CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Pour la communauté de chercheurs en Sciences sociales de l’IRD et donc pour le Département Sociétés, « Peuple Saramaka contre État du Suriname. Combat pour la forêt et les droits de l’homme » est exemplaire à bien des égards des ambitions de nos recherches et des attitudes qui les sous-tendent. En premier lieu, dans un organisme de recherche soucieux de l’application de ses travaux, de leurs retombées, nous avons, avec le texte de Richard Price, une exigence qui prolonge cet objectif. Celle de penser et de développer une recherche impliquée et, me semble-t-il, qui le sera parce qu’elle aura été appliquée. En d’autres termes c’est parce que l’on pressent une forme d’ « utilité » de la recherche – avec modestie, dans le registre d’avancée de la connaissance, de transfert de savoirs et d’idées, d’amélioration de situations – que l’investissement du chercheur, son implication, prend tout son sens. Les interrogations sont alors les mêmes : comment transformer l’existant ? Comment agir pour, sans se substituer à ? À cette communauté de questionnements s’ajoute une singularité de la démarche. De l’application à l’implication se donne à voir la dimension politique de l’engagement qui, de scientifique, devient citoyen. C’est sans nul doute ce qui caractérise la démarche de Richard Price, qui explique et essaye de comprendre, tout en témoignant et défendant – ce que vivent les Saamaka, en situation de spoliation de terres au Suriname. Engagement qui n’est pas sans rappeler celui suscité, sur un tout autre sujet, par les inégalités d’accès aux traitements du sida provoquées, dans les pays du Sud, par les politiques des grands laboratoires pharmaceutiques. Argumentaires scientifiques (il est coûteux de ne pas traiter, économiquement irrationnel et sociologiquement risqué de faire payer les traitements) et « plaidoyers » politiques vont de pair pour bousculer les idées reçues, et surtout, provoquer des remises en cause.

2 Cet ouvrage est aussi remarquable car il offre une nouvelle lecture de questions au cœur de préoccupations de recherche de nombre de sciences sociales à l’IRD. Je pense ici aux questions posées par l’accès à la terre et à la citoyenneté (ici, des descendants d’esclaves). Des thématiques de recherche travaillées depuis de nombreuses années à l’IRD, dans divers contextes en Afrique, en Océanie et en Amérique latine et qui s’insèrent, plus largement, dans un champ de réflexion sur la question des frontières que l’IRD souhaite appuyer, ces recherches étant menées au croisement de regards disciplinaires − géographie, sociologie, anthropologie, économie ou encore histoire.

3 Enfin je conclurai ce bref propos en me félicitant, d’une part, que ce livre puisse inaugurer une nouvelle collaboration entre les Editions de l’IRD et Karthala, entre le CNRS et l’IRD, à travers la collection “Esclavages” du CIRESC, et, d’autre part, qu’il consolide les bases d’un réseau de recherche sur la question de l’esclavage, entre le CNRS et l’IRD.

Laurent Vidal
Directeur du département Société de l’IRD
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Mis en ligne sur Cairn.info le 02/12/2015
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