de logement, respectivement en Israël (Rozenholc) et en France (Fijalkow), par des entretiens et un terrain en Israël à l’automne 2011, mais aussi par une recension et une analyse critique des discours produits sur la crise du logement dans l’un et l’autre contexte.
  • [7]
    En 1950, 12 % des citoyens vivaient dans du locatif public et 2 % seulement disposaient de contrats de location protégés par la loi sur la protection des locataires. Le pourcentage de ceux qui louaient sur le marché libre n’était que de 13 %.
  • [8]
    Sur la question des types et des sites des villes de développement, voir l’article de W. Berthomière (2003).
  • [9]
    A. Golan (1998) a montré la difficulté des conditions de logement au début du siècle pour les milieux populaires, notamment juifs non européens alors minoritaires.
  • [10]
    L’État donne à bail un terrain qui peut être vendu ou loué, le loyer permettant de financer des équipements publics et de surveiller les marchés en limitant le renouvellement des baux. Dans les premières années de l’État, le prix du sol était public bien qu’évalué et payé d’avance. Pour les aménageurs privés, le paiement d’avance impliquait de revendre le plus vite possible. Pour soutenir les nouveaux immigrants, l’État a cependant dû mettre en place un système d’hypothèque subventionnée, pour acheter un appartement sur des terrains publics sans supporter le coût du sol. À partir des années 1970, cette subvention a été distribuée par les banques qui ont bénéficié du transfert du marché des prêts hypothécaires et développé des programmes destinés à soutenir les besoins en logement des ménages les plus fragiles. Ce paiement d’avance illustre aussi l’encastrement des stratégies publiques et privées.
  • [11]
    Syndicat créé en 1920, il est le vivier du mouvement travailliste sioniste et le pilier de la construction nationale. C’est un acteur économique important. En 1927, la Histadrut créée une société de construction et de logements pour ses membres (Shikun ovdim) en s’inspirant de l’exemple de Ford, mais cela reste marginal.
  • [12]
    L’Agence juive est une organisation créée en 1929 par l’organisation sioniste mondiale. Après 1948, elle est transformée en organe gouvernemental chargé des conditions matérielles de l’immigration juive en Israël.
  • [13]
    Prix moyen d’un logement : 411 534 dollars à Jérusalem et 516 056 dollars à Tel-Aviv contre environ 300 000 dollars pour le reste du pays (Bureau Central des Statistiques, 2011).
  • [14]
  • [15]
  • [16]
    Tel-Aviv est inscrite depuis 2003 au patrimoine mondial de l’Unesco pour son architecture et son urbanisme moderne, à l’intérieur du périmètre dit de la Ville blanche.
  • [17]
    Chambre de Commerce d’Israël, http://www.israelvalley.com/news/2010/02/01/26219/israel-immobilier-les-residents-etrangers-sont-toujours-actifs-sur-le-marche-immobilier-d-israel-en-2009-ils-ont-achete-2.
  • [18]
  • [19]
    Mouvement de jeunesse juive de gauche.
  • [20]
    Entretien Skype du 13 juin 2013.
  • [21]
    Certains commentateurs ont vu dans la percée d’un nouveau parti centriste (Yesh atid, « il y a un futur » en hébreu) lors des élections législatives de 2013, une défense des classes moyennes, la marginalisation des partis traditionnels de droite comme de gauche et l’expression tardive du mouvement.
  • [22]
    Le cottage cheese est considéré comme un aliment de base en Israël.
  • [23]
    « Charte du Canal Saint Martin » signée le 25 décembre 2006.
  • [24]
    « La demande publique est là, elle concerne les 100 000 personnes qui sont à la rue mais aussi les trois milliers de mal logés et jusqu’aux couches moyennes qui peinent à acheter ou à louer » http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20090515.OBS6960/operation-des-enfants-de-don-quichotte-a-paris.html.
Français

Cet article croise les apports de la sociologie des mobilisations avec les données géographiques sur les conditions de logement en France et en Israël. Dans les années 2000, on a assisté dans ses deux pays à une recomposition du rôle de l’État et à l’émergence de mouvements importants dénonçant la « crise du logement ». Cet article compare les facteurs d’émergence de cette crise dans les deux pays et analyse ses causes, les formes de mobilisation, leurs argumentaires, le récit qu’en font les sciences sociales et les réponses techniques développées par les gouvernements. La comparaison des deux crises du logement montre que leurs significations sociologiques reflètent des récits nationaux différents.

Mots-clefs

  • France
  • Israël
  • crise du logement
  • conditions de logement
  • mobilisations
  • récits nationaux

Bibliographie

  • Adler, I., Lewin-Epstein, N. et Shavit, Y. (2005), « Ethnic stratification and place of residence in Israel : a truism revisited », Research in Social Stratification and Mobility, vol. 23, p. 155-190.
  • Alterman, R. (2002), Planning in the Face of Crisis : Land Use, Housing and Mass Immigration in Israel, Londres, Taylor and Francis, 212 p.
  • Bar-Nathan, M., Beenstock M. et Haitovsky Y. (1998), « The market for housing in Israel », Regional Science and Urban Economics, vol. 28, p. 21-49.
  • Ben David, D. (2012), « The Start-Up Nation and its Threat from within », in D. Ben David (éd.) State of the Nation report, society, Economy and Policy in Israel, Taub Center, p. 17-80.
  • En ligne Berthomière, W. (2003), « Croissance urbaine et immigration : le cas des villes de développement en Israël », L’information géographique, vol. 67, nº 2, p. 134-150.
  • Bruneteaux, P. (2013), Les Enfants de Don Quichotte. Sociologie d’une improbable mobilisation nationale, Vincennes, PU Vincennes, 222 p.
  • Bulle, S. (2013), « “L’État nous quitte”. Question sociale, question urbaine et culturelle en Israël », Mouvements, nº 74, p. 42-51.
  • Bulle, S. (2013 b), « Pourquoi la rue inspire-t-elle la révolte ? Compétences émeutières et projet de transformation sociale dans le mouvement d’occupation mondial (Espagne, Israël, USA) », Justice spatiale, nº 5, p. 1-10.
  • Bulle, S. (2014), « Faire de sa vie une enquête : le cas d’un mouvement de contestation populaire en Israël comme critique ordinaire et critique radicale », Lien social et Politiques, nº 71, p. 103-123.
  • Carmon, N. (2001), « Housing Policy in Israel : review, evaluation and lessons », Israel Affairs, vol. 7, nº 4, p. 181-208.
  • Castel R. (1995), Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Mesnil-sur-l’Estrée, Fayard, 490 p.
  • Castells, M. (1973), Luttes urbaines et pouvoir politique, Paris, Maspero, 136 p.
  • Castells, M. (1983), The City and the Grassroots : a Cross-Cultural Theory of Urban Social Movements, Londres, Edward Arnold, 450 p.
  • Castells, M., Cherki E., Godard F. et Mehl, D. (1977), Crise du logement et mouvements sociaux urbains, EHESS, Mouton, 594 p.
  • Chalozin-Dvorat, L. et Bulle, S. (2012), « Prendre place au-delà de la répartition des places », Multitudes, vol. 3, nº 50, p. 130-137.
  • Cohen, S. (2011), « Les mystères et les non-dits du “Printemps israélien” », p. 1-3, http://www.ceri-sciences-po.org.
  • Dadon, B. (2000), « Public Housing in Israel : A Proposal for Reform », Policy Studies, nº 46, p. 1-26.
  • Damon, J. (2002), La question SDF, chronique d’une action publique, Paris, Presses Universitaires de France, 320 p.
  • Monterescu, D. et Shaindlinger, N. (2013), « Situational Radicalism : The Israeli `Arab Spring’and the (Un) Making of the Rebel City », Constellations, vol. 20, nº 2, p. 229-253.
  • De Singly, F. (2005), L’individualisme est un humanisme, Paris, Éditions de l’Aube, 125 p.
  • En ligne Driant, J.-C. et Lelevrier, C. (2006), « Le logement social : mixité et solidarité territoriale », in H. Lagrange et M. Oberti, Émeutes urbaines et protestations. Une singularité française, Paris, Presses de Sciences-Po, p. 177-193.
  • Florida, R. (2002), The Rise of the Creative Class : and How it’s Transforming Work, Leisure, Community and Everyday Life, New York, Perseus Book Group, 434 p.
  • Fondation Abbé Pierre, Rapports annuels sur le mal logement (1995-2014).
  • Fourcault, A. et Voldman D. (2013) (dir.), « Les crises du logement en Europe au xxe siècle », Le Mouvement social, nº 245.
  • Gide, Ch. (1924), La crise du logement, Paris, Association pour l’enseignement de la coopération, 16 p.
  • Golan, A. (1998), « Jewish Nationalism, European Colonialism and Modernity : The Origins of the Israeli Public Housing System », Housing Studies, vol. 13, nº 4, p. 487-505.
  • Grinberg, L. (2013), « The J14 resistance mo (ve) ment : The Israeli mix of Tahrir Square and Puerta del Sol », Current Sociology, vol. 61, nº 4, p. 491 – 509.
  • Hamel, P., Lustiger-Thaler, H. et Mayer, M. (éd.) (2000), Urban Movements in a Globalising World, Londres, Routledge, 176 p.
  • Hasson, S. (1995), Public Housing. Absorption of Immigrants and the Shaping of the Settlement System, Tel-Aviv, The Open University, 99 p.
  • Kallus, R. et Law Yone, G. (2002), « National Home/Personal Home : Public Housing and the Shaping of National Space in Israel », European Planning Studies, vol. 10, nº 6, p. 765-779.
  • En ligne Kesteman, N. (2010), « Le logement des jeunes : synthèse des études statistiques récentes », Politiques sociales et familiales, nº 99, p. 113-120.
  • Kesteman, N. et Chave, F. (2013) (dir.), « Logement : enjeux d’actualité », Politiques sociales et familiales, nº 114.
  • Nordine Touil, A. et Labidi, L. (2013) (dir.), « Les nébuleuses du logement social en France et en Afrique du nord », Le sociographe, recherches en travail social, nº 44.
  • Levy, J.-P. et Fijalkow, Y. (2012), « Une autre politique du logement est-elle possible ? », Le Monde, édition du 1er mars 2012.
  • Livio, O. et Katriel, T. (2014), « A Fractured Solidarity : Communitas and Structure in the Israeli 2011 Social Protest » in P. Werbner, M. Webb et K. Spellman-Poots. (éd.), The Political Aesthetics of Global Protest : the Arab Spring and Beyond, Edinburgh, Edinburgh University Press, 448 p.
  • Mathieu, G. (1965), Peut-on loger les Français ?, Paris, Seuil, 128 p.
  • Merza, E. (2014), « “Vivre ensemble” et “vivre mieux” sont-ils (in) compatibles ? Retour sur “J14”, le premier mouvement social israélien », Raison publique.fr, http://www.raison-publique.fr/article684.html#nh9, p 1-16.
  • Neveu, E. (1996), Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 128 p.
  • Pisani, E. (1977), Utopie foncière, Paris, Gallimard, 213 p.
  • Ricœur, P. (1988), « La crise : un phénomène spécifiquement moderne ? » Revue de Théologie et de Philosophie, nº 120, p. 1-19.
  • Rosenhek, Z. et Shalev, M. (2014), « The Political Economy of Israel’s “Social Justice” Protests : A Class and Generational Analysis », Contemporary Social Science, vo. 9, nº 1, p. 31-48.
  • Sellier, H. (1921), La crise du logement et l’intervention publique en matière d’habitation populaire dans l’agglomération parisienne, Paris, Office public du département de la Seine (OPHBMDS), 1250 p.
  • Shalev, M. (2012), « The Economic Background of the Social Protest of Summer 2011 », in Ben David (éd.), State of the Nation report. Society, Economy and Policy in Israel, Taub center, 220 p.
  • Shlaïm, A. (2011), « Israël, les États-Unis et le printemps arabe », Mouvements, vol. 2 nº 66, p. 135-144.
  • Tilly, Ch. (1986), La France conteste de 1600 à nos jours, Paris, Fayard, 622 p.
  • Topalov, C. (dir.) (1999), Laboratoires du nouveau siècle. La nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France, 1880-1914, Paris, EHESS, 574 p.
  • Werczberger, E. et Reshef, N. (1993), « Privatisation of public housing in Israel : Inconsistency or complementarity ? », Housing Studies, vol. 8, nº 3, p. 195-206.
Caroline Rozenholc
maître-assistante associée des ENSA, chercheuse au CRH (UMR LAVUE) – ENSAPVS – Centre de recherche sur l’habitat.
Yankel Fijalkow
professeur à l’ENSA Paris-Val-de-Seine, chercheur au CRH (UMR LAVUE) – ENSAPVS – Centre de recherche sur l’habitat.
Mis en ligne sur Cairn.info le 26/02/2016
https://doi.org/10.3917/ag.707.0005
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin © Armand Colin. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...