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Grâce à la combinaison de deux techniques de pointe, une équipe est parvenue à supprimer toute trace du virus du sida chez des souris modèles infectées.

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Le VIH (en jaune) cible les cellules du système immunitaire, tel ce lymphocyte (en bleu). Dans certaines, nommées « réservoirs », il est capable de rester en dormance, échappant ainsi aux thérapies actuelles.
© NIAID

1S’il n’existe à ce jour aucun moyen de guérir une personne atteinte du sida, des traitements empêchent le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), responsable de la maladie, de se répliquer. Toutefois, celui-ci persiste dans un état dormant au sein de l’organisme. Aussi ces thérapies antirétrovirales (ART), lourdes, doivent-elles être prises à vie, sans quoi le virus se « réveille » et l’état des patients s’aggrave. De nombreux efforts sont donc déployés pour mettre au point un traitement efficace et définitif contre le VIH. Une équipe dirigée par Howard Gendelman, de l’université du Nebraska à Omaha, aux États-Unis, et Kamel Khalili, de l’université Temple, à Philadelphie, vient ainsi d’obtenir des résultats encourageants : elle a supprimé toutes traces du virus chez des souris modèles infectées.

2Le VIH, qui touche les cellules immunitaires, est capable d’intégrer son matériel génétique dans leur génome et d’y demeurer dans un état latent. C’est par ce biais qu’il résiste à l’action de divers traitements et ressurgit si la thérapie antirétrovirale est interrompue. Dans de précédents travaux, l’équipe de Philadelphie avait développé une technique d’édition génétique pour supprimer dans l’ADN certains fragments indésirables, comme les séquences du VIH. Les chercheurs avaient utilisé le complexe moléculaire nommé CRISPR-Cas9, qui fait office de « ciseaux génétiques ». Toutefois, ils s’étaient rendu compte que, utilisée seule, cette approche n’éliminait pas l’ensemble des virus présents dans l’organisme.

3Parallèlement, l’équipe d’Omaha avait développé une autre technique, dite de thérapie antirétrovirale à libération lente et à action prolongée (LASER-ART). Elle consiste à administrer une substance antirétrovirale utilisée en ART classique non plus sous forme de comprimé, mais confinée dans des nanocristaux hydrophobes et lipophiles, lesquels traversent facilement les membranes des cellules jusqu’aux réservoirs viraux les plus difficiles d’accès – des tissus et organes où le virus demeure en grand nombre dans un état latent. Les nanoparticules y relâchent alors progressivement le médicament pendant plusieurs semaines.

4Dans leur nouvelle étude, les chercheurs ont combiné ces deux approches chez des souris modifiées pour produire des cellules immunitaires humaines et infectées par le VIH. Ils ont traité ces animaux par LASER-ART, puis ont édité le génome de leurs cellules grâce à CRISPR-Cas9. Résultat : huit semaines après le traitement, un tiers des souris examinées ne présentaient plus aucune trace de matériel génétique viral dans le génome de leurs cellules immunitaires.

5Les chercheurs estiment que la combinaison de ces deux méthodes constitue une avancée prometteuse dans la quête d’un traitement durable et définitif contre le VIH. Ils prévoient de tester leur approche sur des patients humains lors d’essais cliniques dans les mois à venir. « L’étude est intéressante et novatrice » commente Asier Sàez-Cirion, qui dirige le groupe Réservoirs et contrôle viral à l’institut Pasteur. « Toutefois, le modèle de souris humanisée est limité, car de telles souris sont dépourvues des réservoirs anatomiques humains majeurs du VIH. On peut aussi s’interroger sur l’efficacité du traitement à long terme. Enfin, il reste à déterminer si l’édition génétique n’engendrera pas d’effets délétères chez les personnes dont l’état de santé se maintient grâce à l’ART. »

36,7 MILLIONS
C’EST LE NOMBRE DE PERSONNES PORTEUSES DU VIRUS DU SIDA RECENSÉES EN 2016 PAR L’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ.
  • P. K. Dash et al., Nature Communications, vol. 10, article 2753, 2019
William Rowe-Pirra
Mis en ligne sur Cairn.info le 03/01/2022
https://doi.org/10.3917/pls.503.0014
Pour citer cet article
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