Chapitre
Voici une vingtaine d’années disparaissait Roger Bastide. Il avait acquis plus de renommée au Brésil — son lieu de 1938 à 1951 — qu’en son propre pays. La séparation, l’accès retardé aux positions académiques parisiennes, le décalage par rapport aux confrontations idéologiques des années cinquante lui furent un handicap. Il y avait ces circonstances, et tout autant la distance qu’il sut maintenir entre ce qui lui importait et les concessions à accepter pour entretenir la notoriété.
L’évocation de Bastide aide à mesurer ce qui peut faire défaut aujourd’hui, alors que les sciences sociales s’attachent toujours davantage à des pratiques de « métier », à une activité qui multiplie les « professionnels ». Il reçut la formation et la consécration philosophiques avant de devenir sociologue et anthropologue. Il disposa pour cette raison du savoir nécessaire à la bonne et stricte exploitation des données de l’expérience. Il fut préservé de l’enfermement dans un seul espace disciplinaire, et mieux à même d’éviter les pièges de la théorisation aventureuse comme ceux de l’empirisme autosatisfait.
Roger Bastide était un « homme de culture », pour employer à juste propos cette formule maintenant tombée en désuétude. Il avait le goût de l’écriture, il la pratiquait en révélant les qualités d’un poète et d’un essayiste. Il se montrait curieux de toutes les formes de l’art : tout ce qui faisait de la création un chemin de la connaissance sollicitait son attention. C’est en cela qu’il plaçait le savoir scientifique sous différents éclairages, en manifestant ainsi des aspects que la pratique trop spécialisée ignorait…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 19/02/2016
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