Chapitre
Dans notre saga, Élisa apparaît comme un parent pauvre. Son physique, sans être ingrat, ne l’avantageait point : « Jamais femme ne renia comme elle la grâce de son sexe : c’était à croire qu’elle portait un déguisement », persifla la duchesse d’Abrantès. « Désagréablement pointue », disait-elle aussi. De profil, on aurait dit Napoléon ou Lucien. Le teint pâle, longiligne, cheveux aile de corbeau, pupille sombre et masque autoritaire, elle n’avait a priori rien d’engageant. Tandis que ses deux sœurs, Pauline, la Vénus de Canova, et Caroline, la reine de Naples, brillaient, elle passa inaperçue. Sa bibliographie est plutôt mièvre comparativement à ses deux cadettes, et aucune légende ne vient embellir ou écorner son histoire. Ses passions furent intellectuelles, ses goûts éclectiques – plutôt sages – et ses amours contenues. Elle fut la première de sa fratrie à disparaître (1820), à l’âge de quarante-trois ans, presque dans l’indifférence générale. Amateurs de romans historiques, épiques et hauts en couleur, passez votre chemin, pourrait-on écrire. Et pourtant on aurait tort d’ignorer cette discrète. Sans bruit, elle réforma efficacement en terre italienne. Aimant le pouvoir non point pour paraître, mais bien pour l’exercer, elle possédait une autorité naturelle qui n’était pas sans rappeler celle de Napoléon. Bienfaitrice des arts, elle fut aussi la première femme à devenir une sorte de haut fonctionnaire avant l’heure quand elle fut désignée par son frère comme gouverneur général de la Toscane, une région qu’elle convoitait depuis fort longtemps, insatiable ambitieuse qu’elle était…
Plan
Auteur
html et feuilletage (par chapitre) Ajouter au panier
- Mis en ligne sur Cairn.info le 08/09/2021
Veuillez patienter...