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On peut reprogrammer certaines cellules du pancréas pour qu’elles produisent de l’insuline et pallient l’absence de leurs consœurs habituellement responsables de cette fonction.

Dans ces pseudo-îlots de cellules α humaines, les cellules produisent du glucagon (en bleu) mais aussi de l’insuline (en rouge). Des traceurs (en vert) ont permis de vérifier l’origine de ces cellules.
© Pedro Herrera, Unige

1En 2014, dans le monde, 422 millions de personnes étaient atteintes de diabète. Près de 10 % de ces cas sont des diabètes de type 1, une maladie qui apparaît chez les enfants et les jeunes adultes lorsque leur pancréas ne produit plus assez d’insuline. En temps normal, cette hormone responsable de l’assimilation du glucose par l’organisme est sécrétée par les cellules β situées dans les îlots de Langerhans, des structures du pancréas. Mais les personnes atteintes du diabète de type 1 développent une réaction auto-immune qui détruit ces cellules. Actuellement, le principal traitement consiste en des injections régulières d’insuline. Toutefois, une nouvelle étude dirigée par Pedro Herrera et Kenichiro Furuyama, de l’université de Genève, montre que certaines cellules pancréatiques humaines disposent de la plasticité nécessaire pour changer de fonction et produire l’insuline manquante.

2Des études précédentes avaient déjà démontré cette plasticité cellulaire chez la souris. Pour vérifier qu’elle existe également chez l’humain, Pedro Herrera et ses collègues ont travaillé sur des îlots de Langerhans issus de donneurs diabétiques et sains. En particulier, ils se sont intéressés à d’autres cellules de ces îlots, très similaires aux cellules β : les cellules α, qui sécrètent une hormone hyperglycémiante, le glucagon, et les cellules γ, qui produisent l’hormone polypeptide pancréatique. Dans ces cellules, les chercheurs ont déclenché l’expression de deux gènes (PDX1 et MAFA), qui sont nécessaires au développement, à la maturation et à l’activité de synthèse d’insuline des cellules β, et qui sont normalement dormants dans les cellules α et γ.

3Les chercheurs ont alors reconstitué des pseudo-îlots composés uniquement de cellules α ou de cellules γ. Une semaine plus tard, plus d’un tiers des cellules α produisaient de l’insuline et la sécrétaient en réponse à la présence de glucose, et les cellules γ en faisaient tout autant, voire plus efficacement. L’équipe genevoise a ainsi montré qu’il était possible de reprogrammer ces cellules pour qu’elles comblent l’absence de leurs « consœurs ».

4Afin de vérifier la durabilité de ces modifications, les auteurs de l’étude ont transplanté ces pseudo-îlots reconstitués chez des souris diabétiques. Résultat : leur glycémie s’est stabilisée, même plus de six mois après la transplantation. Lorsque les pseudo-îlots ont été retirés, la glycémie s’est de nouveau déséquilibrée.

5Dans ces expériences, les cellules α ont conservé leur identité cellulaire originale. Mais du fait de leur nouvelle capacité de production d’insuline, risquaient-elles d’être victimes d’une réaction auto-immune similaire à celle qui détruit les cellules β chez les personnes atteintes de diabète de type 1 ? L’équipe de Genève a alors cultivé ces cellules conjointement avec des cellules immunitaires de personnes diabétiques et a observé une réaction de toxicité limitée.

6Face à l’inefficacité et à la lourdeur sur le long terme de traitements tels que l’injection quotidienne d’insuline, la greffe d’îlots ou de pancréas, ces travaux offrent une piste thérapeutique prometteuse. Cependant, les chercheurs doivent d’abord trouver un moyen de stimuler ces adaptations cellulaires directement dans le pancréas des patients, sans causer d’effets secondaires sur d’autres cellules.

  • K. Furuyama et al., Nature, en ligne le 13 février 2019
William Rowe-Pirra
Mis en ligne sur Cairn.info le 03/01/2022
https://doi.org/10.3917/pls.498.0014
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