La « citoyenneté visuelle » est le sentiment d’appartenance que confère le regard. Les drapeaux nationaux, les portraits de saints et les images de monuments historiques aident à définir l’identité de communautés partout dans le monde. De telles images de ralliement peuvent soit perdurer, soit se perdre dans les méandres de la foi, de la fortune ou de la mode. La citoyenneté visuelle est résolument fluide, comme le sont tous les aspects de l’identité et du destin collectifs ; de fait, de nouvelles façons de voir le monde aident les gens à faire face au malheur, même dans les moments où ils célèbrent les triomphes de la vie, aussi éphémères soient-ils. Les contributions à la citoyenneté, qu’elles soient visuelles, narratives, ou sous la forme de spectacles artistiques, convergent toutes pour former des processus sociaux mieux compris sous le terme de refabulation.
Dakar a fait l’objet d’une profonde refabulation depuis la fin des années 1980, du fait notamment de l’émergence de nouveaux visages et de lieux singuliers, nés de souvenirs très longtemps ignorés. La refabulation renvoie au choix de mythes et de références adaptés aux besoins de ceux qui croient en de telles transformations. Grâce à des changements initiés par les jeunes, de nombreux monuments et rues de Dakar, à l’origine dédiés à des Français, ont été rebaptisés pour célébrer la mémoire de héros africains et de certains faits historiques marquants ; et si les vestiges du projet colonial sont encore visibles, c’est parce que les Sénégalais on…