La conférence intitulée : « Une catégorie de l’esprit humain : la notion de personne, celle de “moi” » donnée en français à Londres par Marcel Mauss à l’automne 1938 a duré moins d’une heure mais, malgré sa brièveté, la portée de ce texte s’est avérée des plus considérables ; Meyer Fortes qui était venu ce jour-là avec Evans-Pritchard chercher Mauss à son hôtel pour ensuite assister à la conférence, déclarait trente-trois ans plus tard : « La notion de la personne au sens maussien est intrinsèque à la nature et à la structure mêmes de la société humaine et du comportement social humain partout . » En 1985, Nick Allen n’hésitait pas à écrire que, « si on le lit attentivement, il est pour sa longueur le texte anthropologique le plus riche, le plus “total” que l’on puisse trouver  ». En résumé, « il n’est pratiquement aucune réflexion anthropologique, sociologique ou historique consacrée à la personne qui ne fasse référence au célèbre essai  ».
Quelle est donc la notion maussienne de la personne ? On en chercherait en vain la définition dans le texte où le mot « personne » y est par surcroît rarement employé seul, mais très souvent accolé à « moi », à « personnage », à « individu », ou même remplacé par « personnalité ». Comment comprendre une telle « désinvolture » terminologique ? Est-ce parce qu’« il avait trop d’idées pour exprimer complètement l’une d’entre elles… et qu’il prit de moins en moins soin de communiquer son expérience en la traduisant avec tout le développement nécessaire en langage scientifiqu…