Du droit moderne de la terre à son appropriation sociale dans les villes maliennes, le tracé des lotissements urbains donne matière à réflexion sur les transferts de modèles juridiques, techniques et gestionnaires à l’œuvre depuis le début du 20ème siècle. Le morcellement du sol engage ainsi une analyse de l’Etat dans sa dépendance à l’égard de sources d’inspiration et de bailleurs de fonds extérieurs. Ces figures imposées font-elles l’objet d’une « digestion » par les sociétés coloniales et post-coloniales ? C’est ce que la contribution tente de montrer en se référant à un processus d’« indigénisation » multidimensionnel, dialectique et évolutif. La fabrique historique de la ville articule des référents coutumiers, des modes de sélection des élites lignagères, économiques et politiques, et des pratiques populaires d’anticipation, de détournement et d’irrégularité. Elle définit bien une expérience au long cours de modernisation en demi-teinte et de modernité de compromis. Elle permet également de comprendre le dernier rebondissement de cette dynamique composite depuis les années 1980. Avec l’ajustement structurel, la gestion foncière néo-libérale se fonde sur des termes de référence mondialisés ; les juridictions et normes administratives d’inspiration française cèdent le pas aux Projets de la Banque mondiale. De l’ère du parti unique au nouveau régime du multipartisme et de la décentralisation communale, l’allocation des parcelles à bâtir et la régularisation des quartiers spontanés font apparaître de nouvelles contradictions orientées par l’évolution de l’Etat et du clientélisme maliens.
Chapitre
L’accès au sol et sa gestion dans les villes du Mali interrogent l’appropriation sociale du droit moderne. L’État contemporain et sa récente décentralisation se trouvent du coup questionnés du fait du rôle central que les pouvoirs publics, soudanais puis maliens, jouent à l’égard des sociétés locales dans l’édiction et la mise en œuvre des règles foncières et de l’urbanisme : réquisition, changement d’usage et redistribution du sol notamment. La production du cadre de vie urbain se fonde en effet sur le tracé des lotissements domaniaux en vertu d’influences juridiques, techniques et gestionnaires à l’œuvre depuis le début de la colonisation française.
Les communes urbaines du Mali inspirent à cet égard de vives polémiques dans les dernières décennies : morcellements clandestins, objectifs de régularisation foncière dévoyés, mises en causes judiciaires d’édiles. Mais par delà cette actualité chaude, il convient bel et bien d’inscrire les enjeux liés à la reconversion du sol dans les continuités longues de l’histoire urbaine et dans la problématique des transferts de modèles soulevée par les regards croisés France / Mali. Celle-ci a d’abord inspiré les recherches francophones consacrées au foncier en Afrique, il y a vingt ans. Les logiques coloniales et postcoloniales qui affectent la modernisation des systèmes productifs y sont abondamment discutées mais essentiellement à propos du monde rural.
S’attacher à une temporalité séculaire n’évacue pourtant pas l’intérêt de considérer la chronique des dernières années…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 05/06/2018
- https://doi.org/10.3917/kart.gemd.2005.01.0321
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