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Le chômage des jeunes n'est pas une singularité française. Depuis la crise économique de 2008, il frappe diversement les jeunes Européens. Comment font nos voisins ?

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Le chômage des jeunes en 2008 et 2011

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Le chômage des jeunes en 2008 et 2011

ITALIE : À l'ère des «adulescents»

2En Italie, près d'un jeune de 15 à 24 ans sur trois est au chômage. Conséquence de la difficulté à trouver un emploi stable, de jeunes Italiens sans indépendance économique cohabitent de plus en plus tardivement avec leurs parents. Il n'est pas rare de voir de jeunes hommes, surtout, vivre au domicile parental à 30 ans.

3Ce phénomène consacre l'émergence d'une génération d'« adulescents ». Outre le contexte économique difficile, l'absence de politique sociale et d'aide au logement pour les jeunes explique aussi cette situation des « bamboccioni ». Comme en Espagne, la famille est devenue une réponse à la faiblesse des politiques publiques en faveur de l'insertion des jeunes. En Italie, pays où les salaires en début de carrière sont parmi les plus bas d'Europe, les parents continuent d'assister financièrement leurs enfants même lorsque ces derniers ont fondé une famille.

4À LIRE

5Anna Stellinger (dir.), Les Jeunesses face à leur avenir. Une enquête internationale, Fondation pour l'innovation politique, 2008.

DANEMARK : Le «modèle» scandinave

6Avec environ 14 % de chômeurs chez les 15-24 ans, le Danemark est dans une situation intermédiaire en Europe. Certes plus touchés par le chômage que les jeunes Allemands, les jeunes Danois le sont toutefois moins que les jeunes Français, Italiens ou Espagnols. Cette situation s'explique en partie par le « modèle » d'intégration sociale de la jeunesse.

7La période 18-30 ans est en fait pour les jeunes Danois une phase d'expérimentations multiples et de cheminement personnel. Les parcours d'études longs et discontinus sont fréquents  : les jeunes alternent - ou cumulent - volontiers périodes d'études, expériences professionnelles, recherches d'emploi, reprises d'études ou séjours à l'étranger. « Il s'agit de faire son ?ego-trip? avant de fonder une famille et d'entrer dans la conformité adulte », explique la sociologue Cécile Van de Velde.

8L'État danois a une politique sociale de soutien à l'autonomie des jeunes adaptée à cette configuration. Une allocation directe et universelle garantit la survie économique du jeune adulte indépendamment des ressources parentales.

9En outre, dans le pays de la « flexicurité », la flexibilité sur le marché de l'emploi est compensée par une longue indemnisation en cas de chômage, qui permet aux jeunes travailleurs d'avoir un horizon relativement sécurisant.

ALLEMAGNE : L'apprentissage sans le chômage

10Avec moins de 9 % de chômage chez les jeunes de 15 à 24 ans, l'Allemagne tire son épingle du jeu. Le moteur économique de l'Union européenne a depuis longtemps misé sur un large panel de mesures d'accompagnement des étudiants à l'insertion professionnelle  : les clubs Alumni, réseaux professionnels de jeunes diplômés, les séminaires de conseil aux futurs créateurs d'entreprise organisés dès l'université, les formations pratiques complémentaires au diplôme principal, etc. Grâce à ces mesures d'accompagnement, les étudiants s'insèrent globalement bien - avec des nuances selon le cursus suivi - sur le marché du travail.

11Autre atout de l'Allemagne  : sa politique d'apprentissage. Formation professionnelle proposée dès le secondaire, alternant école et travail en entreprise, l'apprentissage permet à nombre de jeunes Allemands de s'insérer tôt sur le marché du travail.

12Mais en période de crise, les clivages sociaux et professionnels resurgissent. Le chômage des jeunes a ainsi connu une légère hausse en Allemagne en 2008-2009. Si cette hausse a été maîtrisée depuis, les jeunes apprentis, moins diplômés, ont été les plus touchés par le chômage pendant cette période de ralentissement économique.

ROYAUME-UNI : Pays de la lost generation  ?

13Au Royaume-Uni, plus d'un jeune de 15-24 ans sur cinq est actuellement au chômage. Le pays que l'on croyait être l'Eldorado des jeunes travailleurs - à tel point que de nombreux jeunes Français s'y expatriaient - est dans une situation économique incertaine depuis la crise financière de 2008. Dans ce contexte sont apparus des emplois plus précaires, occupés en premier lieu par les jeunes. Cette situation alimente un relatif pessimisme de la jeunesse « quant à la possibilité d'avoir un bon travail dans l'avenir », soulignent Andy Furlong et Fred Cartmel de l'université de Glasgow. Une étude britannique de 2010, The Prince's Trust YouGov Youth Index, évoque même une lost generation (génération perdue).

14Pour tenter de répondre à ces difficultés croissantes d'insertion, les gouvernements successifs ont mis en œuvre des dispositifs d'aide à l'emploi. En 2009, le gouvernement de Gordon Brown avait ainsi instauré le Backing Young People (Soutien à la jeunesse) pour sensibiliser les employeurs aux difficultés d'insertion des jeunes, et le Young Person's Garantee (Garantie pour le jeune) dans l'optique d'assurer un emploi, une formation, un stage à chaque jeune de 18 à 24 ans au chômage depuis plus d'un an. En 2011, ces dispositifs ont été remplacés par le Work Programme du gouvernement de David Cameron à destination des chômeurs de moins de 25 ans.

Justine Canonne
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Mis en ligne sur Cairn.info le 22/02/2012
https://doi.org/10.3917/sh.234.0005
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