Ces dernières années, notre société est traversée par une forme de polarisation exacerbée, des luttes idéologiques au sein desquelles la nuance et le doute peinent à trouver leur place. L’islam, en tant qu’objet d’investissement, est ramené au cœur de plusieurs de ces luttes. Les acteurs les plus extrêmes de cette polarisation, en France, l’utilisent pour légitimer leur agressivité, voire leur destructivité, qu’il s’agisse de la « théorie du grand remplacement » ou de la nécessité de défendre la foi musulmane. C’est au sein de ce substrat idéologique, de cette conflictualité extrême et singulière, que s’ancre la clinique des adolescents judiciarisés pour « Association de Malfaiteur en vue d’une entreprise Terroriste » (AMT). Partant du suivi de certains de ces adolescents que j’ai pris en charge dans le cadre d’une obligation de soin judiciaire, je propose de considérer l’idée que la plupart d’entre eux sont aux prises avec la terreur de subir une agression et s’identifient à un « objet radical », objet véhiculé par une figure de « mentor » ou de « gourou » qui leur promet une protection face à cette terreur. Avant de développer cette hypothèse, je propose de présenter ces adolescents qui m’ont permis de la formuler.
Tout d’abord, rappelons que le phénomène de radicalisation qui a émergé en France sous l’impulsion de Daesh, à partir des années 2010, reste extrêmement marginal. D’après la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), seuls 80 adolescents ont été judiciarisés pour AMT en France entre 2012 et 2019 (Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, 2020)…