CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Encore récemment, accoler « Éthiopie » et « glorieuse » aurait été une incongruité, tant dans nos esprits Éthiopie rimait avec malheur. Comme dans la Divine Comédie de Dante, devant la porte de l’Enfer, on s’attendait à lire : « Toi qui entres ici abandonne toute espérance. » En effet, entre la chute de Haïlé Sélassié (1974) et la fuite de Mengestu (1991), les Éthiopiens ont subi deux famines, une guerre civile, une dictature, le « socialisme des casernes [1] », des persécutions, l’exode des élites et des pertes humaines considérables. Dix-sept ans de révolution ont ruiné les finances et, par conséquent, les équipements, les réseaux et l’appareil productif. Pendant des années, l’Éthiopie figura au dernier rang pour tous les indices socio-économiques. En outre, l’unité et l’existence d’un des plus anciens États d’Afrique paraissaient menacées. La sécession de l’Érythrée (1993) préfigura-t-elle l’éclatement, à l’instar de l’URSS, de l’empire aux multiples langues et confessions ? Le gouvernement provisoire de Meles Zenawi (1991-1995) provoqua-t-il le break-up of Ethiopia[2] en reconnaissant à chaque peuple, nation et nationalité le droit à l’autonomie jusqu’à la sécession [3] ? On assurait que l’islamisme submergerait bientôt l’ îlot de chrétienté. Ceux qui s’opposaient à Meles, Premier ministre depuis 1995, l’accusaient des maux les plus contradictoires : allié de l’Érythrée, il bradait l’unité nationale, la dépeçait ou, bien que Tegréen, il perpétuait l’hégémonie des Amhara-Tegréens. La guerre avec l’Érythrée (1998-2000), qui s’est achevée par une coûteuse victoire, ébranla son leadership dans la coalition au pouvoir. Les ports érythréens lui étant interdits, l’Éthiopie, enclavée, se tourna vers Djibouti, desservi par une seule route et un chemin de fer vétuste. L’embargo sur les ventes d’armes, décrété par l’ONU, avait démontré qu’une base industrielle, en Éthiopie même, était nécessaire. Son agriculture familiale et vivrière peinait toujours à nourrir une population en forte croissance et accentuait sa dépendance vis-à-vis des importations et de l’aide internationale.

2Face aux difficultés de la conjoncture intérieure et régionale, Meles révéla son autorité et son habileté. En 2005, il réprima durement l’opposition qui manifestait contre le résultat « arrangé » des législatives. Fin 2006, à la demande du gouvernement de transition somalien, et avec l’aval de l’ONU, il envoya l’armée éthiopienne à Mogadiscio en Somalie et la retira en 2009, pour faire place à l’AMISOM [4] dépêché par l’Union africaine. L’Éthiopie, soutien de l’ONU/Union africaine face aux Shabaab en Somalie, est aujourd’hui un élément moteur dans les opérations de paix au Soudan, au Darfour et à Abiye. Par conséquent, l’Union africaine envoya le Premier ministre éthiopien au G20 pour représenter le continent africain. Enfin, son gouvernement lutta contre une grave disette au moment de la soudure de l’été 2008 en distribuant, aidé par la FAO et les ONG, de la nourriture importée à prix coûtant. Afin d’accélérer le développement, aidé par l’industrialisation, il ouvrit le pays aux investissements directs étrangers (IDE). En 2009, Meles inaugura le barrage le plus élevé d’Afrique sur le Tekkezé au Tegray, tandis que le ministère de l’Agriculture offrait trois millions d’hectares, soit un septième de la surface agricole utilisée (SAU), à l’agro-industrie. Depuis 2012, de grandes serres ont hissé l’Éthiopie au deuxième rang africain des exportateurs de fleurs coupées. Une vague de constructions a déferlé d’Addis-Abeba sur les petites villes : chaque mois, les routes s’allongent et la capitale, traversée par un tramway, est méconnaissable pour qui revient après un an d’absence. Le Grand Barrage de la renaissance éthiopienne (le deuxième d’Afrique) et de nouveaux ouvrages géants ont consacré l’indépendance énergétique de l’Éthiopie qui a vendu du courant à ses voisins et électrifié son nouveau réseau ferroviaire. Publié en 2010, le Growth and Transformation Plan (GTP), héritage de Meles décédé en 2012, couvre de chantiers le pays : à la traîne du développement jadis, il est désormais à l’avant-garde. Le régime prétend que la croissance économique à « deux chiffres », la règle depuis dix ans, va durer : en 2013, le RNB/hab atteint 1 140 dollars/ppa (contre 870 dollars en 2008). Pourra-t-il tenir le pari ? En effet, aujourd’hui démographiquement au deuxième rang en Afrique avec 89,2 millions d’habitants, l’Éthiopie en comptera vraisemblablement environ 178 millions en 2050 (Population & Sociétés, 2013).

L’Éthiopie, cœur énergétique de l’Afrique de l’Est

figure im1

L’Éthiopie, cœur énergétique de l’Afrique de l’Est

Diversification énergétique et géopolitique est-africaine
L’Éthiopie est devenue le cœur énergétique de l’Afrique de l’Est. Cette carte montre les centrales d’énergie existantes et en projet, ainsi que la diversité des sources d’énergie développées par le pouvoir éthiopien.
Source : adaptation à partir de African Energy 2014, carte "Horn of Africa Power Infrastructure" (www.africa-energy.com). Édigraphie, 11/2015.

3Dans cet article, nous étudions dans un premier temps l’Éthiopie comme « eldorado » des travaux publics. Faut-il voir la « main de la Chine », des « éléphants blancs » ? Qui finance, qui dirige et qui travaille ? Un deuxième point aborde les grands chantiers, enjeux des recompositions sociales et identitaires, ainsi qu’économiques et politiques, et des rivalités entre l’État fédéral, vecteur du progrès, les États-régions éthiopiens et les États de la Corne [5] et d’Afrique de l’Est. L’Éthiopie des 15 Glorieuses aspire à (re)trouver son rang de puissance : elle deviendrait ainsi le pilote de la Corne et de l’Afrique orientale et peut-être du continent (Ouannou, 1962).

Un pays impécunieux, mais en chantier

4L’Ethiopia’s Growth and Transformation Plan (GTP), véritable feuille de route du gouvernement éthiopien pour les années 2011-2015, donne, après coup, une cohérence à des initiatives prises dans l’urgence par un Premier ministre tout-puissant mais atteint par un cancer qui l’emporta en août 2012. Il fallait éviter la « crise des ciseaux », conséquence de l’écart grandissant entre les taux de croissance économique et démographique (+ 21 ‰ en 2013). La pression s’accroît sur les hautes terres, qui constituent un tiers du territoire et où vivent 80 % des Éthiopiens à l’abri du paludisme et de la trypanosomiase : la taille moyenne des exploitations est passée de 1,5 ha (Gallais, 1989) à 0,8 ha (Atlas, 2006). Faute d’un accès à la terre, les jeunes, mieux éduqués, se dirigent en masse vers les villes, puis vers la capitale d’où ils tentent de gagner les pays du golfe Persique ou l’Europe. L’opinion s’inquiète de la fuite des jeunes élites, comme du sort des migrants dans les pays arabes. En réponse aux exécutions d’Éthiopiens en Libye, le pouvoir a organisé une grande manifestation dans la capitale, où on l’accusa de faiblesse. Ayant plus que quadruplé depuis quarante ans, la population d’Addis-Abeba [6] subissaient toujours en 2010 de fréquentes coupures de courant, notamment en fin de saison sèche, les retenues des barrages hydroélectriques étant vides. Faute d’interconnexion, les entreprises et les particuliers (aisés) utilisaient des groupes électrogènes brûlant du carburant, importé depuis la perte de la raffinerie d’Asab en Érythrée. La subvention des prix du gazole [7], nécessaire au transport et à la distribution de la nourriture importée, équivalait au montant des achats de denrée alimentaires (Gascon, 2008). L’Éthiopie n’a rien d’autre à exporter que le café, les cuirs et peaux et quelques produits agricoles et forestiers : le tchat[8], drogue « douce » vendue en Somalie, à Djibouti et au Yémen, passe par des circuits clandestins. Elle manque cruellement de capitaux à investir dans les projets à long terme. L’aide internationale contribue pour trois milliards de dollars par an en moyenne (soit 30 dollars/hab), la diaspora soutient l’immobilier et les migrants du golfe Persique, leurs familles. Afin d’attirer les IDE, Meles a laissé tomber le Programme de réduction de la pauvreté et de développement centré sur l’exploitation familiale pour lancer le GTP souvent comparé dans les médias aux « quatre modernisations » de Deng Xiaoping.

5L’agriculture : un parent pauvre. En 2009, la presse a révélé que de trois millions d’hectares (récemment 5 millions) de terres vacantes et sous-utilisées étaient mis à la disposition des investisseurs. Le ministère de l’Agriculture s’adressait aux capitaux privés éthiopiens et aux IDE d’Inde, d’Arabie Saoudite, de Corée et de Chine afin de financer son « bond en avant ». Les Éthiopiens ont dû se contenter de lots de quelques centaines d’hectares tandis que les groupes internationaux recevaient, en bail emphytéotique à taux modique, 10 000 et même 100 000 ha. Ces derniers y créent de grandes fermes mécanisées produisant pour l’exportation : coton, riz et palmiers à huile. Ils ont obtenu des allégements d’impôts pour les cadres expatriés, le libre rapatriement des capitaux et des dividendes et des exemptions de droit de douane pour les intrants importés. Meles et son entourage pensaient reproduire le succès de la floriculture qui, sur environ 2 000 ha de serres, a créé 100 000 emplois souvent précaires (Gascon, 2013). Or, la monoculture mécanisée a besoin de très peu de main-d’œuvre (4 hommes pour 1 000 ha), et de postes le plus fréquemment confiés à des étrangers. Pour les récoltes, elle recrute des saisonniers le plus souvent mal payés, même pour l’Éthiopie. Les autorités ont dirigé les investisseurs vers les régions basses du Sud-Ouest où le faible peuplement éviterait des protestations massives. Elles assurent également prendre en charge les déplacements « inévitables » des autochtones… Dans le kellel (région-État) de Gambela, où les accaparements de terres touchent près de la moitié de la SAU, les Anuak et les Nuer, agro-éleveurs et éleveurs autochtones, s’y opposent résolument. De plus, ces populations appartiennent à des Églises évangéliques qui relaient leur refus dans les médias. Les autorités répondent que ces grandes fermes modernes rééquilibreront la balance des échanges agricole, alors qu’elles ne font que précipiter l’exode rural (Abbink, 2011 ; Gascon, 2012 ; Baumgartner et al., 2015). Le bilan, même provisoire, semble mitigé : Saudi Star, du groupe MIDROC [9], affiche de bons résultats, mais le groupe agro-industriel Karuturi de Bengalore, qui projetait d’y établir des agriculteurs indiens, a quitté Gambela. Le premier producteur mondial de rose s’est rendu compte combien l’agro-industrie, dans des périphéries, présente plus d’aléas que la floriculture sous serres à cent kilomètres d’Addis-Abeba.

6Un effort démesuré. Tous les chantiers déjà mentionnés et les programmes d’extension des réseaux, de construction de logements et d’édification des barrages ont entraîné l’accroissement de la part de l’investissement dans le budget national. Il est passé de 30 à 40 % du RNB de 2012-2013 à 2013-2014 (Andualem, 2014) : seules l’URSS de Staline et la Chine de Mao ont connu un tel effort ! L’État investit d’abord dans la construction d’habitations et des infrastructures (routes, chemins de fer et grands barrages). Il délègue aux entrepreneurs privés éthiopiens et aux IDE le passage en force à la grande agriculture mécanisée. Il dirige les programmes nationaux d’édification de logements et la construction et l’extension des réseaux et des infrastructures qui occuperaient dix millions d’Éthiopiens (Sittoni, 2014) [10]. La rénovation a soulevé la colère des citadins, notamment dans la capitale, quand on a abattu les quartiers précaires insalubres du centre. Leurs habitants, chichement indemnisés, ont été éloignés, sans ménagement, vers les périphéries pour faire place à des immeubles de rapport et des condominiums, immeubles des classes « moyennes ». L’État, qui a livré en moyenne 25 000 logements par an depuis 2005, a promis d’en achever 960 000 pour 2025. Financements publics, taxes foncières perçues par les municipalités et investissements privés et de la diaspora ont consolidé la bulle immobilière qui hérisse de tours de verre et d’acier et de barres de condominium Addis-Abeba et les capitales régionales.

7Le budget de 2014-2015 consacre 1,5 milliard de dollars sur 8,5 (Sittoni, 2014) à l’entretien et l’extension du réseau routier dont un axe, Djibouti-Addis-Abeba, est en surcharge permanente. Jusqu’au début du xxie siècle, l’Éthiopie s’est contentée des routes tracées par les Italiens (1936-1941), qu’elle avait de la peine à entretenir. Jusqu’en 1998, son commerce extérieur passait par le port érythréen d’Asab, et, n’ayant pu ni moderniser ni privatiser le chemin de fer de Djibouti, elle l’a laissé péricliter. En 2004, elle a interrompu le trafic alors que le dynamisme économique avait considérablement accéléré les échanges avec l’extérieur. S’est ainsi accrue la flotte d’Ethiopian Airlines et s’est agrandi l’aéroport d’Addis-Abeba devenu un hub régional pour les passagers et le fret (fleurs coupées). Les routes nationales, qui partent du périphérique de la capitale, sont asphaltées jusqu’aux frontières et notamment vers Gambela, où sont arrivés d’énormes tracteurs destinés à l’agro-industrie. Il faut aussi transporter les turbines jusqu’aux chantiers des barrages au fond des canyons et les éoliennes au sommet des plateaux du Tegray. Toutefois, outre les capitaux, deux autres écueils risquent de retarder, et même d’empêcher, la marche de l’Éthiopie vers le progrès dont rêvent les autorités. D’une part, les échanges se font par l’unique route Addis-Abeba-Djibouti, parcourue jour et nuit par un convoi ininterrompu de camions, et, d’autre part, le poids de plus en plus lourd des importations d’hydrocarbures.

8Tout pour l’électricité. L’inauguration du barrage du Tekkezé (2009) précéda d’un an la publication du 25-year Master Plan of the National Power Utility de l’Ethiopian Electric Power Corporation (EEPCo). Confié à l’EEPCo, bras armé de l’État fédéral (Coillot, 2009), le Plan directeur a de grandes ambitions pour le pays. En plus de changer la vie de l’Éthiopien ordinaire, d’attirer des entreprises, de favoriser les transports et l’urbanisation et d’en finir avec la dépendance énergétique, il changera la hiérarchie des puissances sur le cours du Nil en faveur de l’Éthiopie (Gascon, 2015) ! Pendant dix ans, 11 milliards de dollars seront investis dans la construction de dix usines hydroélectriques (et six en plus ultérieurement) au droit de barrages géants sur le Nil et le Gibé/Omo. En 2015, 11,6 GW (soit la puissance électrique du Portugal) seront installés, puis 24 GW à l’issue du Plan, qui fera d’EEPCo le premier producteur d’électricité d’Afrique. Dans leur majorité, ces ouvrages sont bâtis par Salini (Italie) et ensuite par Sinohydro. Des montages financiers associent État éthiopien, Banque africaine de développement (BAfD), banques du golfe Persique et Exim Bank qui, en outre, finance directement cinq ouvrages. Devant les campagnes des écologistes et les menaces du Soudan et de l’Égypte, le Premier ministre décida qu’une souscription nationale réunirait les 4,8 milliards d’euros nécessaires à l’édification du Grand Barrage de la Renaissance éthiopienne (6 GW installés et 15 000 Gwh produits) sur le Nil bleu [11]. Des entreprises françaises (Alstom, Vernier) et chinoises fournissent les turbines et les éoliennes. EEPCo, avec entre autres des prêts arabes et de la BAfD (Gascon, 2015), étend la desserte en basse tension pour atteindre la moitié de la population (2015). Elle construit une interconnexion à haute tension qui alimente Djibouti, le Kenya et bientôt le Soudan et le Somaliland et espère retirer 700 millions de dollars/an des ventes de courant. Le total des recettes à l’étranger et des abonnements souscrits en Éthiopie sera-t-il suffisant pour assurer le service de la dette et le remboursement du capital ? L’Éthiopie, largement dépendante des importations d’énergie, deviendra exportatrice nette et renforcera ainsi sa position en Afrique du Nord-Est. Ajoutons que dans le Master Plan, l’irrigation est un objectif secondaire : seul le périmètre de Tana-Bäläs (140 000 ha), au nord, est en fonction. Dans le Bas-Gibé, un périmètre irrigué de 400 000 ha dans un parc national a déchaîné les oppositions, et, pour le moment, il est en panne. L’Éthiopie a davantage faim de courant que de nourriture.

Vers un nouvel ordre hydraulique dans le bassin du Nil

figure im2

Vers un nouvel ordre hydraulique dans le bassin du Nil

Partage des eaux, développement de l’énergie hydroélectrique et nouvelles puissances régionales (2012)
Cette carte représente le partage des eaux du Nil de ses sources dans les Grands Lacs jusqu’au lac Nasser en Égypte, ainsi que les projets ambitieux de développement de l’énergie hydroélectrique sur tout le bassin du fleuve. Elle montre les reconfigurations politiques régionales en matière de puissances énergétiques..
Source : adaptation à partir de African Energy, carte "Nile Basin. Sharing Water Resources vs Developing Hydro Potential", 2012 (www.african-energy.com). Aucun fleuve, en dehors du bassin du Nil, n’a été représenté sur cette carte. Édigraphie, 11/2015.

9Le Plan directeur de vingt-cinq ans a aussi provoqué le retour en force du chemin de fer, mais, cette fois, sous contrôle éthiopien. Le tramway, étudié par SweRoad, financé par Exim Bank (470 millions de dollars) et construit par China Railway Engineering Corporation (CREC), a terminé ses essais à Addis-Abeba congestionnée par la circulation. Un consortium turco-indo-chinois se partage la charge de tracer le réseau national de 4 500 km de l’Ethiopian Railway Corporation (ERC) qui, à travers les plateaux, gagnera les frontières du Kenya, du Soudan et du Sud-Soudan (Berhane, 2010). L’État éthiopien finance 30 % et Exim Bank 70 % du coût (3 milliards de dollars) de la voie ferrée, électrifiée et à écartement normal, qui, venant de Djibouti, se substitue à l’ex-chemin de fer franco-éthiopien et atteint la capitale à la fin du mois de juin 2015. China Railway Engineering Corporation (CRC) et China Civil Engineering Construction Corporation (CCECC) le construisent, alors que le tronçon Awash-Weldiya, financé par un prêt suisse de 1,7 milliard de dollars, est confié à Yapi Merkez (Turquie). Fin 2015, les 2 000 premiers kilomètres de voies de l’ERC relieront Addis-Abeba à Djibouti et Meqelé à Awash, puis à Tadjourah. L’électricité permet, aussi, de vaincre l’enclavement.

L’Éthiopie « développementaliste » ? Chine, fédéralisme et leadership

10À l’école de la Chine et des negus. Les médias avancent souvent que les ingénieurs et les banquiers chinois ont importé en Éthiopie leur développement autoritaire à marche forcée et l’ont imposé : selon eux, le GTP aboutira, avec la complicité du gouvernement, à la vente du pays « par appartements » à la Chine et aux étrangers. Rappelons que l’Éthiopie n’a pas eu le choix car, sous la pression des écologistes, la Banque mondiale a cessé, depuis la fin du xxe siècle, de financer les grands barrages pharaoniques ; mais elle participe, dans le pays, à vingt-cinq projets d’infrastructure pour six milliards de dollars. Les entreprises chinoises sont omniprésentes, notamment à Addis-Abeba où elles ont construit la nouvelle aérogare, le nouveau siège de l’Union africaine, le périphérique, le tramway, les tours et le réseau des égouts. Toutefois, elles n’ont pas le monopole du BTP : les plus grands barrages sont attribués aux Italiens (Salini) et équipés, en partie, par les Français. Les chantiers d’extension des réseaux routiers, ferroviaires et électriques, sont partagés entre des firmes moyen-orientales, asiatiques et européennes, en joint-venture avec des entrepreneurs locaux. Dans la distribution, les industries textiles et alimentaires, les transports, l’agro-industrie, l’État, par une politique douanière offensive, incite les firmes étrangères à s’allier avec des Éthiopiens, notamment le MIDROC, un groupe de taille internationale. Les autorités poursuivent les entreprises, étrangères ou éthiopiennes, comme Sinohydro et Salini, à la suite de malfaçons dans les aménagements hydrauliques, ou de retard, comme dans l’achèvement des chantiers du chemin de fer. Pour l’« État développementaliste » éthiopien, mis en place depuis une dizaine d’années, la défense étroite des intérêts économiques nationaux n’est pas incompatible avec l’ouverture aux IDE.

11L’économie administrée en Éthiopie (Hamere-Selassie, 1964) est bien antérieure à la révolution de 1974 pendant laquelle, Mengestu et Meles, quoique adversaires, n’en prônaient pas moins la complète étatisation de l’économie sur le modèle soviétique plus que chinois. Face aux menaces extérieures, les negus Téwodros ii (1855-1868) et Menilek ii (1889-1913) avaient déjà fait venir des techniciens étrangers afin, dans un premier temps, de monter des fabriques d’armes. Menilek commença à mettre en concurrence les puissances : aux Français la voie ferrée, aux Italiens le télégraphe, aux Égyptiens la banque. Ras Tafari Makonnen, « prince homme d’affaires » (Gascon, 2013), couronné Haïlé Sélassié (1930-1974), joua des rivalités entre les entreprises et les États et maintint un large secteur économique étatisé (banques, transports, tabac, allumettes, industries) à côté du secteur privé (Hamere-Selassie, 1964). On reprocha au moins autant à Mengestu son alignement exclusif sur l’URSS que son « socialisme des casernes ». Les Éthiopiens ont écarté la menace coloniale, mais ils ont eu des frontières communes avec les possessions européennes jusqu’à leur départ de l’Afrique. Ils ont appris à les connaître et à s’en méfier et cherché à établir des relations avec des puissances hors de la sphère coloniale. Dans les années 1930, le Japon, héritier de l’ère Meiji, était certes un fournisseur d’étoffes, mais surtout un modèle de l’État indépendant : les intellectuels de l’entourage du negus s’étaient surnommés les « japonisants [12] ». En 1945, Haïlé Sélassié rencontra Roosevelt, noua des relations avec l’URSS, mais envoya un contingent en Corée, tout en participant en 1955 à la conférence de Bandoeng. En 1971, il reconnut Pékin et rencontra Mao avant Nixon : les Éthiopiens ont une longue expérience des rapports avec la Chine. Même si elle finance, avec d’autres, le GTP, cela ne s’est pas traduit immanquablement par un alignement politique de l’Éthiopie sur la Chine, même dirigée par le « terne » (comme l’écrivent les journalistes) Hayle Maryam Dessalegn, successeur de Meles, longtemps qualifié d’« effacé » par les médias. L’« État développementaliste » en Éthiopie est moins une importation étrangère qu’un avatar de l’économie administrée et inventée par les negus modernisateurs. C’est pourquoi il a été accepté par l’opinion.

12Fédéralisme et État « développementaliste ». La victoire sur l’Érythrée, qui a nettement contribué à raffermir le pouvoir de Meles et de l’État fédéral, montre que la très large autonomie dévolue aux « peuples, nations et nationalités » ne menace pas l’unité éthiopienne. « C’est bien une guérilla de culture marxiste qui, après avoir redécouvert les comportements politiques de ses anciens rois des rois, s’est fixé le devoir de mener l’Éthiopie sur la voie du libéralisme, de la modernité et, peut-être, de la démocratie », souligne Marc Fontrier (1999). Les deux outils de ce renforcement sont la coalition de partis « ethniques », au pouvoir depuis 1991, l’Ethiopian People’s Revolutionary and Democratic Front (EPRDF) [13] et le GTP. Le Front populaire de libération du Tegray (FPLT), dirigé par Meles, avait soutenu des positions séparatistes [14] qui risquaient de lui aliéner le soutien des autres régions d’Éthiopie. Ainsi, peu avant la fuite de Mengestu, a-t-il amalgamé des fronts hétéroclites pour constituer l’EPRDF, moins « tegréen ». Par conséquent, il a associé au pouvoir les « peuples, nations et nationalités » dans une coalition des partis « ethniques », mais le FPLT y conserve une position prépondérante. Avec le GTP, le Premier ministre fédéral a pris la tête de l’État développementaliste et décidé des grands aménagements, de leur financement et de l’adjudication des chantiers dont les régions sont écartées. Chargées de la gestion des ressources du sol et du sous-sol, elles interviennent dans l’octroi des concessions foncières et en gèrent les conséquences parfois violentes. Le processus d’adjudication des terres, des chantiers et des lots de chantier n’est pas transparent. La presse nous apprend que le gouvernement a installé une commission de lutte contre la corruption et engagé des procédures judiciaires. Un livre, publié en amharique, épinglant la promiscuité entre entreprises et monde politique, a été épuisé en quelques jours (Bogalä, 1996). Dans la diaspora et le pays, j’ai lu et entendu les critiques au sujet de la proximité, avérée, entre Meles et Al-Amoudi [15], le président du MIDROC. L’enrichissement rapide d’une minorité d’entrepreneurs de Shining Ethiopia et la formation d’un début de classe moyenne urbaine, alors que la majorité de la population se débat dans de grandes difficultés, accréditent ces connivences (Gascon, 2008).

13En 2005, le vote majoritaire en faveur de l’opposition à Addis-Abeba a aussi été la conséquence des rénovations brutales qui a insécurisé de nombreux citoyens, par ailleurs choqués par l’envol du prix des loyers. La réaction brutale du pouvoir face aux manifestations dans la capitale, où vivent des étrangers, tient aussi au fait que celle-ci regroupait déjà 4 % des Éthiopiens, contre 6 % pour le Tegray : elle aurait gagné un million d’habitants depuis le recensement de 2007. Les dirigeants de l’EPRDF et des partis satellites ont entrepris d’en faire une organisation de masse passée d’environ 100 000 adhérents à plus d’un million, voire deux. Aux élections de 2010 et de 2015, étroitement « encadrées » par la coalition au pouvoir et l’administration, les citoyens n’ont pu élire qu’un seul député d’opposition. L’EPRDF a su se faire le champion de la modernisation de l’Éthiopie, un thème qui séduit les nombreux jeunes diplômés en quête d’emplois. En être membre augmente les chances d’obtenir un poste dans l’administration, dans la capitale notamment (Bjerkli, 2013) et dans les entreprises étatiques et même privées. Le discours éthiopien-modernisateur est porté par beaucoup des fidèles des Églises évangéliques pentecôtistes (penté) qui regroupent environ 20 % des Éthiopiens (contre 10 % il y a 10 ans). Leur prosélytisme suscite l’hostilité de l’Église nationale éthiopienne monophysite [16] et des musulmans, d’autant que le Premier ministre Hayle Maryam et le président fédéral Mulatu Teshome, tous deux originaires du Sud, en sont membres. Même si les prêches sur la réussite sociale, comme signe de la faveur de Dieu, cadrent avec les idées des « classes moyennes » urbaines, les principaux foyers de chrétiens penté se situent, toutefois, dans les campagnes du Sud-Ouest (Dewel, 2014). En paraphrasant Lénine, on pourrait dire que l’EPRDF, c’est le GTP plus l’EEPCo.

14Un modèle de stabilité et de développement en Afrique. Dans la presse éthiopienne, le pays, qui résumait auparavant le retard du continent, brûle aujourd’hui les étapes du progrès, tout en restant stable. Il susciterait le respect, l’envie et la crainte de ses voisins d’Afrique de l’Est qui devraient, selon les médias, s’inspirer du GTP. Cependant, jusqu’à la fin de la colonisation, l’Éthiopie n’avait aucune présence diplomatique en Afrique et s’est tournée tardivement vers le continent. Néanmoins, paré de son prestige, Haïlé Selassié ouvrit la session inaugurale de l’OUA et revendiqua la paternité des indépendances : des livres, qu’il avait commandés, assuraient que « l’Éthiopie [était] pilote de l’Afrique ». Or, les Éthiopiens se sentaient bien plus proches de la Méditerranée orientale et de la péninsule arabique par leur culture et leur histoire que de l’Afrique, même de l’Est (Gascon, 2006). En 1970, on appelait les diplomates d’Afrique subsaharienne et les Peace Corps afro-américains Shanqella, Shanqo, « négro » en amharique, qui désignait les esclaves africains razziés au sud et à l’ouest. Sous Mengestu prima la solidarité avec les « pays frères » socialistes qui, à part l’Angola, ne se situaient pas en Afrique. Cependant, au xxie siècle, avec les progrès de l’éducation, une part plus importante des Éthiopiens se tourne vers l’est du continent, tout en demeurant attachés au grand Moyen-Orient, l’antique creuset de leur civilisation.

15La menace de l’enclavement de l’Éthiopie, à la suite du conflit avec l’Érythrée, incita Meles à raffermir ses relations avec Djibouti, où se reporta le trafic international éthiopien. Le Soudan et le Kenya, attirés par son marché, accordèrent des facilités de transit à Port-Soudan et Mombasa, bientôt reliés à l’Éthiopie. En outre, elle importait 30 à 40 % de ses hydrocarbures des raffineries soudanaises. Les producteurs de fleurs coupées, installés au Kenya, découvrirent l’eldorado éthiopien : la tranquillité politique, des salaires et des impôts encore plus bas. Ils y bâtirent des serres puis, depuis 2009, se ruèrent vers les terres du sud-ouest. En même temps que l’Éthiopie captait l’attention des investisseurs, elle avait montré sa capacité de projection militaire contre les tribunaux islamiques, puis les Shabaab en Somalie (Ferras, 2011). Quand l’ONU, puis l’Union africaine, décidèrent de déléguer aux organisations régionales africaines la gestion des conflits, la stabilité politique et l’expérience de l’Éthiopie s’imposèrent au sein de l’IGAD (Inter-Government Authority for Development). Son armée, intégrée dans les opérations de maintien de la paix, est le noyau de l’East Brigade des Forces africaines en attente (FAA) en concurrence avec le Kenya et le Burundi engagés en Somalie. Mais il ne fait aucun doute que son poids démographique et son dynamisme économique ont plaidé en faveur de l’Éthiopie. Les grands barrages et le chemin de fer, piliers du GTP, la replacent au centre des échanges d’une nouvelle Afrique de l’Est où s’effaceraient les barrières économiques et politiques. Les États de l’IGAD, unis par les voies ferrées de l’ERC, deviendront clients de l’EEPCo, à l’instar de Djibouti, puis du Kenya, du Sud-Soudan, de la Somalie, du Somaliland, et, dans un avenir plus incertain, de l’Égypte et du Yémen. Fruit des « 15 Glorieuses », le GTP, sans volet irrigation, jouerait, en Afrique de l’Est, le même rôle que le Güneydog˘u Anadolu Projesi [17] (GAP) au Moyen-Orient qui a rétabli la Turquie dans son rang de puissance régionale (Gascon, 2015 ; Bazin, de Tapia, 2015).

16L’Éthiopie des « 15 Glorieuses » se souvient que Menelik écrivait en 1891 aux Européens : « Je n’ai point l’intention d’être spectateur indifférent si des puissances lointaines se portent avec l’idée de se partager l’Afrique » (Browlie, 1979). Elle a les atouts militaires, économiques et diplomatiques des prétentions affichées il y a 125 ans par le negus : le 23 mars 2015, à Khartoum, son Premier ministre a conclu un traité d’utilisation des eaux du Nil avec les présidents égyptien et soudanais. Revanche nationale pour un pays écarté des négociations des traités égypto-soudanais de 1929 et 1959. Ayant souffert de l’isolement, sous Mengestu, il s’ouvre vers la Corne et l’Afrique de l’Est, mais aspire à une position éminente, à vrai dire dominante. Le leadership, auquel le gouvernement prétend, doit composer avec des fragilités intérieures et à des obstacles extérieurs. La succession constitutionnelle de Meles n’a donné lieu à aucune contestation, mais la mainmise grandissante de l’EPRDF sur la vie politique a fait douter de la régularité des élections de mai 2015, comme de celles de 2010 (Bach, 2015). Les retombées de la croissance à deux chiffres [18], tant célébrée, ne ruissellent pas jusqu’aux journaliers sans terre et aux migrants urbains fraîchement arrivés. Les dirigeants ont comme dessein de faire de l’Éthiopie, intégrée à la nouvelle Afrique de l’Est, le pivot du développement de la région. Fournisseur d’énergie et nœud ferroviaire, elle est en compétition avec le Kenya pour la desserte du Sud-Soudan : Tadjoura et Djibouti contre Lamu (Mwagi, 2013-2015). De plus, les organisations régionales – l’IGAD, l’East African Community (EAC), le Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA) et la Southern African Development Community (SADC) – rivalisent sur les territoires allant du Cap au Caire et de Kinshasa et Luanda à Madagascar, diluant l’unité de ce vaste ensemble. La Corne de l’Afrique (et la grande Corne de l’IGAD [19]) subit la concurrence d’aires d’influence qui s’affaiblissent les unes les autres : au nord-est les États arabes, au sud les États d’Afrique de l’Est et du centre et, plus loin, l’Afrique du Sud, la République démocratique du Congo et l’Angola.

17Le leadership éthiopien s’impose dans la « petite » Corne en rivalité avec l’Érythrée, en congé d’IGAD, qui tente de fédérer la nébuleuse des adversaires de l’« hégémonie éthiopienne » : les fronts séparatistes des Oromo et des Somali, les Shabaab, Al-Qaïda. Un temps proches de ces mouvements à la géométrie incertaine, les signataires du récent traité de Khartoum, Omar el-Béchir et Sissi, ont prudemment pris leurs distances. L’Éthiopie a procédé par une croissance en auréole, arrimant les périphéries basses aux hautes terres centrales, puis les États voisins desservis par l’interconnexion électrique et les réseaux de communication. Elle joue maintenant la carte de l’extension de ses réseaux, notamment en constituant un corridor de développement à partir de Djibouti et de Tadjoura. Parcouru par un chemin de fer électrifié, il emprunte, à hauteur de Nazrét, à l’est de la capitale, les rifts éthiopiens, puis kenyans, jusqu’à Nairobi. Il dessert les industries d’Éthiopie (Addis-Abeba, Dirré Dawa, Nazrét, Zway et Awasa), les serres et les plantations du Rift. Un embranchement s’en détache vers le Tegray, au nord, et vers le sud-ouest et le Sud-Soudan. Le réseau routier (et autoroutier) le complète, le reliant au Somaliland dont le port, Berbera, capte une part du transit éthiopien. Ce corridor évite au sud les régions troublées peuplées de Somali et au nord la forteresse Érythrée bouclée par Isayyas Afewerqi (Gouéry, Vilmer, 2015). L’Éthiopie a pris une avance certaine sur le couloir Lamu-South Sudan-Ethiopia Transport (LAPPSET), lancé par le Kenya en 2012. En effet, les attaques des Shabaab et la guerre civile au Sud-Soudan retardent la construction des réseaux ferrés et routiers (et les aéroports) qui joindront Lamu à Juba et à l’Ouganda. En outre, le port de Lamu est à l’état de projet, alors que le terminal pétrolier et de conteneurs de Doralé à Djibouti est fonctionnel depuis plusieurs années. Le volontarisme politique, entretenu par le GTP, déborde maintenant des frontières éthiopiennes et affermit la position régionale de l’État le plus peuplé d’Afrique de l’Est.

18L’Éthiopie des « 15 Glorieuses » en a fini avec l’isolement et s’ouvre sur les marchés mondiaux comme sur la Corne et l’Afrique de l’Est. Cependant, il est difficile de mesurer l’aire d’attraction régionale de l’Éthiopie renforcée par l’achèvement du GAP à l’éthiopienne. Les actes du décès du pays, dressés à la hâte en 1991 et en 2000, ont sous-estimé les capacités de résilience de l’antique culture écrite éthiopienne qui sous-tend des encadrements sociaux (administration, Église, associations et familles) jusque dans la diaspora. Ils ont résisté à l’embrigadement du régime de Mengestu, à la guerre civile et aux forces centrifuges et lui donnent un atout décisif dans la Corne et en Afrique de l’Est où le Somaliland, le seul État où les élections se déroulent pacifiquement, n’est pas reconnu par la communauté internationale.

Notes

  • [1]
    Adapté du terme barrack socialism (Markakis, 1987) insistant sur l’inspiration militaire du socialisme éthiopien.
  • [2]
    Littéralement, le « dépècement » ou la « mise en pièce ». L’expression dont elle dérive, break-up of China, a été utilisée pour décrire la situation de la Chine continentale à partir de 1895, soumise aux appétits des puissances expansionnistes et à la signature des traités inégaux.
  • [3]
    Inscrit dans la constitution de la République fédérale d’Éthiopie adoptée en 1994 et effective en 1995.
  • [4]
    Le Kenya, l’Ouganda, le Burundi, Djibouti et la Sierra Leone ont également des contingents militaires au sein de l’AMISOM.
  • [5]
    Éthiopie, Érythrée, Djibouti, Somaliland, Somalie.
  • [6]
    Aujourd’hui, quatre millions d’habitants (pronostiqué par Tabutin, Schoumaker, 2004).
  • [7]
    Le litre de gazole était vendu en Éthiopie la moitié du prix pratiqué en France (témoignage personnel, 2008).
  • [8]
    Catha Edulis Forsk.
  • [9]
    Mohammed International Development Research and Organization Companies, qui appartient au millionnaire éthio-saoudien Cheikh Al-Amoudi.
  • [10]
    8 500 ouvriers travaillent sur le chantier du Grand Barrage (Afrique renouveau).
  • [11]
    Fin 2014, la souscription (Éthiopie et diaspora) aurait récolté 1 milliard de dollars (Afrique renouveau).
  • [12]
    Le même constat a été étudié à Madagascar par l’historienne Faranirina Rajaonah (1988).
  • [13]
    Front démocratique et révolutionnaire du peuple éthiopien.
  • [14]
    En 1990, encore, la radio du FPLT prônait le « retour au Tegray » (témoignage personnel).
  • [15]
    Milliardaire éthio-saoudien (80e fortune mondiale selon le magazine Forbes), premier employeur privé en Éthiopie (Hôtel Sheraton, industrie, mines, transports, agro-industrie) et ami proche de Meles.
  • [16]
    Elle se déclare « orthodoxe », alors qu’elle a rompu avec Rome et Constantinople depuis le concile de Chalcédoine (451).
  • [17]
    Grand projet anatolien.
  • [18]
    +8,5 % en 2014 (Le Monde, 24-25 mai 2015).
  • [19]
    Soudan (Sud-Soudan), Ouganda et Kenya.
Français

L’Éthiopie a longtemps été associée aux famines, aux guerres et à la misère. Symbole de l’Afrique qui « bouge », elle offre depuis quelques années une autre image, celle d’un pays en paix et en pleine transformation. Meles Zenawi, ancien Premier ministre décédé en 2012, a lancé une véritable politique de « bond en avant » éthiopien fondé sur un développement forcené des infrastructures, des équipements et des réseaux d’échanges. Désormais, les élites dirigeantes prétendent au leadership en Afrique de l’Est, rejoignant les aspirations de Ménélik II (1889-1913), le fondateur de la Grande Éthiopie contemporaine.

Mots-clés

  • Éthiopie
  • Corne de l’Afrique
  • Kenya
  • Meles Zénawi
  • État développementaliste
  • Chine
  • hydroélectricité
  • LAPPSET
  • corridor de développement
  • puissance régionale
  • IGAD

Bibliographie

  • En ligneAbbink, J. (2011), “‘Land to the Foreigners’. Economic, Legal and Socio-Cultural Aspects of New Land Acquisition Schemes in Ethiopia”, Journal of Contemporary African Studies, vol. XXIX, n° 29, p. 513-535.
  • Atlas of the Ethiopian Rural Economy (2006), Washington, Addis-Abeba, IFPRI-CSA.
  • Bach, J.-N. (2015), False Hopes and Real Fears. The 2015 Ethiopian Elections, note 8, Observatoire des enjeux politiques et sécuritaires dans la Corne de l’Afrique, LAM, Sciences Po, Bordeaux.
  • En ligneBaumgartner, P., von Braun, J., Müller, M. (2015), “Impacts of Large-Scale Land Investments on Income, Prices, and Employment. Empirical Analyses in Ethiopia”, World Development, vol. XX, p. 175-190.
  • Bazin, M., Tapia, S. (de) (2015), « Le projet de l’Anatolie du Sud-Est (GAP) dans son contexte national turc et régional moyen-oriental », BAGF, n° 2, p. 249-272.
  • Berhane, D. (2010), “Railway to Link 49 Ethiopian Towns”, blog, 14 novembre.
  • Bjerkli, C. (2013), “Urban Services and Governance. The Case of Solid Waste Management in Addis Ababa, Ethiopia”, thèse de géographie, université de Trondheim.
  • Bogalä, A. (1996), Tallaqu séra. Yä hezbawi Wäyyané harennät Tegray, yä negd impayr [« Le grand complot. L’empire commercial du Front populaire de libération du Tegray »], Addis-Abeba.
  • Browlie, I. (1979), African Boundaries. A Legal and Diplomatic Encyclopaedia, Berkeley-Los Angeles, Hurst.
  • Coillot, M. (2010), « État et électrification en Éthiopie, étude géopolitique », master 1 de géopolitique, IFG, Paris-8.
  • Dewel, S. (2014), L’Éthiopie charismatique. Résistances et mutations d’une ancienne chrétienté ?, Paris, L’Harmattan-Aresæ.
  • Ferras, F. (2011), « La réorganisation de l’armée dans l’Éthiopie fédérale depuis 1991 : unité nationale et puissance régionale », thèse de géographie (géopolitique), IFG, Paris-8.
  • Fontrier, M. (1999), « L’ethno-fédéralisme. Retour à un État ancien », in A. Rouaud (dir.), Les orientalistes sont des aventuriers, Saint-Maur, Sépia, coll. « Bibliothèque Peiresc », p. 215-222.
  • Gallais, J. (1989), Une géographie politique de l’Éthiopie. Le poids de l’État, Paris, Économica, LSF.
  • En ligneGascon, A. (2006), Sur les hautes terres comme au ciel. Identités et territoires en Éthiopie, Paris, Publications de la Sorbonne.
  • En ligneGascon, A. (2008), « Shining Ethiopia : l’Éthiopie post-communiste du nouveau millénaire », Autrepart, n° 48, p. 141-152.
  • En ligneGascon, A. (2008), « Oublier Malthus : Éthiopie, la crise alimentaire surmontée ? », Hérodote, « Les enjeux de la crise alimentaire », n° 131, p. 73-91.
  • Gascon, A. (2012), « À l’ouest du nouveau. La ruée vers les terres “vierges” périphériques en Éthiopie », BAGF, n° 3, p. 389-398.
  • Gascon, A. (2013a), « Le ras Tafari, prince homme d’affaires », in A. Rouaud (dir.), L’Ascension du ras Tafari (1916-1930), Pount, n° 7, p. 175-191.
  • Gascon, A. (2013b), « “Les fleurs ne donnent pas de paille” : les serres florales autour d’Addis Abäba, “la nouvelle fleur” », in B. Charlery de la Masselière, B. Thibaut (dir.) Territorialités rurales des Sud en question, Toulouse, p. 49-61.
  • En ligneGascon, A. (2015), « Hydroélectricité, pouvoirs et frontières : un GAP pour l’Éthiopie ? », Bulletin de l’association de géographes français, vol. XCII, n° 2, p. 141-153.
  • Gouéry, F., Vilmer Jeangène, J.-B. (2015), Érythrée. Entre splendeur et isolement, Paris, Non Lieu.
  • Hamere-Selassie, B.-M. (2011), Le Développement de l’Éthiopie (1941-1964), Montreuil, Jahnhoy Éditions [Addis-Abeba, ministère de l’Information, 1964].
  • Ighobor, K., Bafana, B. (2014), « Finances et mégaprojets en Afrique. Un mode de financement novateur gagne en popularité et suscite de grands espoirs », Afrique renouveau.
  • Markakis, J. (1987), National and Class Conflict in the Horn of Africa, Cambridge, CUP, African Studies Series, n° 55.
  • Mwangi, I. (2015), “Kenya Hopes to Spur Investment as LAPSSET Project Unfolds (Oct. 3, 2013, 10 :39 am)”, AFK Insider, 3 juillet.
  • Ouannou, J. et J. (1962), L’Éthiopie pilote de l’Afrique, Paris, Maisonneuve & Larose.
  • Rajaonah, F. (1988), « Le Japon. Un modèle pour les intellectuels malgaches ? (fin xixe-début xxe) », Omaly Sy Anio, n° 27, janvier-juin, p. 11-19.
  • Sisay Gessesse, A. (2014), “Where will Huge State Investments Lead Ethiopia ?”, The East African, 1er décembre.
  • Sittoni, P. (2014), “Why every Entrepreneur wants a Piece of Ethiopia ?”, The East African, 22 mars.
  • Tabutin, D., Schoumaker, B. (2004), « La démographie de l’Afrique au sud du Sahara des années 1950 aux années 2000. Synthèse des changements et bilan statistique », Population, n° 3, p. 521-622.
  • En ligneVilmer Jeangène, J.-B., Gouéry, F. (2015), Érythrée. Un naufrage totalitaire, Paris, PUF.
Alain Gascon
Alain Gascon est professeur émérite à l’Institut français de géopolitique (Paris-8 et Centre de recherches et d’analyses géopolitiques) et ancien chargé de cours à l’Inalco.
Mis en ligne sur Cairn.info le 17/03/2016
https://doi.org/10.3917/afco.253.0037
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...