CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Chez de nombreux patients, des symptômes du Covid-19 persistent plusieurs semaines après l’infection. Ce phénomène, dit « Covid long », intrigue et inquiète, mais la recherche et la prise en charge s’organisent.

figure im1
Le Covid long, une maladie aux contours flous.

1Fatigue, difficulté à l’effort, troubles de la mémoire… la liste des symptômes attachés à ce que l’on connaît sous le nom de « Covid long » est sans fin. De fait, l’OMS en a référencé plusieurs dizaines dans une récente publication dédiée à ce qu’elle préfère nommer « état post-Covid ». Quels qu’ils soient, ils ont en commun, selon la définition retenue, en France, par la Haute autorité de santé, d’être compatibles avec la phase aiguë de l’infection par le SARS-CoV-2, documentée ou non par une PCR ou une sérologie, de persister au-delà de quatre semaines et de n’être explicables par aucun autre diagnostic. Ces définitions varient selon les instances et les pays, et aucune n’est figée. Face à une affection aussi difficile à cerner, on comprend que patients et cliniciens s’interrogent et même s’inquiètent. Une chose est sûre, les symptômes sont là. Il n’en demeure pas moins que de nombreuses questions restent en suspens.

Un enjeu majeur

2D’abord, combien de personnes sont concernées ? À en croire plusieurs études épidémiologiques, 10 à 30 % des individus ayant développé un Covid-19, indépendamment du caractère sévère ou non de la maladie, sont susceptibles de présenter des signes de Covid long. En France, ce serait donc au moins 1 million de malades.

3Le problème est donc majeur et risque de devenir un enjeu de santé publique, même si l’impact sur la vie sociale et professionnelle reste encore mal évalué. Néanmoins, une étude a montré que parmi les malades qui consultent en centre de prise en charge dédié, 30 à 50 % se retrouvent au moins transitoirement en arrêt de travail ou en temps partiel thérapeutique. S’ajoute à ces difficultés celle de l’acceptation de la pathologie, non encore clairement reconnue, vis-à-vis de la CPAM, de l’employeur, de la famille, des amis. La première étape pour y remédier passe par un diagnostic reconnu.

4Comment procède-t-on aujourd’hui ? Faute de marqueurs biologiques fiables, mettre un nom sur la maladie reste compliqué. Mais le corps médical s’organise, comme l’explique Jérôme Larché, médecin et référent d’un centre Covid long à Montpellier. La première étape consiste en un interrogatoire ciblé et calibré, suivi d’une série de tests et d’examens : scanner pulmonaire, échographie cardiaque, IRM… L’objectif est à la fois de mettre en évidence des anomalies et d’éliminer d’autres pathologies qui n’auraient rien à voir avec le Covid-19. Au terme de ce processus, les patients se voient attribuer un Covid long lorsque quelques semaines après l’infection ils présentent toujours des symptômes anormaux. Ceux qui ont plus de cinq manifestations lors de la phase aiguë auraient une plus forte probabilité d’être atteints.

5La deuxième étape de l’acceptation passe par la politique. Dès février 2021, une résolution parlementaire visant à reconnaître et prendre en charge les complications à long terme du Covid-19 a été votée. Et, plus récemment, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a organisé une audition publique sur ce thème. Selon Olivier Robineau, infectiologue au centre hospitalier de Tourcoing et premier auditionné, l’objectif était de faire le point sur les problématiques médicales et de recherche afin de statuer sur la prise en charge des patients. L’accent a été mis sur la recherche scientifique, notamment pour élucider les mécanismes du Covid long. Que sait-on à ce sujet ?

6Parmi les mécanismes identifiés, et ne s’excluant pas entre eux, on trouve par exemple la persistance virale. De fait, chez certains patients ayant une PCR et une sérologie négatives, mais des symptômes persistants, des SARS-CoV-2 ont été retrouvés par exemple dans le bulbe olfactif. Le Covid long serait alors une infection à bas bruit ponctuée de résurgences un peu à la façon d’un zona. Les cas seraient toutefois rares.

7Une autre piste est celle des microthromboses, c’est-à-dire l’obstruction de petits vaisseaux sanguins, par exemple au niveau de la barrière hématoencéphalique, la frontière entre circulation sanguine et système nerveux central, comme cela a été montré en octobre 2021. Les microhémorragies et les déficits en oxygénation qui en résultent expliqueraient, au moins en partie, certains troubles neurocognitifs observés. Cette idée est corroborée par des anomalies du cerveau observées lors de tomographie par émission de positrons chez une proportion non négligeable de patients, parfois jeunes, présentant des symptômes de Covid long.

8D’autres mécanismes proposés mettent en jeu le système nerveux autonome dont le dysfonctionnement peut altérer l’état non seulement neurologique, mais également cardiovasculaire, respiratoire et digestif…

9Une étude parue en novembre 2021, très contestée notamment par des associations de patients et certains chercheurs, a quant à elle mis en évidence que les symptômes persistants seraient plus associés au fait de croire d’avoir été malade du Covid que d’avoir réellement contracté le coronavirus. Cette étude ne nie pas la réalité des symptômes ni même leur éventuelle association au Covid-19, mais elle souligne le risque de surattribution des symptômes au SARS-CoV-2 et émet l’hypothèse d’un rôle possible dans la persistance des symptômes de causes non spécifiques au coronavirus, comme des troubles fonctionnels.

10La multiplicité des symptômes laisse supposer qu’il y a plusieurs causes, probablement en interrelation. Le plus important, rappelle Cédric Lemogne, chef du service de psychiatrie de l’hôpital Hôtel-Dieu, à Paris, un des auteurs de l’étude, est que les patients et leurs associations se sentent reconnus, que l’on n’exclue aucune hypothèse et que toutes puissent être évaluées scientifiquement.

11Alors seulement la définition du Covid long (un nom forgé par les patients), ou peut-être des « Covid longs », s’affinera et l’on pourra mieux aborder le versant thérapeutique de la maladie. De fait, aujourd’hui, l’arsenal consiste essentiellement en des traitements symptomatiques, par exemple de l’aspirine contre les péricardites. Parallèlement, le nombre de centres de diagnostic et de soins doit croître : on en compte actuellement une dizaine en France contre au moins quatre-vingts en Grande-Bretagne. Les progrès se feront de façon simultanée sur tous les fronts, ceux de la recherche, des traitements, de la prise en charge, de la reconnaissance par la société, du diagnostic…

Loïc Mangin
Mis en ligne sur Cairn.info le 08/02/2022
https://doi.org/10.3917/pls.532.0006
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Groupe Pour la science © Groupe Pour la science. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...